Chemin tortueux, directions contradictoires, fausse route : je ne suis pas loin de tout laisser tomber et d’aller me recoucher. Subtile mélange d'arobica, d’instinct et de volonté, j’atteins enfin le lieu de la rencontre : le domaine de Grand Maisons. C’est ici qu’est organisée ce 8 et 9 septembre, la première université d’
Égalité et Réconciliation, mouvement naissant et en cours de solidification autour des analyses et de la personnalité d’
Alain Soral. Guest-list et coup de tampon, j’entre dans l’ancienne étable. Deux cent personnes sont déjà présentes à quelques minutes du lancement officiel. Premier sentiment, je suis agréablement surpris par l’hétérogénéité et la jeunesse des participants. Une moyenne d’âge de vingt-huit ans est citée par Soral. Je grappille quelques conversations et constate que la curiosité est un motif de participation au moins aussi fort que la volonté de combattre le système. Chacun veut transformer l’essai virtuel et voir
ceux qui se cachent derrière le clavier.
Bienvenue au speed dating socio-politique en milieu champêtre.Tout de même, je m’étonne moi-même. Me faire venir ici est un exploit. Qui me connaît saura que je suis mal à l’aise dès qu’un groupe se constitue dans ma proximité et j’entends par groupe toute assemblée de plus d’une personne. Qui me connaît saura que je suis un farouche indépendant dans tous les domaines et que celui qui me fera devenir supporter aveugle d’un parti politique - même pas né - n’est pas né. Pourtant, je suis là. Pourtant j’y crois. Je suis là pour me rassurer. J’y crois sinon c’est la fin. Il n’y aurait plus qu’à me prendre un abonnement
Canal Satellite, refermer le cercueil et le recouvrir de terre
. Dans ce monde sarkozien, l’individu ayant un peu de sensibilité, un début de lucidité, un soupçon de réflexion et que, par nature, toute injustice empêche de jouir en rond, ce maudit là va au devant d’une lente et douloureuse agonie. Je suis un perdu parmi les autres : un mélange de conviction et d’impuissance, à la fois intimement convaincu d’être dans le juste et donc exclu de la pensée
mainstream. En voyant les grandes affiches du mouvement trônant sur l’estrade,
je réalise que la contraction d’Egalité et Réconciliation, c’est « égaré ». C’est le mot me venant à l’esprit quand je regarde cette assemblée, plus si petite, de gens jadis dépolitisés, de sceptiques qui cherchent à croire, de révoltés pur-jus et d’ennemis du passé.
Nous cherchons nos marques dans le cercle des égarés.L’organisation est minimaliste, l'effort de quelques irréductibles sur-motivés, Soral est visiblement tendu. Enjeu des deux jours : début du concret ou fin du rêve.
C’est le combat qui commence ou le KO final.L’université débute. « Restons cordiaux » précise Soral. La salle est divisée en deux rangées de chaises : à gauche et à droite. D’instinct les corps se disposent autour de cet axe au gré des sensibilités politiques. Bon signe : les placements se brouilleront au fil des débats.
Les interventions du samedi matin sont centrées sur l’islam, son histoire et son rapport à la notion de nation. Ces interventions s’adressent à l’évidence à la sensibilité FN en présence et aux diverses mouvances en bataille à l’intérieur de celle-ci. De culture dépolitisée, d’éducation radicalement anti-Fn, c’est un monde inconnu pour moi.
Pas de réconciliation possible sans principe d’égalité. Ce qui me semblait être acquit, et qui fut le moteur de ma venue à Villepreux, ne l’est pas forcément pour tous ici. Inquiétude. Mais, cela se passe sans heurts et l’état des lieux dressé par
Christian Bouchet, certes non-exhaustif, est difficilement contestable. Un petit encouragement de
Dieudonné détend l’atmosphère et redonne l’impulsion.
A la pause de midi, je reste sur ma faim. Ce que je considère comme une évidence depuis longtemps, bien avant l’élection de l’antéchrist, à savoir qu’il faut dépasser les clivages des partis populaires décrétés
incompatibles par l’intelligentsia au pouvoir n’est pas encore, malgré les défaites de plus en plus cinglantes de leurs partis respectifs, une priorité pour les sympathisants d’extrême-gauche et d’extrême-droite. C’est ici la dernière fois que j’emploi par écrit
les termes « gauche » et « droite » qui n’ont de signification que dans les actes. Au fil du méchoui, je discute avec des gens charmants de divers horizons. Unis dans la casse successive de nos fourchettes en plastique, nous échangeons « cordialement » nos vues et je retrouve confiance.
Sensibilités éparses mais convergentes, l’agréable fluidité des conversations entre inconnus sous un ciel d’azur prête au moment les tonalités d’un repas de famille idéal. Pour les deux cents personnes présentes ici, combien n’ont pas fait le pas ou n’ont pas pu venir, peut-être dix fois ce chiffre, peut-être plus ? Et après cela, combien n’ont simplement pas accès parce qu’ils n’ont pas le temps ou pas l’idée, à une analyse alternative ? Sûrement cent ou mille fois ce nombre. Combien d’entre eux, une fois affranchis, seraient alors en mesure d‘éclairer deux ou trois personnes dans leur entourage ? La majorité.
Curieux ou convaincus, nous sommes donc ici à quelques degrés de séparation amenés à s’estomper, de la même famille. Ok, c’est bien. Encore faut-il en informer l’entourage et les amis. Encore faut-il avoir les mots. A ce titre, je suis étonné de certaines réactions sous couvert d’« éthique » au long de l’exposé de Marie-Therèse Philippe sur les techniques de communication. Nous sommes tous ici rodés à la propagande médiatique continue mais à l’ère de l’idéologie people et de la société des apparences, il faut aussi savoir ne pas se laisser piéger soi-même dans une rhétorique pouvant desservir nos convictions. C’était là une des interventions les plus « concrètes ».
Dépasser le stade virtuel est une chose, il faut sortir du cercle des initiés.Entre L’islam, la nation et le trostkysme, une autre intervention également intéressante de Giorgio Damiiani sur les pièges d’internet. Je crois intimement à la force des mots, de nos analyses et à la transmission de nos arguments de vive voix. Comme l’a prouvée l’expérience pré électorale, ce délire médiatique d’un internet qui allait bouleverser la donne s’est avéré trompeur.
Les clics ne se transforment pas en vote et la moitié des électeurs ne réfléchissent à la question politique qu’une fois dans l’isoloir pour finir le plus souvent par revêtir le manteau confortable de la raison supposée du plus nombreux. Ce que Nietzsche appelait «
l’instinct du troupeau ».
La sarkoze a gagné sur le terrain, en séduisant les cercles familiaux qu’elle infiltrait par tous les bouts. Le virus de
la gagne tranquille a contaminé une audience croyante travaillée au corps depuis des années par la bouillie à paillettes de la télévision. Le fils de pub a embourgeoisé l’esprit français jusqu’aux plus précaires en leur faisant croire avec des formules creuses, voire absurdes, qu’ils seraient les guest-stars d’un épisode des
experts-miami. Résultat, il est le seul à avoir décrocher la super cagnotte. Mais ce n’est pas le sujet et je vous renvoie en bas de page pour un complément de dégoût*. Revenons plutôt à nos égarés dont l’aversion anti-sarkozienne est le plus solide des ciments. Comme le précise Frank Timmermanns, on peut à ce sujet remercier en cette seule et unique fois - notre hyper-président : Quelle matérialisation plus concrète d’un parti extrême que celui arrivé au pouvoir en mai dernier ?
Toujours de qualité, quelques interventions sonnent pourtant parfois comme des tentatives de récupération du mouvement par le FN, preuve de l’intérêt de l’entreprise. L’audience attend plus que ça d’une université d’été. La première journée se conclut sur un texte d’Alain Soral sur les ravages de l’esprit petit-bourgeois et un débat politique avec son public acquit, le tout sur fond de tire-bouchonnage de gros rouge.
C’est tout l’esprit revolutionno-festif que j’estime. Je repars sur Paris, tout va bien, je ne mets que deux heures à rejoindre ma base.
Pour diverses raisons dont la principale est une pochetronnerie tardive, je ne suis pas présent le lendemain matin pour les interventions sur le libéralisme et celle de
Jean Robin dont on me dit le plus grand bien à mon arrivée vers 14 heures. L’audience a changé ce dimanche. Certains curieux de la veille ne sont pas revenus, la moyenne d’âge a augmenté et il y a encore moins de filles qu’hier. Conseil aux organisateurs : En plus d'une distribution préalable de GPS, il faut absolument amener des personnes extérieures aux prochaines rencontres, avec entrée gratuite pour les filles avant 22h et première conso offerte !
Costard soigneusement taillé, précédé de son nuage de parfum,
je croise un Jean-Marie Le Pen classieux et accessible qui a soigneusement préparé son intervention. Je sens l’homme apaisé et, malgré son âge, résolument tourné vers le futur. Leçon de jeunesse. Sa venue et son discours vitalisent la dernière partie de l’université.
Les interventions suivantes gagnent en profondeur, des thèmes de réflexion sont esquissés, l’esprit d’
Egalité et Réconciliation se clarifie. Une étape est franchie, on y va pas à pas. Mais ce n’était pas là le plus important. Sans rien enlever à la qualité des intervenants, les colloques furent avant tout la trame de fond, le prétexte à la cohésion des volontés éparses.
Rien ne sera accompli sans volonté(s). Ce qui compte n’est pas tant le résultat que la direction à prendre pour atteindre ce résultat. Par des actes individuels et collectifs, il faut détourner de son chemin le bulldozer de la raison du plus fort. Ce n’est pas parce que le marché nous écrase qu’il faut lui cirer les pompes. Ce sont par le rythme et la multiplicité de ces actes - et les actes sont initiés par des rencontres comme celle-ci - que nous y arriverons. Je pars de l’Université d’été réconforté et avide d’action. Ce furent là les deux principaux buts des organisateurs. Ca et récolter des adhésions car maintenant faut faire tourner le bouclard.
Quant aux mises en garde de Soral sur un éventuel embourgeoisement du mouvement, vu le côté
roots de sa première université d’été, on est encore loin. A ce propos, je tiens à féliciter les organisateurs, Soral et tous les participants - et je m’inclus dedans pour avoir, deux fois de suite, galéré pour atteindre cette destination improbable - pour cette recharge de confiance dès la rentrée.
Nous en avions besoin.
PS : Le soir, le bon sens féminin de l’aimée casse ma baraque. Je cite : «
Ouais, en fait, je ne vois pas la différence entre un club de tricot et la finalité de ton Egalité et Réconciliation ? » Je réponds à cette impétueuse qui sait trouver les mots : «
certes, tu as un très bon esprit de synthèse. Mais il te manque l’imagination et la vue à long terme**. Rappelle-toi 1789. Ce truc que l’on célèbre plus de deux cents après et qui, on le veuille ou non, à jeté les bases du système républicain. Et bien ma chère, ce soulèvement des masses à démarré quarante ans plus tôt dans l’intimité conviviale de clubs de réflexions entre gens lucides et bien éduqués. Face à l’oppression aristocratique - système de droit divin implacable qui ne venait pas à l’esprit du commun des mortels de discuter - et sur la base d’un constat - l’iniquité de système est intolérable -, des gens de divers bords et sensibilités prirent sur eux de se réunir. D’abord pour se rassurer, donc pour se sentir plus fort, ils organisèrent une réflexion et des arguments à travers des œuvres et propagèrent leur vision éclairée dans d’autres cercles à priori plus hostiles jusqu’à influencer le cours de l’histoire. »
* Paté-Sarkozy a donc niqué La France, c’est un fait. Mais, il continue l’insatiable. A défaut de proprement honorer sa bourgeoise, il se fait La France depuis cent jours et garde son extase pour lui bloquant la porte de sa chambre à L’Elysée avec son autre pied pour que personne n’y rentre.
La France, c’est ma gagneuse ! L’hyper-président court vers la méga branlée : c’est une évidence qui se confirme jour après jour et plus vite que je ne le pensais en mai dernier.
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Tiens prends ça ! (…avant que j’aille faire la vaisselle et repasser le linge).