A quelques heures du confinement officiel, R. compte les passages dans la rue des gens avec et sans masque.
Le ratio protégé/non protégé est encore très, très faible. A huit heures devant la supérette, curieux spectacle de quelques personnes qui s’agglutinent en respectant encore timidement les consignes de sécurité. Pas de file, juste un éparpillement « allégé » devant le seul accès du magasin. Au fil de la journée, la file se forme avec un espace raisonnable entre chaque consommateur cueilleur à carte bleue.
N’ayant rien compris au discours de Macron, je regarde les consignes de Castaner. On dirait le remake d’un film apocalyptique de Roland Emmerich avec Michel Galabru dans le rôle principal. Ceci écrit il est plus concret que le patron de la start-up nation dont le virus a d’ores et déjà eu la peau. Il est donc question d’un papier à imprimer pour faire pisser son cleps (je regrette soudain de ne pas en avoir).
Je lève les pieds sur le footing et les sorties « inutiles » moi qui fais presque chaque jour entre 5 et 10 kilomètres à pied. Je vais en rester au ravitaillement une ou deux fois par semaine et éventuellement quelques marches autour du block tôt le matin. Je suis surtout catastrophé pour les enfants qui vont devoir rester cloitrés 99,9% du temps. Ça n’a pour l’instant pas l’air de les troubler. Business as usual.
Côté scolaire nous avançons mieux. La matinée se cale sur les leçons et les devoirs fournis par divers moyens par les professeurs tandis que je travaille de mon côté. On glisse immobile doucement dans le dur. Quatorze jours, peut-être le double, le triple. Et pour quel résultat ?
On en est là avec nos doutes, nos envies de renouer contact, de retisser les liens que l’on a laissé se distendre. Un mot, un commentaire, une voix peut sauver des minutes, et les minutes font des vies. Nous sommes trois naufragés d’intérieur qui se découvrent à partir de mardi midi avec eux comme seule perspective. On rit, on lit à voix haute l’un contre l’autre du Marcel Aymé dans la chaise longue, on fait du sport, beaucoup, c’est incroyable tout ce que l’on peut faire dans un salon une fois les meubles enlevés. On compte la nourriture, les mots à apprendre en anglais, le vocabulaire de la poésie, les billes dans le jeu d’Awalé, le nombre de jours qui nous séparent de mai et les week-end qui disparaissent.
Douceur de la proximité oubliée avec les enfants comme aux premières années. Quelques colères entre soeurs, qui s’attirent et se déchirent sans cesse déjà en temps normal. C’est par la musique que paradoxalement nous nous isolons le mieux chacun à nos postes, l’écran des réseaux pour moi, la partie de carte imaginaire pour A. et les messages aux copines pour R. Nous prenons le rayon de soleil de la journée à la fenêtre une petite heure, en écoutant le champ des oiseaux. Un air apparemment pur nous caresse les joues. Le soleil gagne du terrain lentement, trop lentement. Il fait encore froid. Mars est le plus traitre des mois. On danse dans le salon sur des vieux disques à l’heure de l’apéro à l’eau.
"Let the sunshine in !"
L. est de l'autre côté de la ville. Je crois qu’elle gère mieux que moi l’angoisse plus ou moins larvée de chaque instant. Nous y serons confrontés ensemble dans notre coin, à tour de rôle en silence, avec nos petits rites et en nous aimant. Chacun sur notre rive, avec nos enfants, sans trop rêver, en prenant soin de profiter de chaque instant.
Je crois que suis entrain de progressivement reprendre mon premier blog. Il s’appelait les jours et l’ennui.
18 mars 2020
a la une, confinement, paris, vie quotidienne
Par
Seb Musset
3/18/2020
Ecrit par
Seb Musset
#confinement jour 5
Né en 1972 à Paris. Filme, écrit, communique, parle de lui à la troisième personne, fait du vélo et blogue ici parfois aussi. Il n'appartient à aucun parti, organisation politique ou site reprenant les textes des blogueurs sans les rémunérer. Ce blog est la continuité aléatoire de ses livres, ou l'inverse.
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