29 juin 2022

L'arnaque électrique

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Le 8 juin dernier, le Parlement européen a voté l’interdiction de la vente de voitures à moteur thermique à partir de 2035 en Europe. Les conducteurs européens seront obligés d’acheter de la voiture électrique d'ici 12 ans. Non ce n’est pas du commerce, mais préparez-les sous c’est pour « sauver la planète ». Dans la nuit du 28 juin au 29 juin, on apprend que tout se complique un peu. Chacun, à commencer par les fabricants de voitures de sport, y allant de sa demande d'exception. 


Derrière le greenwashing et le bullshit écologique que constitue 99,9% du temps d’antenne des marques et des politiques dès lors qu’ils collent leurs slogans sur le sujet, pour ce qui est de la voiture, je ne connais réellement que deux moyens d’être « écolo » :

Le premier, c’est de couper le problème à la source : ne pas utiliser de voiture, donc ne pas acheter donc  ne pas contribuer à la construction de la dite voiture. Radical et efficace mais, pour un ensemble de raisons (revenant à l’essentiel à un modèle économique et foncier occidental basé sur la mobilité et l’éloignement), pas faisable au-delà des grandes villes. 

La seconde hypothèse est de garder sa voiture toute sa vie et ainsi réduire la pollution (la construction de la bagnole, les efforts publicitaires pour vous la faire acheter, son acheminement étant des aspects non négligeables). Une voiture pour une vie, c'est théoriquement possible. Nous avons la technologie, les compétences humaines pour faire durer les véhicules très très longtemps. Enfin ça, c’était avant que les constructeurs inquiets que l'on puisse réparer nous-mêmes nos moteurs se mêlent de transformer nos bagnoles en extensions Windows pétées d’électronique, immobilisées au premier bug et littéralement désactivables en un upgrade par satellite. 

Avec le passage forcé à la voiture électrique nous éviterons fièrement les points 1 et 2 puisque nous aurons à la fois la surproduction et le renforcement de l’obsolescence programmée. Il faudra ré-équiper tout le monde en voiture, pensées et conçues depuis notre entrée dans la modernité pour faillir dans les trois ans. Avec l’électrique attendons-nous à la poursuite du festival du renouvellement et du leasing à gogo. 

La liste des désagréments de la voiture électrique est à ce jour chargée : autonomie merdique, absence de bornes, incompatibilité entre elles, recyclage impossible des batteries ultra-polluantes nécessitant l’extraction dans des conditions humaines terribles de ressources dont nous sommes tout aussi dépendants que le pétrole… C’est dans le domaine des voitures thermiques que les vrais progrès de réduction de la pollution ont été accompli ces dernières années, pas dans l’électrique. Ça marchait mal il y a dix ans, ça ne marche toujours pas bien. Rappelons qu’ici bas, en terme de technologie high-tech on tâtonne encore sur le scannage les tickets au stade de France, alors pour un Paris-Marseille non-stop en auto-tamponneuse c'est pas gagné. Comme le précise Jean-Baptiste Fressoz historien des sciences, des techniques et de l'environnement dans un passionnante interview (en bas d’article), la moitié des voitures électriques qui roulent actuellement dans le monde se trouvent en Chine, et 80% de leur énergie est tirée du charbon. Paye ton Co2 vert. On apprend même ces jours-ci que les dirigeants européens, fiers de leurs sanctions contre la Russie pénalisant en priorité leurs propres populations, s'apprêtent jeter à la poubelle les accords de Paris pour réouvrir leurs centrales à charbon. C'était bien la peine de trier nos pots de yaourt. 

La voiture électrique se substituerait donc au thermique ? La réalité c’est qu’on ne change pas comme ça. Si on peut refaire s’endetter les occidentaux en les culpabilisant et leur faire intégralement renouveler leur automobile, ce ne sera pas le cas dans le reste du monde. On n’imagine pas plus pour le moment qu'avions et porte-conteneurs (pour traverser les océans et amener chez nous les voitures soi-disant « non-polluantes ») fonctionnent à l’électrique. Les deux technologies se cumuleront encore longtemps. Il n’y aura donc pas de réduction mais continuation de l’augmentation de la pollution et très long passage de relais de l’une à l’autre avec d’autres conséquences toutes aussi désastreuses pour l’environnement. 

En l’état actuel de la technologie pour assurer vaguement la même fluidité de mouvement routier dans une version 100% électrique, il faudrait recouvrir le territoire de parkings et de station de rechargement et électrifier les routes (autre hypothèse) ce qui reviendrait à utiliser des milliards de tonnes de matériaux nocifs pour l’environnement et à achever nos sols déjà bien pourris par des décennies d’engrais chimiques et d’agriculture intensive. Ravager le sol pour protéger la terre, le genre de destructions créatrices que le capitalisme collectionne. La « transition énergétique » dans le domaine du déplacement routier est pour le moment une opération strictement commerciale. Le segment cadre supérieur urbain a été bien séduit, il faut faire payer les revenus "moyens". Et les pauvres ? Et bien ils se serreront en bus ou, mieux encore, ne bougeront pas. Notre soumission aux messages angoissants (alerte à la canicule spontanée au moindre pet de chaleur) étant le levier à actionner en cas de tensions à la pompe : Restez-vous, ne roulez pas, sauvez des vies. on connait la chanson. On notera d’ailleurs, dans une tribune ce week-end, que les trois principaux producteurs et distributeurs d’énergie nationaux appellent, dans d'émouvants sanglots, les Français à réduire drastiquement leur consommation, indice que cette transition s’annonce bien et s’appuie volontiers, entre deux pages de publicité, sur la  culpabilité schizophrène de consommer. 

Les effets dévastateurs de l’homme sur son environnement sont indéniables. Il est absurde de penser que l’on peut continuer de croître sur le même modèle occidental tout en minimisant son impact dans le même temps, d’autant que la moitié de la planète piaffe d’impatience de nous rejoindre. Non, rouler à l’électrique ne va pas sauver la planète (indice : elle vous survivra). Cela sauve juste votre conscience et vous vous allégerez de quelques milliers d’euros au passage. 

Vous voulez protéger votre environnement ? Marchez. La démarche « écologique » est dans la transition effective de nos comportements et de nos corps et non dans nos contributions financières à une idéologie marchande. Ce n’est pas d’une transition gérée par les services marketing d’un capitalisme qui ne veut sauver que lui même dont nous avons besoin, mais d’un ralentissement du capitalisme, voire de son arrêt. 

Et, comme on dit dans les bandes-annonces pour la prochaine saison du feuilleton : "vous n'êtes pas prêts".

23 juin 2022

chroniques du bazar à l'Assemblée - jour 3

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Ces jours post-législatives sont intéressants. 

A gauche, ça persiste à croire que le résultat du second tour est un succès, alors qu'il est au mieux une survie politique fragile dans un paysage de droite (faudra revenir sur le pourquoi la France est de droite, même la gauche mais elle ne le sait pas, je me le garde pour un prochain billet). Il n'en reste pas moins que cette propension, chez certains à gauche, à accuser tout le monde (de Macron aux électeurs) pour le résultat du RN est confondante de débilité. Le jour où le RN sera à 60% ce sera quoi exactement leur discours ? Je suis toujours fasciné par l'esprit d'ouverture et de dialogue des gens qui qualifient de "fascistes" ceux qui ne votent pas pour eux. 

LR, malgré ses dires, est bien parti pour co-gérer ce pays. La seule question est : qui vont-ils réussir à faire tomber puis imposer au gouvernement ? 

Pour le RN, c'est jour de fête médiatique. On jugera sur la durée. Gardons en mémoire qu'ils ont toujours été passablement nuls à l'assemblée. De toutes les façons, on va bientôt pouvoir juger de qui est vraiment qui avec les votes relatifs à la prolongation du Pass sanitaire et autres ravissements liberticides et médico-douteux à prétexte sanitaire qui se repointeront à l'approche de nouvelles vagues de virus toujours plus disruptives.

J'en viens au plus drôle dans ce bazar. Macron. 

Le gars est passé de tout à rien en 8 semaines. Il a la gueule du pauvre type qui s'est mangé une caisse de briques sur la tête et n' a pas dormi depuis dimanche. Pensez-vous, il doit emmagasiner trois concepts en moins d'une semaine : peuple, démocratie, dialogue. A ce stade, Jupiter rétrogradé Pluton ne doit plus compter que sur un cataclysme ou l'arrivée des troupes russes à Charleville-Mézières pour fédérer le pays derrière lui.

Oui vraiment nous vivons des jours savoureux. A un internaute qui me demandait ce qu'on a à gagner dans cette histoire, j'ai répondu : rien. On est là pour payer.


20 juin 2022

L'étrange assemblée (et pourquoi c'est une bonne nouvelle)

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Je m’attendais à quelques réjouissances pour ce second tour des élections législatives, mais pas à un tel feu d’artifices. 

Ensemble : 245 sièges  38,6 % 
NUPES : 131 sièges  31,6 % 
RN : 89 sièges  17,3 % 
LR : 61 sièges 7 %

Quelques réflexions au lendemain des festivités : 

L’abstention à près de 54% devrait tout simplement déligitimer ce résultat, mais en bon parisien je vais faire comme si les Français n’existaient pas et prendre au premier degré les résultats. 

Première réjouissance et pas des moindres, deux mois après l'avoir élu par défaut, les Français ont bien envie d'emmerder Macron. Le peuple a volé son jouet, la chambre d’enregistrement des prouts législatifs du cyborg constipé est fermée. c’est tellement bien fait pour sa gueule. Il lui fera désormais ruser et jouer des alliances pour passer ses saloperies. Le prince du "en même temps" va rechanger son fusil d’épaule et, après avoir dragouillé la gauche, fera des oeillades à la droite (ce qui ne devrait pas être top compliqué pou lui). 

Second joie : des cadors du gouvernement du cyborg et des figures symboliques de son règne (Ferrand, Castaner) sont dégagés comme des mal propres. C’est beau. 

Venons à la NUPES, comme redouté pour les raisons énoncées ici, si l’alliance et la belle campagne sont à saluer, le score final confirme qu'il y a un déficit structurel de voix à gauche dans ce pays. Comme à chaque scrutin, la gauche citadine découvre avec effarement que les Français sont de droite. L’alliance hétéroclite de la gauche radicale avec la droiche en perdition et les écolos bourgeois macron-compatibles apparait ce dimanche pour ce qu’elle est : non pas (encore) une force de conquête, mais une stratégie de survie politique. La Nupes est peut-être même morte née au-delà de cette campagne, vu les contradictions internes sur un nombre de points du nucléaire à la sécurité. 

Le résultat inattendu du RN avec 89 députés au terme d’une campagne (nationale) somme toute discrète renvoie au second plan le score des députés de gauche. Le RN réussissant la performance d’être à lui seul le premier parti d’opposition à l’assemblée. LFI, en tant que parti, est renvoyé derrière. Traiter près de la moitié des électeurs français de fascistes n’est pas une stratégie de prise de pouvoir viable. A écouter les prises des paroles des un-e-s et des autres hier soir sur les plateaux télés, il semble que ce dur code diplomatique ne soit pas encore totalement intégré à gauche. 

Non, le vrai gagnant ce dimanche c’est l'assemblée. Pour une fois, le machin est vaguement proportionnel et les courants du pays (relativement) bien représentés. Ça va débattre, ça va s’engueuler et ça va voter contre aussi. Ajoutons à cela l’arrivée de gens de la vie civile, de jeunes et de nouvelles têtes et le résultat du scrutin s’il n’est une garantie d'avancée pour le peuple (mais d'abord une garantie de revenus pour les élus), ouvre les portes et les fenêtres et brasse l'air sur une assemblée qui sentait le vieux bourgeois moisi. Il reste donc quelques traces de démocratie dans ce pays. Et ça, croyez-moi, ça doit foutre hors de lui notre cyborg suprême. 

La suite reste à écrire.

Quand est-ce que les socialistes vont trahir ? Qui chez LR vendra son cul le plus vite à Macron ? Et qui du PCF ira chez LR ? La NUPES votera-t-elle les mêmes textes que le RN sans s’auto-traiter de fasciste et si oui, se sabordera-t-elle ? D'i'ci là Macron dissoudra-t-il ? Deux 49-3 est-ce que ça fait 98-6 ? ... et bien d’autres questions encore dans les prochains épisodes de Bienvenue en Ingouvernabilie

On peut sortir le pop-corn et brancher le poste sur LCP-AN, ce sera mieux que Netflix. 







13 juin 2022

L'étrange victoire

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C’est donc hier en fin de journée que je me suis rappelé que oui, tiens à propos, il y avait des élections législatives ce jour. Mon week-end à la campagne soudainement remis en cause, me voilà plongé dans un tumulte de perplexité. 

Pour qui voter ? 

Ceux qui ont plébiscité le Pass sanitaire ou ceux qui, au fond, n’ont rien trouvé à y redire et s’y sont faits ? Devant tant de perplexité, je restais comme 25 millions de Français sur ma chaise longue à profiter d’une belle journée ensoleillée de liberté. 

Avec 52% d'abstention, le premier enseignement de ce dimanche de premier tour des législatives c’est d’abord que plus personne ne vote. Dès lors crier victoire pour quel camp que ce soit est déplacé. A droite, c’est la continuation du coup d’état ouaté des retraités sur les salariés. A gauche, c’est la révolution du peuple sans le peuple. 

Néanmoins, je dois avouer que voir la NUPES, alliance de gauche hétéroclite certes mais tant espérée, arriver en tête en nombre de voixau premier tour comme une couille explosive dans la purée LREM est un spectacle savoureux.

Pourtant, c’est pas gagné. Très loin de là. 

1 / D’abord le mode de scrutin imbitable, dont le calendrier est pensé pour renforcer le côté monarchie de la Ve république, peut entraîner une victoire des perdants et rendre les premiers en score minoritaires à l'Assemblée. Quant au RN qui représente 20% des voix et qui est, rappelons-le, arrivé second tour des deux dernières présidentielles, il peut se retrouver avec une micro poignée de députés. 

2 / Tout porte à croire que l’union de gauche étant faite, et la NUPES étant à peu près la seule force à avoir fait campagne, elle aura fait le plein de voix au premier tour dans un pays qui reste très majoritairement de droite. Sept semaines après avoir appelé à « faire barrage » et avoir méprisé 42% des électeurs, se retrouver trop court de quelques voix pour le second des législatives, ce serait moche mais pas complètement immérité. 

3 / Il est à prévoir aussi que la bourgeoisie effrayée par le grand méchant rouge et les boomers de droite molle chauffés à blanc par la clique d’éditorialistes des chaines d’info se mobiliseront en masse au second tour. 

Sans opposition à la source des lois, ce quinquennat sera une agonie.

La liste de ce qui ne m'enchante pas dans cette NUPES est longue comme le bras, à commencer par la présence des socialistes dont l’ADN est la trahison, mais il y a une minime opportunité - totalement légale et gratuite - de sérieusement contrer la politique du cyborg pour les cinq prochaines années. Ce serait dommage de s’en priver. Macron a un destin à la Sarkozy qui l’attend désormais. Vu la configuration économique et la hausse des prix qui inexorablement s’amplifier, l’enfant star des inactifs et des rentiers finira détesté de tous, même de sa garde rapprochée et de son fan-club gériatrique. Mais cinq ans ça va être long, et surtout très violent, avec ce type en roue libre.  De droite ou de gauche, qu’on ne l’aime pas ou qu’on le déteste, il est essentiel de lui barrer la route le plus possible. Question de survie sociale. 


2 juin 2022

Prince et la révélation de Syracuse

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Reconnaissons-le : depuis la mort de Prince, ses fans sont plutôt gâtés par l’équipe qui gère une oeuvre tentaculaire (dont probablement les deux tiers restent encore totalement inédits à ce jour). Presque tous les six mois s’enchainent les sorties discographiques princières, suscitant parfois l’amertume chez les plus exigeants des fans (ceux disposant du catalogue « non-officiel » de plusieurs centaines de CD). Des rééditions vinyles, des coffrets foisonnants, récemment un album dont nous n’avions même pas connaissance... Le tout à des prix abordables comparé à la « concurrence » des grands artistes pop qu’ils soient morts ou encore en activité.

La nouvelle livraison du "Prince Estate" pourrait pourtant décontenancer les drogués en manque de nouveaux enregistrements dont je fais modestement partie. Il s’agit d’un album et d’une vidéo tirés d’un concert que nous connaissons tous sur le bout des notes dans la communauté princière. Pourtant, ce choix n'est pas anodin. Ce concert donné le 30 mars 1985 à Syracuse, état de New-York, se situe vers la fin d'une tournée US qui a aligné près d’une centaine de dates de 1984 à 1985,. Sa diffusion télévisée à l'époque est pour beaucoup de fans le début des affaires sérieuses avec l’artiste, la vraie porte d’entrée vers une passion dévorante, une relation musicale qui durera trois décennies (et perdure malgré son décès en 2016). 

Rembobinons. 

Septembre 1984. J'ai 12 ans. J'achète la cassette audio de cet étrange type de 25 ans sorti de nulle part, vendu comme un surdoué musical et un redoutable showman, et qui connait un succès fulgurant aux Etats-Unis. Premiere curiosité, c’est par une émission de cinéma que j’en entends parler. Sur le sol américain cet été-là, le chanteur-musicien à veste à jabot trône simultanément aux box-office musical et cinématographique avec Purple Rain, un film semi autobiographique, à la prophétie auto-réalisatrice, sur son ascension et une bande-son que l’on s’arrache en magasin. Malgré ce triomphe de l’été, le film et l’album passent sous les radars en Europe. Le France est alors en pleine Jacksonmania. Ni le look androgyne du petit chanteur du Minnesota ni sa musique du diable ne font recette ici. Moi-même, je suis désarçonné par cet album éclectique, très organique à une époque de soupe-synthé, qui alterne les ballades, pop country ou sensuelles, aux paroles très crues, et des morceaux lorgnant sur le rock le plus brut. Prince y butine avec désinvolture de genre en genre tout en démontrant une totale maîtrise de chacun d'eux. Je sais que j'écoute quelque chose de différent, presque d'interdit, difficile à circonscrire dans un registre, l’adhésion n’est pas immédiate mais, je sais instantanément que des titres comme Beautiful Ones ou Darking Nikki survivront aux années et aux modes. Je n'affirme pas pour autant à l’époque que j'écoute du Prince comme j'aurais pu le faire avec du Téléphone ou du Cure, sentant  que ça ne fera pas l'unanimité autour de moi. 

Acte 2. Quelques mois plus tard, mai 1985. Alors que Purple Rain le film est distribué en catimini en France et bien que le single du même nom pointe timidement dans le Top 50 naissant, le magazine Rock n’folk annonce déjà la sortie d'un nouvel album de Prince… 8 mois après le précédent. Cette cadence ne baissera pratiquement jamais. Entre 1982 et 1987, soit les cinq années séparant les deux albums Thriller et Bad de Michael Jackson qui est le rival marketing que l’on oppose Prince, ce dernier sortira de son côté 5 albums et 3 films, produira une dizaine d’albums pour d’autres et accomplira des centaines de concerts. 

Pour la promotion du nouvel opus en 1985 Around The World in a Day, incrustés façon Jean-Christophe Averty dans la pochette psychédélique de l'album, Philippe Manœuvre et Jean-Pierre Dionnet, co-hôtes de la funky et sulfureuse émission Sex Machine le samedi soir tard sur le service public, introduisent la diffusion surprise du concert enregistré quelques semaines plus tôt. 


La lumière s’éteint, le show commence.


Hello Syracuse and the world. My name is Prince and I come to play with you. 

Cette nuit, télévisée, sera une révélation pour beaucoup. Durant deux heures, ce corps tressautant, bondissant, se tortillant, qu’il mime l’acte sexuel ou implore dieu au piano, nous a captivé. Garçon, fille, nous voulions tous être lui, tout en sachant pertinemment pour nous, comme pour ceux qui suivraient, que ce serait impossible, musicalement et physiquement. Un Michael Jackson pouvait s’imiter, le personnage contenait déjà sa part de caricature, un Prince personne ne s’y frottait : trop vif, trop alternatif, trop imprévisible. Le dernier tiers du concert constitué de deux jams étirés sur I Would Die 4U et Baby I’m a Star puis d’une version de 15 minutes de Purple Rain nous basculaient dans une autre dimension. Il y a la musique de Prince et il y a Prince fusionnant avec sa musique sur scène dans une transe électrique, une parade sans fin. 

L’acte 3 suivra quelques jours plus tard avec l’écoute perplexe du nouvel album, radicalement différent, et produisant le même effet : déstabilisation, envoutement, passion et la certitude que l'on est en présence d'un artiste vendu comme "mainstream", et de fait populaire à l'époque, mais totalement en rupture avec ce que l'on pourrait attendre de lui, atypique, aussi déroutant que doué. 

Le concert de Syracuse enregistré sur VHS puis passé par chacun des fans sur cassette audio, des années plus tard maintes fois édité en version pirate CD parfois même commercialisé dans des éditions non-officielles dans les FNAC et les supermarchés, fait parti des « classiques » de Prince. Pourtant, avec son image granuleuse et un son cotonneux, il n’a jamais fait l'objet d'une édition décente, à la hauteur de son contenu. 

37 ans après, c’est chose faite. Pour celui qui n’y connait rien sur Prince, qui a lu cet article jusqu'ici et se trouve donc être un peu curieux, voir ce concert est la meilleure manière d'entrer son oeuvre. 

Edition Double CD/BluRay et triple vinyl dans le commerce le 3 juin. 
Concert diffusé sur Arte en VOD à partir du 3 juin. 

En savoir + : 
- le livre encyclopédique (en anglais) de Duane Tudahl focalisé sur les deux seules années 84 et 85 dans la carrière de Prince (700 pages tout de même).
le podcast VIOLET, tout aussi encyclopédique mais en français, qui revient en détail sur chaque album de Prince et donc ceux mentionnés ici.

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