30 août 2023

Abaya Forever

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Vous l’aurez noté depuis quelques jours sur les ondes, c’est la rentrée des nuls. L’inénarrable Bruno Lemaire ministre de l’économie parallèle et des renflements bruns nous jure que cette fois ça y’est l’inflation est terrassée, enfin presque (on est sur du +13% là quand même), mais ouh la la, entre deux livres, il va gronder les méchants industriels. Côté économie, ça caracole. La France explose les taux de faillites d'entreprise et, face à la stagnation des salaires, la consommation des ménages s'effondre en toute simplicité (it's the economy, stupid !). Face à un gros trou de caisse,  Elizabeth Borne garantit qu'il n'y aura pas de hausse des impôts, mais en coulisses le génie gouvernemental est tout entier dévouer à l'élaboration de nouvelles taxes (au nom de votre santé, du réchauffement climatique et de la protection des licornes multicolores).

Malheureusement, dans son souci de fiasco durable et transgénérationnel, l'équipage du Titanic-Macron n'a pas oublié le volet éducation. A la faveur de l’été, un type qui n’a jamais bossé de sa vie a remplacé un mauvais qui lui même prenait la place d’un incompétent. Avec un CV si vide pour un salaire à l'évidence, lui, trop élevé, Gabriel Attal, nouveau ministre de l'Education, se devait de frapper un grand coup. Que dire et que faire en cette rentrée aux classes surchargées où l’école peine à recruter tant les personnels y sont méprisés et les perspectives salariales piétinnées ? C’est simple : il a ouvert son manuel du petit Sarkoziste et lancé sur le plateau du 20h de TF1 :

"J'ai décidé qu'on ne pourrait plus porter l'abaya à l'école".

Le piège à cons fonctionne toujours : ça parle aux vieux (le coeur de cible de toutes les annonces gouvernementales, ne cherchez pas ils n’ont strictement rien à foutre des autres catégories de la population) et ça offre une tribune de rentrée inespérée à la woking-gauche, qui n'en demandait pas tant : la défense aveugle de tout ce qui touche de près ou de loin à l’islam étant devenu son créneau marketing. Car, note quand même que, ces derniers jours, les comptes/personnes qui te parlent des abayas pour te dire qu'on parle trop des abayas sont/viennent de... gauche.  

Nos indignés ne seraient pas là, l’interdiction d’Attal n’aurait pas fait tant de bruit…. pour la simple raison que le port de tout signe religieux extérieur est déjà interdit à l’école. 

Le vice étant dans l'interprétation de ce qu'est ou non un signe d'appartenance religieuse. 

Alors Seb Musset t’es pour ou contre les abayas à l’école ? Prétendre que le port d’une abaya n’est pas une volonté de démonstration d’appartenance à une communauté, groupe, religion, c’est se voiler la face mais ce n'est même pas le problème ici. On notera déjà que ça concerne encore une fois les tenues des femmes (j'attends que les hommes viennent en abaya à l'école pour une appréhension plus complète du litige vestimentaire). De plus, ces débats articulés sur des rodomontades communico-législatives qui contiennent en elle-même leur limite sémantique "- bah non monsieur j'vous jure c’est pas une abaya, c’est une robe"), c'est sans fin. Surtout au nom de jolis principe défoncés au quotidien : la "laïcité" dans un pays qui compte autant d’églises que de villes, où on pleure collectivement au 20h sur le destin de Notre-Dame, c'est honnêtement assez compliqué à défendre, parole d'athée). D'autant plus que sur le terrain, à l'école donc, il n’y a souvent pas les moyens humains pour faire appliquer, ou même seulement interpréter, la loi. En décodé : si t'es pas capable d'assurer la prestation "laïcité", la vends pas dans ton abonnement. 

Sinon j'ai une suggestion, certes rustique, qui nous économisera des années de polémique et des milliers d'euros d'achat de fringues de marques pour chaque foyer, en plus d'épargner à la collectivité les traumatisantes visions de claquettes chaussettes et autres maillots de foot immondes : l'uniforme à l’école. Ça c'est de l'égalitarisme, de la cohésion nationale et de la laïcité qui se respecte.  

Mais, parions qu’à gauche comme au gouvernement : ils seront contre. Ce serait dommage de tuer l'abaya aux oeufs d’or.



20 août 2023

Armanet vs. Sardou : de la supériorité morale de ces gens (qui se disent) de gauche

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Avant d’attaquer les sujets sérieux de la rentrée comme le roman tragi-comique de la canicule en toc, la 37e défaite réussie de Poutine, la désintégration des services publics de ce pays et le paquet de céréales Bio à 12 euros au Spar de Villefort abordons, avec un peu de retard certes, la polémique qui a régalé vos fils d’actu ces derniers jours : les propos de la chanteuse Juliette Armanet sur Michel Sardou et sa chanson Les lacs du Connemara

Disclaimer : Ni fan de l’un ni fan de l’autre, je reconnais à Michel Sardou d’être un grand interprète, d’avoir su durer et d’avoir fédéré un très large public sur plusieurs générations (le mec a encore fait sold out le journée des préventes pour sa prochaine tournée). Je reconnais à Juliette Armanet… qu’elle sait jouer du piano. 

Chacun ses goûts musicaux et la musicienne et chanteuse a bien le droit de penser et dire ce qu’elle veut. C’est donc une non-affaire artistique totale, d’autant qu’il n’y a pas clash au sens technique du terme : elle répondait à une question à la con dans une émission de merde. On demande l’avis sur tout à la moindre pseudo célébrité, à la quête de la petite phrase à découper pour faire du buzz. Parfois ça marche.

Ce qui m’intéresse ici ce sont les mots et l’argumentaire utilisés par la dame pour chier sur cette légende vivante de la chanson française. 

Au sujet de la chanson  les lacs du connemara (qu’on aime ou pas probablement une des 10 chansons les plus emblématiques du siècle passé), Juliette Armanet déclare : 

« C’est vraiment une chanson qui me dégoûte ». Elle évoque « un côté scout, sectaire ». « La musique est immonde, (...) c’est de droite, rien ne va ». 

"C’EST DE DROITE, RIEN NE VA". 

L'air de rien, Juliette Armanet synthétise en 6 mots l’intégralité des 25 dernières années de l’argumentaire de gauche 

 "C’EST DE DROITE, RIEN NE VA".  

J’en conclue donc que la chanteuse, comme tant d’autres artistes engagés, se place à gauche : là où tout va. Sardou fait une musique de droite ? Je ne connaissais pas le concept de musique de droite. Après tout Juliette Armanet a fait des années de solfège, elle sait mieux que moi. 

C'est plus simple en vrai : Sardou est effectivement de droite (il l'a assez dit) et rappelons le code source de la pensée universitaire de gauche qui irrigue tous le discours de ces artistes biberonnés à Télérama : Sardou = droite, droite = caca donc IF musique + Sardou THEN GO TO Beurk. 

Point bonus, en prononçant cette phrase la chanteuse se situe automatiquement dans le camp du bien : à savoir la gauche qu’il n’y a donc même plus besoin de définir autrement que "c’est pas la droite". Pour être bien il faut être de gauche et, pour "être de gauche" il suffit de dire que la droite c’est mal. 

Fort ironiquement,  dans la même phrase la chanteuse évoque le "sectarisme" de la droite. 

La pensée binaire. Je connais bien le truc, j’ai fait pareil pendant des années avant de reconnaître que c’était un peu léger comme analyse politique, une garantie d'échec pour construire et surtout malhonnête comme posture morale car, et j’y reviendrais dans un prochain billet : nous sommes tous de droite. 

Il y a l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre la bourgeoisie de droite et celle qui se pense et se dit de gauche (et Juliette Armanet en est un beau spécimen). On peut sortir toutes les grilles d’analyse politique et sociologiques, avoir les belles nobles paroles et produire les écrits les plus ciselés, à la fin il ne reste que les actes. Combien ai-je vu, à l'épreuve des faits, des mecs et filles généreux et altruistes classés "à droite" et de sombres merdes humaines profiteurs et sectaires à gauche (et inversement) ? Beaucoup. Si j’ai appris une chose de ces, déjà nombreuses, années sur terre, c’est de ne jamais se fier aux labels simplistes, de ne jamais classer définitivement quelqu'un sur la base d’une appartenance supposée, ou même effective, à un courant politique. La période du Pass sanitaire aura été la démonstration grandeur nature de la parfaite adaptation d'une large partie de "la pensée de gauche" aux pires dispositifs liberticides. On aura finalement trouvé plus de types stigmatisés "de droite" pour s’insurger des restrictions de liberté. A gauche, on a globalement fermé sa gueule ou fièrement collaboré. 

"La scène a été pour moi un moment très libérateur" lance Juliette Armanet sur le plateau de BFM au sujet de sa tournée en décembre 2021 en pleine période du Pass. Visiblement, la ségrégation sur la base d’une injonction à la piqûre expérimentale pour accéder à sa musique humaniste c’était pas trop de droite là.

La vérité depuis quelques temps c’est que ce que je pouvais associer de négatif à la droite, je le trouve dans le discours de gauche : l’esprit étriqué, la rigidité des canaux de pensée, l'inadaptation au réel, l’absence totale de remise en cause, le rejet haineux de tout ce qui ne vient pas de son camp, le rejet de l’autre (bah oui il est de « droite », quand il n’est pas « fasciste » c’est à dire par d’accord avec moi), le rejet de la différence (autres que celles que je tolère bien sûr, et qu'il faut tolérer sinon t'es fasciste), le double discours (la différence du discours sur l’affaire Lola et sur celle de Nael est à vomir) et surtout, par dessus tout ça, l'affirmation décontractée de sa supériorité morale. Un peu comme si on me crachait en continu à la gueule en me certifiant que c'est du caviar. Sur que ça ne donne pas trop envie de voter pour ça. 

Je ne m’inquiète pas trop non plus, malgré une surface médiatique disproportionnée par rapport à ce qu’ils représentent dans la société (faut dire on en a besoin pour "faire barrage au fascisme" et faire gagner Macron), faute d’une remise en cause (processus dont, noyés sous le poids de leur magnificence intellectuelle, ils semblent incapables) ces gens et leur pensée à forme de réflexe conditionné, s’éteignent peu à peu, balayés par le souffle du réel.

Terre brûlée au vent, des landes de pierres... 

Update 21.08.2023 : l'analyse musicale

Illustration : Michel Sardou s'est essayé au cinéma dans les années 80 et j'avoue que le Cross de Philippe Setbon (1987), sorte de Vigilante à la française (euh oui, un peu de droite), est un petit plaisir coupable.

18 août 2023

Retour sur le film : Rampage (William Friedkin, 1987 et 1992)

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Le réalisateur américain William Friedkin est mort le 7 aout dernier à 87 ans. Au même titre que Spielberg ou Coppola (et peut-être même plus) il est un des piliers fondateurs du "Nouvel Hollywood" qui a vu le renouveau artistique et économique du cinéma américain propulsant de jeunes cinéastes cinéphiles à la tête d'empires en quelques films. Avec le succès mondial de L'Exorciste en 1973, Friedkin a presque malgré lui contribué à créer le concept de Blockbuster. 

Friedkin est un de mes cinéastes préférés du Nouvel Hollywood, peut-être parce que c'est l'un des seuls, malgré un succès immense, a avoir gardé son âme d'indépendant. Il n'aura pas transigé longtemps avec les studios. D'autres en parleront mieux que moi. On peut écouter le podcast de Bret Easton Ellis où le cinéaste était invité il y a peu ou encore visionner le savoureux film interview que Francesco Zippel lui a consacré Friedkin Uncut mais le mieux, évidemment, est de voir ses films. 

Si on aime un tant soit peu les images, la force d'un montage ou le sens que peut donner un éclairage et que l'on veut revenir à la source de ce qui a contribué à forger l'iconographie hollywoodienne des cinquante dernières années, il faut voir les classiques de Friedkin : L'exorciste, French Connection ou Sorcerer qui ont chacun respectivement influencé les films d'horreur, les polars et les films d'aventure qui suivront. Sens innée du cadre et du découpage, des images qui restent gravées (et passent de génération en génération), une façon de filmer brute et ce tour de force rare de donner une totale impression de documentaire au cœur de grosses machines (l'apogée étant probablement Sorcerer, film dont l'intransigeance anti-commerciale du récit et le jusqu'au-boutisme du tournage marquera une rupture dans la carrière de Friedkin).

A partir des années 80, en comparaison avec ses gros succès des années 70, et tandis que ses collègues Spielberg ou Lucas s'envolaient au sommet du box office, Friedkin ne réalisera plus que des "petits" films, retournant dans une indépendance qui semble lui convenir et dans laquelle il évoluera avec cohérence et efficacité jusqu'aux derniers jours de sa vie (son prochain film sort en septembre). Durant cette période, plus discrète, mal aimée avant d'être réhabilitée, il signera ce qui reste pour moi le polar des polars (et donnera le nom d'une chanson de 2Pac) : To Live And Die In LA (1985) avec un William Dafoe débutant. 

Hasard de la programmation, Paramount Channel diffuse depuis quelques semaines un de ses films les plus rares de cette période. Réalisé en 1987 et à peine distribué à l'époque (toujours pas dispo en DVD), Rampage (le sang du châtiment) est le récit du procès d'un serial killer vu du côté du procureur et du tueur. 

Rampage c'est le 12 hommes en colère inversé de Friedkin : un homme se bat pour tenter de condamner à la peine la plus lourde possible un tueur sadique (mais avec une gueule d'ange, blanc et blond) alors que chacun (et notamment le monde politique) s'acharne à le dédouaner pour les plus nobles raisons du monde. Certains voient dans ce film le passage de Friedkin de gauche à droite. C'est ce que l'existence de 2 montages distants de 5 ans (le 2e montage "director's cut" de 1992 diffusé pour la première fois ici, et plus explicite sur le soutien à la peine de mort) tend à prouver. A la lumière des doubles discours actuels, des "bons" et des "mauvais" faits divers, de ceux dont il faut s'émouvoir et de ceux qu'il faut surtout ne pas parler sous peine de se faire traiter de fasciste par la brigade de la pensée correcte, ce film ne perd rien de sa saveur 35 ans plus tard. 

C'est aussi à ça que l'on reconnait les grands cinéastes. 






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