Annonce de service. Je recherche pour une soirée comédie-pizza entre potes mal-logés, entassés, endettés sur 40 ans ou attendant leur attribution HLM depuis 8 ans, la vidéo du discours du président le 2 février à Longjumeau sur le thème de l'immobilier.
Pour le moment, je ne dispose que de
cette vidéo de l'AFP où il apparaît, à 6 secondes, que
le président signe lui-même d'un "le chantier est arrêté" le forfait dont
Europe1.fr accuse ce matin ses services de com':
avoir fait venir des ouvriers, qui ne travaillaient pas ici ou pas ce jour-là, pour faire de la figuration lors de sa visite pour que
les caméras captent quelques moments de complicité virile entre président et prolos.
Mais on aurait tort de s’arrêter à la forme. Le contenu de la visite est bien plus risible que la mise en scène de campagne du président bâtisseur. Regardons le texte du discours (rapport que la vidéo, à l'inverse des poignées de main aux ouvriers, est mystérieusement indisponible). Il est d'un comique consommé pour celui s’intéressant à l'action du président dans le domaine, ou plutôt de ses baltringues parachutés en charge du machin, depuis 5 ans.
Jugez plutôt (avec quelques modestes notes de lecture):
Morceaux choisis du discours du président sur le logement, Longjumeau 2 février 2012.
"Je suis venu pour évoquer au fond l'une de vos principales préoccupations. C'est la question du logement." [Merci gars, qu'est-ce qu'on ferait sans toi.]
[...]
"On dépense désormais plus de 20 % de ses revenus pour se loger." [J'en suis à 40%, mais on me dit souvent que je suis un précurseur].
"Le logement doit être notre priorité [...] mais je pense qu'il faut que l'on change de vitesse et que l'on change également de raisonnement." [Ah.]
I"l faut bien le dire, quand on pose la question du changement, et je parle sous le contrôle de Benoist Apparu, tous les professionnels s'inquiètent." [Et il y'a de quoi : Benoist Apparu n'ayant pas l'once du début d'une quelconque compétence sur le sujet.]
"Parce que l'on s'est habitué, dans notre pays, à ce que l'Etat subventionne massivement la pierre, [Enfin surtout celle de ceux qui ont les moyens de se l'offrir] subventionne massivement la personne [Note l'amalgame] pour des résultats qui ne sont pas à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'en attendre."
[...]
"Le sentiment d'appauvrissement des classes moyennes vient très exactement de cette situation : avec le même salaire, on peut de moins en moins se loger car le prix du logement augmente.[Bon diagnostic, certes un poil tardif.] C'est incontournable, c'est une réalité." [
Sacrées classes moyennes! Répétons-le: il n'y a pas de classe moyenne. Il y'a des riches et des pauvres. Et entre les deux, des gens qui prennent la défense des uns ou des autres. Et s'endetter sur 30 ans quand on gagne le smic avec la conviction que l'on va revendre son pavillon en papier mâché cinq fois le prix dans trois ans, c'est jouer 1 / contre ses intérêts 2 / contre les intérêts de sa classe puisque ça fait mécaniquement monter les prix].
"Depuis 2007, nous avons développé l'accession à la propriété avec certains résultats [rires] C'est bien, mais à ce rythme-là on n'arrivera pas à faire de la France une France de propriétaires." [Zut raté, on essaye quoi Henri ? La "France des locataires" ?]
"Nous avons démultiplié l'offre de logements sociaux." [Suffit de le dire, surtout en surfant sur les logements sociaux validés à la construction sous Jospin. Dans le même temps, notre glorieux Monarque a surtout démultiplié l'offre de pauvres]
[...]
"Le problème, c'est que si vous réalisez beaucoup de logements sociaux en plus, mais que les gens y restent une fois qu'ils l'ont obtenu parce qu'ils ont peur de ne pas trouver ce qu'il faut dans le secteur privé, vous ne résolvez pas le problème de la demande qui va sans cesse croissant." [Bah, si les loyers étaient un minimum encadrés, on n'en serait peut-être pas là mon mignon]
[...]
"Il y a également le problème des loyers [Je l'aime bien mon président, il sait voir les problèmes surtout après une offensive socialiste sur le sujet]. L'une des premières réformes que j'avais été amené à conduire, c'est d'indexer les loyers sur l'inflation et non plus sur le prix de la construction, c'est-à-dire sur le prix du pétrole. Entre 2007 et 2001, les loyers ont augmenté de 5%, 1,2% par an, moins que l'inflation. [Bon là, visiblement notre président n'a pas déposé de dossier pour louer un deux-pièces depuis longtemps. A Paris, les prix au mois de 2007 sont devenus les tarifs à la semaine en 2012]. [...]
Cette nouvelle politique d'indexation n'a pas bloqué l'investissement locatif et elle n'a pas bloqué la construction." [Et encore moins les spéculateurs qui ont open bar pour faire à peu près tout et n'importe quoi avec la bienveillance appuyée du Monarque. D'ailleurs, avec sa dernière fausse bonne idée de dimanche les tarifs ont potentiellement pris 30% de plus, mais nous y reviendrons.]
"Je vois que certains proposent aujourd'hui de bloquer les loyers. [Oh la racaille gauchiste et rétrograde voulant empêcher cette incontournable libéralisation de la société moderne ne nous apportant pourtant que bonheur et prospérité]. [...] Le blocage des loyers, on l'a connu, on l'a expérimenté après la première guerre et après la deuxième guerre."
"Tout le monde se souvient de l'appel de l'Abbé Pierre en 1954, eh bien cet appel de l'Abbé Pierre en 1954 disant « il n'y a pas assez de logements en France », c'est six ans après la décision de la loi de 1948 qui bloquait les loyers et qui faisait fixer le prix des loyers par décret."[Ouais bien dit ! Et le "trou" de la Sécu, c'est faute au CNR, z'avaient qu'à pas la faire. Raclure rouge.]
[...]
"Il est vrai, et je demande à Nathalie Kosciusko-Morizet et à Benoist Apparu de réfléchir [merde, c'est foutu] à cela, que les Allemands ont mis en place un système pour bloquer les loyers qui sont supérieurs de 20% à la moyenne au moment de la relocation. Autant je suis opposé au système généralisé du blocage des loyers, autant s'il y a des abus, c'est le rôle de l'Etat d'empêcher ces abus." [La réflexion sur le sujet on l'a connait, c'est la taxation sur les micros surfaces locatives validant en creux le fait que l'on peut vivre à 12 dans 9 m2. Nous pensons ici qu'il faut au contraire taxer l'espace construit, mais vide.]
[...]
"Maintenant, il faut que l'on passe à une vitesse supérieure sur la construction. Comment faire pour que nous-mêmes, nos enfants aient plus facilement accès au logement ? Il faut massivement développer la construction.
[Nous sommes ici au coeur du paradigme libéral: La France est pétée de logements inoccupés, 10% les plus riches s'accaparent la moitié du patrimoine, mais l'important ce n'est pas de loger d'urgence les gens mais de leur faire construire des bâtiments].
Pour développer la construction, nous allons agir sur deux grands leviers. Le premier levier, c'est de baisser le coût du travail parce que si le travail coûte moins cher, cela coûtera moins cher de construire des logements." [Bah tiens, la crise du logement c'est la faute à notre COM-PE-TI-TI-VI-TE. Pas aux rentiers ni aux proprios véreux qui n'iront pas en Rehab, non, non, non.]
[...]
"...Et puis il y a une autre façon, faire baisser les prix. Parce que si l'Etat doit solvabiliser une demande avec des prix qui sont continuellement à la hausse, cela veut dire que l'Etat ne peut jouer qu'avec son déficit. Et il ne le peut plus."
[donc RIP le PTZ+, coûteux joujou précédent du président qui faisait sa fierté il y'a peu.]
[...]
"Les prix ont doublé depuis 2000, voire triplé dans certaines zones tendues.
[NDLR: "zone tendue": quartier où les riches ne veulent pas que les pauvres habitent] [...]
Ces niveaux de prix sont trop élevés et ne peuvent pas perdurer parce que sinon on va aller vers deux France: une France de ceux qui peuvent se payer un logement et une France de ceux -- de plus en plus nombreux -- qui ne pourront plus se payer de logement." [Décidément on va de révélation en révélation. J'espère que Serge Dassault, présent dans la salle, prend des notes].
"Le défi est donc considérable. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire baisser les prix." [Bon, là celui qui suit un peu l'action sur le logement de ce gouvernement, s'appliquant depuis cinq ans à souffler dans la bulle pour que sa cible électorale ne perde pas ses 10% à l'année de valorisation de ses biens, ne pourra s’empêcher de faire pipi dessus.]
D'ailleurs, toute honte bue, le président le reconnaît:
"Parce que le marché de l'immobilier est en pleine surchauffe. Le secteur du logement a absorbé une masse considérable d'argent au cours des dix dernières années, qui n'a fait qu'alimenter la spéculation." [La phrase la plus lucide qu'il n'aura jamais eue sur le sujet. Bien que par la suite, il associe sur la même ligne comptable l'endettement privé des ménages et le financement des HLM. Bien sûr, c'est tout pareil]
Plus tard, dans un moment extatique de (et on peut l'écrire pour une fois sans galvauder l'expression) gros Lol des familles, il hausse le ton:
"C'est trop commode, cela fait trop d'années que le secteur est sous perfusion d'avantages fiscaux ou de subventions. La France doit réduire ses dépenses et doit réduire son déficit. Cela ne peut pas continuer comme cela. [dixit l'homme aux 75 milliards de cadeaux fiscaux].
Les professionnels du bâtiment et les prometteurs, les ministres les ont vus, je les verrai moi-même s'il le faut. [Tu m'étonnes, vu leurs appels du pied répétés]
Je leur dis une chose: ne pensez pas qu'à coup de dispositif Scellier, de prêt à taux zéro, de subvention dans tous les sens, le système puisse continuer. Cela n'est pas pensable et ce n'est pas acceptable." [Que François Hollande fasse gaffe, Le Monarque le concurrence sur la vanne.]
Donc, show devant, le président de la pierre pas chère a sa solution pour réduire les prix:
"Cette mesure consiste à autoriser 30% de mètres carrés en plus sur l'ensemble des terrains et des constructions existant aujourd'hui." [dont nous vous rappelons qu'elle sert essentiellement les intérêts des proprios qui pourront ainsi agrandir leur pavillon, et de quelques promoteurs qui pourront bâtir plus dans des endroits où personne n'habite. Elle offre surtout un effet immédiat: bloquer les ventes des terrains dans l'attente de leur valorisation de 30% supplémentaires].
Et voilà notre président, qui veut faire New-York à Paris, citant du Céline:
"La question qui est posée est celle-ci: c'est celle de la densification. Souvent, en France quand on parle de densification, on raisonne tours et quartiers épouvantables à vivre. Ceux d'entre vous qui ont été aux Etats-Unis, est-ce qu'il y a en a un seul qui s'est dit à Manhattan [ou comment résumer La France à la Tour Eiffel] - c'est trop dense et ce n'est pas beau ? C'est juste magnifique. Vous savez, c'est cette phrase de Céline dans "Le Voyage au Bout de la Nuit," quand Bardamu arrive aux Etats-Unis, chez nous les villes sont couchées, ici elles sont debout." [Sans parler des 30 logements sociaux qu'on pourrait faire dans les combles de l’Élysée ou, plus simplement à Neuilly, commune figurant parmi les champions du non-respect de la loi SRU].
Mais la question qui est posée, c'est: est-ce qu'on peut continuer à gâcher du foncier en ne construisant pas le nombre de mètres carrés qu'on pourrait construire sur ce foncier disponible ? ["Foncier disponible" en langage présidentiel = foncier se surajoutant a du foncier déjà construit. "Foncier disponible" en langage Seb Musset = foncier déjà construit, mais inoccupé].
[...]
"Ce que je ne peux pas accepter, c'est que quand l'Espagne connaît la crise, les prix de l'immobilier baissent et donc le pouvoir d'achat des gens ne se trouve pas éloigné de l'achat potentiel puisque les prix baissent. [En même temps, si les prix de l'immobilier chutent en Espagne et aux Etats-Unis, c'est qu'il y a eu surconstruction et surendettement généralisé. L'endettement individuel pour devenir propriétaire c'était son projet de campagne en 2007. Ça a foiré. En toute logique, il nous sert la surconstruction en 2012].
Alors je voudrais, j'en parle avec passion parce que je crois que le logement c'est vraiment un problème de la vie quotidienne [jure], que tout ce qui avait été essayé avant cette mesure n'a pas marché." [peut-être, mais c'est une hypothèse de blogueur, parce qu'on y laisse aux manettes des gens déconnectés des réalités autres que celles du profit exponentiel.]
Bon, l'ami de Martin Bouygues enchaîne ici sur une longue dissertation de philosophie Mickey Parade, autour du beau et du laid visant à justifier la libéralisation du code de l'urbanisme pour construire n'importe quoi n'importe où, dont je vous fais grâce.
"Et je voudrais dire aux élus une dernière chose : attention à ne pas opposer ceux qui ont un logement et ceux qui aimeraient en avoir un." [dixit l'homme de la "France des propriétaires"]
[...]
"J'ai vu qu'on proposait de donner gratuitement à toutes les communes les terrains de l'État. Je ne vois pas au nom de quoi les provinciaux, les habitants de banlieue, devraient subventionner la Ville de Paris, avec l'État qui donnerait à la Ville de Paris ses terrains pour zéro centime..." [D'ailleurs, je ne vois pas non plus pour quoi des travailleurs financeraient la retraite d'autres travailleurs. Quant aux concepts de sécurité sociale et d'éducation pour tous, ils sont très discutables, car déséquilibrés. Pourquoi ceux qui ont de l'argent devraient payer pour ceux qui en ont moins, je vous le demande M'ame Chabot ?]
[...]
"Mon objectif est très clair,[garder le pouvoir] c'est que les Français puissent se loger pour moins cher, puissent acheter leur logement pour moins cher en augmentant l'offre de logements, pour qu'il y ait davantage de choix et que ce choix corresponde au pouvoir d'achat des classes moyennes." [Mais du choix, il y'en a plein les journaux d'annonces. Enfin sauf à Paris, où l'on se résout progressivement à ne louer que du pied-à-terre pour touristes. Pour le "moins cher", commençons par la taxation puis la réquisition l'ensemble des habitations vides de ce pays sur "le marché" et, en moins de cinq ans, ce sera une affaire en grande partie réglée et nous pourrons enfin passer à autre chose.]
"...le marché du logement [et oui la thématique a beau s'appeler "logement" et plus "immobilier", il n'en reste pas moins "un marché"] n'a pas les moyens de faire autrement. C'est la solution qui a été empruntée dans tous les pays qui ont réussi, [NDLR : Espagne, Angleterre, USA... Les trucs qui vont au niveau immo quoi] c'est la solution que nous voulons pour notre pays."
[...] Je vous remercie."
Passé le rire jaune que provoque chez moi ce
discours du "choc d'offre" suite à la "
prise de conscience"
médiatico-politique qui a lieu, une semaine chaque hiver, dans la foulée de la
publication du rapport de la
fondation Abbé Pierre, je vous laisse juge de ce cette ubuesque déclaration d'intention
d'un président-candidat-mais-pas-candidat. En revanche, ces mesures ne feront globalement qu'empirer les choses tout en ne solutionnant rien à court-terme.
La question est cruciale et il l'a sciemment
piétinée durant des années pour enrichir la clique des vendeurs de crédit et autres promoteurs, tout en chouchoutant ses électeurs proprios (ce qu'il fait encore aujourd'hui avec les 30% du COS), tandis que se multipliaient les situations de mal-logement (dont 700.000 SDF
qu'il promettait de réduire à 0 en 2007) et
une crise affectant directement 10 millions de Français sur tout le territoire.
Crise qui, malgré les apparences, touche aussi des propriétaires lourdement endettés, a qui notre président martèle depuis des années, épaulé par la machinerie publicitaire des marchands,
le discours de l'enrichissement par la propriété.