Ça gueule beaucoup sur les ondes sur ces maudits contrôleurs de la SNCF qui « prennent en otage » les Français en faisant grève au moment du week-end de Noël. Etonnement, ça gueulait moins quand la SNCF contrôlait les Pass Sanitaire à Noël et interdisait l'accès de ses trains aux non-vaccinés. Il était alors nullement question de "prise d'otage" même pas de "discrimination". Mais bon, ne remuons pas la seringue dans la plaie. Pour ma part la question de la dépendance à la SNCF est réglée depuis Noël 2019, après avoir subi strictement la même mésaventure la veille du 24 décembre : j’ai pris la résolution de ne plus jamais avoir à dépendre de la SNCF pour mes déplacements personnels.
Néanmoins, je soutiens les grévistes en question (comme en 2019) d’autant qu’ici c’est un mouvement né hors des syndicats.
Se battre pour une augmentation de salaire fin 2022 devrait être la cause de tous les salariés. Avec l’inflation actuelle, un salarié lambda qui n’aura pas été augmenté de 10% au 1er janvier 2023 aura perdu 10% de salaire en 2022, 20% s’il consacre tout ou une grande partie de ses revenus à l’alimentaire et à l’énergie. Et encore, un combat victorieux pour 10% d’augmentation permet tout juste de rester au niveau, déjà trop bas, du salaire moyen français.
Nos journalistes de plateau télé en roue libre pour dézinguer du gréviste devraient plutôt s’interroger sur le délitement du monde du travail, dont les grévistes de la SNCF ne sont que la pointe immergée de l’iceberg. Pour que des salariés de la SNCF, censés être les plus « protégés » en viennent à faire grève, à démissionner et qu’on peine à les remplacer, que d’autres salariés de plus en plus nombreux dans le secteur privé ne se motivent plus à faire « bien » leur travail, que d’autres encore préfèrent tout simplement ne plus travailler, se détournent même des propositions d’embauches, c’est qu’il y a une sévère couille dans le modèle émancipateur qu’on nous vend depuis un demi-siècle.
Le travail ne payait déjà pas (en tous les cas bien moins que la bourse ou l’immobilier), c’est aujourd’hui la société du travail qui dysfonctionne. Elle avançait jusque-là tant bien que mal, dans l’intérêt premier des détenteurs du capital certes, mais chacun y trouvait une compensation, une rétribution financière, sur fond de conformisme social et de simplicité philosophique du concept : « tout travail mérite salaire ». Avec du 20% d’inflation à l’année, La France peut vite devenir un pays de travailleurs pauvres où le salaire du mois passé aura la valeur d’un tube de dentifrice au 1er du mois suivant. Chacun le sent bien en faisant ses courses (point de rupture avec une élite qui ne les fait jamais et continue à rabâcher que l’inflation est de 6%) : on passe du délirant à l’intolérable. On pourrait s’étonner qu’il n’y ait pas plus de remue-ménage dans les rues face à la pire dégradation sociale expérimentée par les Français en cinquante ans. Les principaux médias en restent en toute logique à l’accompagnement sanitaire transitionnel de la classe moyenne vers sa vie de misère avec du « c’est la faute à Poutine » comme socle analytique de tous leurs maux avec une bonne dose de "je réduis, je décale et je caille".
C’est donc dans une relative docilité, digne d’une quatrième dose, que l’on se fait collectivement amputer de 10% de notre rémunération cette année en attendant le passage à la retraite à 65 ans. Les Français auraient intégré que toute révolte est désormais décimée sans sommation au LBD ? Les Gilets jaunes sont fatigués, ils ont donné : blessés, ostracisés, estropiés. D’ailleurs, crise ou pas, l’Etat investit plus que jamais dans le matériel de répression contre son propre peuple.
Comme une amorce de sécession, la colère sociale semble prendre des chemins de traverse plus discrets mais diablement efficaces : la France s’effondre de l’intérieur, par sabotage. Au cynisme des dirigeants répond la colère silencieuse et désillusionnée des Français, la « grande démission » (le désengagement intellectuel "quiet quitters", puis physique, des salariés) n’est qu’une reprise en main indirecte de cette lutte des classes qu’à coup de crédit facile, de bulle immobilière et d’importations pas chères, élites et médias ont passé un demi-siècle à tenter de taire.
L’effondrement se sentait déjà à travers la dégradation fulgurante des services publics (les transports transportent de plus en plus mal, la santé ne soigne plus, l’électricité menace de ne plus éclairer). Il s'étend désormais au secteur privé. L’effondrement est lent mais bien en cours, ce phénomène de désinvestissement des salariés déjà perceptible (tout déconne : les services de livraison, les chantiers, les restaurants, les chaînes d’approvisionnement), et l’explosion à venir des faillites d’entreprise pour cause d’énergie trop chère, sont les nouvelles étapes de notre Venezualisation rampante (c’est Mélenchon qui va être content).
Ne comptez pas sur les baltringues en place(1), pour changer quoi que ce soit au programme. L’Etat, désengagé de tout depuis un bail, va continuer à brader ses derniers pré carrés au secteur dérégulé, pour se concentrer sur le règne de la peur.
Pour une fois, instinctivement, le peuple semble le devancer dans ce suicide national.
Il y a dix ans on regardait horrifiés la débâcle grecque en se disant qu’ils l’avaient peut être quand même un peu cherché en ayant élu des politiques stupides et corrompus…
Dix ans après, c’est à notre tour.
Et on a tout fait pour.
Sur ce, bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous.
(1) en résumé : un pot-pourri de cyniques et d'incompétents flattés par des courtisans médiatiques et autres faux impertinents.
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