14 décembre 2011

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Chère Anne Sinclair


Paris, le 14 décembre 2011

Chère Anne Sinclair,

J'ai appris votre arrivée à la direction éditoriale de la version française du site internet Huffington Post, inauguré le mois prochain. J'en suis très heureux. Je garde en effet un très bon souvenir de vos années sur TF1. Chaîne qui vous a odieusement licencié. Mais vous avez su faire face, passant ainsi  un message d'espoir aux damnés du salaire et des cadences infernales: le combat contre le grand patronat pour que les droits du travailleur soient respectés, ça paye. 1,8 million d'euros exactement.

J'espère que, dans la lignée d'Arianna Huffington, grâce à ce produit d'importation fabriqué en France (ce qui ravira notre président), vous montrerez "qui c'est Raoul" à la demi-douzaine de pure-players se créant désormais chaque semaine dans le PIF (paysage internet français) avec leurs levées de fonds à 3,5 millions d'euros pour 3 lignes de Php (ce qui laisse, vous en conviendrez, un sacré budget pour la machine à café). Idem pour cette récente inflation d'annexes internet chez de grands médias pensant qu'investir 2,40 euros pour refaire quatre ans après du sous-Post, en saupoudrant le machin de quelques parrains disant "tweet" toutes les trois phrases, suffit à révolutionner l'information.

Suite à votre courriel, je vous propose donc spontanément mes services de blogueur. Mon plus produit par rapport à la concurrence ? Un dévouement total et la garantie que je n'aborderai pas certains sujets de fond ou alors avec des vidéos de lol cats. Je ne suis pas de ces précaires empêcheurs de créer des bulles internet qui, en pleine période de crise, osent affirmer que travail et matière grise méritent un pin's, voire un salaire. C'est avec joie et conviction que je m'aligne sur la grille tarifaire ayant fait la fortune d'Arianna Huffington en vous cédant gracieusement mes contributions. 

Mais, ayant conscience de l'engouement que provoque l'arrivée du géant américain chez les blogueurs de gaule, pour vous prouver ma motivation, je suis également prêt à me faire facturer ma participation à l'aventure Huff Post.  

Je vous propose donc de vous régler 80 euros pour chaque publication d'un article de ma composition.  Bien sûr, j'accepte les commandes de sujet, ne suis à priori pas contre le principe de la censure. J'assume aussi la pleine responsabilité en cas d’éventuelle poursuite judiciaire si un de mes articles, malgré ces filtres, venait à en déranger certains. J'ai bien conscience de la visibilité qu'un tel site, avec une personne de votre notoriété à sa tête, peut apporter à un humble blogueur comme moi. Et, par-delà, à tous les gens qui tentent de vivre de leurs écrits.

Si toutefois, le montant de ma participation vous semble trop modeste, dans les limites autorisées par mon organisme de crédit, je reste ouvert à la négociation.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de ma soumission la plus distinguée.

Seb Musset.



Illustration : Matt Dillon in Factotum (1999)

13 comments:

GdeC a dit…

@seb : social traître vendu au capitalisme triomphant ! le mieux disant social ne risque pas de triompher dans les clauses de marchés publics journalistiques, à présent;.. :)

Anonyme a dit…

tout ça parce que tu n'as pas été contacté aigri !!!

Marc vasseur

Anonyme a dit…

@seb : bah écoute, le jour venu, je saurai qui appeler ... ;-)

Merci _encore_ pour tes billets si délicieusement corrosifs ! :-)

Anonyme a dit…

Admirable !

robin a dit…

Les 80 € piqués à un pauvre j'espère !? Ah si tous les français pouvaient avoir un tel comportement, on serait déjà en quadruple A ! Ceci dit nos concitoyens sont sur la bonne voie : ils acceptent de gagner de moins en moins de cacahuètes pour leurs jobs pourris, et de consommer à crédit. Viendra un temps où ils seront bénévoles, pour le bien des bonnes gens, comme soeur Sinclair

triton a dit…

il y a aussi le problème de la ligne éditoriale, il y a un risque de perte de liberté pour le blogueur, tout en travaillant gratuitement !

Un partageux a dit…

On a commencé le travail au rabais avec la technique des contrats dérogatoires en 1984 ou 1985. Les TUC, travaux d'utilité collective, ont inauguré alors une si longue série qu'elle ne s'est pas interrompue jusqu'aujourd'hui.

Beaucoup de beaux esprits n'étaient alors pas du tout choqués que jardiniers, balayeurs ou hôtesses d'accueil ne soient plus payés normalement. La plèbe pouvait bien accepter précarité, temps partiel et bas salaire. C'était le prix à payer pour "bénéficier" d'un emploi. Et il fallait savoir "accepter de commencer"...

Du bac moins cinq le système s'est étendu ensuite jusqu'aux universitaires. De dix-huit ans à vingt-cinq ans le système s'est étendu ensuite jusqu'à la retraite. Maintenant tout le monde est concerné et plus personne ne parle de "marchepied vers l'emploi".

La morale de l'histoire est de ne jamais accepter pour le jeune jardinier ou la balayeuse analphabète ce qu'on ne voudrait pas subir soi-même.

http://partageux.blogspot.com

cultive ton jardin a dit…

Beuh, 80 euros, c'est minable. Qu'est-ce que tu espères, en sous-payant aussi scandaleusement l'honneur qui te serait fait?

Seb Musset a dit…

@cultivetojardin > Exact. J'aurais dû proposer 100 euros et un Mars.

Anonyme a dit…

merci d'essayer de sauver la France, et de contribuer à la croissance d'une manière plus adéquate que tous ces feignants-chomeurs qui demandent de l'argent pour leur travail, alors que la gloire et le prestige de travailler pour leur patrons devrait amplement suffire.
Voila enfin une initiative qui respecte enfin LA réalité économique, et permettra par votre effort d'augmenter les investissement possibles et les rémunérations d'actionnaires pour que le bien être de tous se réalise enfin.
Beau texte en passant, je me suis bien marré

sivergues a dit…

Merci pour ces lumières, quand on réfléchit mollement, on ne sait rien s'objecter, on est facile à convaincre, on soulève des montagnes sans nuage. Cette France début de siècle avec un vilain strabisme atlantique est goitreuse, fliquée par un cour d'intellos journaleux qui protégent l'égalité contre les minus qui y ont droit, il faut désobéir aux dresseurs qu'ils soient de la droite poubelle ou de la gauche dortoir.

Anonyme a dit…

Ah ah ah ! Voilà un beau billet qui rafraîchit dans le paysage... Merci. :)

Anonyme a dit…

Seb ... c bien !

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