J'essaye de relativiser et parfois même je m'agace de la posture facile d'un Michel Onfray surfant sur le mécontentement général pour se réfugier dans un abstentionnisme dandy (phase 1 d'une campagne marketing vers sa candidature à la présidentielle), mais s'il y en a un qui cristallise mon mécontentement envers ce gouvernement c'est bien Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, de l'Industrie et du Numérique. Il a même réussi à éclipser Valls de ma hit list. A tel point que je me demande si celui qui n'est pas socialiste et encore moins citoyen lambda, qui vit clairement dans une bulle, où ne flotte que des "entrepreneurs" et "investisseurs", sans même avoir la légitimité d'un scrutin à son actif (ce qui, quel que soit le bord politique, demande un minimum de contact avec les gens) n'est pas là précisément pour ça.
Macron est à Hollande ce que Frédéric Lefebvre était à Sarkozy : un lanceur de trucs à ne pas dire (ou à ne pas avouer quand on est président) histoire de faire le buzz et de sonder le niveau de résignation de l'opinion. Soit il est "recadré", soit "il a le mérite de dire les choses" soit les deux, en attendant il occupe le temps d'antenne.
Vous vous souvenez de Frédéric Lefebvre ?
Non. Normal. Et pourtant, il était un pilier du dispositif média de Sarkozy président.
Pendant une bonne moitié du quinquennat, entre deux lectures de Zadig et Voltaire
et avant de virer mystique, son rôle a été d'occuper les ondes chaque matin et de faire
le débat pour le reste de la journée, voire de la semaine, zapping inclus, voulant un jour faire travailler les malades et le lendemain
redéfinissant l'internet à la sauce Neuilly...
Macron est au moins utile à ça. Ne pas se fier à son look de gendre idéal, c'est l'interface RMC-GrandesGueules-GrossesTêtes du gouvernement. Mieux vaut taper sur les 35 heures plutôt de lutter contre les abus des entreprises préférant jongler avec les "auto entrepreneurs" et les stagiaires plutôt que d'embaucher pour de vrais postes normalement payés. Mieux vaut cracher sur les fonctionnaires que de reconnaitre avoir dilapidé des milliards en CICE pour les mêmes entreprises sans que cela se traduise par la moindre embauche (spécialement lors d'une énième publication désastreuse des chiffres du chômage). Rappelons d'ailleurs que selon Macron, s'il y a du chômage c'est la faute au salariat. Après on peut toujours dire, ou faire dire par son premier Ministre, sur le ton de la plaisanterie qu'on n'a pas dit ça et que les phrases sont sorties du contexte, à ce niveau de répétitions il ne s'agit pas d'accidents mais bien d'une mécanique. En comparaison, Frédéric Lefebvre était un petit joueur.
Macron révèle tout haut ce que construit progressivement ce gouvernement dans le prolongement économique du précédent : une société où chacun devra être le sous-traitant de l'autre et le donneur d'ordre d'un troisième. Une société où le commerce fait enfin loi au-dessus de tout. Une société débarrassée du collectif (hors commémorations, tensions sécuritaires ou incantations pour un monde meilleur) visant l'individualisation de chacun ou plutôt son isolement définitif. Une société où les gouvernements enfin débarrassés du cambouis pourront enfin se consacrer pleinement à faire ce qu'ils font de mieux : des phrases en 140 caractères.