""Ça va exploser" : il faut bientôt s'attendre à des hausses de 30 à 50% dans les rayons des supermarchés, alerte le patron de Lidl." L'indépendant, 12.01.2023
Avec la mobilisation contre la réforme des retraites qui occupe (légitimement) l’actualité, la grosse claque économique que se prennent dans la face des millions de français passerait presque à la trappe. Si le gouvernement avance un gentil 5,2% d'inflation sur l’année 2022, celui qui consacre l'essentiel de son budget à l’alimentation et à l’énergie constate le triple ou le quadruple de ce chiffre. Tout cela en face de salaires qui ne progressent qu'à la marge (3,8% en 2022 selon la Banque de France).
Dans les supérettes franchisées parisiennes (Carrefour City, Franprix...) je peux voir les prix prendre 5% d'une semaine à l'autre. Chacun ses repères. La boîte de sardines à l'huile d'olive de la marque machin est passée de 1,12 à 1,92 dans la même boutique en 6 mois (on l'a trouvera 30 centimes de plus chez un autre franchisé de la même enseigne à 200 mètres de là). Le jus de pamplemousse de marque truc est passé de 1,95 à 3,55 depuis l'été, le café de 2,90 à 4,10 sur la même période. C'est du 10 à 30% d'augmentation sur presque tout l'alimentaire de base par chez moi.
Déjà rétif à aller dans ces enseignes, cette hausse m’en détourne presque totalement. Et c'est là un point d'étonnement : les marchés, les épiceries alternatives ou en circuit court semblent mieux armées contre le grand méchant Poutine (à la source bien sûr de toutes ces augmentations qui ont commencé 6 mois avant l'invasion de l'Ukraine). Les prix pratiqués dans les épiceries dites « de bobo » (juste pour se moquer du fait qu’on y mange des produits moins transformés, en vrac, moins pollués, moins packagés, à l'unité, meilleurs pour la santé) étaient certes à l’origine plus élevés mais, en un an de temps, avec des hausses moindres elles se retrouvent aussi, voire plus, compétitives que les enseignes classiques sur des produits phares (café, céréales, oeufs, légumes de saison, produits laitiers). Je mets en dehors le hard discount, plus rare à Paris.
Petits et gros font pourtant face aux mêmes hausses de l'énergie. Les gros doivent aussi faire face à d’autres type de frais : plus grandes surfaces à chauffer, plus de choses à stocker, plus de chaine logistique et ils ont historiquement - et idéologiquement - plus recours à des produits d’importation… Ils ont également une masse salariale sans comparaison. C'est comme si leur structure même de « gros acteurs » devenait un handicap dans ce contexte. Ce que j'observe se limite à Paris où la donne immobilière, géographique et sociologique n'est pas forcément représentative de La France. Néanmoins c'est suffisamment nouveau ici et déstabilisant pour être noté. Les salariés sont entrain de disparaitre des supermarchés. Leur nombre à la caisse est divisé par deux, voire par trois. Et, indice de basculement qui ne trompe pas, une embauche de vigile y remplace souvent deux ou trois emplois de caissiers. J’ai l’exemple d’un commerce qui a condamné une de ses deux entrées sur rue pour mieux filtrer les clients, comprendre les voleurs potentiels. Côte clients, c’est l’assèchement. Là où l'on passait avec des paniers ou des caddies remplis, la règle à la caisse c’est souvent trois ou quatre articles maximum par client. En six mois de temps, la dégringolade se voit à l'oeil nu en passant devant les vitrines : moins de salariés, moins de clients, moins d’articles. La seule donnée croissante : les prix.
D'ailleurs, les distributeurs commencent à l'avoir mauvaise (je ne vais pas les plaindre non plus). Entre le hard discount d'un côté et le local de l'autre, c'est leur modèle pachydermique qui est inadapté.
Je n'en tire pas de conclusion pour le moment et me contenterait de citer Stefan Zweig, revenant dans ses mémoires, Le monde d'hier, sur l'effet de la violente perte de pouvoir d'achat sur le moral des Allemands entre les deux guerres mondiales : Rien - il faut le rappeler sans cesse - n'a aigri le peuple allemand, ne l'a rendu haineux au point de le précipiter dans les bras d'Hitler, autant que l'inflation.
En attendant les modes de consommation s'adaptent et changent. La tendance de la grande division déjà à l'oeuvre, entre nourriture dégradée pour pauvres et nourriture saine pour riches, va t-elle se renforcer ou se réduire en trouvant de nouvelles voies et de nouveaux modes d'approvisionnement ? On va peut-être se rappeler qu'on peut produire local et à proximité des lieux de consommation et que, aussi bien pour sa santé que pour son porte monnaie, il vaut mieux ne pas être trop dépendant des multinationales et d'une poignée de distributeurs. C'est peut-être la seule bonne nouvelle dans ce bazar.
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