27 février 2023

Retour sur les films : La Nuit du 12 (Dominik Moll, 2022) vs. BDE (Michael Youn, 2023)

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À ma gauche, La nuit du 12 de Dominik Moll (2022),thriller d'auteur issu du cinéma classique et vient d'être encensé par les César. À ma droite, BDE de Michael Youn (2023), une comédie potache en mode artillerie lourde direct-to-video produite et diffusée par Amazon, réalisée par une ancienne star de la TV et qui n'a rigoureusement aucune chance d'être nommée à la dite cérémonie. 

Ces deux-là ne boxent pas dans la même catégorie et n'ont sur le papier rien en commun si ce n'est que je les ai visionnés le même soir dans la foulée l'un de l’autre, vendredi soir, juste après la cérémonie des César 2023. Et j'en tire comme conclusion, à travers ce combo critique de l'extrême, que le plus caricatural des deux films n'est pas forcément celui qu'on croit. Mais c'est ça la beauté du cinéma. 

La nuit du 12 est un bon thriller, présenté d'entrée comme l'inverse d'un Faites Entrer l'accusé (c'est à dire qu'il n'y aura pas de coupable à la fin... enfin que tu crois). De très belle facture, c'est  admirablement mis en scène. Dominik Moll est un des rares cinéastes français à avoir un vrai sens de l'espace et l'art de sublimer les décors naturels sur chacun de ses films. L'interprétation est parfaite et contribue à l'envoutement que provoque la pourtant non-progression du récit. Mais, c'est justement sur le récit que ça pèche un peu. Malgré ses apparences cérébrales, le film bourrine sa démonstration comme pas permis alors que l'enquête sur le crime de la jeune Clara, qui sert de fil rouge, s'enlise. On comprend vite le vrai moteur du film : déglinguer les hommes. D'ailleurs le récit est un peu malhonnête dans son introduction puisque à l'inverse des enquêteurs, le spectateur sait avec certitude, lui, que le coupable est un homme. La démarche est compréhensible (et d'ailleurs énoncée dans le film « tous les hommes auraient pu tuer cette fille ») mais en devient mécanique et se cantonne à ça. Rétrospectivement, tous les personnages masculins apparaissent négatifs ou au moins suspects. Tous sont tarés, salauds, machos, minables, tabasseurs de femme, dans le meilleur des cas : incapables de communiquer. À l'inverse les, rares, personnages féminins irradient le récit : tenaces, fières, lumineuses, lucides, courageuses. Le seul personnage mâle un tant soit peu pardonné est celui de Bouli Lanners, mais sa rédemption passe par l'exil hors de la société (et, au passage, il est largué par sa femme). Si au bout de 1h50 de réquisitoire vous n'avez pas compris que les hommes c'est le mal et qu'il faut tous les isoler, c'est que vous êtes aveugle tant c'est fléché avec des grosses lettres au néon dans chaque scène. Le récit ne va pas au-delà, même pas de l'enquête (qui ne doit d'ailleurs son vague sursaut final qu'à une femme). La progression du personnage masculin principal est minime, il passe de la boucle en vélo sur circuit fermé des premières images du film, à la difficile ascension en solitaire d'une route de montagne au générique de fin. Le symbole que les hommes doivent encore faire beaucoup d'effort dans le domaine du respect des femmes (si jusque-là t'avais pas compris). Nonobstant ses réelles qualités artistiques, c'est d'abord un film-thèse (qui a parfaitement compris l'époque) qui a été récompensé, pour tenter de faire oublier le pataquès Polanski d'il y a trois ans. Etonnement, on ne fait peu le reproche à Moll d'être un homme et de ne mettre en scène quasiment que des hommes. J'ai lu cet argument utilisé à l'inverse contre Todd Field qui ne met presque en scène que des femmes dans Tar (que je conseille, toujours en salle). 

Aux antipodes teleramesques donc, le BDE de Youn est moins (euphémisme) dans l'art du cadre soigné   et bien malin celui qui trouvera un quelconque message caché sur ma masculinité toxique dans ce récit potache d'une nuit sous substance à Val Thorens (à part que ça tombe mal avec l'actualité récente des faits-divers). Mais bon, il y a une énergie là-dedans et un indéniable sens du rythme (dans la première partie au moins) qui font du bien par les temps qui courent. Tout ancien amateur de John Hughes (réalisateur qui au train où vont les choses sera bientôt lui aussi cancelé) ou des films d'Adam Sandler et Ben Stiller ne pourra qu'apprécier ce n'importe quoi puéril et festif qui ne fait pas honte à ses maîtres, soigne ses personnages secondaires (bien mieux que dans La nuit du 12 par exemple) et qui a même réussi à me faire rire (homme qui rit, doublement coupable en somme).


13 février 2023

Retraites : Le blocage oui mais...

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"- Vous comprenez : on doit travailler plus parce qu'on vit plus longtemps", Random macronard.

"- Mm... Rien que cette année j'ai trois proches qui sont morts dans la cinquantaine et de cause naturelle. Tous ont cotisé un max. Alors tes 64 ans au nom du progrès de la science.... M'est avis qu'eux ils n'en profiteront pas des masses de leur retraite.

Les macronards ont mis le doigt dans un mécanisme du mécontentement qui déborde même le cadre, arithmétiquement débile, d'une réforme des retraites qui mécontente tout le monde, qu'on la considère inutile, inappropriée ou au contraire pas assez ambitieuse. Au-delà de donner des gages à Bruxelles, le but quasi philosophique de cette réforme est d'intensifier le maillage intellectuel sur le quidam et ne le conduire à n'entrevoir aucun à côté ni aucun au-delà à la seule occupation salariée et au remboursement des dettes, individuelles ou collectives. Avec son projet de réforme tout pété, Macron a décapsulé le ras-le-bol français d'un modèle dont chacun perçoit l'essoufflement et le mensonge. Le travail est une partie (chiante et mal payée) de la vie, sûrement pas la vie. Et encore moins la seule perspective de vie à espérer en attendant la mort. On ne veut pas mourir au travail, c'est tout. 

Tandis qu'a l'Assemblée nationale se tiennent, autour du texte de la réforme, des représentations live du Muppet Show plus affligeantes les unes que les autres, de gauche à droite, et qui éloigneront encore plus des urnes le peu d'électeurs qui restaient pour voter pour ces guignols, les Français se mobilisent avec assiduité et bien plus de dignité (et moins de salaire) dans tous les coins du pays. Samedi 11 février, c'était la quatrième journée officielle de mobilisation intersyndicale contre la réforme Macron des retraites. La manifestation parisienne était la plus populaire que j'ai vue depuis des lustres : Des familles, des enfants, en vélo, en trottinette. je ne sais ce qu'il adviendra mais tout cela laissera des traces. Et quoi qu'il se passe désormais avec ce texte, le pouvoir en ressortira affaibli. Ce beau succès de samedi rentrerait presque dans la catégorie faits-divers des médias désormais : un million et demi de personnes tous les trois jours, ça manque de peps et, surtout, de casse. Fort heureusement, la promesse d'un "arrêt du pays" et de grèves potentiellement reconductibles titillent l'imaginaire du présentateur d'information feuilletonnée. 

Car oui, on y vient ! Ça a pris le temps, mais c'est décidé : c'est le blocage ! Enfin bientôt, peut-être, faut voir, et y réfléchir, et puis le mot "blocage" c'est un peu fort, il ne figure pas dans le communiqué de l'intersyndicale sur lequel se paluchent toutes les rédactions depuis samedi. Une chose est sûre néanmoins, "La France à l'arrêt" ce sera pas pendant les vacances, faut pas déconner. Ici, nos révolutions se tiennent à débit différé. 

Blocage, ultimatum, arrêt... Quelque soit le nom, il nous faudra passer par cette épreuve de force qui sera d'autant plus courte qu'elle sera massive. 

Les mobilisations c'est indispensable, mais on a affaire en face à des radicalisés : des gens déconnectés de tout. Que l'on soit un million ou deux dans la rue, ce n'est pas qu'ils s'en foutent, mais ça n'évoque pas grand-chose chez eux. La rue ? Les gens ? Le travail ? Ce sont des concepts assez abscons pour notre Macron et sa clique. Ils ne comprennent qu'une chose : la peur.  On a eu la preuve au moment des gilets jaunes et on a le rappelle quasi quotidien dans la façon qu'ils ont de mettre en scène le harcèlement dont ils seraient victimes, opposant une violence sauvage chez les autres pour mieux se dédouaner de la violence de leur politique et de leurs propos. Deux millions de personnes en France c'est bien, 100000 déterminées autour du palais présidentiel ou de l'Assemblée et la reforme est retirée dans la journée en mode Super 49-3 express

Il en va de même pour le blocage qui, une fois dépassé le stade du mot pas prononcé, se devra d'être intelligent pour cibler là ou ça fait mal à l'élite : au hasard le blocage des recettes fiscales, celui du traffic aérien ou des chiottes de l'Elysée...  Reste à savoir si la France du secteur public comme du secteur privé aura le courage de se mettre à l'arrêt. C'est facile de critiquer cette tête-à-baffes de Macron, surtout après avoir voté pour lui à répétition. Il va falloir aussi lui montrer que La France a un autre talent que celui de faire de belles pancartes et de jolies chorégraphies dans des manifestations pacifiques. 










9 février 2023

La martingale ukrainienne - Année 1

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Ça a commencé au quart de tour. Il y a un an déjà. Et dès que nos politiques s'en sont mêlés, cette histoire a eu comme un gout prononcé de troisième guerre mondiale. LCI ne s'y pas trompée. Elle a commencé une édition spéciale Zelensky Télé qui, douze mois après, n'est toujours pas terminée. 

Des le 23 février 2022, les mêmes qui te traitaient de facho au moindre drapeau français timidement sorti se mirent à afficher des bannières ukrainiennes au frontispice de leur bio (ils en apprirent les couleurs sur Wikipédia 20 minutes plus tôt). 

Les dirigeants des pays de l'Union Européenne, qui ont pourtant un gros problème avec le concept de frontières intérieures, s'inquiétaient soudain pour celles de l'Ukraine. 

Très vite le camp occidental du progrès s'est organisé de ses cocasses blocus pour faire plier l'envahisseur russe mettant en péril l'Europe, du moins dans la version qui serait chantée en choeur par les rédactions. Qu'a t-on dit alors chez nos médiocres ministres : tout cela sera réglé en trois semaines et nous ferons plier l'économie russe. Le camp du progrès et du valeureux occident se pense toujours et en toute circonstance majoritaire sur cette planète, au-dessus des peuples, de leur histoire et de leurs matières premières. Les blocus ont effectivement fait beaucoup de dégâts, chez nous. 

Depuis, à chaque prétention repoussée par les faits, et alors que l'économie russe se trouve de nouveaux alliés (LCI dépitée parle même de "miracle russe"), le camp du progrès se couvre de ridicule à mesure que son économie sombre. Mais pas grave, si on a pas de pétrole on a des idées : le responsable de la flambée des prix de l'énergie et de l'inflation du paquet de Pépito au Franprix est tout trouvé. Poutine c'est le nouveau Covid, en mieux. Rendez vous compte : il musèle la presse et a un melon surdimensionné. Pas le genre de nos dirigeants à nous. 

Rien de tel qu'un bon ennemi pour souder les masses. 

Alors les camés de la cancel culture se sont trouvés une nouvelle cible, carrément un pays. Désormais, les totalito-tolérants éclairés éradiquent tout ce qui concerne la Russie dans les domaines stratégiques militaires que sont la culture, le sport et l'histoire. On mène la guerre qu'on peut avec les moyens intellectuels dont on dispose.

Fascinant ces gens qui criaient au fascisme et à la dictature à longueur de journée et sont les plus va-t-en guerre aujourd’hui. Et attention, si tu relativises un peu tout ça : les apôtres de la sagesse universitaire et autres débunkers subventionnés te classeront complotiste, négationniste, extrémiste.

Fascinants ces anti américains tout terrain qui défilaient contre la guerre de Bush il y a vingt ans et qui aujourd’hui en appellent à l’Otan pour foutre sa pâté à Poutine. Fascinants ces gens qui ne comprennent pas que nous sommes les pions d’un jeu de couillons où l’Europe à tout perdre (et La France qui a déjà le plus à perdre dans l’Europe, a une place de choix dans le podium de la loose). Seront ils toujours aussi enthousiastes lorsqu’il faudra envoyer leurs enfants et leurs petits enfants au combat (et au nom de l'égalité, j'attends une participation massive des femmes), sachant que la durée du vie sans pisser dans son froc d'un européen lambda sur le théâtre des opérations est d'à peu près quatorze secondes ? A la vingtième seconde il collabore, à la trentième il parle couramment russe. 

Hier contre la guerre en Irak au nom de l'absence d'armes de destruction massive, aujourd’hui ils la réclament contre un pays qui en dispose. Se rendent-ils compte que non seulement ils font déjà la guerre par procuration mais qu'en plus ils la perdent ? Ce champs de ruines qu’ils pleurent là-bas (juste celui-là, la pitié est sélective) au sujet d’un pays dont ils se contrefoutaient il y a tout juste un an (déjà envahi depuis des années), ils l’auront d’une autre façon ici. Piteuse UE à l'agonie qui ne réalise même plus le risible de ses gesticulations. A court de projet et de courage, elle distribue des chars, des canons et des avions. Elle veut sa guerre pour réaffirmer sa supériorité et son esprit des lumières (en LED made in China). L’UE de la paix et de la stabilité devait nous protéger de l’inflation et de la guerre. 

Et bien devinez quoi. On a l’inflation et on aura la guerre.

8 février 2023

Retour sur le film : Super Express 109 (Junya Sato, 1975)

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Son titre sonnait comme une réclame de lessive et son affiche façon comics a marqué mon enfance. Elle était placardée dans le cinéma de la station balnéaire où nous allions en vacances, mais le film ne passait jamais. Super Express 109 est un de ces films que j’ai fantasmé des décennies sans jamais l’avoir vu. Jusqu’à aujourd’hui. Avec ces plans débullés, sa musique funk à la Lalo Schiffrin, ses cascades sans trucage où tu sens que les acteurs se font mal et son montage plus nerveux qu’une série Netflix (mais avec le souci d’être toujours compréhensible), on a du mal croire que cet opus japonais de 2h30 alternant entre le polar et le film catastrophe date de 1975 tant il est moderne dans sa conception. 

Il n’y a qu’à voir ce que produisait le vieil Hollywood au même moment en terme de films catastrophes (Airport, Tremblement de Terre ou l’Aventure du Poseidon qui ont tous gravement vieillis) pour mesurer la largeur du pas de côté fait ici et sa dose de sang neuf (hi hi). J’exagère, il y avait aussi la même année Les Dents de la Mer

L'histoire : Trois laissés pour compte de la crise économique (un paumé, un militant politique déçu et un patron criblé de dettes) placent une bombe sur le TGV nippon pour récupérer une rançon de 5 millions de dollars. Si le fleuron de la technologie japonaise passe sous les 80 km/heure, il explose. S’en suit une course enquête policière pour retrouver les terroristes et stopper le train sans qu'il se crashe. 

Oui, remplacez le train par un bus et vous avec le pitch du Speed avec Keanu Reeves réalisé vingt ans après. D'ailleurs ce Super Express 109 (aka The Bullet Train) ressemble dans ses grandes lignes a beaucoup de films... qui l'ont suivi. Runaway Train, Dernier Train Pour Busan, Unstoppable ou Snowpiercer. Tous ces films doivent quelque chose à Super Express 109, on y reconnait même à l'iidentique un futur plan des Goodfellas de Martin Scorsese (1990) (le vol de l’hélicoptère au dessus de la voiture lors de la cavale parano du héros) et même l’ambiance du final nocturne de Heat de Michael Mann (1995). C'est ce qu'on appelle un film matriciel. 

La différence de fond avec les films catastrophes des années 70 est son traitement froid dans un premier temps, presque distant. Le film de Sato laisse ses victimes à leur sort (n'hésitant pas même à les rendre antipathiques) et son récit va de mal en pis au gré de la nullité des forces de police, et sans l’ombre d’un  sauveur providentiel à l'horizon. 

La version originale du film proposée par Carlotta, plus longue d’une heure que celle sortie en France, est émaillée de flashbacks qui dissèquent les motivations des terroristes et changent la nature du suspens. On passe de la tension autour de la bombe au stress de la cavale des poseurs de la bombe. Le script creuse l’histoire des méchants (là où un blockbuster classique se serait contenté de les caricaturer) et le film prend presque une tournure sociale. La trajectoire du dernier terroriste et sa volonté d’en sortir contraste avec le consternant immobilisme des autorités politiques qui ratent à peu près tout ce qu’elles entreprennent, quand elles n’aggravent pas la situation. Le méchant devient le héros et on en vient à souhaiter qu'il s’en sorte avec l’argent. Monde de merde. 

A regarder un jour de grève de la SNCF, un film bien plus complexe que son affiche et son registre le laissent supposer. 

6 février 2023

Les boomers se cachent pour mourir

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J'ai rédigé assez d’articles ces quinze dernières années sur la génération dorée des baby-boomers. Pas la peine d'en rajouter. On les entend partout. Tout le temps. A faire la morale à cette France qui ne travaille. Les pauvres. Ils ont bénéficié de toutes les avancées sociétales, de l’emploi stable, de la réduction du temps de travail, de la retraite à 60 ans et de la cinquième semaine de congés payés, avec des bons salaires. Ils ont pollué comme aucune génération avant et après eux et ont soufflé comme personne dans la bulle immobilière en reléguant les deux générations derrière à s'entredéchirer et alterner des périodes de chômage de masse et de bullshits jobs sous le signe du mal logement, de la flexi-précarité et d’une planète mourante. Pas mécontents de ce triomphe, ils ont remercié la gauche et les syndicats pour leurs combats sociaux gagnés et dont ils ont été les premiers à profiter, en votant systématiquement à droite et en ne pensant qu'à leur gueule. Ils ont érigé en life-style décontracté les mécanismes de spéculation et d’individualisme comme personne avant eux. Aujourd’hui certains se goinfrent encore des pensions de retraite qui feraient saliver les trois quart des actifs (ces derniers payent d'ailleurs pour les pensions de leurs ainés). 

Donc je ne vais pas y revenir. 

Sauf que. 

Et si cette crispation autour de l’allongement du départ de l’âge de la retraite, la colère d’une population se confrontant à la cécité d’un président, sonnait comme un passage de génération ? Elle se pensait et se voyait immortelle, les choses politiques, économiques et fiscales étaient pensées pour et par elle depuis vingt cinq ans mais, ça devait arriver : cette génération disparait. Tel un Michel Drucker sous stéroïdes, elle a eu beau repousser le jeunisme jusqu’aux confins du chimiquement possible, et faire la pluie et le beau temps électoral, l’ère de son dernier poulain Macron est aussi son chant du cygne. Elle laisse derrière elle un champ de ruines idéologique et économique, et nous abandonne comme seule perspective politique de s'acharner à prolonger en coma artificiel, et en bien moins confortable à titre individuel, un mode de vie destructeur pour la plupart. 

Au nom de l'espérance de vie gagnées par cette génération (ou plutôt par les progrès accomplis pour elle), le proooojet de leur petit valet de pisse du Touquet est de faire bosser jusqu’à la mort au nom de la "valeur travail" tout ce qui aura moins de 64 ans (Rappel, l’espérance de vie en BONNE SANTE dans ce pays est de 64,1 ans). Mathématiquement, ça coince. Et ça commence à s'entendre dans la rue dans des manifestations dont les cortèges sont remplis... d'actifs. Les Baby-boomers pouvaient jusque-là faire une élection, ils ne font plus la nation. 

Attention, je n’ai rien contre eux. C'est loin d'être une génération homogène (je vais encore me prendre des commentaires : "oui, ils sont pas tous comme ça". JE SAIS. D'où ma nuance entre "boomers" et "golden retraités" ) mais il y a des réalités statistiques incontournables. Le revenu moyen des retraités en France en 2019 est supérieur de près de 2% à celui des actifs, alors que leur revenu moyen est plus faible. Admettons aussi que, baigné dans le même air du temps et avec les mêmes cartes en main, j’aurais sûrement opté pour le même parcours (sauf voter Macron, ça vraiment c’est de la merde à tout âge). Ajoutons que les nouveaux retraités sont déjà déjà bien moins lotis que les précédents et ils le seront de moins en moins. Hormis par la transmission d’héritage, le golden retraité est un concept du passé. Comme on dit en manif : "les maltraités deviendront les mal-retraités". Ces enfants et petits enfants des boomers aux jeunesses niquées (pas assez d'expérience professionnelle à 18 ans et trop âgés pour "le marché du travail" à 50) sont bien partis pour être niqués sur toute la ligne jusqu’à l’EPHAD (où ils n’iront jamais, l’EPHAD comme les soins médicaux, étant des concepts pour golden retraités : ils disparaitront avec eux). Le pouvoir d’achat des retraités par rapport à celui des actifs va considérablement baisser en France. Les vieux précaires de demain sont les salariés d’aujourd’hui. 

Alors que faire ? 

La réponse est dans la question. Le travail était déjà l’activité la moins rentable du spectre capitaliste (comparé à la bourse, à la spéculation immobilière ou à l’héritage). Avec l’inflation dans laquelle nous nous embourbons, le travail est la garantie de PERDRE 10% de pouvoir d’achat minimum par an. Ne pas espérer ni s'enrichir, ni abonder sérieusement les fonds d'une retraite par répartition quelconque avec des payes de misère. La question de faire quelque chose avant la retraite ne se posera bientôt plus, la réponse sera évidente : Rien. Ou plutôt : ne plus contribuer à cette farce économique qui nous échappe. Se tourner vers soi et la survie de ses proches. "C'est la fin de l'abondance" a dit celui qui s'est fait élire en promettant l'inverse. Il peut s'inclure dans le package, c'est la fin de son système d'exploitation des masses. On voit bien qu'il patine à vide face à l'opposition des trois quarts des Français. Il n'a tout simplement plus rien à dire. La fin du fantasme d'un capitalisme heureux s'installe peu à peu dans les consciences. Dur à reconnaître et surtout accepter (pas facile de sortir d'un mensonge géant). Ça ne continuera pas sans douleur, avec probablement de grands malheurs mondiaux pour nous distraire de nos misères locales, en attendant le reboot s'il a lieu.

Pas génial hein ? 

Oui et non, même si ça s'accélère un peu là maintenant, le processus est long. C'est sûr qu'à l'échelle d'une génération, ça peut paraitre un peu plombant (Après le golden-retraité, il y aura le misère-retraité). Mais, si nous survivons à tout ça (économiquement et climatiquement) il est possible les générations d'après tombent moins sottement que nous dans le panneau du progrès qui n'en est pas un. Ils vivront surement moins vieux mais auront à coeur de vivre mieux. 

On a vu ce que c'était une société de golden retraités. On a déjà donné.

4 février 2023

Retour sur le film : God Told Me To (Larry Cohen, 1975)

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Un flic fervent catholique, sosie de Houellebecq jeune, enquête dans un New-York bien crasseux sur une épidémie de meurtres aux divers auteurs que rien ne prédestinait à tuer. Ils se justifient tous comme un seul homme en prononçant ces mots "J'ai tué parce que Dieu me l'a dit". 

En plein milieu des années 70, tout juste sorti de sa phase "blackspoitation" et avant son hit horrifique Le Monstre Est Vivant, Larry Cohen, le créateur des Envahisseurs et le prince du pitch qui tue (les films ne remplissent pas toujours les promesses), tourne à l'arrache pour une poignée de dollars God Told Me To (Meurtres Sous Contrôle en VF) : un polar urbain tourné en mode quasi documentaire dans sa première partie (on voit régulièrement dans le cadre des figurants malgré eux qui se demandent ce qui se passe). C'est nerveux, filmé à l'épaule les deux tiers du temps et monté en mode turbo (comme souvent chez Cohen dont je doute qu'un seul de ses films fasse plus de 85 minutes). 

Le petit tour de force du film, et ce qui le démarque du thriller initial, est qu'il glisse en cours de récit vers le surnaturel en se renouvelant esthétiquement. À mesure que l'enquêteur est provoqué dans sa foi, le rythme se calme, les éclairages sont plus travaillés, le récit quitte littéralement le rez-de-chaussée des choses pour s'enfoncer dans les entrailles bouillantes de la ville ou dans ses hauteurs mystiques. On pense d'ailleurs souvent à Angel Heart d'Alan Parker, tourné dix ans plus tard. Superbement photographiée et bien endiablée, cette série B qui tient autant de Werner Herzog que d'Abel Ferrara, passe très honorablement le test des années.



1 février 2023

Retraites : Des nouilles encore !

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« - Pour les actionnaires c’est des couilles en or, pour les  salariés et les retraités c’est des nouilles encore » 

C’est lorsque j’ai entendu la journaliste de BFM, dans la lumière ouatée du plateau d’info-feuilleton, conclure avec ce slogan son compte-rendu des pancartes lues dans les cortèges du 31 janvier, juste avant la page de publicités, que j’ai compris que le petit diner de Macron avec les éditorialistes, afin de leur souffler les éléments de language pro-réforme affinés à Davos, n’avait pas encore eu l’effet escompté et que le point de retournement média contre les manifestants n’était pas encore atteint. 

Il faut bien constater cette réforme foireuse torchée dans la précipitation par la clique à Macron mobilise de plus en plus contre elle. 93% des actifs sont opposés à la réforme et le mécontentement est même devenu majoritaire chez les retraités : BFM ne peut pas non plus se fâcher avec la majorité de son audience. J’entends dire que même la Manif pour Tous est contre cette réforme en raison du traitement qui est réservé aux mères de famille.  

Le 31 janvier était donc une nouvelle journée de manifestations réussie avec une mobilisation en hausse. Le SAV robotisé des causes perdues était au rendez-vous le soir même sur les ondes. Le plouc Véran chez Hanouna et Attal le gominé au 20h de TF1. « Si vous continuez à vous mobiliser, continuez à le faire en respectant les Français qui travaillent » déféqua-t-il aux syndicats avec la suffisance qu’on lui connaît. Avec plus de 2 millions de personnes dans la rue, c’est présomptueux de croire qu’il s’agit là seulement 1 / de syndiqués 2 / de gens qui ne travaillent pas. Excusons nos élites, il en va de la rue comme du travail, ils n’en connaissent que ce qu’en disent leurs fiches rédigées par MacKinsey. 

Dans les cortèges, et sans que nous nous soyions concertés, j'ai recroisé d'anciennes têtes des mobilisations de l'avant Macron, voire de l'avant Hollande. Pour le moment, ça ressemble à 2009/2010 mais en plus profond, car il n'est pas ici seulement question des retraites (beaucoup des gens croisés hier savent très bien qu'ils n'en auront pas ou très peu) et il y a aussi une plus grande variété dans les profils de manifestants (plus jeunes que dans les manifestations de 2009/2010 sur les retraites) avec une plus large montée dans les villes moyennes et dans les zones rurales par rapport aux zones plus "riches". À force de mépris et de déni, la macronie est-elle en train de se confectionner une bonne force d'opposition populaire, philosophique en plus d'être physique, étendue à tout le pays ? Cette tête de noeud aura au moins réussi un truc en 6 ans.  

Et donc ? critiquent les sceptiques. Et bien on remet ça avec deux journées la semaine prochaine, le mardi 7 et samedi 11 février pour la possibilité de diversifier un peu les foules, avec le risque aussi de la dispersion pour cause de vacances. 

« - Oui, la contestation ça va bien deux secondes mais hors des congés payés bordel ! »

La question du blocage va bien finir par devoir se regarder en face mais ces deux dates proches ont au moins le mérite de tester la motivation des troupes (et de permettre une rotation des mobilisés). Regardons ce qui se passe actuellement en Angleterre : la contestation dure depuis des mois. 

C'est un moment de vérité : ceux qui appellent à la grève continue ne vont plus pouvoir se cacher longtemps derrière l'inaction supposée des syndicats. Si l’on n’est déjà pas prêt à faire grève un ou deux jours en deux semaines, comment croire à un blocage suivi dans la longueur ? Macron fait aussi ce calcul : les payes sont ridicules et beaucoup de salariés sont endettés, la grève coûte. Pourtant, reculer maintenant, c’est signer non seulement l’application de la réforme mais la poursuite de ce rapport de force ultra violent entre une poignée de nuisibles (eux et l'infinitésimale clique qu’ils servent) et nous, les infiniment plus nombreux et bien trop gentils.

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