6 août 2011

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Qui a peur de la dette ?

Après un été pourri, rien de plus vivifiant qu'une rentrée merdique. Les bourses s’effondrent (ça me fait une belle jambe), Standard and pauvre's rétrograde la note de la dette publique américaine (ça m'en fait une deuxième), les risques de défaut de plusieurs pays européens font craindre rien de moins que la fin de l'euro et notre président, entre deux coups de pédale avec junior, nous prépare pépère son remake du retour de Batman contre la dette avec Baroin dans le rôle de Robin. Du classique, un poil répétitif, limite drôle si en fin de ligne, pour arranger les bidons de ceux qui ont le pognon, il n'y avait pas un accroissement des misères pour les peuples fatalistes ou mal éclairés (hormis quelques indignés). 

Et dire que tout cela pourrait s'arranger en quelques années si simplement on prenait l'argent là où il est et on le replaçait dans un véritable projet collectif.  Car cette "crise de la dette publique" est ressassée à sens unique : celui de la réduction des dépenses au détriment de l'augmentation des recettes.

Exemple dans le dernier numéro de Valeurs Actuelles[1], journal national-libéral (et oui, tout existe) qui a le mérite de t'éviter des heures de débats, télé et radio, pseudo contradictoires sur les sujets économiques. Dans un article de David Victoroff, il est question du relèvement du plafond de la dette américaine :

"...Les principales critiques que l'on entend de ce côté de l'Atlantique sur l'accord américain portent précisément sur l’absence d'augmentation d'impôts sur les "riches" [note la présence des guillemets]. Un peu comme si la richesse produite dans un pays appartenait d'abord à la collectivité et non à ceux qui la créent, entrepreneurs et salariés [là, tu as l'essence même du libéralisme. Note au passage l'analogie entre "riches" et "salariés" : assurément, D.Victoroff n'est pas caissière chez Carrefour]. L'Etat pourrait ainsi préempter une part de PIB selon son bon plaisir, ce qu'il lui plairait de laisser aux particuliers s'analysant comme des "cadeaux fiscaux"."

Et le chroniqueur de rager que F.Baroin ose réduire quelques niches fiscales, même si les 17 les plus coûteuses ne seront pas touchées. Bref, c'est écrit en à peine moins cash : baisser les cadeaux fiscaux privés des riches (pléonasme) est un intolérable abus d'un Etat qui ne pense qu'à la collectivité (pourtant sa raison d'être). Étonnant qu'un journal qui gave le lecteur de "nation" une page sur deux le prive de toute pédagogie sur les bienfaits de l'impôt pour le pays (éducation, transport, infrastructures, soins, sécurité, enfin tout ce qui n'est pas encore totalement privatisé). Vois-y une contradiction que tu peux étendre au discours d'une large partie de l'UMP. 
(Toi aussi apprends formes et couleurs avec la presse de droite.)

La raison des riches a des raisons que l'Etat de droite n'ignore pas.

Si la hausse des impôts est la terreur réflexe de certains thunés. Par un martèlement médiatique de leur logique pas si éloignée du monde rêvé selon la classe moyenne télé formatée, elle devient l'angoisse de cette dernière. Elle l'argumente à son tour selon les poncifs en cours sur les ondes du marché. Mais, il y a taxe et taxe. La juste et l'injuste, la proportionnelle ou l'inique. 

Pour que les intérêts des riches soient épargnés, il s'agit d'entretenir la confusion entre intérêts collectifs et capitalisation individuelle. A raison, la majorité d'entre nous n'entrave rien aux "marchés", aux "agences de notation"[2]. En revanche, la logique de la peur selon l’évangile des dominants (peur pour les marchés, peur pour la dette...) ressassée à longueur de JT marche à fond, spécialement dans un climat d'individualisation des destinées. Tandis que les médias feignants nous aspergent au spray de la raison économique du plus fort, le gouvernement persiste à ne pas augmenter les impôts directs. Par un grossier raccourci négligeant l'existence des classes sociales (un schéma obsolète parait-il)  la raison des riches est associée à celle pourtant contradictoire de la majorité des français qui ne le sont pas

Dans une période d'endettement national, ne pas augmenter les impôts pour les plus riches équivaut tout simplement à accroître un emprunt que rembourseront... les pauvres. Dés lors comment écrire que "l'Etat pourrait ainsi préempter une part de PIB selon son bon plaisir, ce qu'il lui plairait de laisser aux particuliers s'analysant comme des cadeaux fiscaux" alors que c'est précisément ce qui se passe, et va continuer à se passer pour l'écrasante majorité de la population, via l'augmentation  des taxes indirectes (dont il faudra qu'un expert m'explique comment cela va relancer la croissance) et des tarifs "publics" (couplé à une réduction des budgets publics qu'ils seront les premiers à se prendre dans les dents) afin d'éloigner la menace d'une mauvaise note sur notre dette

Rappelons qu'un français sur deux n'a déjà pas assez de revenus pour être imposable, qu'en 2010, notre souverain à emprunté aux riches (grand emprunt) ce dont il leur avait fait cadeau juste avant, aggravant la dette de 35 Milliards, et que chaque année 45 Milliards sont reversés au patronat sans contrepartie. 

Aux pauvres donc de régler cette facture dont certains riches veulent s'exonérer selon la croyance, rabâchée par leur petit dévoué, que leur richesse non redistribuée suffit à multiplier les pains. Les riches renfoncent-ils le bien-être de la collectivité ? Dans les pays occidentaux, ils n'ont jamais été aussi riches, le chômage rarement aussi élevé, les pays jamais endettés à ce point. 

Bien sûr, les très riches peuvent s'offrir une batterie de comptables et d'experts, d'opportunités d'optimisations fiscales qui lui permettent de payer proportionnellement bien moins d'impôts que le type avec un revenu moyen. Placées sur des produits financiers, des CDS sur dette souveraine et autres criminelles sophistications boursières, leurs colossales sommes restantes agissent contre les peuples

Il est donc indispensable de récupérer cette somme avant qu'elle ne cause des dégats. Il n'y a bien que la droite au service de la grosse maille pour (faire) croire que le très riche investit systématiquement pour le bien des autres.  Et ce n'est pas avec la promesse d'une taxe de 1% sur les très hauts revenus (Oh punaise, c'est la soupe populaire direct là) que l'on inversera la tendance.

Il faut donc renforcer une fiscalité progressive, plus fortement imposer les riches et réduire les avantages individuels, contreproductifs pour le collectif, dont bénéficient les classes intermédiaires. Alors oui, il y aura des mécontents, car il va bien falloir fixer un montant à partir duquel tu es considéré comme aisé, mais c'est la seule façon cohérente et humaine pour refaire "société".

C'est cela, ou a moyen terme, l'entrée dans une phase plus active de la guerre des classes.

[1] Disclaimer : un plaisantin m'a abonné à Valeurs Actuelles.  A moins que, je n'ose y croire, le journal m'envoie gratuitement des exemplaires pour que je parle de lui ?  Oups.

Articles connexes :
- Les libéraux et le monde pétrifié
- Le premier jour du reste de l'Europe
- Trop riche pour te taxer

13 comments:

dalipas a dit…

Il convient aussi de rappeler qui sont les "riches" du XXIème siècles que l'on épargne ainsi. Ce ne sont plus les patrons d'industrie, les notables et les héritiers du XIXème non ! Ce sont de petits malins boursicoteurs, actionnaires, parasites, hauts fonctionnaires, banquiers, cadres dirigeants, bref des improductifs qui jouent avec l'argent, sont incompétents mais exploitent la compétence des autres et pas que la compétence d'ailleurs. Le monde des affaires est pour eux un vaste casino exonéré de taxes dans lequel ils jouent la vie d'ouvriers et d'employés dont ils n'ont rien à foutre.
C'est pourquoi il ne faut avoir aucun scrupule a taxer et surtaxer ces purs joueurs sans scrupules responsables des délocalisations, privatisions, dépôts de bilan, fermetures, licenciements et au final des cracks boursiers.

Anonyme a dit…

Suivons l'Islam. 2% (environ) de tout tes biens ( argent, Or , bétail, récolte .....ect...) Que tu sois riche ou modeste (seul les pauvres ne sont pas imposé).............^^

romain blachier a dit…

on oublie trop souvent qu'on peut diminuer les dépenses...mais qu'il est aussi possible d'augmenter les recettes

Anonyme a dit…

Salut Seb

Je pense que les classes moyennes n aiment pas les augmentations d impots car elles ont bien compris que c est ELLES qui vont payer (les pauvres sont trop pauvres et les riches passent a travers via optimisation fiscale ou compte en suisse)

sinon pour aller dans ton sens, l impot sur le revenu en france est en pourcentage des revenu tres faible. Quand je suis alle en Allemagne, je suis passes a pres de 50 % pour l IR... (en france c etait environ 30 %)

Par contre pour accepter un hausse d impot, je crosi qu il faudrait que l etat francais soit exemplaire dans ses depenses et qu il y ai sanction en cas d abus. Payer pour les cigares d un ministres ou pour entretenir des eleveurs de vaches virtuelles corses, c est quand meme dur

Malheureusement, je vois pas ca arriver en France. Pour l UMP c est clair etant donne comme ils se comportent. Pour le PS, il y a qu a voir le sort de Guereni pour comprendre
On es plutot dans une configuration a la greque: tout le monde truande l etat, de haut en bas de l echelle sociale

lg a dit…

La durée de vie moyenne d'une monnaie papier est de 27 ans! La cirse systèmique se construit depuis plus de 40 ans.. et un changement de gouvernement (même si je l'appelle de tous mes voeux) ne changera rien.

Le principal est d'anticiper l'effondrement du niveau de vie tout en réduisant les inégalités.. => plus de rentrées .. on est bien d'accord.

Kaos a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

rapport de la Cour des comptes


http://blog.travailler-en-suisse.ch/07/2011/le-rapport-qui-va-vous-faire-detester-la-france.html

Kaos a dit…

(je dédouble pour cause de mauvais lien + faute de balise, je supprime l'ancien dans la foulée)

De fait la peur pour les marchés et celle pour la dette sont la même chose. Au casino de la bourse, ils jouent (entre autres) avec les remboursements à venir de la dette publique, qui doivent donc être garantis par des plans de rigueur toujours insuffisants, ou voir l'évaluation de leur stabilité se dégrader sans fin. C'est ça ou les banques s'écroulent subitement (à nouveau) faute de confiance en l'avenir (de leur petit jeu), et nous entraînent dans le gouffre avec eux...
Ce ne sont pas que des lubies idéologiques, mais un système à faire tourner (jusque dans le mur, s'entend).

Sauf évidemment si on les brutalise un peu, genre en interdisant la casino boursier, voire en les nationalisant, éventuellement.

Frédéric Lordon en parle très bien.

Anonyme a dit…

Ca commence à barder en GB :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20110809.OBS8287/les-emeutes-s-etendent-a-toute-l-angleterre.html

Ils sont comme ça les britishs, très flegmatiques, mais quand ils s'énervent, c'est trash. J'en sais quelque chose, ma mère est anglaise.

Pullo a dit…

Ces derniers jours, les émeutes urbaines font tâche d'huile en Grande-Bretagne. Après Londres, Birmingham et Manchester s'agitent. Voilà ce qu'on pouvait lire sur le site du Sarkotidien (aka le Figaro), dans les commentaires d'articles sur les émeutes :

"La France a eu raison de parquer la graine de délinquants dans des cités dortoirs loin de Paris et grâce à l'augmentation des prix des logements, les indésirables s'éloignent géographiquement, c'est une chance que le m2 à Paris dépasse les 10000 €, souvenez vous durant les émeutes des banlieues en 2005, Paris et nos quartiers paisibles n'ont subi aucun dommage. La gauche voudrait remettre la mixité c'est à dire mélanger la misère, le multiculturalisme, les chômeurs et les alcooliques ou drogués avec des gens honnêtes, alors c'est importer la délinquance, la violence chez nous, alors ça jamais, imaginez Notre Dame, la Tour Eiffel, les Champs Elysées livrés au chaos et au pillage ???"

Classes laborieuses, classes dangereuses. Un très vieux refrain. La Courneuve peut cramer nuit et jour, pourvu que je dorme à poings fermés dans ma maison de la Villa Montmorency. Belle conception de la solidarité nationale. On n'est pas dans la merde...

Rafo a dit…

@Pullo : oh pétard, je l'avais loupé celui-là.

A l'époque des émeutes de 2005, Luc Saint-Elie (photographe qui participait souvent à l'émission "système disque" sur France Info, disait sur son site audioblog.fr, aujourd'hui disparu et remplacé par tout autre chose, je cite :

"Il est une bénédiction pour tous que ces "jeunes" n'aient aucune conscience politique, et donc la capacité d'organisation qui va avec. Car s'ils étaient capables d'actions concertés, on aurait eu les Champs-Elysées à feu et à sang".

Fin de citation.

Comme d'hab, celui qui a écrit son commentaire dans le Figaro soit l'a fait par pure provocation, soit n'a absolument rien compris à la "chance" qu'il a eu de ne pas se faire découper en tranches à l'époque. Ce site est merveilleux de par les crétins qui y pullulent. En même temps, c'est le lectorat recherché, n'est-ce pas ?

omer a dit…

"...Car s'ils étaient capables d'actions concertées, on aurait eu les Champs-Elysées à feu et à sang..."
C'est tout à fait cela, j'ai bien l'impression que les "jeunes" en question ne savent même pas où se trouve le XVI°, Neuilly et autres beaux quartier. Exprimer sa révolte en foutant le feu à la bagnole de son voisin d'HLM, ce n'est pas très efficace...

Malus assurance a dit…

pas mal

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