C’est le pire qui pouvait arriver : un premier joli dimanche de printemps
Autorisation générale d’aller voter donnée par un pouvoir qui n’est pas foutu après trois mois d’alerte de faire fabriquer et livrer des masques à sa population et aux médecins (à noter que le premier ministre de la France est lui-même candidat à la mairie du Havre. On ne sait jamais : si d’aventure il s’ennuyait avec les évènements du moment).
La première belle journée de l’année, douce et bleue, après trois mois de pluie. Je me torture toute la matinée après 48h enfermé, mais je ne peux m’empêcher de sortir les filles en leur ressassant toutes les précautions d’usage : les mains dans les poches, rester à trois mètres de tout individu. Nous improvisons un parcours au milieu de la chaussée qui compose avec les rayons du soleil et l’évitement systématique de ceux qui nous regardent encore les yeux ronds. Nous nous retranchons dans les allées tranquilles du cimetière Montparnasse, loin de la tension. La tombe de Jacques Chirac est un inattendu sanctuaire ou nous oublions le virus quelques instants.
Nous croisons de loin quelques silhouettes solitaires et un couple d’allemands assis sur un banc avec valises et masques. Ils attendent probablement la navette pour l’aéroport. A leur visage fixe, je vois que eux ont très bien compris la situation.
De ce que je capture sur les réseaux sociaux, à l’image de l’insouciance des rues autour, les parisiens s’entassent dans les rues marchandes et les parcs, ne changeant rien à l’égoïsme total qui les caractérisent. Des buvettes sont même encore ouvertes malgré l’interdiction. J’avoue que j’ai toujours mal compris ce penchant local pour l’entassement bruyant. Alors en période de pandémie...
Paris ne panique pas encore. Paris est une fête. J’ai l’impression de vivre dans mon mur Facebook s’il y a dix jours. Je me souviens aussi du journal de Paul Léautaud relatant la vie paisible du quartier (le même) au printemps 1940 alors que l’été et les nazis approchent de Paris. Balek total de parisiens pédants perdus dans les polémiques du moment et qui n’y croient pas vraiment tant qu’ils n’ont pas vu la couleur d’un tank. Puis soudain, c’est l’hystérie générale et, en 24h, Paris se vidait (temporairement, les Parisiens revenants petit à petit puisqu’il suffisait de ne pas être juif pour se croire immunisé).
Nous ne ressortirons plus de la journée et probablement de la semaine, nous n’avons croisé personne à moins de trois mètres avec notre randonnée à courbes et angles droits. Le danger vient par surprise de notre propre immeuble. Des types fument dans les parties communes « pour ne pas enfumer leur appartement ».
Espérons que le couvre-feu qui ne manquera pas d’advenir dans de brefs délais vu notre déni et notre impossibilité collective à respecter les règles, renforcera à la fois nos défenses humaines et notre souci de l’autre.
Je mets donc à faire mon footing en appartement, je deviens professeur de maths et de solfège (si on m’avait dit ça il y a encore quatre jours) et j’entame une première semaine de télé-travail en m’estimant heureux de pouvoir attraper un rayon de soleil en fin de journée en me penchant par le balcon : c’est un luxe à Paris.
Les plus grands souvenirs de 2020 vont bientôt tenir à pas grand-chose.
16 mars 2020
a la une, confinement, paris
Par
Seb Musset
3/16/2020
Ecrit par
Seb Musset
#Confinement (ou presque) jour 3
Né en 1972 à Paris. Filme, écrit, communique, parle de lui à la troisième personne, fait du vélo et blogue ici parfois aussi. Il n'appartient à aucun parti, organisation politique ou site reprenant les textes des blogueurs sans les rémunérer. Ce blog est la continuité aléatoire de ses livres, ou l'inverse.
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