Lundi dernier, La Poste « mettait en place » la fin du timbre rouge. Vendredi de la même semaine on apprend dans la presse « l’expérimentation de la suppression » de la tournée des facteurs dans certaines zones.
Ça bouge avec La Poste. On gagne du temps et de la complexité linguistique. On ne dit plus "licenciements à venir", mais "expérimentation de la suppression". On me rétorquera "oui il n’y a pas de licenciements annoncés et ce n’est que là que de la titraille de presse" : je mets ma main à couper que cette « expérimentation de la suppression » est un élément de langage made in La Poste.
Un ami soulignait que la fin du timbre est d’abord la validation d’un état de fait : on ne se sert pratiquement plus du courrier pour la communication entre particuliers. La numérisation de la Poste dans d'autres services est effective depuis des années. On peut en revanche voir un symbole dans cette fin du timbre (transformé en service partiellement puis totalement informatisé) qui tombe au premier jour de l’année. L’humain n’a plus sa place dans le domaine de la communication entre humains, du moins le souhaite-t-on : après tout La Poste aurait pu tenter de communiquer sur la revalorisation du courrier papier, mais elle a choisi de l'enterrer avec cette mesure (en s'asseyant au passage sur des millions de personnes "non informatisées").
Le tour de passe passe est révélateur d'un basculement de société, déjà bien entamé et dont l’on va rapidement se prendre la conclusion logique dans la gueule et pas au tarif du timbre vert.
Plus tôt dans la semaine nous avons évoqué l’éradication possible des artisans pour cause de dérégulation du marché de l’énergie… L'autre casse sociale (ou "expérimentation de transition" qui attends notre société est l’éradication pure et simple des emplois du secteur tertiaire. Un "grand remplacement" des salariés non pas par de la main d’œuvre étrangère, qui à la roulette de la rentabilité s’avérera aussi un jour trop chère, mais par des algorithmes et des robots. Autant y être préparé, l’Uberisation des services à côté, c’est du petit conte de fée.
Comme le disait un Youtuber dépité l'autre jour : "tout travail qui se fait derrière un ordinateur est amené à rapidement disparaitre". La dernière brique encombrante sur le chemin du progrès et de la rentabilité actionnariale, l’humain, va à très court terme dégagé de l’équation.
Ça va chahuter très fort pour les salariés qui, face aux aptitudes croissantes de l'intelligence artificielle, du jour au lendemain pourront se retrouver sans utilité, avec une expérience qui ne vaudra plus rien. Il est même possible que les salariés les plus confortables" disparaissent les premiers. Ça s’angoisse par exemple aujourd’hui très fort dans des secteurs, que l’on pensait jusque-là indéboulonnables, comme les experts comptables ou les notaires.
L’arrivée du robot ChatGPT (IA qui répond de façon humaine à vos demandes les plus farfelues) n’est pas qu’une lubie Geek. Le machin, encore expérimental, donne déjà un bon aperçu de l’efficacité de l’intelligence artificielle dans son rapport de force avec un humain à l'intelligence de plus en plus optionnelle.
Si l’on envisage le travail salarié comme un mode de soumission et de maintien des masses, on embrassera avec optimisme cette nouvelle révolution industrielle qui permettre à chacun de renouer durablement avec du temps libre et le plein exercice d’activités essentielles : manger, dormir, échanger avec ses proches, apprendre, jouir et contempler... En revanche, il est étonnant que nos leaders ne la perçoivent pas autrement que sous le prisme de la rentabilité pour les entreprises ? Quelle tête pourra bien avoir un pays comme La France, déjà desindustrialisé, avec un taux - officiel - de chômage à 50% ou plus ?
Je ne peux croire qu’ils n’y pensent pas. L’objectif de tout pouvoir étant de rendre dépendant ses sujets, il est raisonnable d’imaginer de plus ou moins subtils processus d’asservissement : distraction avec des guerres, multiplication de menaces exotiques, généralisation des aides sous condition, revenu universel avec monnaie numérique à date d'expiration à n'utiliser que pour des biens spécifiques…
À regarder les trésors de règles contraignantes et de sémantique culpabilisante lancés à la face des allocataires du RSA et des chômeurs, ça risque de sévèrement coincer avec les brouettes de « non-actif » à venir. Il est à parier que cette émancipation, pour cause de chômage technique généralisé, soit de très courte durée, voire inexistante.
"On ne peut rien contre le progrès". Demain c’est maintenant. La clé d’un avenir serein, c’est de ne rien attendre du "sommet de la pyramide" comme ils aiment à se définir, mais de reprendre possession des fondations : son temps, sa géographie, son alimentation…
À l'aune de cette obsolescence programmée de nos modes de fonctionnement occidentaux, chacun devrait commencer à se rapprocher le plus possible de l’indépendance et se poser la bonne question : que sais-je faire de mes deux mains ? Puis d'autres : Comment vivre dans un environnement réduit de quelques kilomètres ? Comment vais-je m’alimenter ? Comment vais-je assurer la relation avec mes proches ? Comment vais-je commencer à vivre ?
(Illustration : "algorithme se regardant dans la glace", créée par l'IA du Dall-E 2)
1 comments:
Je serai moins definitif que Seb sur l IA. Apres tout il y a quelques annees on nous annoncait des voitures (tesla) automatique et c est toujours loin d etre au point
Jusqu a maintenant l IA c est quand meme repondre en se basant sur une immense base de données de reponse: autrement dit on ressort ce qui a deja ete repondu par des humains
C est en effet probablement OK pour un avocat mais il y a pas mal de metier ou la creativité c est ce qui fait la difference. Et ca c est pas pret d etre remplacé par une IA
PS: je suis informaticien. Quand j ai commencé on avait plein d article qui disait qu on allait tous etre remplacé par des indiens car bien moins cher. 30 ans plus tard je suis toujours la et ma societe recrute
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