Enième flou des repères temporels. Je perds la trace du vendredi avec sa promesse de forêt.
A. à marche rapide dans la tranchée, l'autre nom des rues sans voitures. R. râle car elle porte le sac de sa soeur et qu’il fait trop chaud. Elles ont pris leur marque. Elles manœuvrent désormais dans la privation de liberté et la précarité du temps libre comme des carpes en eau tranquille.
Achat de légumes et fruits frais. Avant même de les croquer les fruits, cette abondance de couleurs dans la corbeille me réveille.
Discussions avec des voisins en tongs lors de mon trafic d'agrumes en cagette. La météo, la santé, qui l’a ou pas. « Mon fils il l’a et ça va bien ». « Ma soeur l’a déjà eu en janvier ». « Le père de la gamine est mort il y a cinq jours, les pauvres. ». La résignation comme le virus et s’installe en nous tranquillement.
L’absence policière constatée, et rapportée dans d’autres coins de Paris, nous questionne. Elle est à l’inverse de ce qui se passerait dans d’autres régions. Peur des contrôles du côté policier qui eux non plus n'ont pas assez de masques, et donc droits de retrait ? Volonté politique d’être un peu plus souple sur Paris pour, un peu, accélérer sans l'avouer l’immunisation collective dans un bocal délimité par le périphérique ? Sommes-nous simplement tellement bien disciplinés que notre cas est classé ?
« - en fait, on est bloqué chez nous parce qu’ils sont nuls. Macron nous punit parce qu’il est impuissant » me lance R. alors que nous marchons en solitaire le long de la tranchée rectiligne en bordure du cimetière en guise de vacances.
Elle a tout compris de l’insoluble équation des impuissants.
Dans cette situation, ils sont perdant à tous les coups. Il leur reste juste à négocier la qualité de l’adjectif utilisé à leur sujet dans les futurs livres d’histoire. Pour le moment, à en juger la réthorique guerrière utilisée pour masquer sa misère par le locataire de l’Elysée, il est très impuissant.
La nouvelle petite musique du gouvernement « scientifique » depuis quelques heures, c’est la soudaine importance de porter des masques. Les propos gouvernementaux tenus il y a quelques semaines sur « les masques qui ne servent à rien » deviennent des « invitations » à porter des masques même artisanaux à chaque sortie, si nous le souhaitons. 22 jours de confinement, de tortillages constipés sur tabouret pour nous chier du bout du cul une évidence qui expédient leurs propos suffisants des semaines passés à la rubrique « mensonge d’état ». Selon toute logique administrative d’ici deux semaines, à défaut de nous les fournir, l’état nous verbalisera pour sortie sans masque. Et ils voudraient de la confiance...
Ces gens ne méritent que nos postillons.
Pour l'instant, accompagnés par le chant des oiseaux, père et fille poursuivent la randonnée en circuit court au bal masqué. Certes il y a la joie continue du nouveau calme parisien, une vague odeur de campagne sur le boulevard mais il y a aussi ce début de défiance, de grondement de fond. La peur chez les uns, un début de colère chez d'autres. Dès que l’on sortira la tête du guidon et que l’on réalisera concrètement dans son porte-monnaie le drame économique et les funestes perspectives d’un pays flingué par overdose de conneries au sommet des technocrates, il est possible que l’humeur change un peu ici-bas.
R. a un peu froid. Nous faisons un peu de corde à sauter et rentrons cuisiner.
J’apprends dans la soirée que P., hospitalisé depuis plusieurs mois pour une autre pathologie, est testé positif. Les visites étaient déjà interdites, le virus est arrivé par un infirmier.
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1 comments:
Tiens, j'ai reconnu la rue Emile Richard le long du cimetière du Montparnasse. Je pense aussi qu'impuissants, ils tremblent devant les âneries (discours irresponsables de Sibeth etc) et que le réveil va être douloureux et devant les tribunaux.
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