" - Encore du flan, mais tous les dimanches on fait un flan, j’en ai marre !"
L'insurrection gronde dans les rangs. Il est grand temps que tout ceci s’arrête.
Un test sur Facebook au début du confinement m’avait révélé que je craquerai le 28 avril. Si le quotidien est objectivement plus apaisé qu’au début, je ressens pour la première fois les signes extérieurs de l’impatience : extrême irritabilité, perte totale de légèreté et d’humour, accentuées par la défiance totale envers les conditions d'un déconfinement à la sauce gouvernementale qui promet d'être aussi décousu que nos masques. Nos agendas ne sont visiblement pas les mêmes et, malgré les apparences biologiques, nous ne sommes pas du même monde. Cette crise en aura été la démonstration la plus cinglante. Même l'opposition classique de l'intégralité du spectre politique aura été inaudible et décrédibilisée. Les solutions sont comme les problématiques : elles seront locales. Elles le sont déjà. S'il y a une demande forte de services publics, le centralisation et les pesanteurs de l'administratif à la Française auront été un accélérateur de déconnexion entre le pouvoir et ceux qu'ils sont censés protéger : nous.
La France devient officieusement les "Territoires vaguement unis de France".
Ces cinquante premiers jours hors du temps pourraient ressembler à des vacances (et le patrtonat ne manquera pas de le considérer comme tel). J’ai le sentiment de ne pas avoir eu une minute à moi. Les expéditions de ravitaillement, les lessives, les rédactions manuscrites d'attestation, les devoirs à gérer, trois repas pour jour pour trois, le sport à assurer pour tous, la réparation de l’Iphone pour l’ainée et les crises de colère de tout ce petit monde aussi énervé par l'enfermement qu'apeuré par les sorties au grand air. En aucun cas cette période n’aura été un temps de repos. J’en veux pour preuve le peu de films ou livres appréciés en cinquante jours : une poignée. Profitant d’une de mes attestations recyclables, nous sortons pour un tour de quartier à 16h05. J’ai emmené une balle pour faire quelques passes avec A. et R., nous n’en ferons presque aucune puisque chaque échange entre elles finit inexorablement en jalousies et crises de nerfs.
Appel à ma mère en fin d’après-midi. Voix fatiguée et triste, elle n’en peut plus de cette exil intérieur sans nous voir. Récit des dernières visites à l’hôpital, P. s’éteint peu à peu, amaigri, mais parfois encore conscient. Une phrase : « Je veux partir d’ici ».
Indice d’un retour prochain du déconfinement, après quarante cinq jours de soleil, le mauvais temps retombe sur Paris. Enfin une journée où je me satisfais de rester 24h de suite à la maison. Les filles en rythme de croisière s’occupent par le travail, la musique et le dessin.
Un article de 20 minutes relatant les angoisses des parisiens exilés à la campagne quant à leurs conditions de retour après leur deux mois de week end center parcs me fait presque sourire s'il ne faisait pas craindre le pire. Non, ne vous pressez pas pour rentrer. Si le confinement parisien a été moins pire que prévu, c'est essentiellement parce que nous étions un million de moins sur quelques kilomètres carrés. Un retour à la densité normale ici, c'est un carnage annoncé.
Le débat est tranché quant au retour à l'école : A. et R. n'iront pas avant septembre. Même adepte d'une sortie rapide de cette hystérie sanitaire, je ne peux me résoudre à intellectuellement accepter le concept instantané du "c'est sans danger" alors qu'on nous traite comme des criminels de masse depuis deux mois si l'on court deux minutes de trop dans la rue. Tout cela pour, au mieux, douze jours d'école.
A midi, du haut de ses onze ans, R. fait son Fillon :
"- Est-ce que De Gaulle aurait fait un confinement ?"
"- Je ne sais pas ma chérie, en tous les cas il n'aurait pas mis cinquante jours à tourner autour du pot pour reconnaître que la sixième puissance économique du monde n'est pas capable de maitriser la technologie de production et de distribution à chaque citoyen du masque en papier".
"- Mais y a déjà plein de gens qui travaillent aujourd'hui sans masque"
"- Tu sais, quand il s'agit d'aller faire travailler les pauvres, il n'y a pas de polémique qui tienne. En revanche qu’il ne leur vienne pas à l’idée d’aller faire la fête, au restaurant ou d’aller à plus de 20 enterrer un de leurs proches contaminé : ce serait irresponsable.".
On critique les quelques types qui ont dansé dimanche sur Dalida dans le 18e arrondissement alors que c'est la plus saine des attitudes face à l'angoisse de ce monde absurde (sauf peut-être sur le choix musical).
Comme le chantait Prince "We could all die anyday. But before I'll let that happen, i'm gonna dance my life away".
Les jours d'avant :
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