23 juin 2008

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FUTUR ANTERIEUR

C'est un samedi populaire la première nuit de l'été, il est minuit au cœur de Paris.

Cacaphonie générale de l'expiation sonore planifiée. Gavée de ses humains enivrés sur plusieurs strates, La fine rue où ne passent à l'habitude que quelques scooters égarés change de proportion. En hommage à Gainsbourg, je me laisse emporter par les flux et glisse sur les corps à coups de beat.

Carrefour de L'odéon, place du ralliement, cris et hurlements. la neurasthénie est interdite par décret. Tuba, grosse caisse, chanteuse lyrique, guitares saturées, break-dance, badaboum sur bidon, Kurt Cobain qui sort de sa tombe et Chuck Berry en sosie qui swingue. Un échappé de La Mano grimpe avec sa trompette sur un toit de Twingo. Quelques chauffeurs inconscients tétanisés dans leurs charrettes sont absorbés par la masse qui déboule à la bière. Jets de gobelets, rif de gratte et coups de savate. Pendant que d’autres s’écroulent dans leur vomi en riant, les Huns perdent patience.

Sur le Boulevard St-Germain : depuis deux heures on y avance au ralenti même a pied, la police est débordée. Les condés rigolent jeunes quand ils sont nez à nez avec un million d’enervés. Un camion de la Croix-Rouge conduit par un bénévole cannabisé est pris d’assaut. Le postillon est déversé par tonneaux, je dérape sur la bave. Il y a la, bringuebalés dans l’orgie des femmes enceintes en sandalettes et d'autres bonnes natures qui ne perdent pas un coma éthylique pour faire la fête. J’ai même croisé des SDF heureux qui tapaient du pied au milieu du verre brisé.

Rue de Seine, un peu à l’écart mais pas mal au Ricard, des aînés hurlent "La valse à Mille temps" et perdent trente ans. Cette première nuit d'été, je songe à La Rue Casimir Delavigne me menant à une Rave bleue marine. Sur le chemin rythmé, j’y croise des danseurs de tango, une tête d'âne, un camion plate-forme aux méchants hardeux assortis de leurs pogoteurs déchaînés et même Grand Corps Malade qui me choppe au col et me dit :

- Pauvre con, arrête de me singer où je te riposte graduellement !

Je m'enfuis, il me court après mais pas vite. Je reprends mon souffle au son d'un jam teigneux de lycéens rockés devant une boulangerie et je me dis : "Merde, une boulangerie encore ouverte à cette heure-ci, putain mais c'est l'anarchie !" Pas tant que ça : Sur ma droite,
à l’entrée de la petite épicerie, des vigiles battes à la main, gèrent les aller et venus des ados pintés en ravitaillement de Bacardi.

Prisonnière du déluge merveilleux sous le nombre qui a raison du trafic, la police ferme le boulevard en catimini puis disparaît alors que nous crions victoire. Nous nous dirigeons vers le Pont Saint-André des-Arts, la rumeur sourde qu'il va finir par s’écrouler sous le poids de la jeunesse. En tam-tam et chansons sur fond de feux clignotants à l'orange, l’apocalypse domine l’horizon.

Pour un soir.

1 comments:

Anonyme a dit…

Excellement bien écrit.

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