27 août 2022

La fin de l'abondance ? Si seulement...

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« Je crois que ce que nous sommes en train de vivre est de l'ordre d'une grande bascule ou d'un grand bouleversement (...) Nous vivons la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance ».  La fin de l’abondance ? On doit reconnaître à Macron le sens de la formule et l’impulsion lapidaire donnée aux rédactions à l’issue du premier Conseil des Ministres de la rentrée. 

La phrase de Macron intervient après un été climatique particulièrement éprouvant, mais surtout au bout de six mois, presque jour pour jour, du début de l’offensive russe sur l’Ukraine et des sanctions économiques décidées par l’Union européenne (sous la présidence du dit Macron) envers le méchant Poutine. Sanctions unilatérales et non discutées dont nous savions à l’époque que les peuples d’Europe seraient les premières et principales victimes. Avec une inflation européenne à deux chiffres, une explosion des coûts de l’énergie et la peur de plus en plus visible sur la tête de nos dirigeants d’une révolte populaire (qui serait fort légitime), notre leader-cyborg dont le business model était jusqu’à la semaine dernière la croissance aveugle quitte à en faire crever la planète, après une baffe de Poutine, nous prépare à la vie humble, aux quotas électriques, énergétiques et aux limitations de circulation pour, bien évidemment vous l’avez deviné, le bien-être de la planète. Reste que la phrase, prononcée depuis le palais de L’Elysée alors que le cyborg descend de son jet-ski encore chaud, peut interpeller une bonne moitié des français (le revenu médian de ce pays est à 2000 euros / mois) qui n’a pas encore vu le début de cette abondance. Simple question de curseur, répondra Macron et il aura raison. L’abondance c’est aussi avoir de la lumière en appuyant sur un bouton et de l’eau potable qui coule a profusion en tournant un robinet dans sa maison. 


Ne pensez pas que Macron s’adresse aux pauvres qui se sont adaptés jusque-là et continueront à le faire. Il s’adresse à la seule catégorie à laquelle il s’adresse toujours : les boomers à bonne retraite. Il leur sort un discours de rationalité écologique pour préparer le terrain au carnage social et sociétal qui va s’abattre (un peu plus) sur les jeunes générations et plus directement leurs enfants, ces derniers survivants, à grands renforts de crédit et de salariat de merde, de la glorieuse classe moyenne, synonyme de progrès mais d’abord de confort et de sécurité, du siècle dernier. Que Véran, qui a menti tout au long du pataquès Covid promettant à un peuple terrorisé qu’il n’y aurait pas de pass vaccinal avant de l’imposer, soit aujourd’hui le porte-parole de l’Élysée si prompt à assurer qu’il n’y aura pas de pénurie énergétique cet hiver est l’indice le plus sûr de la mèche de 250 qu’on va prochainement nous enfiler de force. 

Ne parlons pas de « crise » pour le Covid ou l’Ukraine, une crise est par définition un évènement ponctuel. Dans les deux cas, nous avons à faire ici à des prétextes à un mode de gouvernance de longue traîne. Comme le pataquès Covid a été une formidable opportunité de policer et fliquer la population, le pataquès ukrainien sera une nouvelle ouverture pour réaliser ce vieux rêve que l’on trouve au fond de tout président démocratiquement élu : assigner une population docile et culpabilisée dans une zone restreinte. On peut prendre dans tous les sens, c’est exactement ce qui se trame. À ce rythme-là d’inflation, mais surtout de hausse du coût de l’énergie, ce n’est pas la fin de l’abondance mais très rapidement la fin tout court de ce que l'on a connu. Entre les voitures électriques que l’on va nous forcer à acheter et qui nous couteront une vie de salaire à recharger, ainsi que les quotas énergétiques qui vont inévitablement - avec la meilleure conscience du monde - faire de notre quotidien d’assistés technologiques un enfer, le futur va se dessiner pour la plupart sous étroite surveillance. 


Face à cette nouvelle donne, deux tendances peuvent très vite se dégager dans la population : 
 - D’un côté, ceux qui rentreront dans le rang, rendront des comptes en permanence et accepter le rationnement et les « pass » énergétiques (ça peut aller très vite, on a fait le plus gros du boulot) et donc de liberté d'action et de déplacement. Ne rêvez pas, si on cible médiatiquement les jets d’une poignée de milliardaires aujourd’hui, c’est pour mieux vous faire avaler des restrictions pour vous. 
 - de l’autre côté, ceux qui vont vivre « en dehors du progrès » (comme avant quoi). À terme, ils ne seront plus raccordés à aucun réseau officiel d’eau, d’électricité ou d’information. Ils seront stigmatisés, probablement diabolisés. Toute ressemblance avec un bouleversement social précédemment vécu n'est pas fortuite. 

La fin de l’abondance ? Mais mon couillon, je n’attends que ça. Mais seulement si elle s’articule à une perte totale de technologie et une réappropriation par l’individu de son existence et de celle de sa famille, avec une relégation de l’Etat en lointaine périphérie de nos vies. Faites vos jeux et des plantations, la partie ne fait que commencer. Soit chacun fait de tout cela une opportunité pour changer de vie et de société, soit chacun s'accroche aux ruines du monde d’hier qui n’en finit pas d’agoniser (ce que nous faisons depuis deux décennies) et ce ne sera que malheur et regrets. 

Les plus fidèles lecteurs se rappelleront que la précédente version du blog, il y a dix ans, s’appelait :  Après l’abondance.

Retour sur le film : Martin et Léa (Alain Cavalier, 1979)

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"Martin et Lea" d’Alain Cavalier (1979) avec Xavier Saint-Macary et Isabelle Ho. En parallèle d’une vague intrigue policière qui l’intéresse peu, Cavalier filme le quotidien d’un couple d’un soir qui devient amoureux au fil des jours. Xavier et Isabelle sont ensembles dans la vie et cela se sent. La force du film réside dans la capture de ces moments de complicité, du brossage de dents aux scènes d’amour où seuls les visages sont filmés, les sons captés. Ces moments qui appartiennent à tous, communs à chacun, et finalement si peu représentés dans le cinéma. Le film se conclut sur le ventre rond d’Isabelle Ho qui attend leur enfant (dans le film comme dans la vie). 

On m’a souvent parlé de ce film, comme précurseur malgré lui de la "télé-réalité".  Il est vrai que c’est une oeuvres les plus attachantes filmées par Cavalier. De son aveu, il voulait filmer le bonheur. On y retrouve d'ailleurs le ton, sans l'esthétisme, du "Bonheur" d'Agnès Varda, tourné une décennie tôt. A la lumière du drame personnel qu’il a vécu quelques années plus tôt, "Martin et Léa"' a presque une dimension spirituelle et religieuse et préfigure la troisième période, introspective et plus intimiste, de la filmographie de Cavalier. Que Xavier Saint-Macary et sa compagne Isabelle soient morts quelques années quelques années plus tard, à moins de quarante ans chacun, rajoute au trouble éprouvé au fil des scènes de ce bonheur simple, à l'universalité de ce qui nous est montré. Le film n’a l’air de rien et il est tout. Il sera intact, vivant et non démodé, parfaitement émouvant dans deux siècles, quand tant d’autres oeuvres, aujourd'hui encensées et incontournables, seront oubliées.


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