1 juin 2012

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Augmenter les salaires sans pénaliser les entreprises ?


Le montant du "coup de pouce au SMIC" du gouvernement Ayrault n'est pas encore connu (inférieur à 5%, dans le bon sens mais insuffisant) que la libéralie se met en branle pour dénoncer cette attaque faite au coût du travail. Hier la commission européenne préconisait la disparition du CDI (le salariat étant un redoutable accélérateur de chômage). Aujourd'hui, Marc Landré recense sur le site du Figaro quelques belles réactions nous expliquant pourquoi payer un peu plus les travailleurs c'est gagner beaucoup moins pour le capital:

La problématique du coût du travail est réelle, et tout coup de pouce, même minime, creusera un peu plus notre tombe, prévient Olivier Duha, le président de CroissancePlus [think tank libéral]. François Hollande devrait être plus imaginatif et mettre en place, tout en accordant son coup de pouce, un salaire différencié à l'embauche pour les jeunes.» Bref, instaurer une sorte de «smic jeune» pour les 15-20 ans sans qualification, comme dans la moitié des pays de l'OCDE, afin de baisser leur coût du travail et leur permettre d'accéder à l'entreprise."

On précisera ici que cette sous-rémunération existe déjà depuis deux décennies, qu'elle dépasse largement la barrière des 20 ans et qu'elle concerne même les travailleurs ultradiplomés. Ça s'appelle le stage. Cette chose absurde a pris son envol au milieu des années 90, précisément au moment où Jacques Chirac supprimait le service militaire (ce qu'avec le recul je considère comme un joli cadeau fait au patronat, puisqu'au service sous le drapeau s'est substitué le service quasi gratuit au patronat). Toujours est-il qu'en plus de n'arranger en rien le chômage et de faire un méga cadeau fiscal à l'entreprise, la vraie nocivité du stage est de distiller au plus tôt dans les jeunes esprits qu'il est normal de se donner à fond à prix cassé pour montrer sa motivation (dans les faits: occuper trois postes pour le tiers du salaire d'un).

L'article rapporte également les propos du président de la CGPME  [confédération générale des petites et moyennes entreprises] «Nous sommes opposés à un coup de pouce au smic». Au moins c'est clair.

Et Marc Landré de préciser :

"Accéder à la demande de la CGT de porter à 1700 euros brut le salaire minimum serait une catastrophe économique. Il en coûterait 10 milliards d'euros par an aux entre­prises, sans parler de la destruction de centaines de milliers d'emplois."

10 milliards tiens donc... Les temps sont durs pour les entreprises. Soit. Ne pourrait-on pas creuser quelques pistes pour récupérer cette somme ? Par exemple en creusant un peu sur l'évasion fiscale. Et je ne parle pas ici de la fraude aux prestations sociales, cible favorite de la droite, estimée entre 2 et 3 milliards par an, mais bien de l'ensemble des 25 milliards de fraude fiscale  annuels (dont 12 milliards de TVA non perçus, des 4,5 milliards d'impôts sur les sociétés non collectés) ou encore de la fraude aux cotisations sociales des entreprises aux alentours des 14 milliards (dont 6 à 12 milliards de travail au noir). Sans parler des 80 milliards d'avoirs français en Suisse non déclarés. (source : cour des comptes, 2010). Dois-je rappeler les exhortations de notre ancienne ministre des finances, catapultée chef du FMI, au peuple grec (enfin hors clergé,  armateurs et Christine Lagarde): il faut payer ses impôts !

Voilà donc, avec un petit renforcement des contrôles, qui nous autoriserait à un coup de pouce du SMIC un peu plus conséquent sans perturber les comptes des entrepreneurs honnêtes.

Autre piste évoquée la semaine dernière par l'OCDE (organisation pourtant pas réputée pour son anti-libéralisme) pour financer l'allègement du coût du travail: Une taxation plus forte de l'immobilier et des successions en France.  L'OCDE pointe le fait qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, si les impôts sur le revenu sont un peu moins élevés qu'en France en revanche, la fiscalité sur la propriété est plus forte. L'avantage est d'abord que les biens immobiliers ne sont pas délocalisables et qu'il est bien plus compliqué de mentir à se sujet. Les tarifs sont connus de tous et constituent la preuve matérielle la plus tangible de l'enrichissement. L'inégalité générationnelle dans le travail se double souvent d'une inégalité générationnelle dans les conditions accès au logement à un prix décent en partie renforcée par une concentration exponentielle d'un pognon ayant de moins en moins avoir avec le travail ou le mérite. 

L'augmentation de l'impôt sur les successions renforcerait le rééquilibrage et endiguerait en partie ce mécanisme pervers de concentration d'argent entre les mêmes mains, sans pénaliser l'entreprise ni le salarié. 

Voilà donc quelques pistes. Mais je m'inquiète déjà, Jean-Marc Ayrault ayant déclaré ce matin sur RMC qu'il n'y aurait "pas de big bang fiscal". Mettons ça sur le compte de la campagne des législatives... hein.


Illustation : Jurassic Park, S.Spielberg 1993

6 comments:

Anonyme a dit…

Et comme toujours la stigmatisation, d'abord les chômeurs qui ne foutent rien par choix évidement et d'autres part les travailleurs qui n'en branlent pas assez en étant payé des ponts d'or.

Aujourd'hui à mon taf (oui je suis un salop de nanti) au bout de 4 ans au même poste, on m'annonce que je dois remplir quotidiennement un compte rendu d'activité. Bizarrement, j'ai eu écho d'un projet d'externalisation de mon poste... Curieux.
Je suis responsable du système d'information sur le back office.

Je dis bizarre, et j'attend las suite avec impatience à devoir me justifier

p.s: j'écris ce message lors de ma pause déjeuner, et non je ne suis pas un putain de branleur.

Anonyme a dit…

je serai curieux de voir Hollande taxer l immobilier...
C est sur que ca serait une bonne idee comme ecris ici mais ca serait un suicide electoral car ca taxerait essentiellement les vieux, qui sont ceux qui font l election

pour info, en suisse, pays communiste s il en ait, si vous etes proprietaire, on rajoute a vos revenus un revenu virtuel qui serait le montant du loyer que vous devriez payer.

PS: en suisse il y a environ 30 % de proprietaire, en allemagne 45 %. en france on est a 60 % et en espagne a plus de 90. et pourtant curieusement, les pays qui s en sortent le mieux ne sont pas comme le dit l ump, ceux qui ont le % de proprietaire le plus grand ...
ca serait meme le contraire (ah oui, on peuit pas investir dans la pierre et dans l industrie en meme temps ;-))

Anonyme a dit…

De toute façon,je ne crois pas qu'il était prévu (dans les 60/61 "propositions") de Big Bang Fiscal.Ceux qui en attendaient,ont la mémoire courte (1983).

Toutatis a dit…

Le big bang fiscal on l'a déjà. Et tout salarié peut le calculer.
Ce que vous gagnez c'est
le salaire net + les charges sur le salaire brut + les charges patronales
On vous en pique déjà au moins la moitié au départ (reste plus que le salaire net). Sauf si vous ètes dans les hauts revenus bien sûr car beaucoup de cotisations sont plafonnées.

Reste ensuite les taxes de toutes sortes (TVA, TIPP), plus les impôts. Tout ça prend bien 25% de ce qui reste.

Anonyme a dit…

Hollande se pliera aux exigences de l'Europe. C'est elle qui décide et jusqu'à présent il a toujours suivi. Durant le mandat de Sarkozy il n'y a quasiment jamais eu d'augmentation du salaire minimum, par contre on se souviendra de l'augmentation de son salaire, équivalent à 20 SMIC.
Il est presque comique de constater qu'une augmentation du SMIC soulève toujours les mêmes protestations des privilégiés qui n'ont pas à se soucier de leur survie, alors que dans le même temps l'écart entre les plus pauvres et les plus riches ne cesse pas de se creuser. Ne parlons même pas de la répartition des richesses qui constitue un problème planétaire ni des rémunérations mirifiques des dirigeants d'entreprises et du capital.
Dans le même temps le coût de la vie ne fait qu'augmenter ce qui obligera ceux qui n'ont que le SMIC, l'un des salaires minimum les plus bas en Europe, il me semble, à trouver des moyens pour gagner davantage, par exemple en occupant deux voire trois emplois comme les salariés américains ou a devenir des autoentrepreneurs pour rester dans la légalité. Le changement se fera donc attendre et il ne sera pas pour maintenant.

Tassin a dit…

@ Toutatis : Y'a un truc que vous avez du louper : le coût que représenterait l'équivalent privé des services offerts par le public et financé par ces horribles "charges".

@ Seb : Je pense qu'une diminution du temps de travail, par exemple passer à 4 journées de 8h, ou rajouter des congés payés équivalents ou autre, conjugué à un éclatement de la bulle immobilière est une bien meilleure solution à la crise que d'augmenter bêtement les salaires à temps de travail inchangé.

Qu'avons-nous de plus précieux : le temps ou l'argent?

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