30 mars 2012

10 conseils pour payer son carburant moins cher

par
Par Dominique Lesplife, coach conso du blog.

Peuple des jantes, j'entends ta colère. Tu en as marre d'être l'automobile dindon plumé par l'état maquereau à la solde du lobby des trottinettes ? Je te comprends. Cette hausse doit cesser ! Comme le disait déjà en 1979 Michel Galabru dans ce brûlot sociologique "Flic ou Voyou" signé Lautner:  "Aujourd'hui tu as déjà le croissant beurre à 1 franc 30, tu ne trouves pas que c'est un maximum ?" *(à 4.00 ici)

Voilà donc 10 conseils testés et approuvés pour faire de substantielles économies à la pompe:

Conseil 1 (le plus important) / Arrête de vivre dans la croyance que le prix de l'essence puisse durablement baisser un jour. Ça fait juste 30 ans que ça ne fait que monter, et au moins dix que l'on te répète que les stocks sont limités et le pic dépassé. 

Conseil 2 / Préventivement. Dis systématiquement, en soirée comme en entretien d'embauche, que tu n'as pas le permis de conduire. Crois-en mon expérience, c'est tout bénéfice sur le long terme, sauf évidemment si tu ambitionnes une carrière de VRP itinérant (mais là je m'incline, on ne peut lutter contre la passion). 

Conseil 3 / Si tu n'as pas le permis, ne le passes pas. Tu ne rates rien. Le scandaleux tarif de ce ticket d'entrée devrait t'alerter sur l'exponentiel gouffre à pognon qui t'attend au tournant à sens unique sur ton porte-monnaie.

Conseil 4 / Fort du constat du conseil 1, ne t'endettes pas sur 30 ans pour habiter à 117 kilomètres de ton boulot (dont la conjoncture pourrite incite à penser que tu ne le garderas pas aussi longtemps). Je sais: il est super ce hameau à Nowhere ville, que c'était trop une affaire top parce qu'en centre-ville c'est trop cher, que tu vas pouvoir laisser libre court à ton délire créatif de décorateur d'intérieur made-in-M6, que le Casto où t'iras trois fois par jour n'est seulement qu'à 40 kms, que tu vas pouvoir bétonner une terrasse de 200m2 rien que pour ta gueule et creuser ta piscine au bulldozer à mazout (avec un repose serviette en bois bio, parce que ça te fait des ondes positives face à la machine à café d'être aussi proche de la nature) et qu'après les trois heures de Citropeine quotidiennes (3 pour madame, 3 pour monsieur) le cadre de vie ici est incomparable. Je sais tout ça, donc merdalafin: cesse de squatter les ondes de libre antenne de ta stérile indignation pétroleuse.

Conseil 5 / Adopte la Dis-leur merde au dealer attitude. L'essence te coûte un bras ? Fais-lui un doigt. Boycotte la bagnole individuelle. Vu comment état et constructeurs craquent du slip dès que les ventes chutent d'un 1% sur l'année, crois bien qu'avec qu'une chute massive, ils vont soudain t'inventer une baisse des prix généralisée sur bagnoles et carburants, voire même, on peut rêver, massivement oeuvrer pour une reconversion rapide vers les véhicules hybrides (p'tet même que ça redonnerait du boulot aux ouvriers chez nous va savoir ?).

Conseil 6 / Ce faisant, réapprends à marcher, à faire du vélo comme dirait Christine. Réapprends à cultiver la vie autour de toi avec des gens du cru et non à la chercher loin et en troupeaux d'anonymes, formatée et prête à consommer dans les temples commerciaux, officines à logos et autres multiplexes à pop corn. Consomme local et à proximité. Tu vas voir c'est dingue comme l'on devient inventif et ouvert sans voiture. L'automobile doit se réserver à l'exceptionnel, non au quotidien. Privilégie la location, ce qui ne résout pas ton problème d'essence j'en conviens, mais casse l'accoutumance. 

Conseil 7 / Sors-toi de la tête que la voiture est un symbole d'émancipation et de réussite sociale. C'est le symbole ultime de l'asservissement et du moche à grande échelle. Désolé de casser ton dream, mais une bagnole, en plus d'être un boulet, c'est laid. Hormis ces quelques véhicules tunés à la Kevin (des Kevin à qui je rend hommage pour leur inébranlable passion pour l'originalité): la possession d'une automobile, c'est tellement XXe siècle ! Quant à posséder une dans une grande ville, genre à Paris (capitale réputée pour sa vitesse moyenne de 7km/heure et ses pics de pollution aux micros particules), c'est le signe extérieur le plus flagrant, au minimum, d'une connerie sans nom et, plus avant, d'un égoïsme profond.  

Conseil 8 / Le bonheur retrouvé n'est-il pas le plus performant des véhicules pour se diriger vers la félicité ? Et bien sans voiture, tu redeviendras un être aimable et civilisé. Tu te débarrasseras d'un puissant générateur d'anxiété et tu t'épargneras des dizaines d'opportunités quotidiennes de te faire traiter de "connard" par ces maudits piétons à qui tu grilles la priorité sur leur passage réservé sans même t'en apercevoir (ou alors, un poil trop tard, quand la tête du p'tiot est incrustée façon décalco sur ton pare-brise ébréché et que tu balises de savoir si chez Carglass ça va le faire pour la promo jusqu'au 10... rapport qu'ont est le 11).

Conseil 9 / Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour les autres. Pour les raisons évoquées ci-dessus, la voiture est un facteur aggravant d'individualisme et d'éparpillement social. On bride mieux les salariés s'ils sont éloignés géographiquement les uns des autres et s'ils se soumettent de bonne grâce au tensions des trajets à respecter pour arriver à l'heure. La voiture a évidemment joué un rôle capital dans la grande mise en kit du salarié. La capacité de mobilité, au même titre que la propension à accepter les charges de boulot supplémentaire pour la même paye, font partie des impératifs de "flexibilité" insidieusement imposés par l'entreprise à l'employé qui les intègre sans rechigner, pire en s'en vantant d'un "ouah mes trajets en voiture pour aller et venir du boulot, c'est vraiment un moment de décompression rien que pour moi" au méchoui d'anniversaire organisé par Natacha pour les 2 ans de sa Hyundaï Santa Fé

Conseil 10 /  Si malgré ces conseils, tu t’évertues à posséder une voiture (dont je ne m'offusque pas que l'on taxe fortement l'usage à condition d'offrir en contrepartie une large gamme de transports publics, en ville et à la campagne, de qualité et à faible prix, voire gratuite) ou que, bon, "tu n'as pas le choix" et que "l'isolement c'est ma vie quoi", accroches-toi à une vieille chignole (je conseille la R18 à l'incassable courroie de transmission, enfin tant que l'usage des voitures de plus de 3 ans n'est pas criminalisé) et bichonne là pour qu'elle dure un siècle (si, si c'est possible même si personne n'en fait la pub à la télé). Fais en profiter les autres sur un maximum de trajets et partage les frais (ou offre-les, si vraiment t'es un mec sympa, ce qui est le cas vu que tu m'as lu jusque-là).

Tu trouves mon article malhonnête et que je suis odieux avec les automobilistes ?  Attends un peu de lire mon billet sur les deux-roues qui zig-zaguent hagards et se garent partout avant de te faire une idée arrêtée à mon sujet. Pour la ristourne sur le plein, je confirme: sans voiture, elle est de l'ordre de 100%.


Illustration : Christine, John Carpenter (1984).

Articles connexes :

29 mars 2012

La gauche sans doute

par
"Qu'est-ce qu'il se passe ? Il se passe la réplique de 2005.
Jean-Luc Mélenchon, 29.03.2012, France Info

Quelle fine et discrète tentative de la droite néolibérale de pousser la gauche à se diviser en flattant un Jean-Luc Mélenchon ne cessant de progresser dans les sondages.

Quoi ? Il y'aurait un problème Mélenchon ? Pour qui ? Avoir deux programmes de gauche en tête des trois premières intentions de vote à 30 jours du scrutin: où est la mauvaise nouvelle ?  L'un et l'autre des deux candidats ont déclaré qu'ils appelleraient à voter pour l'autre au second tour: où est l'interrogation ? Qu'un Front de gauche, passé de rien à 3e force politique en 5 ans, réunissent toujours plus de monde en meeting, "s'oppose de manière utile et constructive" et réintéresse au débat citoyen et au processus démocratique des centaines de milliers de citoyens désabusés par la classe politique: où est l'inquiétude ? Régénérer cette indispensable imagerie de gauche qui fait péter de trouille le bourgeois et redonne confiance au petit employé (la prise de la Bastille 2.0 avait une sacrée gueule) dans une campagne à dominante bleue (graphiquement au moins), ré-insuffler un air révolutionnaire dans un climat tristoune et agréger (presque tous) les divers courants d'extrême gauche pour permettre au PC de renouer avec ses scores d'il y a 25 ans: doit-on être vraiment s'en désoler à gauche ?  

Jean-Luc Mélenchon réussit son pari: recréer une dynamique populaire (en fait coaguler les 10-15% traditionnels de l’extrême-gauche dans ce pays) pour infléchir la ligne programmatique du Parti Socialiste tout en affaiblissant le Front National. Et si celui qui se voit comme l'avant-garde d'un mouvement européen de victoire dans les urnes contre les gouvernements néo-libéraux va plus loin, je ne m'en plaindrai pas. 

Mais ne nous trompons pas d'ennemi. Sur le packaging média et sa surexploitation, la montée Mélenchon arrange les bidons d'une droite qui peut ainsi, en une passe, détourner la question de son manque de programme et de ses maigres réserves de voix au second tour tout en tapant sur François Holland, suspecté de ne pas être assez à gauche aujourd'hui, accusé de faire alliance avec les communistes dans un mois. 

L'inhabituelle clémence à droite envers Mélenchon n'aura qu'un temps, trois semaines précisément. Après il resservira d'épouvantail. Hollande le sait parfaitement, d'où sa tempérance à se déporter trop loin du centre, bien que les évènements et la montée de Melenchon l'y poussent inexorablement. Ne perdons de vue la donne française:  une population de votants qui, par intérêt financier et / ou domination culturelle, est encore ancrée à droite. Notons à ce sujet la revalorisation opportune des retraites au 1er avril. L'équilibre du moment est de rendre désirable la gauche sans réanimer les vieux réflexes de droite. Chacun à leur manière, Hollande et Mélenchon y oeuvrent et, par-dessus tout, l'époque à bout de souffle nous y conduit. 

Le véritable question du premier tour n'est donc pas la puissance de gauche à donner à son vote, mais bien de voter. Le pouvoir en place a d'ailleurs été bien discret en matière de communication sur l'inscription sur les listes électorales et la simplisme procédure de vote par procuration (le 1er tour tombant en plein pendant les vacances scolaires).


Tiens d'ailleurs... j'aime beaucoup cette vidéo.

25 mars 2012

Objectif nul

par
 
Le Monarque aurait donc retrouvé une grosse partie de son programme dans un deux-pièces de la côte pavée à Toulouse. Ainsi, faute d'idées, la droite s’apprête à nous faire une mini-campagne sécuritaire pour la troisième présidentielle consécutive.

Ceci devrait théoriquement indiquer à l’électeur que, malgré les gesticulations, la droite et les résultats en matière de sécurité, depuis 10 ans ça ne marche pas

C'est que... entre 2007 et 2012 notre Monarque aura supprimé près de 13 000 postes de policiers et de gendarmes et ce, comme le précise Melclalex, au nom de la "performance" (cad "la compétitivité" appliquée aux forces de l'ordre). Il en va de la "performance" comme de la "compétitivité", ces logiques axées sur le ratio mathématique au détriment de la qualité et de la proximité, nous éloignent peu à peu du but premier et nous rapprochent inéluctablement du zéro absolu.


Voilà qui n’empêche pas notre monarque de lâcher un de ses faux "off", censés relever le niveau de médiatisation de sa campagne sans projet, en qualifiant son opposant François Hollande de "nul"

Il voulait juste dire par là que son concurrent principal n'a pas pu exercer une longue pression sur le RAID à distance, conduisant l’opération au semi ratage puisque, comme les 66 autres millions de français, il n'est pas président. Et donc, un moins que rien.

Le Monarque aime nous répéter à longueur de plateaux conciliants que "la crise est passée par là" et que "les Français ne sont pas assez compétitifs". Nous pouvons lui signifier en retour et selon ses propres termes que son bilan à la tête du pays est pire que nul, il est rétrograde.


Répétons-le, encore et toujours :

- 1 million de chômeurs en plus (+ forte hausse depuis 30 ans, 35% en 5 ans), 
- 612 milliards de dette supplémentaire (le poids de la dette passe de 64 à 85% du PIB en 5 ans), 
- 75 milliards de cadeaux fiscaux
- 340.000 pauvres supplémentaires (225 par jour), 
- un taux de prélèvement obligatoire passé de 43 à 45 %, 
- 300.000 emplois industriels détruits (750.000 en 10 ans de droite), 
- 80.000 postes d'enseignants supprimés
- Création de la franchise médicale, augmentation du forfait hospitalier, doublement de la taxe sur les mutuelles complémentaires, suppression de 16.360 lits d’hôpitaux...


Je te laisse compléter tant, des conditions de travail à l'état de la retraite en passant par le soutien actif à la bulle immobilière, il n'y a pas un domaine où il n'a pas empiré les choses. Je n'évoque pas non plus les affaires Bettencourt, Karachi, l'air force four-à-pizza, la hausse de salaire de 172% et l'augmentation de 30% du pouvoir d'achat du président en 5 ans de "crise passée par là" (hausse de 2.1 M à 2.7 M d'euros révélée par sa récente déclaration de patrimoine)...

Avec un CV pareil et de telles prétentions salariales, notre glorieux monarque qui, toujours animé de la passion des autres, traite alternativement peuple et concurrent de "con" ou de "nul", ne se verrait probablement pas confié un poste de déboucheur de chiottes par Pôle Emploi.  

Motif ? Pas assez performant et très peu compétitif.

22 mars 2012

Le pouvoir de l'info spectacle

par

Seconde fois que je cite cette phrase d'un conseiller du Monarque en un an, mais elle éclaire parfaitement la séquence médiatique que nous venons de vivre:

La vraie révolution ce n'est pas internet, mais la TNT."

On pensait mercredi matin que le président-plus-candidat s’extirperait de sa campagne suspendue pour parader après un assaut, selon toute logique policière, imminent. Mais étrangement quelqu’un quelque part a préféré laisser se diluer l’infusion toulousaine

Sur les écrans, le siège de la rue du Sergent Vigné nous aura offert la démonstration des limites de ce mode d’information uniquement basé sur “ la priorité au directavec une absence croissante de recul de la part de ceux censés trier l’information. Un sommet est atteint vers 15 heures mercredi lorsque l'envoyé spécial de BFM annonce l’arrestation de Mohamed Merah. La nouvelle infirmée par d’autres journalistes puis par Guéant lui-même, la chaîne met de longues minutes à se dégager de sa boulette (sans la démentir formellement) laissant son journaliste se dépatouiller seul à l’antenne (vu que c’est le concept, tu piges?). Au bout du rouleau, il lâche un mémorable: “je vous confirme mes informations contradictoires”

Un détail au regard du point plus important: ce temps d’antenne figé sur un bout de mur à Toulouse avec en commentaire le chloroforme de la logorrhée des experts en ameublement ne pouvait pas faire de mal dans une période où il faut à tout prix éviter de parler du reste. 

Et l’on comprend dans ce type de circonstances extrêmes, l’utilité de ces chaînes pour le pouvoir en place:

1 / Cultiver la sidération (un peu l’effet loft story saison 1, version “choc et effroi”. Déjà vu avec l'affaire DSK).

2 / Ressasser les thématiques connexes par des "experts" (experts parce que vus à la télé) : islamisme, terrorisme, pro-sécuritaire, les jeux vidéos c'est le mal... 

3 / Recréer du sacré. L’information (dans ce cas de figure où les journalistes sont mis à l’écart sur le terrain) se résumant à une broderie autour du vide: l’écriture est proche de celles de leurs confrères "mode" ou "cinéma" attendant au pied du tapis rouge des oscars, le passage des stars. Ici, Nicolas Sarkozy et Claude Guéant.

4 / Écraser toute autre information, thématique ou prises de parole hors de cette actualité. Durant deux jours, l’opposition (à part peut être Marine Le Pen qui s’est réveillée de sa torpeur programmatique lundi matin pour multiplier les directs) a littéralement eu la voix coupée. Une bombe a explosé à Paris, on en a à peine parlé.

A 30 jours du premier tour, le président-pas-encore-re-candidat n’allait pas se priver d'une OPA sur les cerveaux de 32 heures. La situation le replaçant de fait en position de leader incontestable, autant la faire durer. De plus, une fois le suspect circonscrit, une version longue offre le temps au président-bientôt-re-candidat d'optimiser sa stratégie de campagne composant (ou non) avec cette nouvelle donne.

Fin du siège jeudi matin avec la mort prévisible de Merah. Sortis d'un plan de Michael Bay (mais tourné au camescope), Claude Gueant et les policiers remontent lentement la rue pour annoncer aux journalistes que l’affaire est bouclée. Suit une intervention solennelle du président-presque-à-nouveau-candidat à l’Elysée pour le 13 heures. Soignant son entrée, il conclut comme à son habitude sur des décisions de lois qui ne seront jamais appliquées notamment celle criminalisant la consultation de “sites extrêmes[2]. 

Qu’est-ce qu’un site extrême ? Qui décide de l’extrémité ? Une consultation c’est quoi exactement ? Condamné à quoi et comment ? Autant de questions qui importent peu en Sarkozie. On ne fait pas, on dit qu'on a fait ou qu'on va faire, ça coûte moins cher. Il s’agit ici de briser la séquence de suspension en parlant raide, de choisir les termes du débat à suivre, de caler les autres à sa parole, d’exciter les outrés pour les pousser à la faute[3].

Sarkozy profiterait d’un effet combo Human Bomb meets Papy voise ? L'équation est autre et les faits-divers ou actes terroristes survenus lors des précédentes campagnes n'ont pas tous bénéficié aux pouvoirs en place. Les crimes sont atroces, atypiques même dans le cadre d’un terrorisme radical. Le suivi et l'opération policière gardent aussi une odeur de fiasco et soulignent les limites du tout sécuritaire (lenteur de la remontée de l'info, comment un mec surveillé par la DCRI a-t-il pu se concocter un stock d’armes? Pourquoi avoir choisi un assaut de nuit et sur son terrain alors qu'on aurait pu le cueillir tranquille devant chez lui?). Cette tragédie devrait surtout rebooster un FN affaibli depuis quelques semaines en le réorientant plus franchement vers les thématiques que l’UMP s’acharne à lui piquer. 

C’est de cela dont Sarkozy et ses équipes ont dû réfléchir durant ces longues heures de siège. Après l’émotion et la stupeur, fort de ce rebondissement ouvrant la porte à une campagne encore plus cradinguecontinuera-t-il à jouer le clivage ou visera-t-il le rassemblement ?


illustration: photo-montage d'après une image de Fox News.

[1] Et dés qu’elle levait un peu le ton, enlevé c’était pesé: on l’accusait de récupération, tandis qu’au même moment dans diverses tribunes quelques éditorialistes rances, et des figures politiques de la droite ne se gênèrent pas pour accuser la gauche, les verts, Martine Aubry et même Stéphane Hessel des massacres de Toulouse.

[2] Sur le fond, ne soyons pas étonnés que cette séquence de portenawak télévisuel s'achève sur une condamnation d'internet.

[3] J'ai écrit à plusieurs reprises que ce président était une bavure démocratique à la solde des pouvoirs de l'argent doublé d'un incompétent fort en gueule dont le seul talent est de n'avoir honte de rien. Ce qui est un peu excessif. Suis-je un site extrémiste ? 

20 mars 2012

Ayez peur !

par
Nous interrompons notre exil provisoire du blog pour un point sur la présidentielle. En effet. Il semble que le candidat-président, rompant sa promesse de suspension de campagne suite à la tuerie de Toulouse, a enfin révélé son programme ce matin au collège François-Couperin de Paris. 

Efficace et ayant déjà fait ses preuves: Ayez peur



Après cinq ans d'une politique et de propos à l'outrance banalisée ne visant qu'à cliver, stigmatiser, dresser les uns contre les autres, notons l'utilisation d'enfants en fond d'écran pour un passage plus efficace de l'émotion. 

15 mars 2012

L'infiltration lorraine

par
De notre envoyé spécial à Paris, Jean-Jérome Ciregrole. 

Dans son effort de reconquête de l'opinion et de proximité avec les gens de nos territoires n'ayant pas su prendre le tournant de l'économie moderne en s’entêtant à vouloir produire français et être payé pour ça, notre candidat-président avait autorisé les 200 ouvriers de l'usine Arcelor-Mittal de Florange à venir se faire filmer à ses côtés, histoire de bénéficier, comme Giulia, de son aura médiatique. 

Malheureusement, il y avait malentendu sur l'agenda. Les uns comprenant jeudi et l'autre lundi. 

VALERIE ROSSO-DEBORD
- "Notre candidat-président était occupé à poster des cartes de voeux, certes un peu tardifs, aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon et n'a donc pas pu recevoir les ouvriers en personne. Nous en sommes désolés."

Qu'à cela ne tienne. Dans un de ces sympathiques gestes d'apaisement et d'ouverture (comme faire huer les syndicats lors d'un meeting) qui sont l'apanage des plus grands démocrates du monde civilisé, le candidat-président déléguait à 12 escadrons de la compagnie de la compagnie républicaine de sécurité le soin d'escorter la prolétarienne caravane à Paris.  

Pourtant étroitement encadrés par les forces de sécurité, et quelques GO des RG, dès leur entrée dans l’accueillante cité touristique, nos malotrus métallos faussèrent compagnie à leur tour operator surprise, tonfa tour.

En plus de ne pas être assez compétitifs et en grève depuis 4 semaines pour le redémarrage des hauts fourneaux, les ouvriers ne sachant pas non plus se servir d'un GPS de fabrication chinoise (preuve de leur duplicité patriotique) s'égarèrent aux abords du QG de campagne du candidat-président, Rue de la convention. Par chance, hôte soucieux du ravissement des fines bouches, notre bien aimé candidat-président avait également prévu un comité d'accueil des plus hospitaliers

Là encore, nos métallos lorrains se montrèrent particulièrement mal élevés, affichant des signes d'ingratitude, voire quelques pleurnichades fort peu viriles, face à la distribution de gaz lacrymogènes qui leur était pourtant généreusement servie pleine gueule par 250 CRS.

Interrogé lors d'un déplacement dans la réalité parallèle des vieux apeurés musulamanophobes et réactionnaires, le président-candidat a précisé, magnanime, qu'il souhaitait néanmoins entamer le dialogue avec les représentants syndicaux qu'il venait juste de faire asperger.

NICOLAS SARKOZY
"- Je recevrai les représentants des salariés, mais lundi. A l'Elysée, entre 12h14 et 12h17, et de mon bon profil. Mais pour l'instant, veuillez m'excuser, je dois aller au Virgin acheter le DVD de Benjamin Bolton et regarder la VOD de The Voice avec Carlita. Désolé d'avoir des occupations terre-à-terre et de ne pas faire mon intéressant dans la rue. Que voulez-vous, nous sommes des gens modestes."



Pour couper court à toute rumeur relayée par la presse fasciste et les blogueurs en sursis, le ministre de l'intérieur Claude Guéant a tenu à préciser que toute exploitation de ce pataquès ne serait qu'une instrumentalisation supplémentaire de la détresse ouvrière par les bobos parisiens à la solde de la gauche trosko-bolchévique. Dans le doute, l a préventivement démenti toute implication de Kadhafi ou de Liliane Bettencourt dans le financement de cette répression urbaine contre les gens qui défendent leur bifteck. 

CLAUDE GUÉANT
- "Non, non c'est dans la loi. On peut gazer les salariés, tous les salariés, si La France silencieuse a peur. En plus, pas de mallette, pas de fonds secrets: c'est eux qui payent"

Alerté par un télégramme à porteur émanant de la cellule i-riposte de l'UMP, le comédien Gérard Depardieu a tenu à exprimer son soutien au candidat-président et sa vive émotion aux journalistes d'AmenagementFiscal.tv 

GERARD DEPARDIEU
- Faut pas chier dans les bottes de mon poteau Nico qui ne fait que du bien à ces connards de français ! On les encule les salariés, on lâche rien !

A la mi-journée, malgré un séjour fort mal entamé, le représentant de la CFDT Edouard Martin et ses compagnons de la CGT n'en démordaient pas. Direction La Tour Eiffel, symbole du dynamisme entrepreneurial du XIXe siècle et de l'excellence métallurgique tricolore d'avant cette glorieuse mondialisation qui nous ravit chaque jour un peu plus de bonheur. 

Feront-ils un crochet par la gargote populaire Chez Fouquet (deux cuillères au guide du Petit Estrosi) ? Rien n'est moins sûr. En effet: conséquence du brusque réchauffement social du matin, il parait que le plat du jour, matraque dans la tronche sur coulis de gencives, y est aujourd'hui servi en terrasse sur présentation d'un casque de chantier. 

Sur le départ, les observateurs ont noté une certaine animosité de la part du leader syndicaliste, refusant l'invitation à la reprise du dialogue social, sous de plus clémentes caméras et après un week-end réparateur au Cap Nègre, de notre candidat-président.

EDOUARD MARTIN
"On n'est pas des voyous ! On a blessé personne ! C'est lui le voyou ! [...] Il va se faire foutre ! On a plus rien à lui dire. [...] On était venu avec des échantillons d'acier pour lui montrer la qualité de nos produits [...] Voilà le candidat du peuple, il est en train de gazer le peuple !"

Une métaphore par trop excessive propice à toutes les récupérations par cette poignée de mécontents (risible selon les derniers sondages) tentant d'entraver le débat politique à l'approche du scrutin. Décidément, ces travailleurs ne sauront jamais s'intégrer dans le monde des exploiteurs.

Mais rien n'est encore perdu pour nos métallos lorrains, touristes perdus dans les vicissitudes de l'ultra-libéralisme triomphant, unique gage de croissance et de prospérité (de par le fait). Selon des éléments en notre possession, tout porte à croire que leurs représentants syndicaux seront très vite reçus par l'équipe du Grand Journal. Son éditorialiste politique attitrée, Arianne Massenet, payée 2 smics par émission à éveiller les masses, pourra ainsi poser à Edouard Martin cette question taraudant les Français inquiets pour leur emploi:

- Alors Edouard Martin, slip ou caleçon? 


Bonus extraball de 18h15, notre souverain exprime sa sympathie aux journalistes:

Apocalypsimmo 4: Aidez-les !

par
Il est de retour, il a la rage. Jean Perrin, le président de l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers tire la sonnette d'alarme dans un communiqué lacrymal. Parait que la pression fiscale sur les propriétaires est intenable et que ça va finir par les faire fuir de l'investissement locatif.

"Selon les taux d’imposition applicables, il apparaît que la rentabilité nette d’un immeuble locatif ancien tend à se rapprocher de zéro si l’on additionne notamment l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et, le cas échéant, l’ISF et/ou la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instaurée en 2012."

Que répondre à Perrin? Que depuis que "l'investissement locatif" est devenu un sport national sponsorisé par l'Etat (se défaussant ainsi d'investir dans la construction de logements sociaux), les prix des loyers n'ont cessé d'augmenter, les conditions d'accession à la location sont de plus en plus ubuesques. Peut-il seulement le comprendre? Fiscalité varie, mais souvent proprio ne comprend que profit. Perrin y va donc de son communiqué en attendant, tel le Mickaël Vendetta du PAP, de menacer de quitter le territoire s'il ne peut plus faire du +10% à l'année. Louer n'est pas assez "rentable"? C'est trop compliqué? Personne ne les empêche de mettre en vente. Avec une hausse de +215% en 15 ans dans l'immobilier ancien alors que le CAC 40 en cumulé n'a grimpé "que" de 110% dans la même période, la culbute m'a l'air encore bien indécente.

Jean Perrin dénonce "un matraquage des propriétaires bailleurs". S'il y a resserrement récent, toujours relatif mais "faut bien rembourser notre dette ma brave dame", il reste de la marge avant de récupérer les dizaines de milliards d'exonérations fiscales cramées lors de la dernière décennie. Et  certains mécanismes sont encore bien effectifs !
(Le retour du Jedi les a recensés pour vous.)

Des mécanismes se retournant parfois sur "les petits épargnants" voulant se la jouer maître des loyers d'un ou plusieurs Scellier à Nullepartville mais avantageant toujours celui disposant d'une bonne assise financière et pouvant encore acheter aujourd'hui en plein Paris (là où le m2 est le plus inabordable pour le commun des mortels) une studette avec une ristourne finale de 40%. Ne parlons pas des ribambelles de propositions que je reçois pour "investir" dans l'immobilier en Allemagne (l'immobilier y est 2X moins cher qu'ici, ça aiguise les appétits) ou en Israël. 

Et Perrin d'enfiler les perles sur le requiem pour un bailleur martyrisé:
"Les revenus fonciers sont donc déjà plus taxés que les revenus du travail ou ceux de capitaux mobiliers."

Suggérons à Perrin d'aller bosser à l'usine, s'il veut être moins taxé. Concernant l'ISF et l'immobilier, basé sur mes modestes observations en milieu thuné: les 2/3 des propriétaires qui devraient s'en acquitter à cause de leur(s) maison(s) passent au travers, du fait de son mode de calcul basé sur la comparaison avec un bien présentant des critères rigoureusement identiques (compliqué à établir, spécialement dans l'ancien).

Pour ce qui est du "risque" de fuite des spéculateurs de la pierre, l'immobilier étant un de ces rares domaines où la créativité individuelle n'a d'égale que la souplesse morale du législateur: je ne m'inquiète que moyennement. Exemple: Dans le numéro du 7 mars de l'Expansion spécial immobilier, après 20 pages nous rabâchant que la pierre est à la fête à Paris (un indice chez vous: le nombre de SDF explose) et que c'est "encore le moment d'acheter", un publi reportage didactique nous explique le pourquoi du comment de "la location meublée" (comprendre avec un frigo cash converter à 60 euros) à bail réduit. Figurez-vous qu'elle offre une rentabilité 15% supérieure à "la location vide" pour un travail bien moindre, avec une imposition classée "bénéfices industriels et commerciaux": bien plus avantageux que la location traditionnelle.

Autres exemples parmi les propositions indécentes, surfant bien sur la légalité, régulièrement reçues (notez l'argumentaire, cliquez pour agrandir):


Alors Perrin, heureux ?

Non. Jaloux des avantages dont bénéficient les proprios de la première destination touristique mondiale, et pour "encourager l’investissement immobilier dans l’ancien", le patron du syndicat des proprios demande au gouvernement:
"- une baisse de la fiscalité des revenus fonciers,
- le rétablissement d’un abattement de 15 % sur les revenus fonciers,
- l’instauration d’un amortissement des immeubles acquis par les particuliers sur 30 ans,
- le plafonnement de la hausse de la taxe foncière."

Dans une première version de son communiqué, plus ambitieuse, il exigeait 100 balles et un Mars. Mais, au dernier moment, il s'est retranché dans le camp de la raison.

Et Perrin de conclure: "Il est primordial que la fiscalité ne vienne pas, en étant trop fluctuante et confiscatoire, pénaliser ceux qui ont fait le choix d’investir à long terme dans l’immobilier."

Une fiscalité fluctuante et confiscatoire? Elle va depuis 15 ans strictement tout le temps dans le sens de la bulle en multipliant les aides à l'accession à la propriété et à la défiscalisation (rien que la  TVA réduite sur les travaux à coûté 5,2 milliards à l'Etat en 2011, le PTZ encore 1.2 milliard, l'aménagement Girardin 4,7 milliards). Investir à long terme dans l'immobilier? Si je dois retenir une chose de ma petite expérience de 15 ans dans la torride jungle du bailleur, de la province à Paris, du jeune au vieux, c'est la cupidité décomplexée et bien évidemment l'absence totale de vision à long terme étant entendu que mes interlocuteurs se divisaient en deux parties:
1 / Ceux qui ont acheté un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.
2 / Ceux qui ont hérité d'un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.

Si la seule vision à long terme a des allures d'indiscutable certitude de type "bibiche, tu verras on va s'enrichir en revendant", cette dernière est vite rattrapée par un souci, lui, à très courte vue: "Purée Bibiche, faut rentabiliser fissa".

Nos proprios ont donc souvent recours à la "machine à sous", l'autre nom du locataire. Rien de tel qu'un type ou une famille sans alternative, coincés hors du logement social, pour s'assurer une confortable rente. Comme on dit à Athènes, le pauvre est un investissement dont l'on peut tirer des dividendes jusqu'à cessation d'activité. Ce n'est pas un hasard si, au même moment, la FNAIM suggère  un mécanisme "BP 3" qui lui permettrait de récupérer le marché du social (et ses commissions) via les bailleurs privés (et leurs commissions) avec, ce coup-ci, abattement à 100% (allons-y tant qu'à faire) sur les revenus fonciers des proprios.

Ça donc commence donc à chauffer sur le front de l'immobilier, les possédants n'ont pas l'intention de se laisser spolier par un marché à la baisse, et appelle à l'aide la main invisible ...de l’état.

Ils veulent investir? Qu'ils investissent dans les PME, qu'il investisse dans l'innovation, qu'ils fassent le pari de demain au lieu de chercher à conserver leurs avantages fiscaux au détriment d'une population captive.

Espérons que le ou la prochain(e) président(e) prenne la mesure de l'enjeu et sache pour qui trancher.

La condition préalable étant, bien sûr, d'en changer. Hein ?

* * *

P.S: De l'autre côté, loin des alchimies fiscales des bien-logés, chez ceux potentiellement éjectables à partir de demain matin 6h, on s'organise également avec la création du 115juridique.org site mettant à disposition le travail du DAL pour permettre aux avocats, mais aussi aux militants, bénévoles ou sans-abris ayant quelques compétences juridiques de saisir la justice administrative en cas de refus d'héberger les personnes sans-abri.
Illustration : apartmenttherapy.com

12 mars 2012

Apocalypsimmo 3: Quand le logement craque en silence

par
Je sais que je devrais aborder ces sujets cruciaux en période électorale tels la cuisson de la viande, la vie monacale de Carla-Cosette Bruni-SarkoCaSuffit ou les risques de ghettoïsation en chalet helvétique des gardiens de but. 

Mais non. N'écoutant que mon courage, j'ai décidé de m'aventurer hors des sentiers battus d'une campagne présidentielle télévisée au-delà du médiocre où un journaliste du service public au JT  trouve prioritaire de demander 4X de suite au candidat socialiste lors s'il y'a trop d'étrangers en France.

Je me coltine donc ces sujets mesquins, ces thématiques ingrates pour nos éditocrates de palais, pourtant classées parmi dans les premières préoccupation des Français:

Ta-daa... Le logement !

Règne comme un affolement depuis janvier dans les médias au sujet de la baisse des prix constatée un peu partout sur le territoire. Une baisse à l'achat toute relative après une hausse de 135% en 10 ans. Quant aux loyers, après une poussée de 30% sur la dernière décennie, la moyenne nationale recule ce mois-ci de.... 0,1 %. Houla, grosse claque pour les bailleurs!

Le Nouvel obs, emporté sa légendaire passion pour les problématiques quotidiennes du prolétaire, sort ce mois-ci un dossier "Immobilier en France: comment profiter de la baisse?"  Pour l'occasion, son partenaire, Europe 1 aka Radio proprio, s'est fendue d'un bon sujet d'autopromo en tête de flash à 7h30 jeudi matin. Il en ressort, avec force témoignages que, bon, les pauvres ils ne font rien qu’embêter les riches leur empêchant d'empocher d'aussi belles plus-values qu'avant. Et les locataires, ces derniers des derniers, osent maintenant discuter les prix auprés du bailleur et critiquer l'état de ces travaux. Bah quoi, il est pas bien mon sanibroyeur à manivelle ? Non mais où va-t-on ? Bientôt, pour 700 euros par mois, ils vont exiger un isolement phonique et même des fenêtres !


Depuis des années ce blog combat la ligne du "tous propriétaires" (idéologiquement contestable mais surtout intenable dans un climat continu de dégradation de l'emploi et des revenus) pour privilégier celle du "tous bien logés". Il y a encore quatre ans, proclamer qu'acheter sans pognon était "une connerie", vous vouait illico à l'excommunication de l'apéro par vos jeunes amis primo-accédants (endettés graves, ndlr). En mars 2012, si j'en crois le dernier rapport du CREDOC, Propriétaires, locataires : une nouvelle ligne de fracture sociale, c'est devenu une conviction partagée chez mes compatriotes.

Publiée au début du mois, l'étude révèle que 8 Français sur 10 préfèrent que "tout le monde puisse disposer d’un logement confortable pour un coût raisonnable" plutôt que "tout le monde puisse devenir propriétaire de son logement".  La France aurait donc fait un sacré chemin depuis son sacre de l'individualisme roi et de l'enrichissement par la maison en 2007! Plus marquant, le graphique ci-dessous indique que c'est la catégortie des heureux endettés de l'apéro de 2007 qui affiche aujourd'hui la plus grande réticence quant au concept de "France des Propriétaires". Le vernis craque: l'accession à la propriété à crédit, survendue par les médias et Nicolas Sarkozy comme un mode imparable d'enrichissement, s'avère contraindre au quotidien les accédants endettés les plus modestes, avec la perspective de les "appauvrir" virtuellement en cas de probable (et parfois déjà effectif) de retournement des prix.

(cliquez pour agrandir.)

Le rapport du CREDOC se concentre sur le décrochage entre locataires et propriétaires, fossé qui n'a cessé de se creuser en 20 ans et arrive à ses limites comptables. Si la proportion de hauts revenus devenant propriétaires n'a cessé d'augmenter, à l'inverse, l'acquisition à la propriété par les bas revenus est en chute libre (de 50% en 1990 à 31% en 2011). De plus, on ne peut plus acheter sur la base d'un seul salaire, or les parcours familiaux sont presque aussi accidentés que les parcours professionnels.

"...le parc locatif est devenu, progressivement, de plus en plus marqué sociologiquement en accueillant toujours plus de ménages jeunes, célibataires et aux revenus modestes. Si bien que la hausse des loyers, pourtant moins spectaculaire [30% en 10 ans, 47% dans le privé alors que l'inflation a été de 19% sur la même période] que celle des prix à l’achat [107% dans l'ancien], pèse de plus en plus lourd sur le budget des locataires".

Conséquence: les locataires grignotent sur leur consommation. "44% des foyers ayant de lourdes charges de logement déclarent devoir se restreindre en matière d’alimentation" [...] "De même, 17 % des ménages avec d’importantes charges de logement sont en situation de précarité énergétique, contre 7 % lorsque les sommes consacrées à se loger sont raisonnables". Forte est la probabilité de retrouver des ménages à fortes dépenses de logement dans les 29% des français qui ont renoncé à se soigner en 2010

Double impact pour le locataires à faibles ou moyens revenus: Dégagés de l'accession à la propriété parce pas assez solvables et / ou célibataires, ils se retrouvent étranglés à la location.

Je serais plus nuancé que le rapport dans son opposition locataire / propriétaire: l'acquisition à la propriété assortie d'un endettement massif, et donc étalé dans le temps, couplé à la hausse des charges et des prix de l'énergie, pousse les ménages moyens de jeunes propriétaires exactement dans la même situation (voire pire) que les locataires à revenus équivalents. 
(Nostalgie des années 2000 quand tu nous tiens)

Là-dessus, l'héritage renforce les inégalités. Les revenus petits ou moyens qui jusqu’à présent "primo-accédaient" à la propriété le pouvaient la plupart du temps en partie grâce à quelques aides familiales ou transmission partielle d'héritage avancé (Je ne connais aucun trentenaire, et notamment de l'apéro susmentionné, ayant accédé à la propriété sans, à un moment ou à un autre, bénéficier d'une aide familiale). Non seulement, des centaines de milliards sont déjà immobilisés dans l'immobilier alors qu'ils pourraient être injectés ailleurs, mais une bonne partie du pognon va, vient et fructifie en cercle fermé.

D'un côté, depuis 15 ans, les propriétés s'accumulent ou s’agrandissent pour les uns. De l'autre, ceux qui ne sont pas rentrés dans le cycle de la propriété via l'endettement bon marché et / ou n'ont pas eu d'aide familiale, sont condamnés à s'entasser dans des surfaces de plus en plus petites, même s'ils sont salariés[1].

Résumons les épisodes passés: Les taux baissent, les prix montent. Ceux qui ont déjà le pognon, et n'ont pas besoin de s'endetter lourdement en profitent (pour reprendre le terme du nouvel obs). Du coup, les prix montent encore plus (pour tous) et les transactions s'accélèrent entre riches[2], les intermédiaires se gavent. Les revenus plus faibles sont poussés durant 10 ans vers l'endettement (souvent au prix d'un exil des villes et centres d'activité OPAisés par les riches), les autres sont repoussés vers la location (entre temps devenu un large secteur de spéculation et d'abus). La droite accélère le mouvement en allégeant l’impôt sur les successions et en subventionnant massivement de fumeux placements immobiliers défiscalisés (les deux bénéficiant en priorité - comme l'exploitation locative - à ceux qui ont déjà de l'argent). Peu à peu, ceux qui ont le pognon s’accaparent tous les biens (pour spéculer ou non), se les rachètent entre eux pendant un temps. En bout de course, la demande se contracte 1 / par manque de nouveaux arrivants 2 / par manque de solvabilité des locataires 3 / Parce que ceux-là sont résignés: ils ne seront jamais propriétaires. Les propriétaires paniquent, ils ne "s'enrichissent plus comme avant": la presse s'inquiète et sort un numéro spécial (mais ne l'inclue pas dans une perspective présidentielle[3]).

(Dans la foulée du Nouvel obs, la même semaine, L'Express ose l'alternative)

Les pauvres, eux, ont baissé leur consommation, leur frais de santé et s'entassent les uns sur les autres depuis des années (dépensant pour certains 700 euros pour un taudis alors qu'ils en gagnent 900, ou se faisant tabasser par un proprio un peu pressé de renégocier les tarifs: deux exemples vus ce mois-ci à Paris) dans l'indifférence des éditoralistes.

Nous en sommes là. A 3 jours de la reprise des expulsions locatives concernant 100.000 personnes. 100.000 SDF potentiels de plus (à carte d'identité française, si ça peut faire avancer le débat).

Peur des hauts revenus à l'idée de l'arrivée de la gauche au pouvoir, finances au taquet d'une large partie de la population et attentisme des CSP+ quant à la suite des évènements fiscaux post-6mai, le marché immobilier est aujourd'hui figé. Le marché du logement, lui, n'a pas changé. Quasi absent du débat politique dans les médias alors qu'il est le signe le plus flagrant, avec la précarisation du travail, du décrochage social de tout un pan de la société. Rarement depuis 60 ans, il y aura eu une telle urgence à redéfinir notre paradigme immobilier, et enfin bâtir une société du logement pour tous.   Rarement, on en aura aussi peu parlé dans une campagne présidentielle[4]. Le logement pour tous est plus qu'une finalité, c'est la condition minimale pour parler avec un peu de sérieux, et d'optimisme, de tous les autres problèmes de notre pays.

* * *

[1] Si l'un de vous peut me retrouver le chiffre de la répartition du foncier français selon les revenus, il en sera grandement remercié.

[2] Et le Crédoc de noter "Tout le monde n’est pas perdant dans cette hausse des prix des logements. Le patrimoine des propriétaires a en effet considérablement augmenté. Un ménage qui a acheté un appartement ou une maison il y a 15 ans au prix de 200 000 euros dispose aujourd’hui d’un patrimoine de 500 000 euros. La valeur de ce patrimoine s’est accrue de 1 670 euros par mois."

[3] Facette du "modèle allemand" bizarrement sous évoquée ici. Avec un contrôle de l'immobilier et des loyers, l’Allemagne a connu une hausse "seulement" de 20% des prix dans l'ancien en 10 ans, contre 135% ici dans la même période.

[4] Le Front de Gauche, Le NPA, Europe Ecologie et le PS font, chacun à leur manière, une grande place à cette thématique dans leur programme, mais sont peu questionnés sur le sujet à la télé ou à la radio.

Illus : Rocknrolla G.Ritchie (2008)

Articles connexes
- Pauvre petit propriétaire
- Apocalypsimmo
- Apocalypsimmo II, résurrection

9 mars 2012

RIP. Le journalisme politique en état de mort clinique

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Ils étaient à la mode en 2007. Et même en 2005, quand les Français étaient pour le "non" au référendum sur le traité européen, les éditocrates, eux, sont restés, jusqu'à la dernière ligne droite, incontournables et VRP du oui.

Aujourd'hui, les éditocrates seraient plus alternatifs. Les commentateurs, éditorialistes et rédac'chef ne jurent plus que par les "plateaux de télévision et de radio" (le nouveau format du café du commerce, mais version club privilège), multipliant les tribunes sur tout et n'importe quoi, du halal à l'autolib. Entre toutes ces apparitions médiatiques à ressasser du matin au soir les mêmes analyses, c'est à se demander quand ils trouvent le temps d'écrire dans les journaux dont ils sont les colonnes publicitaires ? 

En 2012, la TNT a démultiplié la surface d'exposition de l'éditocratie. La TNT est un outil adéquat pour une campagne, explique Christophe Barbier, membre du comité de l'écharpe rouge omnisciente:

"En 2007, il y avait un espace médiatique vacant sur la TNT, on y a donc vu l'émergence de quelques journalistes ou chroniqueurs politiques dits influents. Depuis, le format de l'éditocrate monosupport est obsolescent."


Des éditocrates dépassés par les super éditocrates.

Au moment des élections de 2007, Eric Zemmour ne comptait qu'une poignée de chroniques en France. Aujourd'hui, le mal aimé en fait 372 par an et dispose de sa propre émission. De l'autre côté, aussi bien l'explosion de la parlotte radio entre gueux comme de la causerie télévisée pour l'aristocratie de l'opinion change tout.

Alain Duhamel, alias Alain Duhamel, éditocrate depuis 1970 et auteur de Mais pourquoi vous quittez le plateau Monsieur Clavel? Je vous jure qu'on n'a pas censuré votre reportage, ed.ORTF, estime que les éditocrates multi-médias lui font concurrence:

"Les chaines TNT ont démocratisé ce que je faisais, à savoir de l'éditorial bien lié: porter aux spectateurs quelque chose de mou, soporifique et en même temps conforme à ce qu'attend de moi le pouvoir. Aujourd'hui, avec les chaines d'information continue et la libre antenne, on le fait de manière beaucoup plus fréquente, répétitive et donc efficace."

Vers la "guérilla du matraquage" ?

La fin de l'éditocrate monosupport correspond à un changement de la soumission éditoriale dans les médias qui deviennent plus rapide, plus réactifs, mais aussi (sous un prétendu "politiquement incorrect" mais toujours de droite et un simili "débat contradictoire" entre gars du même avis) bien plus lisses. Eric Brunet, un des journalistes "en vue" depuis 2007 (et éminent membre de l'AS, Amicale Sarkozyste, honteusement sous représentée dans le débat politique depuis 5 ans):

"La télé et la radio ne véhiculent pas nécessairement une information, mais permettent l'émergence d'un système de trolling sans fin et de matraquage, bref de conditionnement, de resserrement du débat entre deux options préalablement définies par nos soins. Avec la répétition du procédé (en se gardant bien de poser une seule question sur Karachi ou Bettencourt si l'on a le président en face de soit durant 3 heures), mathématiquement cela génère de l'ennui, de la démobilisation. Et la démobilisation au moment des élections, c'est essentiel pour celui qui veut garder le pouvoir et ne rien changer. Parler des thématiques qui intéressent les Français à la télé ou à la radio, ça servirait à quelque chose, et là je dis danger. De plus, ennuyer les spectateurs avec nos interminables débats politiques bidons et nos questions qui ne passionnent personne nous offre un sujet de tribune supplémentaire où nous livrons nos savantes conclusions sur le "pourquoi que les Français y trouvent la campagne ennuyeuse?" Pas bête hein?"

(Il arrive à l'éditocrate d'avoir un regret quant au manque d'ambition du peuple.)

Pour Jean-Michel Aphatie, animateur du think tank Todd est un con, l'avancée du débat politique n'est pas adaptée à la nécessaire superficialité qu'impose le traitement télé-radio pour les trépanés:

"D'un point de vue formel, éclairer en plateau télé les citoyens sur les enjeux clés de leur présent ou de leur futur proche, ou de celui de leurs enfants, c'est fadasse. Et pire, les annonceurs ne sont pas contents. Parler réquisition des logements vides sur Canal Bouygues ou débattre de l'éducation pour tous entre deux jingles Acadomia, c'est pas top pour le temps de cerveau disponible."

(Un commentaire éclairé sur la prestation présidentielle du 31/01, dont on constate avec le recul le pouvoir de réenchantement et la connexion avec l'opinion.)

2012. Le web a fini par arriver dans les médias.

A partir de 2007, de nombreux médias ont commencé à loucher sur Internet et nombre d'émissions de récupération à prix cassé de contenus ont été lancées. Les journalistes se sont intéressés aux blogueurs, aux réseaux sociaux et à la parole citoyenne (tellement plus économique pour la compta). Le "participatif" sélectionné, casté, retaillé, moqué parfois, est même devenu une habitude sur les ondes. Qui n'a pas désormais son observateur de la parole du web pour donner aux analystes nécrosés dans leur jurassique glose depuis trois décennies une touche du geek cool ? Dans les années 80, on foutait des filles aux seins nus partout à la télé, maintenant on met des experts du web. 

Des médias, en fait, de plus en plus étanches et bien verrouillés.

Eric Mettout, cofondateur de PolitiqueSalarialePourLesBlogueursNiet :

"En 2007, les blogs s'appuyaient sur les médias pour leur apprendre la vie. Mais il y a eu un gros travail de remédiation chez les blogueurs (enfin pas chez tous) qui sont désormais informés, compétents et ont bien capté la supercherie. Du coup, bien con est le blogueur encore persuadé qu'il sera un jour considéré comme un professionnel, producteur d'analyse pertinente. Pourquoi ? Car il n'est pas payé. A la différence du nouvel éditocrate qui, lui, coûte de plus en plus cher rapport qu'il passe à la télé du matin au soir. T'as compris l'astuche? Le blogueur n'est pas payé parce qu'il n'est pas pro, et il ne sera jamais pro parce qu'il n'est pas payé! Et pourtant, pas un billet de blog avec un peu d'originalité ou un buzz provenant du net qui n'est pas repris sous le même angle ou usé jusqu'à la corde dans les médias."

(...tandis que dans les salons de l'Elysée, le journalisme d'investigation retrouve ses lettres de noblesse)


Les médias sont devenus participatifs.

Avant 2007, difficile pour le spectateur lambda d'accéder directement aux blogs. Entre-temps, presque tous les blogs se sont vus proposer des contributions extérieures et non rémunérées, "même qu'on a lancé tranquille des sites dont le business model est entièrement basé là-dessus, hi hi", rappelle Frédéric Taddéi.

"En 2007, internet on n'en avait rien à péter. Aujourd'hui c'est pareil, sauf qu'on a enfin compris comment en faire du blé." Précise Anne Sinclair.

Pour Seb Musset, auteur de ces lignes et expert en lui-même, l'éditocrate, le buzz et la "libre antenne" ont cannibalisé les médias traditionnels et le travail de journaliste:

"En 2007, les journalistes avaient encore le monopole du journalisme sur l'information ; puis ils ont “tué” cet espace en acceptant d'héberger la parole du profane, de l'internaute, bref de l'inculte. Le journaliste expert a disparu, sa parole est assommée par l'éditocratie du haut, noyée par le bas  sous les torrents d'expression du tiers-état ou pire encore, par le blogueur en servage qui se prend pour Sainte-Beuve dès qu'il voit son billet charcuté et republié."

"L'éditocrate n'est plus une espèce alternative"

A l'instar d'un débat politique télévisé mené par un Pujadas ou Calvi, c'est une image sombre des médias qui se dessine: les éditocrates multisupports occupent toute la place, et la pensée alternative a du mal à se faire entendre.

Les éditocrates traditionnels reprennent la main sous une autre forme.

Les grands médias se sont remis à vivre au rythme des polémiques pourrites et des non-sujets décrétés grandes causes nationales par le candidat-président:

"En 2012, la parole de l'éditocrate est le bras armé de l'agenda de l'homme politique. Les “prime time” [rassemblement de spectateurs, ndlr.] à journalistes en caoutchouc se font en parallèle sur huit chaines à la fois: pour être sur d'être entendu plus que pour la construction d'idées." Rajoute Musset

Il estime que pour capter l'intérêt des électeurs, les éditocrates et les médias traditionnels, qu'ils soient proches du pouvoir ou/et à la recherche de la petite phrase ou du scoop sur les alliances de second tour six mois avant le premier, ne sont pas forcément les mieux calibrés pour le débat:

"Malgré l'explosion des plateformes, l'écosystème des "sachants" et des "manants" s'est reconstruit, les blogueurs sont toujours aussi fauchés tandis que l'éditocrate se fait du 2 SMIC par semaine. L'alternative dans les médias existe toujours, mais elle est reléguée de manière plus profonde, sur abonnement, dans quelques kiosques interlopes ou en troisième partie de soirée. Pour être informé sur l'actualité du moment, autant relire un vieux Placid et Muzo. Ce sera toujours plus efficace que du Franz-Olivier Giesbert."

Vers une privatisation de l'opinion ?

On pourrait penser que l'explosion des chaînes et des journaux pourrait faciliter le débat politique, mais c'est loin d'être évident :

"On a assisté à la disparition de la figure visible de l'éditorialiste à papa, avec sa chronique hebdo.  Place aux jeunes vieux. Plus que jamais déconnecté, mais au bord de l'érection dès qu'il est dans la cour de l'Elysée, le nouvel éditocrate est désormais fier de lui lorsqu'il il laisse passer des "off" du président (qu'il croit sincèrement accidentels) auprès de millions de spectateurs. Il est l'attaché de presse des puissants, se lovant dans leurs dispositifs idéologiques et rhétoriques, sans même que l'on n'ait à le forcer tant il a intégré que l'ordre de sa fiche de paye et donc du monde de l'autre côté de l'écran vont ainsi. Il y a une pulvérisation en règle de toute parole non conforme. Auparavant, il y avait une confrontation plus forte entre le chroniqueur pauvre et le chroniqueur riche; maintenant, il y a une fluidité moins forte du débat: les deux sont riches et vont se taper la cloche ensemble après la représentation. Mais le spectacle n'est jamais vraiment fini: il est aussi rediffusé toute la nuit."

RIP, l'éditocrate: le super éditocrate l'a remplacé.

* * *

NB : ce billet, publié sur le HuffingPouf, est une variation basée sur un article de Martin Urtensinger: RIP. Le blog politique en état de mort clinique publié sur Rue 89 (racheté par le nouvel observateur, ndlr)

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