"Suite aux propos ouvertement antisémites tenus par l’humoriste Dieudonné visant notre confrère Patrick Cohen, diffusés jeudi 19 décembre dans le cadre d’un reportage de l’émission Complément d’enquête sur France 2, la direction de Radio France a décidé de signaler ces faits à la justice. Le procureur de la République jugera s’il ouvre ou non des poursuites judiciaires à l’encontre de Dieudonné." France Inter
Je n’avais pas spécialement goûté la sortie de Patrick Cohen sur les « cerveaux malades », pourtant j'ai ressenti un rare moment de malaise en visionnant ce moment du spectacle de Dieudonné, diffusé dans l'émission Complément d'enquêtes sur France 2, appelant les pieds sous le bureau à son extermination. Le comédien justifie ainsi les propos du journaliste six mois plus tôt.
On me dira : "tu comprends pas, c’est de l’humour". "C’est un bras d’honneur au "système"". "Ça secoue". "Desproges faisait pareil".
Sûr que ça change de l’humour sur les couches culottes, la drague en boîte et le café en capsules constituant désormais 99% de l’humour national. Est-ce pour autant drôle ? Non, c’est à chier.
Ne pas voir de quoi il en retourne précisément est, au choix, 1 / de la complicité 2 / de la crétinerie 3 / les 2. Je ne vois pas où est "l'honneur" dans l'appel à l'extermination d'individus au nom de leur religion (souvent juste supposée) et, à part l'intelligence et mes cours d'histoire, ça ne secoue pas grand-chose.
Et arrêtons d'insulter Desproges (et de faire parler les morts en général). Desproges jouait sur le fil avec l’érudition de son public, Dieudonné surfe sur la bêtise ambiante en sautant à pieds joints dans la boue. Le problème de l'humour de Dieudonné n'est pas tant de quoi il traite, mais ce vers quoi il tend. Desproges faisait rire, Dieudonné fait du fric et ce dernier point a chez lui, toujours, précédé le premier. Si être antisémite rapporte, il sera antisémite. Bien que chez lui, on ne saisisse plus très bien ce qui répond de la conviction ou de l’intérêt.
Je n’accablerai pas non plus Dieudonné. Faute de dialogue initial (épisode du sketch chez Fogiel), on l’a, comme d’autres, passablement rendu timbré. Ça n’excuse en rien ses propos, mais explique une partie de la spirale dont il est désormais l'heureux prisonnier. Il semble aujourd’hui trop tard (et pas assez rentable pour lui) pour faire machine arrière.
Le plus inquiétant n'est pas Dieudonné, mais ceux s'esclaffant goguenards de son antisémitisme (de façade ou pas) ou le relativisant dans un gloubiboulga mental où tout se vaut, où l'individu se trouve réduit à sa religion prétendue, où tout, rigoureusement tout, trouve son origine dans le grand complot judeo-maçonnique visant à faire taire les esprits "libres" en tête desquels on retrouve Raël, Les Schtroumpfs et Dieudonné.
Alors que faire pour contrer cette vague obscurantiste, branche bâtarde mais néanmoins robuste de l'abrutea-party ? De la pédagogie ? Des actions judiciaires ?
La désormais célèbre triplette de Quimper : Quenelle + bonnet rouge + Sweat Manif pour Tous.
Si ces actions en justice sont indispensables, elles sont trop isolées et centrées sur un camelot rusé qui s'en sert de vitrine marketing. Que représente une amende de cinq mille euros face à dix Zenith plein à craquer ? Un faible investissement publicitaire.
S'il est un des seuls à tirer un profit financier de la libération de la parole par le bas (dont on peut dater la source à la mise en orbite médiatique d'un certain Sarkozy), Dieudonné est loin d'être le seul en cause.
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Comment condamner Dieudonné et ne pas s’attarder sur les commentaires de ses fans sur Youtube, ailleurs sur Facebook, ou encore les tweets racistes et homophobes, ou même sur les commentaires des lecteurs du Figaro souvent bien plus explicites ? La loi est claire à ce sujet : la manifestation du racisme ou un discours d'incitation à la haine peuvent conduire ses auteurs à un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (de "la grosse quenelle de 45.000" en langage dieudosphère).
Tu trouveras un assortiment sur ce site.
Tant qu'il n'y a pas de véritable offensive juridique sur le vide-ordure de la parole 2.0, s'attaquer seulement à Dieudonné est inutile, voire contre-productif.
Il faut traiter l'internaute lambda, qui se prend pour un rebelle en lâchant sa haine bien planqué derrière son avatar, comme l'on traite Dieudonné. Ni plus ni moins. Voilà qui changerait probablement la donne et ferait réfléchir à deux fois avant d'appeler à gazer les juifs ( - "au nom de la liberté d’expression t’voua, parce ce qu'on est des purs pas dans le système t'voua. MDR. Zut, je vais rater Danse avec les stars.").
En plus, ce serait l’occasion de tester la solidarité financière de l'humoriste envers ses disciples : c’est vrai, à bien y regarder, c’est toujours dans l’autre sens que l'argent circule.
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