5 janvier 2023

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Retour sur le film : Falling down (Joel Schumacher, 1993)

"Falling Down" de Joel Schumacher (1993) avec Michael Douglas et Robert Duvall. Pourquoi faut-il découvrir ou redécouvrir cette curiosité qui dénote totalement dans la filmographie de Joel Schumacher, honnête Yes Man à qui l’on doit quelques blockbusters US allant du film de vampire façon clip (Génération Perdue) au remake fade (Cousin, cousine) jusqu’à la pire des bouses (Batman et Robin) ? 

Parce que Falling Down ("Chute Libre", en français) est un film de studio aussi suicidaire que son personnage principal. Michael Douglas, alors au top de sa carrière (il sort de Basic Instinct), campe ici un anti-héros complet. Schumacher ne cherche même pas à le rendre sympathique ou vaguement charismatique. 


Le ton est donné dès le premier plan séquence du film (assez bluffant pour l'époque) où l’on est emporté en immersion dans la colère de ce type lambda, coincé dans un embouteillage. Ce père d’une famille disloquée, viré d'une boîte à laquelle il a tout donné, n’est plus « économiquement viable » pour le monde moderne. Il peut désormais faire le « pas de côté » hors du système et le voir tel qu’il est. Les gens bien comme il faut appelleront ça « péter un plomb » : Bill abandonne sa voiture dans l'embouteillage et part à pied avec son attaché-case et son sandwich, à travers Los Angeles, pour retrouver sa fillette - dont on lui a retiré la garde - le jour de son anniversaire. Son odyssée en chemisette à travers la jungle urbaine, ponctuée de monologues nihilistes, sera parsemée de rencontres avec des personnages finalement bien plus dérangés et névrosés que lui : Nous, les humains. La liberté a un prix, et on sait dès les premières minutes ce qui attend Bill au bout de sa journée dans la lucidité et d'un parcours de quelques kilomètres où il ne laissera que chaos et destruction. 

Très proche sur le papier d’un film comme Taxi Driver, on aurait tout à fait pu imaginer cette histoire filmée par Paul Schrader. Ici, la mise en scène est plus "propre" et le côté réactionnaire du mâle blanc déchu est lessivé in extremis lorsqu’il est confronté à pire que lui : un néo-nazi (la vraie grosse facilité du scénario). L’autre interêt du film est son attachante intrigue parallèle autour du dernier jour d’activité d’un policier interprété par le grand Robert Duvall, sorte de double du personnage de Michael Douglas mais oeuvrant « pour le bien de la communauté ». Deux variations sur le malheur qui s'opposeront dans la scène finale. 

Malgré son ancrage visuel dans le début des années 90, Falling Down reste d'une contemporanéité totale 30 ans plus tard. Les constats implacables sur le mensonge de la société de consommation et de l’American Way Of Life étendu au monde occidental sont plus concrets que jamais aujourd’hui. Plusieurs scènes dans la dérive de Michael Douglas, qui comme dans un jeu vidéo "gagne" des armes au fil des péripéties, sont jouissives (notamment la scène des travaux, vision prophétique des futurs chantiers Hidalgo à Paris). C’est aussi en ça que le film fait autant rire par moments qu'il met mal à l'aise à d'autres, il nous place sans compromis dans la position de Bill. Il va jusqu’au bout des pulsions de ras-le-bol que nous contenons tous. C'est bon de se sentir exister, mais est-ce vraiment compatible avec la vie en société ?



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