Menteurs et escrocs, autistes, boursouflés d'arrogance et pataugeant dans le déni, c'est entendu. Mais, sérieusement, peux-tu faire confiance pour ta retraite avec un pouvoir aussi nul en mathématique ?
Donc, il parait que nous n'étions que 997.000 à manifester dans le pays contre la réforme des retraites. Les témoignages du terrain démontrent que nous étions au moins aussi nombreux dans les grandes villes et surtout bien plus nombreux en province que lors de la mobilisation du 7 septembre : donc 3 millions.
Même si j'entends à ma droite, répété jusqu'à la nausée sur des médias plus que conciliants, "bande de preneurs d'otage" et, parfois, à ma gauche des "booaarrrfff... tant que c'est pas la révolution, pas la peine de bouger", tout en subissant en continue les tristes et démoralisantes boucles mensongères, télévisuelles et radiophoniques des spadassins du TINA, ce 23 septembre je suis fier d'en avoir été.
Pourquoi lâcher l'affaire ? Je me pose tant de questions, mais surement pas celle-là. Je ne suis pas syndiqué, à peine travailleur (quoique hier - et c'est une première - j'ai cramé une journée de boulot pour défiler) mais, disposant d’un capital colère intacte : il est hors de question de contribuer par mon silence à servir sur plateau télé, une résignation souhaitée (via des tartines souriantes de "bon sens et de pragmatisme des français" servies au JT du soir par le Ministre de la casserole (pion d'une organisation mafieuse à couverture démocratique, ayant la gestion de lois et des transferts de marchés, sous alibi de progrès, au profit des amis et que nous appellerons pour simplifier : gouvernement UMP).
J'ai donc battu le pavé, accompagné de quelques blogueurs (selon mes renseignements nous étions au moins le double de la dernière fois). Départ de la Banque de France...
... jusqu'à Denfert. Ciel sombre, orage menaçant, coups de tonnerre sur La Bastille, flics en colère, pompiers énervés, personnel médical atterré, cheminots hurlant, : le ton s'est nettement rigidifié par rapport à la dernière fois. « Grève reconductible » et « grève générale » reviennent dans un slogan sur deux. Ne souhaitons pas à ceux qui n'ont probablement jamais planté un clou de leur vie et qui décident, en toute bonhomie, que les français doivent travailler jusqu'à la mort, de se perdre ici, par la mégarde d'un chauffeur mécontent de ses gages : leur espérance de vie pourrait être sérieusement écourtée et leur retraite violemment anticipée.
Continuons la remontée au milieu de la chaussée, point parfait pour pleinement apprécier les perspectives parisiennes aux platanes brunis. Nous croisons Arlette Laguiller, toujours fidèle au poste à l'abri bus Lutte Ouvrière du Boulevard St-Germain, des élus PC qui encouragent les manifestants à persévérer, quelques guest-stars du PS (qui semble de plus en plus se la jouer "tous dans la rue mais toujours bien fringué"), un Gérard Filoche en pleine forme, une Cécile Duflot qui repère ma petite caméra et prend immédiatement la pose pour distribuer tout sourire des tracts Europe Ecologie... Ah toute cette présence politique, manquerait plus que Bayrou...
Je croise Mémé Kamizole, blogueuse légendaire, arrivant avec sa canne et en bus de la banlieue, ayant surmonté une agression pour brandir sa pancarte contre le Ministre qui n'a jamais menti et son Monarque magique !
Au même moment, de la jeunesse à logos nous regarde passer en soupirant la bouche pleine de Mac Bouffe depuis une terrasse climatisée. Même si les enfants et les familles défilent, une génération brille ce jour par son absence : les 20-40 ans (pourtant les principaux sacrifiés). Un mec de 25 ans, remonte le cortège à contre-sens, doigt d'honneur tendu face aux contestataires.
Boulevard du Port-Royal, tandis qu'un pauvre vendeur de merguez s'engueule avec un encore plus pauvre acheteur de casse-dalle au sujet d'un rendu de monnaie incorrect, la demi-sœur de Mamie Zinzin, tente de forcer un cordon de manifestants avec sa Pigeot Cabriolet. Le seul policier affecté à la gestion du carrefour tente de l’en empêcher, elle finit par passer. Avec un teint un peu plus coloré, une 205 déglinguée ou 40 ans de moins, tu prends six mois ferme. Dans 150 mètres, la vieille dame en cabriolet aura tout oublié.
Les deux cortèges massifs, convergent en sifflets et vuvuzelas, place Denfert-Rochereau devant une immense banderole appelant à l'union des syndicats pour une grève reconductible. Nous restons encore là une bonne heure en consultant les estimations fantaisistes de Beauvau sur Twitter (997.000 manifestants, tout doit disparaître), avec la conviction que ce pouvoir pétoche sa race. Pourquoi , autrement, tant d'efforts pour tendre vers zéro les chiffres d'une mobilisation qui va crescendo ?
Que reste t-il à faire, le petit bonhomme en mousse n'étant pas la dame de fer ?
Ne pas se résigner à la médiocrité, rien n'est perdu : on peut encore leur apprendre à nous prendre en compte.
"Il soupire encore une fois. - "Mais ça va changer quoi pour moi de manifester? C’est du temps perdu en plus je risque d’me faire virer."
Blockhaus du fatalisme se moquant du mur des lamentations, à aucun moment de la conversation, et en général de sa vie, Lolo ne fait le lien entre sa soumission à la logique du marché et sa croissante paupérisation."
"Lait fraise avec la majorité silencieuse" - février 2009
10 comments:
Juste pour réagir à l'absence des 20-40 ans, c'est PATOUT et c'est GRAVE. dans les assoss où j'étais active en France (RESF, aide aux sans abris) on croisait toujours les mêmes : syndcalistes et profs la retraite (la majorité, d'ailleurs heureusement qu'ils sont là !) alors comment faire ? je me suis posée la question parce qu'on me l'a assez souvent posée...
et si c'était le résultat d'un abrutissement volontaire des masses (du temps de cereaux libres pour etre de bons consommateurs, une baisse générale du niveau des diplomes, à l'école on apprend par cour, on n'apprend pas à réfléchir...) plus e coitation, plus d'analyse, donc plus de leaders... dormez moutons, soyez en compétiton pour du boulot ou au concours de la plus belle voiture. nous, on gère.
Au Caire, nous sommes 20000 français à peu près... nou étion seulement 18 personnes devant lambassade le 4 septembre contre les expulsions.
Je suis plutôt d'avis avec le Monolecte : http://blog.monolecte.fr/post/2010/09/22/Pourquoi-je-n-irai-pas-manifester
Tout ceci n'est qu'une canalisation de la colère, sans réelle menace pour le système en place, c'est sous contrôle, et en sus ça ne réclame rien de clair.
Je ne suis pas pour défendre un vieux système, je suis pour proposer un autre nouveau système : le Dividende Universel.
Mais les sujets sont savamment orientés par les barrières médiatiques qui canalisent les débats. En orientant la colère sur des sujets disparates, ciblés, qui n'ont aucune chance de faire se lever une adhésion massive à une revendication positive pour tous (la retraite ne concerne qu'une génération ciblés essentiellement), il n'y a aucune chance d'arriver à quoi que ce soit.
A la manif à laquelle j'étais hier, beaucoup de 40-60 ans certes (50-60%), mais aussi beaucoup de trentenaires (30%) et quelques moins de 25 ans (dont nous)en minorité mais quand même.
j'ai 26 ans et j'étais bien content d'être dans les manifestations, que ce soit celles du 23/09/2010, du 07/09/2010 ou du 29/01/2009, certes, j'ai raté celle du 24/06/2010 ainsi que le premier mai 2010.
Il y a 3 ans, lorsque j'ai senti le vent tourner, j'ai décidé de tout plaquer pour devenir éleveur.
J'aurais une retraite de merde, comme tout le monde, mais au moins, j'aurais à manger.
Je ne crois pas/plus au pouvoir des masses, trop lobotomisées par des années de TF1 et de toute façon pas comptabilisées (cf ton article)
Je crois à la guerre individuelle menée par chacun d'entre nous auprès de ses proches. Notre seul pouvoir, c'est celui de faire tourner (ou pas) l'économie en faisant de l'acte d'achat un acte politique ET de guerre.
C'est la lutte finaleuh, groupons nous et demain...
@zergy > je dirais plus tôt 25-40. Effectivement, bien plus d'étudiants que la fois d'avant
des jeunes (20- 30) il y en avait hier, et il y en avait au début du mois. qu'ils soient étudiants ou travailleurs a peu d'importance.
éventuellement, les hurlements imbéciles de l'unef ont rendu cette présence plus visible, mais dans l'absolu on s'en serait bien passé.
Trop loin pour manifester, je regrette l'ambiance. En même temps, c'est vrai que les manifs c'est devenu tellement balisé. Il va falloir trouver autre chose et prendre d'assaut ce qui nous appartient !
:-)
et quand est ce qu'un journal digne de ce nom s'attellera à la contradiction de ces chiffres en proposant lui même son propre décompte? C'est leur boulot, plutôt que d'accepter bêtement ce que l'un et l'autre disent.
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