5 juin 2012

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Apocalypsimmo 7 : La lutte des classes passe par les loyers

"La vie, c'est l'offre et la demande" François Fillon, 04.06.2012 

Et oui. Ils osent tout. Après une hausse de 50% des loyers en 10 ans, le décret provisoire pour bloquer les loyers à la relocation annoncée par Cécile Duflot, ça couine encore de sa jérémiade victimaire chez les multiproprios : le jackpot est cassé ! 

Les cris et gémissements des rentiers agacés balayent tout le spectre de la droite, de François Fillon à Louis Alliot, chacun reprenant mot pour mot les thèses libérales de "la loi du marché" et de "l’offre et de la demande", principes en vigueur depuis des décennies et avec quel succès : 10 millions de personnes touchées, une explosion de travailleurs logeant dans leur voiture tandis que l'espérance de vie des sans-abris, dont le nombre explose, est passée à 45 ans. La classe non pour un pays supérieurement civilisé ?

Même cette tarte d’Apparu, dont le seul effort au poste de Cécile Duflot dans le précédent gouvernement aura été de servir la soupe aux rentiers, a cru bon de la ramener

Notons tout de fois un paradoxe chez les opposants à la loi chez qui, il n'y a pas de hasard, on ne retrouve jamais de locataires. Deux types d'arguments cohabitent :

1 / Au final, la baisse des loyers serait mauvaise pour les locataires. Prière de ne pas rigoler, je l’ai lu de la plume d’un professeur d’économie qui fait beaucoup pour crédibiliser sa profession.

2 / De toutes les façons, l’encadrement des loyers ne changera rien à la situation.

Quel souci soudain du propriétaire pour la bonne santé du locataire, ce type a qu'il demandait encore 4000 euros de salaire pour un studio de 1000 la semaine dernière, euh que dis-je ce matin encore. Quelle étrange et virulente levée de boucliers contre quelque chose qui serait finalement sans conséquence ! 

Quant à l’argument Point BHL du blocage des loyers qui "tuerait les villes" et ferait "fuir les investisseurs", c'est gentil de se soucier aujourd'hui de la santé des villes alors qu'elles sont ravagées, défigurées, vidées de leur substance, vidées tout court par la spéculation depuis 15 ans. Ce sont les habitants qui font une ville, non les investisseurs. 4 fois sur 5, ce terme bien trop gentil cache en fait la pire avidité qui soit et un total manque de considération, autre que financière, pour son prochain. Si les investisseurs sont martyrisés par la pierre, castrés par Cécile Duflot, oppressés par le joug du locataire: qu'ils quittent la ville, les côtes de France et toutes "les zones tendues" sur lesquelles ils ont fait une OPA en dénonçant la pénurie et dans lesquelles ils s'engraissent copieux depuis des années, repoussant les locaux en 27e périphérie. M'est avis que personne ne les regrettera.


La perspective d'un encadrement des loyers vaut d'abord pour sa valeur symbolique. C'est principalement ce qui est critiqué par nos détracteurs de décret, bien au fait que leurs arguments économiques sont d'un comique prononcé. C'est une première attaque au sacrosaint droit du propriétaire de faire ce qu'il veut parce que c'est chez lui, une première brèche dans le mur de l'impunité, une offensive modérée, mais qui en appelle d'autres d'où l'acharnement à la dénoncer. Alors que pour beaucoup l'enrichissement par l'immobilier a remplacé l'enrichissement par le travail, sur le terrain, pour les aspirants locataires la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes. 

La logique des bailleurs individuels, usant et abusant du droit de propriété, s'oppose clairement à celle de ceux qu'ils exploitent, jusqu'à présent avec la bienveillance de l'Etat, voire avec sa complicité (les grands pourfendeurs de l’interventionnisme ayant été par ailleurs copieusement subventionné depuis des années). 

Concernant le "pauvre petit propriétaire" qui serait la victime d'une loi inique, rappelons-lui que, non, il n'y a pas de fatalité en France à ce que le logement reste un marché comme les autres,  encore moins un casino truqué où celui disposant du capital doit gagner à tous les coups. Nous rappellerons également au "pauvre propriétaire parisien"que le prix du m2 dans la capitale a encore grimpé de 110 euros en 2 mois et que je connais peu de salariés ayant connu une telle augmentation en 5 ans.

Un mouvement est initié, qui ne va pas encore assez loin mais va déjà dans le bon sens. Un signal est envoyé, il fait déjà grogner les grands moralisateurs de la thune tombant tranquille grâce à l’effort pour les autres. Les jours du grand n’importe quoi sont comptés. 

Du moins, je l’espère.

9 comments:

Toutatis a dit…

On se demande pourquoi l'état, qui trouve normal de ne pas augmenter ses employés au même rythme que l'inflation, trouve normal que les loyers suivent, eux, l'inflation.

zeyesnidzeno a dit…

Effectivement, les arguments tombent les uns après les autres. C'est stupéfiant cet aveuglement idéologique.
Pour rappel, cet article du figaro (pas mal fait) qui indique que le frein à l'investissement n'est plus d'ordre économique, mais de nature psychologique. ça m'a fait rire.
http://www.lefigaro.fr/immobilier/2012/06/05/05002-20120605ARTFIG00426-gel-des-loyers-a-la-relocation-avantages-et-inconvenients.php

Tassin a dit…

@ Toutatis :

Pose la question à Jacques Delors.

MadMax a dit…

Tres intéressant reportage en ce moment même sur France2: "Les classes moyennes: un rêve français".

Éclairage similaire a celui donne par ce blog: hyper consommation, loyers trop chers, immobilier surévalué...

Anonyme a dit…

Bonjour,

J'aimerai avoir un éclaircissement, Céline Duflot propose juste de bloquer les loyers à la relocation. En aucun cas donc cela va infléchir la courbe des loyers, juste ralentir sa progression. Pour moi cette mesure est totalement insuffisante.
Puis pourquoi ne parle t il pas de l'insalubrité chronique du logement sur Paris et sa région, le nombre de multi-propriétaire qui te foute de +2% d'augmentation de loyer sans n'avoir JAMAIS consenti une mise aux normes de leur(s) bien(s) en 30 ans.

"Alors que pour beaucoup l'enrichissement par l'immobilier a remplacé l'enrichissement par le travail, sur le terrain, pour les aspirants locataires la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes." Entièrement d'accord, sans cette spéculation sponsorisé par l'état Français peut être notre économie Réelle s'en porterait bien mieux mais c'est vrai qu'il faut prendre un peu de risque. Décidément la génération de nos parents babyboomer nous aura tout fait, à cannibaliser leur propre progéniture, c'est infect vivement qu'elle passe à trépas.

ciorane a dit…

Bonjour,Seb. je lis et apprécie tes billets depuis un bout de temps.Aujourd'hui, j'y vais de mon mini-témoignage. Non, ce n'est pas un problème de classe sociale ou de génération, plutôt le résultat de l'idéologie dominante qui fait des dégâts à tous les niveaux. Voilà: nous vivons dans une petite commune au pied des Pyrénées; endroit charmant, population à l'avenant (ici, L'extrême-droite n'a que peu d'écho, Mélenchon devant Sarko au 1er tour des Présidentielles, Hollande à 68% au 2nd....).Un jeune agriculteur, devenu prof d'économie, a abandonné l'élevage extensif de porcs puis a aménagé la porcherie en appartements loués à prix d'or à de jeunes ménages. Oeuvre de salubrité publique, si j'ose dire, ou cupidité ordinaire?

Toutatis a dit…

Parait qu'on va faire une nouvelle défiscalisation, ça s'appellera "Repentin" au lieu de "Scellier".
Amusant non ?

Incédule a dit…

Hello,

Marrant tout le monde va dans le même sens. En général un bon signe que ça n'a pas de sens ou que c'est juste évident... Au choix...

On est tous d'accord pour dire que les loyers sont débiles (en tout cas dans un certain nombre de villes), on peut aussi sans doute être d'accord pour dire que les prix d'achat sont débiles (mais là c'est peut être moins pertinent, bah oui ces ordures de propriétaires capitalistes et cie peuvent cracher...). On peut aussi être d'accord sur les abus et les hausses insensées...

MAIS, après les salutaires indignations de bienpensance moraliste que le mal c'est mal il faut regarder un poil la réalité et surtout le moyen/long terme.

Bloquer les prix des loyers pkoi pas mais il faut quand même se demander:
1) Qu'est ce que cela règle ?
2) Quelle est la root cause de tout ça ? Pourquoi c cher ?
3) Pkoi des propriétaires préfèrent ne pas louer leurs biens plutôt que prendre un risque (réel ou supposé) et donc contribuer à l’explosion des prix via la rareté.

On peut aussi évidement massacrer les propriétaires (certains le méritent !!!) mais qu'est-ce que cela va avoir comme conséquence ? Ah évidement on peut les forcer à louer ces salauds. Mais ensuite ? Ah on peut les forcer à faire construire ou les taxer à mort (on sait même pas bien comment ils ont eu leur sous ceux là d'ailleurs !) mais bon, pendant ce temps là on n'a rien rêglé... Ils iront investir dans d'autres secteurs (l'économie réelle par exemple, on peut toujours être un poil optimiste hein :o) et on aura toujours pas de logement neufs et surtout un parc qui se dégradera.

Tu veux baisser les prix, pas compliqué, tu fais exploser l'offre. L'état se sort les doigts du cul pour construire. Tu rassures les proprios qui ne louent pas en leur permettant de virer les mauvais payeurs. Tu diminues les aides à la construction et les aides aux logements (plus d'offre, concurrence, les prix baissent). Bref tu mets en place un cercle vertueux qui permet aux gens de se loger moins cher tout en permettant au loueur de s'y retrouver...

Le pire dans l'histoire c'est qu'il suffit de regarder le passé. Le scénario a déjà été joué faut juste en tirer les conclusions. Et comprendre l'objectif de la loi de 48 ça aide un peu aussi. Ce n'était pas de bloquer le prix des loyers... Enfin, et comme mentionné, faudrait à un moment comprendre que ce ne n'est qu'une des illustrations des vampires que sont nos ainés. Rassurons nous ils sont au pouvoir et, sous leur morale à deux balles, finissent le travail. Reveil...

Anonyme a dit…

"la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes" : excellente formule !

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