8 février 2023

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Retour sur le film : Super Express 109 (Junya Sato, 1975)

Son titre sonnait comme une réclame de lessive et son affiche façon comics a marqué mon enfance. Elle était placardée dans le cinéma de la station balnéaire où nous allions en vacances, mais le film ne passait jamais. Super Express 109 est un de ces films que j’ai fantasmé des décennies sans jamais l’avoir vu. Jusqu’à aujourd’hui. Avec ces plans débullés, sa musique funk à la Lalo Schiffrin, ses cascades sans trucage où tu sens que les acteurs se font mal et son montage plus nerveux qu’une série Netflix (mais avec le souci d’être toujours compréhensible), on a du mal croire que cet opus japonais de 2h30 alternant entre le polar et le film catastrophe date de 1975 tant il est moderne dans sa conception. 

Il n’y a qu’à voir ce que produisait le vieil Hollywood au même moment en terme de films catastrophes (Airport, Tremblement de Terre ou l’Aventure du Poseidon qui ont tous gravement vieillis) pour mesurer la largeur du pas de côté fait ici et sa dose de sang neuf (hi hi). J’exagère, il y avait aussi la même année Les Dents de la Mer

L'histoire : Trois laissés pour compte de la crise économique (un paumé, un militant politique déçu et un patron criblé de dettes) placent une bombe sur le TGV nippon pour récupérer une rançon de 5 millions de dollars. Si le fleuron de la technologie japonaise passe sous les 80 km/heure, il explose. S’en suit une course enquête policière pour retrouver les terroristes et stopper le train sans qu'il se crashe. 

Oui, remplacez le train par un bus et vous avec le pitch du Speed avec Keanu Reeves réalisé vingt ans après. D'ailleurs ce Super Express 109 (aka The Bullet Train) ressemble dans ses grandes lignes a beaucoup de films... qui l'ont suivi. Runaway Train, Dernier Train Pour Busan, Unstoppable ou Snowpiercer. Tous ces films doivent quelque chose à Super Express 109, on y reconnait même à l'iidentique un futur plan des Goodfellas de Martin Scorsese (1990) (le vol de l’hélicoptère au dessus de la voiture lors de la cavale parano du héros) et même l’ambiance du final nocturne de Heat de Michael Mann (1995). C'est ce qu'on appelle un film matriciel. 

La différence de fond avec les films catastrophes des années 70 est son traitement froid dans un premier temps, presque distant. Le film de Sato laisse ses victimes à leur sort (n'hésitant pas même à les rendre antipathiques) et son récit va de mal en pis au gré de la nullité des forces de police, et sans l’ombre d’un  sauveur providentiel à l'horizon. 

La version originale du film proposée par Carlotta, plus longue d’une heure que celle sortie en France, est émaillée de flashbacks qui dissèquent les motivations des terroristes et changent la nature du suspens. On passe de la tension autour de la bombe au stress de la cavale des poseurs de la bombe. Le script creuse l’histoire des méchants (là où un blockbuster classique se serait contenté de les caricaturer) et le film prend presque une tournure sociale. La trajectoire du dernier terroriste et sa volonté d’en sortir contraste avec le consternant immobilisme des autorités politiques qui ratent à peu près tout ce qu’elles entreprennent, quand elles n’aggravent pas la situation. Le méchant devient le héros et on en vient à souhaiter qu'il s’en sorte avec l’argent. Monde de merde. 

A regarder un jour de grève de la SNCF, un film bien plus complexe que son affiche et son registre le laissent supposer. 

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