En effet, après trois ans de captivité par AQMI, les ex-détenus ont eu l'idée (séditieuse entreprise pour le moins anti-patriotique) de descendre de l'avion à Villacoublay sans bouteille de Beaujolais sous le bras, ni chapelets de saucisson autour du cou comme c'est l'usage en Gaule depuis la création des Hauts-de-Seine par Jeanne d'Arc (si si, je l'ai lu
dans Valeurs Actuelles).
Pire encore. Certains des
terrori, euh
ex-otages, étaient affublés d'une barbe. Oui mesdames et messieurs, une barbe : comme l'auteur de ce blog, Carlos, le chanteur, et Dieu le père ! Pire, d'autres plus suspects portaient un chèche. Madame Le Pen apprécie peu
ce laisser-aller vestimentaire quand on passe à la télé devant des millions de Français. D'ailleurs, question barbier, elle préfère quand c'est
propre et net, et qu'il n'y a
aucune équivoque possible.
Il ne fallait pas plus que cette suggestion d'otages devenus musulmans (puisqu'il s'agit de cela en toile de fond) pour que les médias embrayent toute la journée sur, je cite, "la bourde" de Marine Le Pen. De la Une du Monde dans l'après-midi, le "dérapage" dérape jusqu'au JT de 20h du service public où il sera traité avant le cas des otages eux-mêmes.
(commentaire du journaliste :
""Elle casse le consensus". En vous remerciant.)
Keep calm et reprenons les choses dans l'ordre :
1 / Il n'y a pas plus de "dérapage" que de "bourde".
Sous-entendant qu'il y a islamisation des otages, Marine Le Pen, s'adresse d'abord à son électorat
.
Qu'il s'agisse de l'électorat acquis :
- Le xénophobe de base, excédé par
la "normalisation" du FN, qui a besoin que le parti lui redonne sa dose quotidienne de peur du mahométan.
- Le comploto-timbré, bercé un peu trop près de la télé, en sevrage
depuis sur Facebook.
Qu'il s'agisse de l'électorat potentiel :
- Scoop : une bonne partie de la droite
n'aime quand même pas trop la barbe et les chèches.
2 / Avec cette sortie matinale, la présidente du FN, évoluant avec agilité dans son biotope médiatique, sait qu'elle occupera les ondes durant 24 heures (voire 48 avec le jour férié). L'information continue n'est qu'un feuilleton dont flemme et pyrotechnie sont les deux piliers narratifs : Marine Le Pen fournit les épisodes. Au final, ses messages codés, ou pas, atterrissent invariablement en tête des JT (à deux doigts de lui organiser une cellule de soutien psychologique pour son "dérapage").
3 / Car, Madame Le Pen, s'offre également la possibilité d'une seconde séquence, dite du remords, où elle pourra s'expliquer, interpréter l'incomprise, dupée, forcément, par des médias "qui cherchent toujours la petite phrase" (qu'elle leur donne à chaque fois).
4 / Avec
le pitch de Homeland lu le matin même dans
TéléZ, la chef du FN, réussit donc à parasiter une actualité qui lui est totalement étrangère (la libération d'otages français après de longues négociations), coupant l'herbe sous le pied du Président (et oui, on ne parle plus que d'elle). Et le lendemain à la même heure, son bras droit
remet le couvert.
Enfin,
5 / Ce point curieux (il n'a pas été l'objet de l'ombre d'un début de remarque dans l'agitation du jour) : si c'était le cas,
en quoi la conversion personnelle ou l'adoption d'une religion par un otage serait un problème pour la nation ?
Illustration : The Barber, Coen Bros (2000)
Nouveau livre, L'abondance.
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Disponible ici en papier ou ebook.
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