11 juin 2010

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Monarchie et mensonges #1 : Une France de propriétaires

L’argument définitif du primo-accédant, excédé qu'on lui rappelle qu'il s’endette sur une génération, est souvent :

"- Je veux transmettre un patrimoine à mes enfants."

Ah les enfants... Quelle vie de baudet sommes-nous prêts à endurer pour leur laisser un monde qui, grâce au cumul de l'égoïsme, de la couardise et de l'atomisation de nos petites ambitions génériques, deviendra tellement mieux une fois que nous n'en serons plus ?

Avec le souci de l'ameublement décalcomaniaque unique et exceptionnel mais dans les limites du M6decotoléré, un des mantras du proprio est donc « ce sera à toi mon fils ».

Les vendeurs d'argent l'ont bien compris. Certains prétendent même qu'ils ont crée le concept marketing.

Soyons optimistes. Suivons ce petit raisonnement et attendons tranquillement qu'en deux ou trois générations tous les français deviennent ainsi propriétaires et que cette terre promise par le monarque de quiétude patrimoniale sans inégalités devant le logement se concrétise enfin.

Plus-values, droits de succession et taxes notariales ne seraient plus alors que souvenirs et l’utopie écologiste d’une urbanisation purement corrélée au nombre de naissances, une réalité. Finies les crises dues aux méchants prêts subprimés, les agents immobiliers rejoindront les files d'attente du Pôle-emploi et la spéculation foncière sera réduite à peau de chagrin. Plus personne ne serait dans l’hystérie de possession ou la terreur de perdre…. les endettés du logement seraient une de ces espèces mortes, comme le retraité ou le fonctionnaire, exterminée par un cataclysme de bon sens en milieu libéral.

Croyez-vous donc braves proprios que cette hypothèse représentant un tel manque à gagner, soit sérieusement envisagée par les vendeurs du concept « d’accession à la propriété » ?

Peu importe les marées noires, la soif de la pierre, à l'instar de la nouvelle bagnole tous les deux ans et du "meustave Ailletèque" est un puits de pétrole à pomper jusqu'à la dernière goutte.

Là maintenant, nous pourrions déjà avoir une France de « propriétaires » si elle était inscrite dans une loi de type « un français un toit » avec garantie pour chaque individu venant au monde de se voir attribuer un quota de mètres carrés, dont il ferait ce que bon lui semble.

Absurde ? Pas plus que la situation que nous expérimentons : Des types qui fourmillent toute une vie pour des pavillons qui s'émiettent en deux fois moins de temps qu'il ne leur faut pour les rembourser, des rentiers qui s'épaississent leurs "retraites en péril" en aspirant par le loyer la quasi intégralité des revenus des jeunes générations, des trentenaires en intraveineuse parentale qui gonflent la bulle locative, de moins nantis qui s'entassent en taudis tandis que d’autres sont dégagés du pied dans la rue faute d'appartenir aux catégories ci-dessus. (Trucs et astuces : on peut facilement passer d'une catégorie à l'autre dans le sens de la descente.)

Au milieu, foultitude de cas particuliers prenant sur eux le fait d'avoir été complices d'un rêve de dupes. Pêle-mêle citons ces couples qui ne se parlent plus mais sont obligés de vivre ensemble sous le même toit parce que n'ayant pas les moyens de vivre séparément, le culte de la colocation chez les jeunes (et maintenant chez les vieux) comme idéal de vie à la cool histoire de faire passer la pilule de l'entassement surtaxé, deux heures d'embouteillage matin et soir dans les gaz d'échappement au nom d'"un meilleur cadre de vie" ou encore ces salariés en camping-car, dormant dans une voiture ou bivouaquant dans leurs bureaux.

La promesse d'une France des propriétaires est un mensonge monarchique absolu. Une France de propriétaires poussée au bout de son raisonnement marquerait un violent ralentissement des inégalités de logement. Manque de bol, les inégalités, générant compartimentage et rivalités, sont une des priorités (avec le copinage et la manipulation des masses) de ce régime monarchique usant de la république pour servir clefs en main, dettes au pied, des peuples à des marchés. Il faut du chaos et des inégalités pour susciter peur et désir chez le prospect (aussi connu sous le nom de citoyen.)

Tant que tu rêves d'acheter, qu'on te le permet et qu'en retour tu es pieds et poings liés pour des décennies, pas de violents soulèvements à redouter de ta part. Tu assures servilement la rente des banquiers, avec une garantie suprême en cas de défaut de paiement : ta baraque.
La France des propriétaires selon le monarque se concevait ainsi : Quelques grands propriétaires servant de modèles à une bonne poche de rentiers arrosés de privilèges, beaucoup d’endettés se rêvant rentiers mais vivant soumis et fragilisés, beaucoup de locataires qui engraissent au choix grands propriétaires, rentiers ou remboursent les endettés qui à leur tour engraissent les banques à la sueur de leurs rêves télé-évangélisés.

Il s'en est passé des choses en trois ans, des crises financières et monétaires. Les rêves des uns et des autres, eux, n'ont pas changé.

Toi qui désires acheter pour transmettre à ton enfant, sois prudent. Il n'est pas "absurde" d'imaginer que grâce à l'ingéniosité de ton ennemi banquier, surfant sur tes peurs et tes désirs au nom d'une patrimoine solide que tu désires laisser à ta descendance, tu ne lui lègues à cette dernière qu'une dette diluée sur deux générations.

15 comments:

Nicolas Jégou a dit…

Excellent billet : j'approuve totalement ta vision de la société. Et je ne dis pas ça pour que tu me payes une bière ce soir, hein !

Je me suis souvent fait les mêmes réflexions en observant ma famille et l'évolution des générations...

Constantin a dit…

Ouais mais non quoi. C'est l'envie sociale qui te fait parler comme ça. Et l'envie sociale c'est le mal. Ça débouche sur le communisme. Et puis il faut faire les nécessaires réformes sans tabou, merde, si tu veux.

Anonyme a dit…

Excellent billet , très bonne vision de cette société de super-consommation-devenue-tellement-égoiste!!!!!et tellement con.....nanougk

ZapPow a dit…

Ça fait quelque temps déjà que je me dis que le fameux droit de propriété, en ce qui concerne le foncier, devrait être aboli, et remplacé par un droit constitutionnel au logement.

cdg a dit…

c est sur que "leguer a ses enfants" c est un pur concept marketing. Failles:
a) l heritier n habitera probablement pas ou est le logement dont il herite (ou ca ne plaira pas a madame). -> vendre ou louer :L immobilier c est pas facile a vendre (ca prend du temps et ca coute cher). Louer c est aussi complique quand on habite loin
b) s il y a plusieurs heritiers, va falloir soit vendre soit que l un des enfants indemnise les autres (pour semer la zizanie, y a rien de mieux)
c) l habitat moderne est d une telle qualite, que le fiston, il va heriter de ruines ...
d) demandez a la personne qui dit qu elle achete pour ses enfants, a quelle age elle pense mourir. En fance c est environ 80 ans. DOnc vos enfants auront environ 50 ans ... Autrement dit ils auront une bonne partie de leur vie derriere eux. Et s ils ont besoin d une aide parentale, c est au debut, pas a + de 50 ans...

Anonyme a dit…

C'est exactement ça, servir des peuples aux marchés... Et les asservir en leur faisant croire que ça vrai, là, ce qu'ils voient au fond de la caverne...

Anonyme a dit…

Dans cet article Sébastien Musset dénonce l'hypocrisie du slogan 'Une France de propriétaire'
A mon humble avis, sa vue est très juste et devrait faire réfléchir plus d'un d'entre nous.
Car cette recherche du bien matériel ultime que l'on acquiert soit disant pour le transmettre à sa descendance est un objectif sans grande valeur humaine et tout à fait pernicieux:
Pernicieux déjà dans le mesure ou c'est plus par égoïsme, par besoin de confort, par recherche d'un surmoi que chacun vise à cette possession; accessoirement on transmettra ce bien à ses enfants !
Pernicieux parce le coût de cette acquisition est de plus en plus démesuré pour la majorité d'entre nous. Il faut savoir qu'il n'y aurait qu'1% de la population française ayant un patrimoine de plus de 400.000 euros environ ! Du coup, les efforts consentis pour acquérir son logement sont financièrement énormes et empêchent d'avoir d'autres objectifs plus intéressants, plus gais, plus vivants, plus humains.
Pernicieux parce que l'héritage d'un bien immobilier accroit considérablement l'inégalité entre riches et pauvres; celui qui nait dans une famille qui lui lègue un bien important est favorisé par rapport à celui qui ne reçoit rien.

Si je pouvais refaire le monde, je serais partisan de la suppression de l'héritage. Tout bien immobilier acquis reviendrait à l'état à notre mort. Cette acquisition de bien prendrait alors une toute autre signification: en fait l'acquisition serait toujours limitée et s'apparenterait à une location très longue durée. Le bailleur étant l'état on peut également espérer moins de passe droits, moins de sélection raciste, et moins d'abus sur les prix...
Voir mon blog http://lasersite.over-blog.com pour la suite

Anonyme a dit…

"Je veux transmettre un patrimoine à mes enfants" ... Hoouuua ! Il faut bien calculer son coup !

;-)

Il faut mourir pile-poil au moment où les enfants vont chercher un logement ? Ça veut dire qu'il faut les avoir quand ? Et si ça ne leur convient pas (entreprise délocalisée, etc.) ? Tu parles d'un cadeau...

À la limite "transmettre un patrimoine aux générations futures", ça, c'est plus intelligent !

Anonyme a dit…

"les agents immobiliers rejoindront les files d'attente du Pôle-emploi"

faux ! il y aura toujours des gens pour acheter et vendre de toute manière, soit pour des raisons professionnelles soit pour des raisons personnelles (envie de changer de lieu, etc.)

Et puis au final faut-il mieux être propriétaire (ou plus exactement locataire de la banque JUSQU'A ce que l'on ait terminé de rembourser), ou continuer à verser chaque mois un loyer par la fenêtre ?

Personnellement je pense que c'est l'extrême qui doit être combattu, autrement dit ce marketing du "faire envie au prolo d'une maison démesurée dont on est sûr qu'il sera totalement incapable de rembourser mais on ne lui dit pas pour faire marcher le bizz", qui est en grande partie responsable de la crise mondiale actuelle.

Anonyme a dit…

Beau comme du Baudelaire, tellement vrai.
L'occident a perdu 10 ans dans cette ânerie. 10 ans ô combien précieux...

Dommage.

Mais le retour de bâton se profile : la Silicon Valley commence à se mourir faute de pouvoir loger ses ouailles, Paris ne fait plus rêver personne et Londres est redevenue abordable, après avoir atteint des sommets. Quand au Japon et à l'Allemagne, s'y loger n'y est plus un soucis depuis longtemps.
Tout les pays nordique et du Sud qui monté cette arnaque pyramidale vont le payer cash : leurs jeunes vont se barrer, point.

Intéressant en ces temps de débat sur les retraites.

Anonyme a dit…

Ce qui devrait être combattu (mais qui ne le sera jamais) c'est surtout la position dominante de certains lobbys,
qui impose au "prolo" tout comme à la "classe moyenne" de payer toujours plus
et de gagner toujours moins.
Autrement dit c'est tout le système qui doit être revu depuis le départ (et qui ne le sera jamais).
Tout le système = tout ce que les gens ont dans la tête.
Tant que les gens seront réceptifs à la publicité, soumis à l'ordre des apparences
et à genoux devant le fric, le problème restera le même.
Donc rien ne risque de bouger.

A propos, je viens de lire une étude sur les médias qui met en évidence que
malgré Internet, les français n'ont jamais autant regardé la télé.

Un peu avant, un article sur le marché de la mode qui "connait pas la crise",
les "classes moyennes" (autrement dit : les pauvres) qui tapent dans le marché des fringues de luxe, etc.

J'espérais d'Internet un changement : il n'a pas eu lieu.
J'espérais de la crise un sursaut : il n'a pas eu lieu.

Maintenant j'espère pouvoir retrouver des raisons d'espérer...

Anonyme a dit…

bravo seb pour ce billet

bientôt une nouvel vidéo?

laetSgo a dit…

pfff...un site de cocos ! abolir la propriété privée ???? WTF ! et pis vivre en communautés, hippie-style pendant que vous y êtes ! et pourquoi pas à Tarnac en autarcie/autonomie en plus ! irrécupérable....
en même temps, ce serait bien quand même :-)))

PS : Seb, me semble que tu avais fait un billet comparant le "coût" de la location vs l'achat il y a qqs mois ou je confonds ?

Seb Musset a dit…

@laetSgo > Un quota de metres carrés ne siginifie pas l'abolition de la propriété privée mais un toit minimum garanti pour chaque citoyen.

En revanche, cela stopperait considérablement la spéculation du peuple contre le peuple dans le domaine. (on la retrouverait sur des critères géographiques...)

Loc ou proprio, c'est un long débat, fait de cas particuliers et de spécificités géographiques. J'avais fait un billet sur mon cas perso sur 10 ans (ville / province / France / étranger) dont une des conclusions était : Locataire ou "proprio" le critère numéro un, c'est de ne pas subir son logement.

Habitation ou conso, j'ai une disposition mentale totalement réfractaire à l'endettement ;)

De +, vu le contexte, je suis persuadé que les proprios sont les prochaines vaches à lait fiscales. Ca commence déjà avec les réglementations sur l'isolation, et les bilans machins-choses...

Abdellatif Housni a dit…

Merci pour ce résumé de la société actuelle, vivement l'essoufflement ou atterrissage (forcé ?)

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