Les flocons "paralysent" la France. Couverture blanche immaculée vers 20h recouvrant les dossiers qui tachent et les infos qui
fâchent. 17 minutes mercredi au JT du service public, avec duplex
satellite devant la tour Eiffel à 250 mètres du studio (au bas mot 2000 euros
la minute) pour te dire le temps qu'il fait. En France, on n'a pas de soleil
l'hiver, mais on des journalistes d'investigation pour approfondir les causes
et les conséquences de ce scandale.
Décembre, c'est
également la saison télévisée du clodo qui crève[1] avec sa cohorte de
portraits de sans-logis refusant l'aumône de notre hébergement d'urgence.
Quel scandale, ils veulent nous gâcher noël ou quoi ?
Mercredi soir, dans cette même parade télévisée de l'analyse pertinente et de la question décapante[2]:
LA JOURNALISTE au SANS-TOIT par -10°.
- Vous avez froid ?
Mais
pourquoi j'te parle de ça moi ? Ce n'est pas du tout mon sujet. Je
voulais disserter sur ton inaltérable foi en l'accession à la propriété à crédit.
Tu
vois...
Aucun
rapport.
Tellement pas.
Parfois,
à la rubrique "éxotisme" du JT, s'échappe la ritournelle des peuples
d'Europe auxquels les gouvernements déclarent la guerre en interne au nom de la
paix pour la zone euro. Le blizzard des plans de rigueur, au nom de
l'énième sauvetage bancaire, s'abat sur les pays pour, parait-il,
"mieux les relever".
Les éditocrates cire-mocassins et les témoins de Jehovah du marché te cajolent
au jingle-bells de "nos
fondamentaux sont sains". Jusqu'ici tout va bien. Biffe ta christmas-list tranquille,
La France ne risque rien. Bon, tu n'es pas dupe. Tu sens bien que ça va
mal tourner.
C'est
une des raisons pour laquelle tu as acheté à crédit, 10X son prix
d'il y a 15 ans, cet appartement au salpêtre, mal isolé avec
ruisseaux d'eaux usées sous le plancher à punaises, coincé entre deux voisins
que tu détestes. Quand tout s'effondrera, toi au
moins t'auras un toit.
De
retour dans ton palace des traites après ta pérégrination quotidienne
au centre-co où tu t'es battu pour décrocher avec ta carte de crédit la moins dans le rouge de
quoi bouffer pour le mois, tu grognes :
- Ces SDF devant l'immeuble, ça donne le mauvais exemple aux
enfants et, pis, ça va finir par faire baisser la côte du quartier
!"
Encore
22 ans à payer, faut que ça continue à grimper. Pour l'instant
ça va. L'argus se tient vu qu'ils sont beaucoup de
revenus moyens (enfin... si passer à 1'heure à l'hyper pour départager quel
paquet de coquillettes grèvera le moins ton budget scelle ton appartenance aux
"revenus moyens" tels que tu les concevais en rentrant dans la vie
active) à acheter comme toi. D'ici 3 ans, en revendant, tu
comptes acheter plus grand. Moins craignos aussi. Parce que là,
ce vis-a-vis avec un resto du coeur, pfff, comment dire...
Capitaine proprio à crédit, tu continues ta
croisière idéologique sur les eaux calmes de l'émancipation à
bas taux. Bon, t'as
vaguement entendu qu'aux Etats-Unis, en Irlande ou en Espagne, la criseTM a
été précédée d'une bulle de la pierre.
Figure-toi que les banques prêtaient à des gens qui comptaient
rembourser avec la valeur qu'allait prendre leur bien...
Stupide hein ?
Stupide hein ?
Mais
n'allons pas blasphémer contre tes croyances. Dieu est mort et, en
période de stagnation des salaires, de chômage de
masse, d'augmentation des taxes, dans un pays où 65% des ménages français
peuvent prétendre à un logement social, vive le patrimoine privé
virtuel avec endettement aveugle à intérêts remboursables en priorité.
D'ailleurs,
maintenant que tu t'y intéresses : s'il y a criseTM, c'est
la faute aux "banksters". Point barre. Toi, tes
ambitions sont nobles : acheter sans argent et revendre plus cher.
Gagner plus sans rien faire avec ton logement en alignant au mieux le tiers du
pognon pour acheter plus grand : rien à voir avec la spéculation des méchants
banquiers. Toi tu spécules avec ce qu'elles te prêtent, pas
plus.
C'est
pas comme si se loger était un besoin fondamental, spécialement
quand il fait - 10°, un genre de matière première vitale, et que la hausse des
prix, en partie entrainée par ta terreur irrationnelle médiatiquement
conditionnée de ne pas être proprio excluait, par ricochet, du
logement de plus en plus de gens un peu moins bien placés dans
l'échelle sociale (ou qui, hier encore, y occupaient la même place que toi, la
tête enflée des mêmes certitudes publicitaires.)
Je
sais, tu vas me répondre avec ce bon sens de l'occident aux valeurs
tourneboulées :
- "Oui mais j'ai pas pu faire autrement. Avec mes revenus,
personne ne voulait me louer. Et il faut bien que j'habite quelque part."
Comment t'en vouloir ? Effectivement, tout est fait en amont pour dégager les
"revenus moyens" du circuit de la location. Le préteur fait son
métier. Prendre ton pognon sans que t'y réfléchisses trop en te
bombardant de messages à la con.
Pire, l'administrateur
du désastre qui te sert de gouvernement savonne la planche, ne
moralisant pas plus l'immobilier que le "capitalisme". Si
peu pour le logement social ou rien pour la réquisition des 2 millions de
logements inoccupés et autres millions de m2 bureaux vides pour les 8.5
millions de mal-logés. Au contraire, il concocte des lois pour
accélérer les expulsions. Rien pour encadrer les exubérantes conditions
d'accès à la location ou plafonner les loyers. Rien contre la
sévère dégradation des conditions de vie des français non propriétaires qui
vont bientôt devoir vendre un rein pour se loger. Rien non plus contre
la spéculation immobilière des classes moyennes aisées ou (et les deux
sont liés) le gigantesque mouvement touristique métamorphosant à vue
d'œil la capitale en gigantesque hôtel à 150 euros la journée. (On
comprend mieux ainsi les tarifs affichés au mois pour le moindre studio).
Il
y a deux mois, j'ai interrogé Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement,
sur la pied-a-terrisation de Paris (dans ce cas précis, soyons
honnêtes, la gauche est au moins aussi coupable)
(clique pour agrandir)
Tu
noteras qu'à la différence du Rom, le touriste est invité à "s'imprégner
de la vie de la cité". Dans un 25m2 pour 400 euros le week-end (moins
cher qu'un palace) avec clodo en bas de l'immeuble (comme sur les cartes
postales d'antan) : ça lui fera des souvenirs "so french".
Mais je m'emporte.
Tout
est donc fait pour que 1 / tu veuilles devenir propriétaire 2 / tu le
deviennes à crédit. Dans le domaine de ton endettement personnel, pas
de "plan de rigueur" qui tienne. Chacun cherche son
créancier.
Une grosse partie de l'électorat de droite étant
propriétaire (mais pas à crédit),
parfois de plusieurs logements (et oui la vie est dure pour tout le monde faut
bien encaisser des loyers quand le travail ne rapporte pas) : cela
implique que la valeur de leur patrimoine se maintienne un minimum.
Si l'Etat se met à donner des logements aux pauvres et louer à tarif
modéré aux "revenus moyens", la côte va baisser et la classe moyenne
supérieure[3] n'encaissera plus autant de loyers.
Règle de base : pour soutenir la valeur immo, il faut toujours
plus de croyants.
Pour
éviter de taper dans le hardware des lois à appliquer[4] pour contrer
la violence des situations de mal-logement (actions radicales qui
chiffonneraient l'électorat thuné et les préteurs), l'Etat compte sur
l'asservissement du plus grand nombre d'entre toi à la logique de l'accession à
la propriété (en deux décennies) comme garantie de ta sécurité
individuelle.
Il assure ainsi que les drames du sous-habitât et des loyers
délirants perdurent, laissant gonfler un
peu plus la bulle immobilière qui t'éclatera à la tête (et à celle des
autres qui n'ont rien demandé par la même occasion).
Ça
ne devrait pas tarder. Dans un pays où le prix du mètre carré se déconnecte des
réalités salariales de la majorité : les fondations de l'édifice sont
en carton-pâte.
Oui
je suis un peu old fashion à ce sujet : la folie
financière commence aussi en bas, lorsque celui qui gagne 1 veut posséder 2 en
croyant pouvoir payer 3, certain que cette acquisition vaudra 4.
Si je ne suis pas fan du banquier[5], je n'oublie pas qu'il n'est rien sans ta
complicité et ta soumission aux dogmes ambiants. Celui de "la
propriété à tout prix" est, non seulement, d'une philosophie
discutable mais d'un processus économique stupide[6] dont
l'actualité, des secousses de Wall Street au type qui tombe au coin de ta
rue, nous rappelle régulièrement les ravages.
Du
méchant bankster à ton innocent crédit[7] en passant par les files d'attentes
des restos du cœur que tu observes effrayé depuis ton patio en
papier crépon : tout est lié.
[1] Il
meurt aussi le reste de l'année mais on n'en parle pas, le
marronnier ayant moins de cachet l'été.
[2] Il y a pire
que TF1 : celui qui veut imiter TF1.
[3] Ah non, ne comptez
pas sur moi pour dire qu'il s'agit là essentiellement d'enfants du baby boom
qui ont remboursé leurs baraques dès 1978 et qui viennent d'hériter, sans
frais de succession, de celle(s) de leur(s) parent(s). Pas de conflit de
générations ici.
[4] suggestions d'action gouvernementale et municipale...
-
Une véritable action en matière de logements sociaux: c'est à dire construire au lieu de vendre, stopper les pièges
marketing qui cachent le démantèlement minutieux du logement
social.
- Supprimer
les aides aux régions et communes ne respectant pas le minimum
de 20% de logements sociaux.
- forte taxation des multi-propriétaires des biens
inoccupés (existe déjà mais
anecdotique) avec calcul à l'année.
Violent ? C'est la situation actuelle qui est d'une violence
sans nom (contre le peuple avec l'instrumentalisation idéologique
d'une autre partie du peuple).
[5] Pour l'endetté, la vraie révolution n'est
pas de vider son compte mais de ne plus honorer ses dettes.
[6] Au passage, ça
carbonise la consommation (à moins que celle-ci soit aussi à crédit,
après tout plus on des fous) et ça augmente tes frais (charges
foncières, frais de transport - et oui, pour avoir plus grand t'achètes plus
loin -).
[7] "Celui en
short qui veut s'offrir un costard entendant que les salopettes c'était
moche, terminera par payer chaque mois 3X le prix d'un caleçon pour ne pas
perdre son slip troué."
Nextcitus,
philosophe hellène de la pierre, -2344 avant Century 21.
illustration : snoopy.com, LeMonde.fr, comic coverage, WB.
5 comments:
Jeudi 2 décembre 2010 :
Record battu !
Sarkozy au plus bas de sa popularité à 24 % pour TNS-Sofres.
La cote de popularité de Nicolas Sarkozy tombe à 24 % de bonnes opinions en décembre selon un sondage TNS-Sofres pour le Figaro-magazine, son score le plus bas dans ce baromètre depuis son élection en 2007.
http://www.latribune.fr/depeches/reuters/sarkozy-au-plus-bas-de-sa-popularite-a-24-pour-tns-sofres.html
Globalement d accord avec l article. L accession a la propriete est une catastrophe economique car elle genere un maximum de dette et scotche les gens ou ils ont achete.
C est d ailleurs pour ca qu un proprietaire reste plus longtemps au chomage qu un locataire. Le second peut facilement demenager s il trouve un nouveau travail, pas le premier
Par contre, je suis en desaccord avec toi Seb quand tu parles des demande delirantes des proprietaires pour la location. La solution n est pas de faire une enieme loi (ca c est un reflexe sarkozyste : un probleme = une loi).
Il suffit de faire comme dans les autres pays: tu ne paye pas-> dehors. Si le proprietaire est sur d etre payé il na aucune raison de demander des tas de garanties
Je vis maintenant a l etranger. C est surprenant pour un francais. Quand tu loues quelque chose, on ne te demande pas 36 justificatifs et que tes parents soient caution.
Tu signes un contrat, tu payes une caution d un montant similaire a celui que tu paierais en france et c est tout !
Oui, c'est tristement vrai. Et une fois que l'on est proprio a s'ennuyer dans son canapé. On allume Nostalgie et on est heureux de chanter la bohème
Et si l'humble garni qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine, c'est là qu'on s'est connu
Moi qui criait famine et toi qui posait nue
La bohème, la bohème, ça voulait dire on est heureux
Pathétique destin du proprio.
Karachi : François Léotard pense que l'attentat est dû à l'arrêt du versement des commissions.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/12/03/karachi-francois-leotard-pense-que-l-attentat-est-du-a-l-arret-du-versement-des-commissions_1448419_823448.html
En parlant des guerre des génération qu'évoque parfois Sébastien Musset, je ne sais pas si ce lien a été posté : http://explicationretraites.wordpress.com
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