11 décembre 2008

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L’insurrection qui vient (de Grèce) ?

Si l’on suit les médias français, elle est encore loin, hellénique et sous climat tiède.

C'est que dans ces jours de misère détournée à coups de crédits à la consommation, à quelques encablures tarifées de l’orgie préméditée, le média au crochet du marché fait plus que jamais attention à son vocabulaire. Surtout sur la première compagnie.

Mardi soir dernier dans un sujet anodin sur un accident d’alimentation électrique survenu sur une ligne TGV Ouest ayant causé le retard de plusieurs rames, un mot aussi inoffensif que caténaire (objet dont la rupture est à l’origine du drame et donc du reportage) ne sera timidement prononcé qu’une seule petite fois en deux minutes. Quant aux retards d'une demi-journée des trains, il n’est nullement jugé intolérable par le président de la SNCF.

Malgré les contre-feux médiatiques à base d’alertes enlèvements (tradition lancée aux lendemain des émeutes de 2005) et de brouilles interministérielles dont c'est faire trop d'éloges aux intéressés que de les relater en boucle, l’esprit un peu alerte se baladant dans les rues peut aisément respirer le malheur et la haine, le mécontentement populaire trans-générationnel. Partout autour de lui, on parle d'argent et de fin de mois compliquées. Un ami propriétaire en 25 ans (de ceux que l'on nommera bientôt les endoctrinés sacrifiés du XXIe siècle), lui a dit qu'il n'en pouvait plus, qu'il allait devoir s'endetter auprès de son hypermarché pour nourrir sa famille. Des témoignages qu’il reçoit, il lui semble que c’est encore pire en province. Il lui apparait que son pays agonise et qu'il est à la croisée des chemins, hésitant encore entre la révolte et la résignation. Pour cette dernière, encore faudrait-il que survivent une classe médiatique et quelques intellectuels pour l'inciter à se lancer. Mais non, à l'approche de noel, ils sont bien trop occupés à essayer de vendre du livre et du dvd. De leur côté, les français attendront de digérer la dinde au marrons sofinco pour se révolter.

Si l'intuitif se balade sur le réseau, il constatera avec soulagement qu’en Grèce, la jeunesse déclassée et sans espoir, est encore en vie. Elle occupe la rue et, à force de lui jeter des pierres, va peut-être faire tomber son gouvernement. Son ami Jason le grec avait raison (cf p.58 de "Perverse Road", un très bon livre signé Seb Musset, noël approche). Derrière la disparité des nations il n'y au fond que deux populations européennes clairement identifiables : Celle des riches capitaines et celle de la jeune main d'œuvre sacrifiable.

A en croire l’Empereur, celui qui inévitablement focalisera un jour toutes les rancœurs, les temps de crise sont surmontables mais pas avant sa réelection. A en croire l'Empereur, son monde, ceux des médias dominants et des capitaines d'industrie, sont des univers lisses et parfaits, des suprématies éternelles pas prêtes d'être ébréchées que ce soit par une crise dont le bas-peuple paiera la note ou quelques émeutes dispersables au Karcher.

Notre instinctif se dit que son continent vit une époque historique que l’on disséquera dans trente ans, avec douleur ou nostalgie. Jamais depuis deux générations, la possibilité d'évènements que les politiques redoutent et que les médias ne voient pas, ne se fait autant sentir : L'imminence d'un monde peut-être pas nouveau mais qui se régénère.

En attendant, à côté des émeutes d'Athènes, le parvis en chantier de la Gare Saint-Lazare avec ses enseignants déguisés en Pères-Noël distribuant sur fond de danse des canards des tracts à des salariés endoudounés s’engouffrant dans le RER avec leurs paquets cadeaux à papier d'argent, fait piètre allure. Sincères, énervés mais pas crédibles les enseignants : Ils devraient savoir qu’il n’y a qu’un seul Père noël et qu'en plus il n'existe pas.

Progressivement les pères-noël mécontents empiètent sur la place et stoppent la marmelade des berlines métallisées à conducteurs solitaires. Peu de présence policière mais pour l'occasion RATP, SNCF, banques et beaux magasins ont sorti leurs vigiles. Malgré la sympathie des passants et les discussions qui naissent sur le pavé entre enseignants en colère et secrétaires de direction prêtes à faire du soixante quinze heures par semaine parce que c'est le progrès, ils sont cent fois ce nombre à filer indifférents vers les grands magasins du Boulevard Haussman, tout au stress de leurs corvées de cadeaux.

Glacé, l'écrivain s'en va à pied en slalomant dans cette ville à embûches aussi inutiles que pseudos décoratives (barrières éparses, kiosques à journaux sans journaux, travaux abandonnés, bites en fer et autres colonnes à offenses publicitaires), son chemin balisé par ces décorations aux façades des grands magasins qui, par temps de crise, redoublent de lumières clinquantes et vulgaires, vers sa rive préférée et moins encombrée.

Entre deux agences bancaires, un tour-operator étale en 4 sur 3 son slogan de l'hiver :

"Partir en vacances malgré la crise ? Yes we can !"
(ceci n'est pas un lien sponsorisé mais juste accablant pour l'annonceur)


Rue de Seine, alors qu'il entend sur son heil-pod un porte flingue de l'UMP qui lui apprend la bonne nouvelle que, contrairement à ce qu'il a dit le matin même, le gaz n'augmentera pas cette année (mais en mars prochain), notre homme croise Jane Birkin tout sourire au bras de Marc Lévy. Les deux se rendent sur le pont Saint-André des Arts pour une sauterie droit-de-l’hommiste avec petits-fours et aseptisation préalable des lieux de tout SDF embarrassant par les biens nommées forces de l’ordre. Le bobo-happening est retransmis en direct sur les chaînes dites d'information, préférant s'intéresser à l'occupation des places symboliques des beaux-quartiers par les people que l'occupation des écoles de banlieues anonymes par le peuple.

Alors, de retour dans son donjon à loyer excessif, malgré ce qu'il a vu, l'écrivain dépité se rassure : A sa vitesse bien française, ici aussi, l’insurrection vient. Une preuve ? On en a jamais aussi peu parlé dans les médias.

27 comments:

pilulerouge a dit…

Je fait court : complètement pertinent. Cela rejoint mon poste sur le sujet précédent.

Anonyme a dit…
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Seb Musset a dit…
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Unknown a dit…

Putain ! C'est vrai que ça redonne de l'espoir ce qui se passe en Grèce en ce moment... De toute façon on va y passer aussi... C'est écrit !

Anonyme a dit…

Perso, j'y crois pas trop, il y a trop de pisse-froid en France.

désolé pour l'anonymat, je n'ai pas de compte blogger

Hervé a dit…

J'ai entendu au JT, hier je crois, que les manifs en Grèce auraient été déclenchées par un policier ayant tiré… sur un manifestant (les désinformateurs ne craignent pas les contradictions). Conclusion subliminale: le gentil gouvernement grec ne serait pas désavoué par ses citoyens. Tout va bien. Ce n'est qu'un "fait divers", pas un phénomène de société.

Maintenant, une révolte en France? Attendons un peu. Notre ÜberPräsident n'a pas encore donné le meilleur de lui-même. Qu'il continue à tirer sur l'élastique. Je travaille dans une librairie en ce moment, et, en ce qui concerne les livres politiques, il y a deux catégories de clients: ceux qui achètent des livres sur la décroissance et l'altermondialisme, et ceux qui croient pouvoir s'en sortir en complotant avec les puissants (on vend deux fois plus de livres sur la franc-maçonnerie que sur le christianisme).

Anonyme a dit…

Arrête de rêver, Séb! Je sais bien que Noël approche mais tout de même...

Le chaos comme projet d'avenir, çà ne fait rêver que la LCR! Et encore...Faire la Révolution en pleine hiver? Vous n'y pensez pas!

Nous sommes loin d'avoir touché le fond. Et les plus pauvres, donc les plus exposés, sont aussi les moins bien informés et donc les moins à même de mener quoi que se soit à terme.
Tout ceci n'est qu'un test à destination de tous les autres: une fois les véléités et pétages de plombs mattés violemment, l'Etat pourra dire avec tout la force de persuasion nécessaire: restez tranquille, sinon, ce sera pire.
Devinez ce que fera la majorité du peuple?

Mais peu importe, le pire est à venir, ce n'est qu'une question de temps. C'est comme quand le réveil sonne pour aller au turbin: allez, encore 2 minutes....Une fois le temps écoulé, c'est panique générale. Sauf qu'il sera trop tard, excepté pour les plus lucides et les plus préparés d'entres nous, qui pourront peut-être échapper à ce chaos organisé aussi bien d'en haut par les élites, que par ceux avides de sensations fortes d'en bas.
Quelle ironie, n'est-ce pas?

Un autre Séb.

Anonyme a dit…
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Seb Musset a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Seb Musset a dit…

Je pense que la révolte montant en Europe est un fourre-tout difficilement analysable (comme l'on été tous les mouvements contestataires précédents) si ce n'est pas un niveau de ras-le-bol généralisé plus ou moins atteint suivant les pays.

Certains se révolteront parce qu'ils ne peuvent pas rentrer dans le système, d'autres au contraire parce qu'ils veulent s'en affranchir.

A ce stade embryonnaire ci peu importe, ce qui est important c'est que le peuple et principalement les jeunes prennent possession de la direction qu'ils veulent donner à leur avenir.

Parce que pour l'instant le modèle européen est simple. Suivant les pays c'est au choix :

1. Travaille comme un con pour surconsommer.

2. Travaille comme un con pour survivre.

3. Ne travaille pas et passe pour un parasite ou crève

Anonyme a dit…

j'aime bien cet article.

quant à la révolution, ou les coups de sang, le problème aujourd'hui c'est que contrairement aux révolutions passées, elles sont "no future" comme la mentalité punk (cf "l'insurretion qui vient" comité invisible"), quel crédit doit on apporter à une révolution ou grande rébellion "no future" sans objectif systémique.

L'idée me plaît, mais est-ce vraiment viable comme situation ? Est-ce que le système ne profite pas de cette situation de vacuité pour remplir à sa sauce les lendemains qu'il dit radieux de l'esclavage moderne ?

Personnellement je crois plus aux processus révolutionnaires lents qui se font sur quelques décénies plutôt que sur les coups de sang, même si on devra passer aussi par là, c'est évident !

Disons que moi ce qui m'emmerde le plus dans les masses actuellement c'est leur délire autour du complot, du 666, des franc maçons, ce ne seront que de piètres révolutionnaires.

Désolé Seb moi je crois en Dieu, et je pense que la société doit être remoralisée, et je prône un royalisme, ou système féodal moderne, de retour à l'ancrage terrien. Bref c'est un peu vite dit, mais voilà... Je suis un héritier de la Tradition. Je suis en train d'écrire à ce propos.

Salut à tous.

Anonyme a dit…

il est certain qu'en France la révolte couve. Mais n'est ce pas aussi une espérance gouvernementale qu'avoir enfin l'occasion de mater dans la rue "les autonomes, l'ultragauche, les anarchistes et les fainéants". Pour installer l'ordre et la sécurité, qui vont souvent de pair, dans l'Histoire, avec des périodes de crise. je crois que c'est ce qui me fait peur, dans la période actuelle. Que le "grand soir" de la décroissance, de l'utopie, de la remise à plat soit écrasé par les milices du poujadisme sécuritaire, du fascisme artisanal,de la France qui se lève tôt... Putain ils ont quand même été 53%!!! Ils n'ont pas disparu ces gens là. Et ils s'en foutent que leur voisin ne puisse plus travailler la semaine. Ils veulent acheter le dimanche, trouvent le plan de relance "courageux" et pensent encore que les banquiers et les patrons riches sont des honnêtes gens.
Et moi j'ai plus la force d'y aller. J'attends. Comme plein de monde. comme tous ceux qui existent entre bobos et prolos. Ca fait du monde. Mais quand les banlieues exploseront (joyeux Noel), on fera comme d'hab, on regardera les bavures des flics sur rue89, on polémiquera entre nous des déclarations de jorion ou de roubini sur le cataclysme sans fin. Et on se baisera tous seuls...
Et pas par manque de "bravitude" ou de "fraternité".
Kwadracircus

Anonyme a dit…

Si votre maison brûle ou si un membre de votre famille se retrouve à l'hopital suite à une émeute, vous y repenserez à deux fois avant de prôner la révolution.

Anonyme a dit…

bien ce dernier post,

c'est la vérité.

Unknown a dit…

La révolution est le sang menstruel des sociétés.
Ce sang permet la régénération et évite l'encroutement que prônent les élites vieillissantes qui cherchent avant tout le status quo.
L'avenir c'est les jeunes et les jeunes c'est le renouveau et le changement de paradigme.
Si les révolutions sont parfois sanglantes c'est uniquement de part la résistance acharnée des anciens au changement coute que coute y compris au prix du sang.
LA REVOLUTION c'est L'EVOLUTION.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

J'aurai 50 ans l'année prochaine. J'ai un fils qui aura 22 ans quand j'aurais mes 50 ans.
Je n'ai aucun patrimoine, par choix. Par contre mon fils fait les études qu'il a choisi (l'histoire) et j'ai pu voyager avec lui et je ne l'ai jamais privé au niveau des loisirs et au contraire l'ai incité à lire, écouter de la musique, voyager, aller au devant des autres. En gros, j'ai essayer de jouer mon rôle de père en essayant de l'ouvrir au monde et aux autres et de créer de l'empathie, du partage et de la compréhension. J'ai partagé de très bon moments de vie avec lui et nous sommes proches et surtout nous parlons ensemble de beaucoup de choses philosophiques, matérialistes et idéologiques. Je découvre avec grand plaisir qu'il m'apprend beaucoup ce qui est pour moi l'aboutissement dans le petit coup de pouce que j'ai pu donner dans la construction d'un être entier et sur de lui et fort de ses convictions. C'est pour moi mon apport au monde et je me battrai jusqu'au bout pour que cette génération ait la possibilité de bâtir son monde sans se préoccuper de nos désirs qui sont désormais obsolètes car nous ne représentons pas l'avenir : Nos enfant OUI.
Et je me battrai dans l'optique de cette nouvelle génération qui est NOTRE AVENIR.
PUTAIN arrêtez de pensez à VOUS et pensez à EUX car notre avenir c'est le cimetière, le leur c'est ce nouveau monde. Et le meilleur que l'on puisse faire c'est les soutenir dans leur construction

Anonyme a dit…

>Thierry
Hitler tenait les mêmes propos. La guerre devenait la matrice d'un homme nouveau et supérieur. Vous êtes prêt pour une dictature.
>Innozoom
Quand on a une belle maison et une famille heureuse, on ne pense pas à tout casser.

Anonyme a dit…

Roger,

tu oublies juste une chose. C'est que le peuple ne demande qu'à bouffer et consommer de la merde,et si il devient violent c'est qu'il y a été amené par les dominants bourgeois capitalistes.

Et cette référence à Hitler, plein le cul ! Y en a marre d'agiter cet épouvantail pour combattre la peur par la peur, rien à foutre du nazisme, regardes autour de toi les gens, il suffit que quelques conditions changent et ils seront tous de salauds délateurs nazillards, non mais qu'est-ce que tu crois ?

Seb Musset a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Seb Musset a dit…

> Pour information... Ne jamais oublier qu'Hitler n'aurait rien été sans un peuple pour l'élire démocratiquement et qu'avant qu'il ne soit considéré comme imperator-non-grata toute l'Europe l'applaudissait. (toute ressemblance avec des présidents existants ou ayant existé serait fortuite ou involontaire)

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Bon, moi ça fait longtemps que j'ai arrêté d'essayer de réveiller les moutons.

Qu'ils crèvent.

je dis ce que je pense, mais ceux qui veulent dormir qu'ils dorment au lieu de contre argumenter sans en avoir les moyens.

Anonyme a dit…

> Sebmusset
Hitler n'aurait surtout rien été sans la crise économique de 29, la défaite de 14-18 et le bolchevisme russe.
Toute l'Europe s'est écrasé devant la force d'Hitler. Ca ne veut pas dire qu'elle l'approuvait.

> Rouge le renard
Les gens vous demandent de les réveiller? J'ai l'impression que vous avez des envies de domination vous aussi!

Anonyme a dit…

Roger,

on est bien d'accord - 1929 c'est bien le résultat catastrophique du capitalisme - on peut ainsi dire sans faire de raccourci douteux que le nazisme est la conséquence du capitalisme, une fois qu'il a bouclé une boucle. DOnc, suite à la faillite du système de la rentrée 2008 on peut aisément imaginer que dans quelques années quands les effets pervers vont se faire ressentir (très tôt) sur l'économie, alors le fachisme gagnera la moelle de la structure sociale. C'est cela que nous les salauds de penseurs critiques essayons d'avertir. Et toi le sympatique complaisant tu dis qu'on est trop machin chouette, alors qui de nous est celui qui veut aller vers le fachisme ?
Et toi qui tient en horreur le nazisme, quelle serait ta position vers ce qui va nous arriver vu le nombre de gens qui font semblant de ne pas voir ?

-

et oui l'écriture est un acte virile, il s'agit d'un rapport de force intellectuel, bien entendu, je ne suis pas un enfant de la gauche molle du lissage des êtres, j'entend poser mes analyses avec puissance. J'écris un ouvrage pamphlétaire en ce moment, il me prend du temps, j'espère qu'il ne sera pas terminé en plein 4ème reich, car je ne suis pas sûr que les anti nazis d'aujourd'hui seront très courageux pour défendre les valeurs de liberté.

Salam alikoum.

Anonyme a dit…

Nous sommes ici / Nous sommes partout / Nous sommes une image du futur

* http://www.youtube.com/watch?v=oZgTekSb-0I
* http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/2008_greek_riots.html
* http://emeutes.wordpress.com/
* http://www.non-fides.fr/spip.php?article132

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DECLARATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES TRAVAILLEURS INSURGES D'ATHENES
Depuis le bâtiment libéré de la GSEE - mercredi 17 décembre 2008

Nous déterminerons notre histoire nous-mêmes ou nous la laisserons être déterminée sans nous.

Nous, travailleurs manuels, employés, chômeurs , intérimaires et
précaires, natifs d'ici ou immigrés, ne sommes pas des téléspectateurs
passifs. Depuis le meurtre d’Alexandros Grigoropoulos samedi soir,
nous participons aux manifestations, aux affrontements avec la police,
aux occupations du centre ville comme des alentours. Nous avons
maintes et maintes fois dû abandonner le travail et nos obligations
quotidiennes pour prendre les rues avec les lycéens, les étudiants et les
autres prolétaires dans cette lutte.

NOUS AVONS DECIDE D’OCCUPER LE BATIMENT DE LA CONFEDERATON GENERALE DES TRAVAILLEURS EN GRECE (GSEE)

Pour le transformer en un espace de libre expression et un point de rendez-vous pour les travailleurs,

Pour dissiper les mythes encouragés par les médias sur l’absence
de travailleurs dans les affrontements, mythes selon lesquels la rage de ces derniers jours
ne serait que l’œuvre de quelques 500 « cagoulés » (koukoyloforon),
«hooligans », ou autres histoires farfelues, alors que dans les
journaux télévisés les travailleurs sont présentés comme des victimes
de ces affrontements, et alors que la crise capitaliste en Grèce et
dans le monde mène à d'innombrables licenciements que les médias et
leurs dirigeants considèrent comme un « phénomène naturel ».

Pour démasquer le rôle honteux de la bureaucratie syndicale dans le
travail de sape contre l’insurrection, mais aussi son rôle honteux
en général. La Confédération Générale des Travailleurs en Grèce (GSEE)
et toute l’intégralité de la machinerie syndicale qui la soutient
depuis des dizaines et des dizaines d’années, sape les luttes, négocie
notre force de travail contre des miettes, perpétue le système
d’exploitation et d’esclavage salarié. L’attitude de la GSEE mercredi
dernier parle d’elle même : la GSEE a annulé la manifestation des
grévistes pourtant programmée, se rabattant précipitamment sur un bref
rassemblement place Syntagma, tout en s’assurant simultanément
que les participants se disperseraient très vite, de peur que le
le virus de l’insurrection ne les infecte.

Pour ouvrir cet espace pour la première fois, comme une
continuation de l’ouverture sociale créée par l’insurrection elle-même,
espace qui a été construit avec notre contribution mais dont nous avons
été jusqu’ici exclus. Pendant toute ces années nous avons confié notre
destin à des sauveurs de toute nature et avons fini par perdre
notre dignité. Comme travailleurs, nous devons commencer à assumer nos
responsabilités et cesser de faire reposer nos espoirs en des
leaders « sages » ou en des représentants « compétents ». Nous devons
commencer à parler de notre propre voix, nous rencontrer, discuter,
décider et agir par nous même contre les attaques généralisées que
nous endurons. La création de collectifs de résistance « de base » est
la seule solution.

Pour propager l’idée de l’auto-organisation et de la solidarité sur
les lieux de travail, de la méthode des comités de lutte et des
collectifs de base, et abolir les bureaucraties syndicales.

Pendant toutes ces années nous avons gobé la misère, la résignation et
la violence au travail. Nous nous sommes habitués à compter nos blessés
et nos morts - les soit disant « accidents du travail ». Nous nous
sommes habitués à ignorer que les immigrés - nos frères de classe -
étaient tués. Nous sommes fatigués de vivre avec l’anxiété de devoir
assurer notre salaire, de pouvoir payer nos impôts et de se garantir
une retraite qui ressemble maintenant à un rêve lointain.

De même que nous luttons pour ne pas abandonner nos vies dans les
mains des patrons et des représentants syndicaux, de même nous
n’abandonnerons pas dans les mains de l’Etat et de ses mécanismes
juridiques les insurgés arrêtés .

LIBERATION IMMEDIATE DES DETENUS

RETRAIT DES CHARGES CONTRE LES INTERPELLES

AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS

GREVE GENERALE

ASSEMBLEE GENERALE DES TRAVAILLEURS DANS LES BATIMENTS LIBERES DE LA GSEE Mercredi 17 décembre à 18 heures

L’assemblée générale des travailleurs insurgés
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http://athens.indymedia.org/front.php3?lang=el&article_id=948843
17 DECEMBRE 2008

A PROPOS DE L'INTERRUPTION, PAR DES PROTESTATAIRES, DE LA DIFFUSION DE LA CHAINE NATIONALE GRECQUE LE 16 DEC 2008 A 15H10

Notre action est une réponse aux pressions accumulées qui ravagent nos vies, et pas simplement un enflammement sentimental lié au meutre de Alexandros Grigoropoulos par la police grecque.

Nous ne sommes qu'une des organisations spontanées qui participent à la révolte sociale en cours.

En un geste symbolique pour éviter que les médias ne nous subjuguent, nous les citoyens civils, nous interrompons la diffusion de la chaîne nationale grecque (NET). Nous pensons que les médias cultivent systématiquement un climat de peur, nous vendent de la désinformation pour de l'information, et dépeignent un soulèvement aux multiples facettes comme une flambée de violence inconsidérée.

L'explosion de troubles civils est expliquée en termes criminels plutôt que politiques. Sélectivement, des évènements cruciaux sont balayés sous le tapis. Le soulèvement est servi comme un divertissement, quelque chose à regarder avant qu'un autre feuilleton n'arrive. Les médias servent à supprimer toute pensée libre et originale dans notre vie quotidienne.

Organisons-nous nous-mêmes. Aucune autorité n'apportera de solution à nos problèmes. Rassemblons-nous et organisons nos espaces publics -rues, squares, parcs et écoles- en zones de libre expression et de communication. Rassemblons-nous, face à face, côté à côte, pour exprimer notre cause et le cours de notre action en une chose commune.

Surmontons notre peur, éteignons nos télés, sortons de nos maisons, continuons à faire valoir nos droits, et prenons nos vies en main.

Nous condamnons la violence policière et appelons à la libération immédiate de tous les protestataires emprisonnés.

Nous sommes pour l'émancipation, la dignité humaine et la liberté.
http://www.youtube.com/watch?v=xeWKwQ4iHsE
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Lettre ouverte des travailleurs d’Athènes à ses étudiants, dans le contexte des bouleversements sociaux qui ont suivi l’assassinat policier d’un jeune garçon.
17 decembre 2008

Notre différence d’âge et l’éloignement rendent difficile la discussion dans la rue; c’est pourquoi nous vous envoyons cette lettre.

La plupart d’entre nous ne sont pas (pour l’instant) devenus chauves ou bedonnants. Nous avons fait partie du mouvement de 1990-1991, dont vous avez dû entendre parler. A l’époque et alors que nous occupions nos écoles depuis 30/35 jours, les fascistes tuèrent un enseignant parce qu’il avait outrepassé son rôle (qui est d’être un gardien) et qu’il avait rejoint le mouvement adverse; il nous avait rejoint dans notre combat. Alors même les plus forts d’entre nous rejoignèrent la rue et ses émeutes. Pourtant, à l’époque, nous n’envisagions même pas ce que vous faites si facilement aujourd’hui : attaquer les commissariats (bien que nous chantions : “Brûlons les commissariats !”…).

Vous avez donc été plus loin que nous, comme il arrive toujours au cours de l’histoire. Bien sûr, les conditions sont différentes. Dans les années 90, ils nous firent miroiter des perspectives de succès personnel et certains d’entre nous y crûrent. Maintenant plus personne ne peut croire leurs contes de fées. Vos grands frères nous l’ont prouvé durant le mouvement étudiant 2006/2007; à votre tour, vous leur rédégueulez en pleine face leurs contes de fées.

Jusqu’ici tout va bien.

Maintenant les questions intéressantes mais difficiles vont apparaître.

Nous allons vous dire ce que nous avons appris de nos combats et de nos défaites (parce qu’aussi longtemps que ce monde ne sera pas le nôtre, nous serons toujours les vaincus) et vous pourrez vous servir comme vous le souhaitez de ce que nous avons appris :

Ne restez pas seuls; faites appel à nous ; contactez autant de personnes que possible. Nous ne savons pas comment vous pouvez le faire, mais vous y arriverez certainement. Vous avez déjà occupé vos écoles et vous nous dites que la raison la plus importante est que vous n’aimez pas vos écoles. Impeccable. Maintenant que vous les occupez, changez leur rôle. Partagez vos occupations de bâtiments avec d’autres personnes. Faites que vos écoles soient les premiers bâtiments à accueillir de nouvelles relations. Leur arme la plus puissante est de nous diviser. De la même façon que vous n’avez pas peur d’attaquer leurs commissariats parce que vous êtes ensemble, n’ayez pas peur de nous appeler pour que nous changions nos vies tous ensemble.

N’écoutez aucune organisation politique (qu’elle soit arnachiste ou n’importe quoi d’autre) Faites ce que vous avez besoin de faire. Faites confiance aux gens, pas aux idées et aux schémas abstraits. Ayez confiance en vos relations directes avec les gens. Ne les écoutez pas quand ils vous disent que votre combat n’a pas de contenu politique et qu’il devrait en avoir un. Votre combat est le contenu. Vous n’avez que votre combat et il ne tient qu’à vous seuls de conserver son avance. C’est seulement votre combat qui peut changer votre vie, à savoir vous-même et vos vraies relations avec vos camarades.

N’ayez pas peur de la nouveauté. Chacun de nous en vieillissant a des idées gravées dans le cerveau. Vous aussi, bien que vous soyez jeunes. N’oubliez pas l’importance de cela. En 1991, nous avons senti l’odeur du nouveau monde et ne l’avons pas trouvé très agréable. On nous apprenait qu’il y a des limites à ne pas dépasser. N’ayant pas peur des destructions d’infrastructures. N’ayant pas peur des vols dans les supermarchés. Nous avons produit tout cela, c’est à nous. Comme nous dans le passé, vous avez été élevés pour produire des choses qui ensuite ne vous appartiennent plus. Reprenons tout cela et partageons-le. Comme nous partageons nos amis et notre amour parmi nous.

Nous nous excusons d’écrire cette lettre rapidement, mais nous l’avons écrite sur notre lieu de travail, à l’insu de notre patron. Nous sommes prisonniers du travail comme vous l’êtes de l’école.

Nous allons maintenant mentir à notre patron et quitter notre boulot sous un faux prétexte, pour vous rejoindre à Syntagma, les pierres à la main.
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(Le texte suivant a été distribué mardi dernier aux étudiants encerclant le siège de la police, par des gens de l’Association des Immigrés Albanais.)
16 DECEMBRE 2008

Ces jours sont les nôtres, aussi.

Après l’assassinat d’Alexis Grigoropoulos, nous avons connu un état d’agitation sans précédent, une explosion de colère qui semble infinie. Il semble que ce soient les étudiants qui ont été à l’origine de ce soulèvement, qui avec une passion inépuisable et une chaleureuse spontanéité ont renversé la situation dans son ensemble. Vous ne pouvez pas arrêter quelque chose que vous ne contrôlez pas, quelque chose qui s’organise spontanément et dans des conditions que vous ne comprenez pas. C’est la beauté du soulèvement. Les élèves du secondaire font l’histoire et laissent à d’autres le soin de l’écrire et de la classer idéologiquement. Les rues, les objectifs, la passion leur appartiennent.

Dans le cadre de cette mobilisation élargie, derrière les manifestations étudiantes à l’avant-garde, il y a une participation massive de la deuxième génération d’immigrés et également de nombreux réfugiés. Les réfugiés viennent à la rue en petit nombre, avec peu d’organisation, mais de la spontanéité et de l’impétuosité. À l’heure actuelle, ils sont les plus actifs parmi les étrangers vivant en Grèce. Quoi qu’il en soit, ils ont très peu à perdre.

Les enfants d’immigrés se mobilisent en masse et dynamiquement, principalement au travers des actions de l’école secondaire et de l’université ainsi que via les organismes de gauche et d’extrême gauche. Ils sont la partie la mieux intégrée de la communauté immigrée, sa partie la plus courageuse. Ils sont différents de leurs parents, qui sont arrivés ici la tête basse, comme s’ils mendiaient un morceau de pain. Ils font partie de la société grecque, puisqu’ils n’ont jamais vécu ailleurs. Ils ne mendient rien, ils demandent l’égalité avec leurs camarades grecs. Égaux en droits, dans la rue, dans leurs rêves.

Pour nous, les immigrés organisés politiquement, il s’agit d’un second Novembre 2005 Français. Nous n’avons jamais eu l’illusion que lorsque les peuples se soulèveraient de rage, nous serions en mesure de les diriger d’aucune manière. Malgré les luttes que nous avons menées toutes ces années, nous n’avons jamais réussi à atteindre un tel niveau de réponse que celui d’aujourd’hui. Maintenant il est temps à la rue de parler: Le cri assourdissant que nous entendons est pour les 18 ans de violence, de répression, d’exploitation et d’humiliation. Ces jours sont les nôtres, aussi.

Ces journées sont pour les centaines d’immigrés et de réfugiés qui ont été assassinés aux frontières, dans les commissariats de police et sur les lieux de travail. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés par les flics et les milices. Ils sont pour tous ceux qui ont été assassinés pour avoir osé franchir la frontière et travailler jusqu’à la mort, pour n’avoir pas baissé la tête, ou pour rien. Ils sont pour GRAMOZ PALOUSI, LOUAN MPERNTELIMA, ENTISON GIAXAI, TONI ONOUXA, AMNPTOURAKIM INTRIZ, MONTASER MOXAMENT ASTRAF et tant d’autres que nous n’avons pas oubliés.

Ces jours sont pour la violence policière quotidienne qui reste impunie et sans réponse. Ils sont pour les humiliations à la frontière et aux centres de détention d’immigrés, humiliations qui continuent à ce jour. Ils sont pour l’injustice criante des tribunaux grecs, pour les immigrés et les réfugiés injustement en prison, pour la justice nous est refusée. Même aujourd’hui, dans ces jours et ces nuits de révolte, les immigrés paient un lourd tribu aux attaques de l’extrême-droite et des flics, avec des peines d’emprisonnement et d’expulsion que les tribunaux distribuent avec un amour chrétien aux infidèles que nous sommes.

Ces jours sont pour l’exploitation continue et sans relâche depuis 18 ans maintenant. Ils sont pour les luttes qui n’ont pas été oubliées: dans les faubourgs de Volos, les travaux olympiques, la ville d’Amaliada. Ils sont pour la peine et le sang de nos parents, pour le travail non déclaré, pour les horaires de travail interminables. Ils sont pour les transferts financiers et les frais d’envoi, les contributions que nous versons à la communauté et qui ne sont jamais reconnues. Ils sont pour les papiers d’identité que nous chercherons pendant le reste de notre vie, tel un billet de loterie gagnant.

Ces jours sont pour le prix que nous devons payer pour simplement exister et respirer. Ils sont pour tous les moments où nous avons serré les dents face aux insultes, face aux reniements quotidiens. Ils sont pour tous les moments où nous n’avons pas réagi quand bien même nous avions les meilleurs raisons au monde de le faire. Ils sont pour toutes les fois où nous avons réagi et où nous nous sommes retrouvés seuls parce que nos morts et notre rage ne correspondaient pas aux formes existantes admises, n’apportaient pas de votes, n’étaient pas vendeurs au prime time de l’actualité.

Ces jours-ci appartiennent à tous les marginaux, aux exclus, aux personnes affligées de noms difficilement prononçables et d’histoires incompréhensibles. Ils appartiennent à tous ceux qui meurent chaque jour dans la mer Egée et le fleuve Evros, à tous ceux assassinés à la frontière ou dans une rue du coeur d’Athènes. Ils appartiennent à la communauté rom de Zefyri, aux toxicomanes d’Eksarhia. Ces jours-ci appartiennent aux enfants de la rue Mesollogiou , aux non intégrés, aux étudiants incontrôlable. Grâce à Alexis, ces jours-ci nous appartiennent à tous.

18 ans de rage silencieuse, c’est trop.
A nos rues, pour la solidarité et la dignité!
Nous n’avons pas oublié, nous n’oublierons pas - Ces jours-ci sont les vôtres aussi
Luan, Tony, Mohamed, Alexis …
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Alignés au mur, fils de pute ! Nous sommes arrivés pour prendre ce qui nous appartient…
14 décembre 2008 - Initiative du Comité d’Occupation de l’Ecole Athénienne d’Economie et d’Affaires

En ces jours de rage, le spectacle comme une relation de puissance, une relation qui imprime son souvenir sur les objets et les corps, est confronté à un diffus contre-pouvoir qui déterritorialise le vécu, lui permettant de s’éloigner de la tyrannie de l’image pour s’aventurer dans le domaine des sens. Les sens ont toujours été perçus comme antagonistes (ils réagissent toujours contre quelque chose), mais dans les conditions actuelles, ils se dirigent vers une polarisation de plus en plus aiguë et radicale.

Des caricatures soi-disant pacifiques des médias bourgeois ( “la violence est toujours inacceptable, partout dans le monde”), nous ne pouvons que nous gausser : leur loi, leur loi d’esprit obéissant et consentant, de dialogue et d’harmonie ne sont rien d’autre qu’un bestial plaisir bien calculé : un carnage garanti. Le régime démocratique sous son verni pacifique ne tue pas un Alex chaque jour, précisément parce qu’il tue des milliers de Ahmets, Fatimas, JorJes, Jin Tiaos et Benajirs: parce qu’il assassine systématiquement, structurellement et sans remords l’ensemble du tiers monde, qui est le prolétariat mondial. C’est de cette façon, à cause de ce quotidien massacre à froid, qu’est née l’idée de liberté : la liberté non pas comme un prétendu bienfait humain, ni comme un droit naturel pour tous, mais comme le cri de guerre des damnés, comme le principe de la guerre.

La classe bourgeoise et son histoire officielle nous lavent le cerveau avec la légende d’un progrès graduel et stable de l’humanité au sein duquel la violence n’est qu’une désolante exception découlant d’un sous-développement économique, culturel et émotionnel. Pourtant, nous tous qui avons été écrasés entre les pupitres d’école, derrière les bureaux, les usines, ne savons que trop bien que l’histoire n’est rien d’autre qu’une succession d’actes bestiaux reposant sur un système de règles mortifères. Les gardiens de la normalité déplorent que la loi ait été violée par la balle du revolver de Korkoneas le Porc (le flic tueur). Mais qui ne sait pas que la vigueur de la loi est simplement la force de la puissance ? Que c’est la loi elle-même qui permet le recours à la violence contre la violence? La loi est vide de bout en bout, elle n’a aucun sens, ni aucun autre but que celui de déguiser la force du pouvoir.

Dans le même temps, la dialectique de la gauche tente de codifier le conflit, la bataille et la guerre, avec la logique de la synthèse des contraires. De cette manière, il construit un ordre, un état pacifié au sein duquel tout a sa propre petite place. Pourtant, le destin du conflit n’est pas la synthèse - comme le destin de la guerre n’est pas la paix. L’insurrection sociale contient la condensation et l’explosion de milliers de négations, pourtant elle ne contient en aucune de ses sous-parties, ni en aucun de ses moments, sa propre négation, sa propre fin. C’est toujours avec une certitude lourde et sombre qu’arrivent les institutions de médiation et de normalisation, de la gauche promettant le droit de vote dès 16 ans, le désarmement mais le maintien des porcs, l’État-providence, etc. En d’autres termes, en voilà qui souhaitent tirer un gain politique de nos blessures. La douceur de leur compromis suinte le sang.

Ceux qui sont contre la violence sociale ne peuvent pas être tenus pour responsables de ce qu’ils n’assument pas: ils sont destructeurs de bout en bout. Si les luttes contemporaines ont quelque chose à nous apprendre, ce n’est pas leur triste consensus sur un objet (la classe, le parti, le groupe), mais leur processus systématiquement anti-dialectique: pour eux, l’acte de destruction ne contient pas nécessairement une partie créative. En d’autres termes, la destruction de l’ancien monde et la création d’un nouveau monde sont pour eux deux processus discrets mais continus. Pour nous, la question est plutôt quelles méthodes de destruction de l’existant peuvent être développées en différents lieux et moments de l’insurrection ?

Quelles méthodes peuvent non seulement maintenir le niveau et l’ampleur de l’insurrection, mais contribuer à son amélioration qualitative ? Les attaques de commissariats, les affrontements et les barrages routiers, les barricades et les batailles de rue, sont maintenant un phénomène social quotidien dans les villes et au-delà. Et ils ont contribué à une déréglementation partielle du cycle de production et de consommation. Et pourtant, ils ne sont qu’une attaque partielle de l’ennemi; il est évident que nous restons piégés dans une seule et unique dimension de l’attaque contre les relations sociales dominantes. Car le processus de production et de circulation des marchandises en lui-même, autrement dit le capital comme relation, n’est qu’indirectement touché par les mobilisations. Un spectre plane sur la ville embrasée : celui de la grève générale sauvage à durée indéterminée.

La crise capitaliste mondiale a ôté aux patrons leur réponse la plus énergique et la plus mensongère à l’insurrection: «Nous vous offrons tout et pour toujours, alors que tout ce qu’eux peuvent vous offrir n’est qu’un présent incertain”. Avec ses entreprises qui s’effondrent les unes après les autres, le capitalisme et son Etat ne sont plus en mesure d’offrir quoi que ce soit d’autre qu’un lendemain pire de jour en jour, une situation financière asphyxiante, des licenciements, la suspension des pensions de retraite, des coupes dans les budgets sociaux, la fin de la gratuité de l’enseignement. Au contraire, en seulement sept jours, les insurgés ont prouvé par la pratique ce qu’ils peuvent faire: transformer la ville en un champ de bataille, créer des enclaves de communes dans l’ensemble du tissu urbain, abandonner l’individualité et sa sécurité pathétique, rechercher la formation de leur force collective et la destruction totale de ce système meurtrier.

À ce moment historique de la crise, moment de rage et de rejet des institutions auquel nous sommes finalement parvenus, la seule chose qui peut transformer le système de déréglementation en une révolution sociale est le rejet total du travail. Quand les combats se dérouleront dans des rues assombries par la grève de la compagnie d’électricité, lorsque les affrontements auront lieu au milieu de tonnes de déchets non collectés, lorsque les tramways seront abandonnés au milieu des rues, bloquant les flics, lorsque l’enseignant en grève allumera le cocktail molotov de son élève révolté, nous serons enfin en mesure de dire: Camarade, “les jours de cette société sont comptés ; ses raisons et ses mérites ont été pesés, et trouvés légers”. Aujourd’hui, cela n’est plus un simple fantasme, mais une possibilité réelle dans la main de chacun : la possibilité d’agir concrètement sur le concret. La possibilité d’apercevoir les cieux.

Si tout cela, à savoir l’extension du conflit dans la sphère de la production-distribution, avec ses sabotages et ses grèves sauvages, semble prématuré, ce ne serait que parce que nous n’avons pas réalisé à quelle vitesse le pouvoir se décompose, à quelle vitesse les méthodes de confrontation et les formes de contre-povoir se diffusent socialement : des lycéens qui caillassent les commissariats aux employés municipaux et aux voisins qui occupent les mairies. La révolution ne se fait pas par la croyance et la foi en des conditions historiques à venir. Elle se fait en saisissant n’importe quelle occasion d’insurrection dans chaque aspect de la vie sociale, en transformant notre animosité envers les flics en une grève définitive aux pieds de ce système.

Dehors les porcs!
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“Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas” – journée d’action internationale contre les meurtres d’État le 20 décembre 2008.
13 decembre 2008

Aujourd’hui (vendredi) l’assemblée de la Polytechnique occupée d’Athène a décidé de faire un appel pour des actions de résistance en mémoire de toute la jeunesse assassinée, des migrants et de tous ceux qui doivent combattre contre les laquais de l’État en Europe et dans le monde. Nous pensons à Carlo Giuliani, aux jeunes des banlieues françaises, à Alexandros Grigopoulos et à d’autres qui sont innombrables sur toute la planète. Nos vies n’appartiennent pas aux états et à leurs assassins ! La mémoire de nos frères et soeurs, amis et camarades assassinés reste vive grâce à nos luttes ! Nous n’oublions pas nos frères et nos soeurs, nous ne pardonnons pas leurs meurtriers. S’il vous plaît traduisez et faites passer ce message pour une journée commune d’actions coordonnées de résistance dans le plus grand nombre d’endroits possibles !

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Nous sommes ici / Nous sommes partout / Nous sommes une image du futur
13 decembre 2008

Si je ne brûle pas
Si tu ne brûles pas
Si nous ne brûlons pas
Comment les ténèbres viendront à la lumière ?
(Nazim Hikmet, “Kerem Gibi”)

C’est en serrant les dents de peur que les chiens grognent : Retour à la normalité – le festin est terminé ! Les philologues de l’assimilation ont déjà commencé à affûter leurs caresses les plus tranchantes : “Nous sommes prêts à oublier, à comprendre, à excuser la promiscuité des derniers jours, mais maintenant tenez vous bien ou alors nous emmèneront nos sociologues, nos anthropologues, nos psychiatres ! Comme de bons pères nous avons toléré avec retenue vos éruptions émotionnelles – maintenant regardez comment les comptoirs, les bureaux et les magasins sont vides ! Le temps est venu d’en revenir, et qui que ce soit qui refuse cette tâche sacrée sera durement frappé, sociologisé, psychiatrisé. Une injonction plane sur la ville : “Es-tu à ton poste ?” La démocratie, l’harmonie sociale, l’unité nationale et tous les autres grands coeurs puant la mort ont déjà tendus leurs bras morbides.

Le pouvoir (depuis le gouvernement jusqu’à la famille) vise non seulement à réprimer la généralisation de l’insurrection, mais à produire une relation d’assujettissement. Une relation qui définit la vie politique comme une sphère de coopération, de compromis et de consensus. “La politique à suivre est une politique du consensus; le reste nous mènerait à la guerre, aux émeutes et au chaos”. La vraie traduction de ce qu’ils nous disent, de l’effort qu’ils mettent à nier le cœur de notre action, à nous séparer et à nous isoler de ce que nous pouvons faire : non pas d’unir les deux dans l’un, mais bien de rompre sans cesse l’un en deux. Leurs appels répétés à l’harmonie, à la paix et à la tranquillité, à la loi et à l’ordre, nous demandent de développer une dialectique. Leurs vieux trucs sont désespérément transparents et leur misère est visible dans les gros ventres des patrons syndicaux, dans les yeux délavés des intermédiaires qui sont comme ceux des charognards qui tournent autour des conflits pour manger le cadavre de toutes passions pour le réel. Nous les avons vu en Mai, nous les avons vu à Los Angeles et à Brixton, et nous les voyons faire lorsqu’ils grugent les os de la Polytechnique en 1973. Nous les avons encore vu hier lorsque, plutôt que d’appeler à une grève générale permanente, ils se sont mis à genoux devant la légalité en annulant la manifestation de grévistes. Ils savent très bien que la route pour la généralisation d’une insurrection passe par le champ de la production – à travers l’occupation des moyens de production de ce monde qui nous écrase.

Demain est encore un jour où rien n’est certain. Et qu’est-ce qui pourrait être plus libérateur que cela après tellement de longues années de certitude ? Une balle a été capable d’interrompre la séquence brutale de tous ces jours identiques. L’assassinat d’un garçon de 15 ans a été le moment d’un déplacement suffisamment fort pour renverser le monde. Et ce qui semblait si difficile s’est avéré être si simple.

C’est ce qui est arrivé, c’est tout ce que nous avons. Si quelque chose nous fait peur c’est bien de revenir à la normalité. Parce que dans la destruction et le pillage des rues de nos villes de lumières nous ne voyons pas seulement les résultats de notre rage, mais aussi la possibilité de commencer à vivre. Nous n’avons plus rien d’autre à faire que de nous installer dans cette possibilité pour la transformer dans une expérience vécue : en nous basant sur le plan de la vie quotidienne, notre créativité, notre pouvoir de matérialiser nos désirs, notre pouvoir non pas de contempler mais de construire le réel. Ceci est notre espace vital. Tout le reste est mort.

Ceux qui veulent comprendre comprendront. Il est maintenant temps de briser les chaînes invisibles qui nous maintenait tous et chacun dans notre petite vie pathétique. Cela ne demande pas seulement ou nécessairement d’attaquer une station de police ou de brûler des commerces ou des banques. Le temps où quelqu’un s’extirpe de son sommeil et de la contemplation passive de sa vie, de sortir dans la rue pour parler et écouter, en laissant derrière lui ou elle tout ce qui est privé, suppose au plan de la sphère sociale la force déstabilisante d’une bombe nucléaire. Notre séparation alimente le monde capitaliste. Voilà le dilemme : avec les insurgés ou bien seuls, chacun de notre côté. Et c’est maintenant l’un des très rares moments où un tel dilemme peut prendre corps de manière si absolue et si réelle.
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“Nous sommes dans une guerre civile: Contre les fascistes, les banquiers, l’état et les médias qui veulent une société obéissante”
12 decembre 2008

Si vous croyez que la citation qui apparait dans le titre de cet article était prononcé par des anarchistes, hé bien, vous vous trompez. C’est un extrait de la déclaration publiée par l’association des employéEs de la banlieue d’Agios Dimitrios à Athènes. Voici une traduction rapide de la déclaration, tel que promis. Sachez que, selon quelques camarades membres de l’association, ils ont tenté de maintenir la forme du texte aussi sobre que possible dans le but d’inspirer autant de gens que possible de descendre dans les rues avec eux.

LA DÉCLARATION

Samedi dernier, la police grecque a assassiné un étudiant de 15 ans.
Son assassinat était la goutte qui a fait déborder le vase.

C’était le prolongement d’une action coordonnée par l’état terroriste et l’Aube Dorée qui vise les étudiantEs de niveau universitaire et secondaire, les migrantEs qui sont persécutéEs pour avoir été néEs avec la “mauvaise” couleur de peau et les employéEs qui se tuent au boulot sans aucune compensation.

Les dissimulations du gouvernement, ayant brûlé les forêts l’été dernier, est maintenant responsable pour les feux qui brûle dans les grandes villes. Le gouvernement protège les criminels financier, tous ceux impliqués dans le scandale des interceptions téléphoniques d’appareils portables, les pilleurs des fonds d’assurances ouvrières, ceux qui sont responsable des enlèvements de migrantEs et ceux qui protègent les banques et monastères qui volent les biens du peuple.

Nous sommes dans une guerre civile: Contre les fascistes, les banquiers, l’état et les médias qui veulent une société obéissante.

Il n’y a pas d’excuses possible mais ils tentent encore une fois de se servir de théories de conspiration pour calmer les gens.
Il fallait exprimer cette rage grandissante et ceci ne doit pas prendre fin.
La couverture médiatique est mondiale. Il était temps que le peuple se soulève.

La génération des pauvres, des sans-emploi, des employéEs précaires, des sans-abris, des migrantEs et des jeunes est la génération qui va casser toutes les vitrines et qui réveillera de leur sommeil, rempli de ce rêve américain éphémère, les citoyenNEs obéissantEs .

Ne suivez pas les nouvelles. La conscientisation est née dans la rue.
Lorsque la jeunesse est assassinée, les aînéEs ne doivent pas demeurer endormis.
Au revoir Alexandros, que ton sang soit le dernier sang innocent à couler.
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Unknown a dit…

>Roger
Hitler n'aurait surtout été rien sans l'afflux d'argent de l'empire britannique représenté à l'époque par un certain x (je vous laisse rechercher ce x).
Hitler a été une construction voulue par les pouvoirs impériaux (de l'empire) de l'époque, ce qui ne dénie pas les excès que cela lui a permit et qui sont impardonnables. Mais un soulèvement pour changer de système n'aboutit pas forcément à une dictature. Ce n'est pas une fatalité. Et ne rien faire est pire.

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