J'y vois dans ce grand thème ignoré (ou plutôt mal traité) qu'est le logement, une raison essentielle.
Au bout de 20 ans de montée de prix de l'immobilier et de course acharnée à la propriété, de bombardement d'émissions sur le cocooning décoratif, de volonté d'enrichissement par la pierre et de l'impératif propagée au sommet de l'état de faire de chaque français l'entrepreneur individuel d'un "projet immobilier", un constat: les centres-villes se vident des classes populaires et des revenus moyens. Paris est évidemment le summum urbain de cette ghettoïsation de classe et devient la cible favorite des discours du FN, à travers les fantasmagoriques "velibiens" et autres "bobos parisiens"[1], nouvelles cibles au second tour d'un Sarkozy en panique stigmatisant désormais les habitants du Boulevard St-Germain qui (mais nous ne sommes plus à un n'importe quoi près de sa part) ont pourtant voté pour lui à 45%. Je rassure la province: être pauvre à Paris n'est toujours pas un luxe. Et niveau confort bourgeois, marques et déco, j'observe souvent du nettement plus sophistiqué dans des pavillons de territoires reculés que je n'en croise dans les appartements pourris de la capitale. Allez comprendre.
Une classe d'âge bercée par la télé, soucieuse d'être propriétaire au plus vite, s'est lancée dans la vie active rompue aux mauvaises payes. Le coït à crédit passé pour le salarié condamné à la boucler, la prédominance culturelle d'un modèle parisien friqué, véhiculant à longueur d'émission sa réalité, son entre soi, sa façon de voir et penser, renforçait la frustration d'après-boulot dans ces parcs enclavés à jeunes proprios ruraux découvrant un peu tard que le vice caché du confort "bobo", version propriétaire sans cagnotte, se paye au prix de l'isolement.
En 2012, la valorisation idéologique de la propriété servie depuis quinze ans par le triptyque banques / promoteurs / médias montre enfin ses limites.
Limites financières et géographiques. Les ménages sont très endettés, leur manque de mobilité lié au remboursement d'un crédit long et l'impossibilité de revendre sans perdre d'argent devient un vrai frein pour l'emploi. L’accès à la propriété de gens qui n'auraient pas dû l'être avant 10 ou 15 ans entraîne des coupes sombres dans leur consommation (vitale pour les plus pauvres, de "transgression" pour ceux qui le sont moins: même effet pour les deux, frustration), les frais énergétiques et les charges explosent. L'impression d'être pris à la gorge, sans espoir de la culbute financière anticipée sur prospectus par nos primos-accédants enpavillonés alimentent la colère sans pour autant susciter l'autocritique.
Se double à la ghettoïsation, l'inévitable utilisation de la voiture: voire de 2 voitures (puisqu'il est désormais acquis pour toute une génération que pour être propriétaire, il faut être deux à trimer). Et l'on retrouve là encore, une des thématiques permettant à Le Pen de ratisser large et facile, "le racket automobile dont est victime la classe moyenne". Notons que le candidat-président, créateur des robots radars, a bien essayé de rattraper à la volée cette thématique juste avant le premier tour avec sa carambouille sur le permis de conduire.
La trahison de la France des propriétaires à crédit de 2007 se paye en partie dans les urnes en 2012 par le vote de la colère. Ils font partie de cette "France des invisibles". Pourtant, le dogme et la peur de perdre sont plus forts que la logique. Nombre de victimes de cette arnaque sont prêtes à revoter pour le candidat-président, le seul bêtement identifié comme pouvant les sortir d'une impasse dans laquelle il les a placés, avec le concours actif de leur crédulité crasse.
Auront d'abord profité de la bulle en cours de dégonflage, les générations précédentes ayant pu acheter sans trop de douleur dans les années 70-80 ou les plus jeunes (souvent leurs enfants) disposant d'aides parentales conséquentes au début des années 2000. On les retrouve d'ailleurs dans la dernière ligne de défense Sarkozyste. Les récents discours du président-candidat sont révélateurs. Après une heure de sorties clonées sur le discours FN, décontenançant une partie de sa sensibilité, notre français fort y revient au tronc commun de droite: la garantie de conservation et de fructification de son patrimoine immobilier.
En 2007, le VRP a sorti ce que les jeunes croyants voulaient entendre. Moteur de ce barnum qui a poussé les classes moyennes à se précariser en pensant s’enrichir: la foi aveugle en une émancipation individuelle à travers le patrimoine immobilier à débit différé. Une fois la folie de la pierre propagée sur tout le territoire à tous les revenus, via le crédit ouvert aux pauvres, l'Etat pouvait démanteler sans trop de heurts les droits du travailleur, le logement social et l'idée même de la solidarité.
Auront d'abord profité de la bulle en cours de dégonflage, les générations précédentes ayant pu acheter sans trop de douleur dans les années 70-80 ou les plus jeunes (souvent leurs enfants) disposant d'aides parentales conséquentes au début des années 2000. On les retrouve d'ailleurs dans la dernière ligne de défense Sarkozyste. Les récents discours du président-candidat sont révélateurs. Après une heure de sorties clonées sur le discours FN, décontenançant une partie de sa sensibilité, notre français fort y revient au tronc commun de droite: la garantie de conservation et de fructification de son patrimoine immobilier.
En 2007, le VRP a sorti ce que les jeunes croyants voulaient entendre. Moteur de ce barnum qui a poussé les classes moyennes à se précariser en pensant s’enrichir: la foi aveugle en une émancipation individuelle à travers le patrimoine immobilier à débit différé. Une fois la folie de la pierre propagée sur tout le territoire à tous les revenus, via le crédit ouvert aux pauvres, l'Etat pouvait démanteler sans trop de heurts les droits du travailleur, le logement social et l'idée même de la solidarité.
Certes, le baratin sarkozyste d'une "France de propriétaires" aurait pu fonctionner quelques années. Mais, il aurait fallu, au minimum:
1 / avoir une vision de la croissance économique un peu plus charpentée, et pas seulement basée sur l'immobilier à crédit.
2 / Ne pas massivement subventionner sur fonds publics des produits immobiliers douteux (Scellier, Robien...) totalement déconnectés de l'activité économique sur le terrain et qui n'ont, dans le meilleur des cas, bénéficié qu'à ceux arrivés les premiers et disposant déjà d'une épargne conséquente.
3 / Ne pas, au nom de la RGPP et du remboursement de la dette, opérer la casse des services publics sur les territoires, avec fermeture d'hôpitaux (au profit de centres de santé[2], ni plus ni moins qu'une privatisation en douce), de commissariats (augmentant la thématique "insécurité"), des transports.
4 / Permettre aux épargnants d'investir dans le logement social au lieu de le céder à prix cassé au secteur privé. (Ce que propose François Hollande).
Rare contentement qu'il tire de son bilan: le candidat-président se félicite que La France n'en soit pas au niveau de la crise espagnole (24% de chômeurs). Il oublie un peu vite qu'il n'a juste pas eu le temps de déployer ici le désastre immobilier à l'origine du chaos là-bas.
[1] Y-a-t'il une différence fondamentale entre celui qui porte une marque ou affiche un mode de vie à Paris et celui qui veut le même en province ou porter la même en province ? Sans compter que bien souvent, dans ce dernier cas, il y arrive. Les gourous des marques et des modes étant très forts pour véhiculer l'idée d'élitisme alors que leur rentabilité repose sur la propagation la plus massive de leurs produits et concepts.
[2] En Charente-Maritime, il me fallait 8 mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue à 15 kilomètres. Rendez-vous que j'obtiens pour dans 10 minutes, en bas de chez moi à Paris.
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