27 octobre 2009

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Calamiteux marketing hyper-marchand.



Pour les quelques millions de crevards dans mon genre, passées les interviews de Nothomb et Beigbeider à la télé, la rentrée littéraire débute concrètement avec la livraison gratuite dans leur boîte à lettres du catalogue automnal de la célèbre enseigne d'inspiration totalitaire : l'hypermarché Intersection.

Sociologique instructif, tentant de cibler les aspirations populaires, agrémenté de bonasses en slibard, le catalogue Intersection est un bon indicateur de la santé financière de son audience : Le français.

Son décryptage est une tradition de votre rédacteur.

A l'heure d'hiver, à l'instar d'un bon nombre d’enseignes actuellement à la ramasse, Intersection fait péter la grosse promo en couverture.

« Du Mardi 3 au 11 novembre : 50% d’économies sur plus de 230 produits »

Le ton est donné. Lecteur ne pinaillons pas, ici on brade. On te le martèle à longueur de spots : La crise est finie, t'as compris ! Tu vas pouvoir renouer avec les bonnes habitudes d’il y a trois ans : Te gaver en attendant l'élection du président.

Vieille recette commerciale : L’hyper-marchand t'amadoue dès la première page au rayon « produits du quotidien » avec des blocs de foie gras (à 9 euros les 3) qui feront de ton frichti du bureau l’équivalent des dionysiaques banquets d'Albert de Monaco.

Fatalement flatté, correctement calé sur tes gogues, tu entames confiant les 80 pages du kaléidoscope commercial de l’opulence capitaliste à moitié prix.

En guise de reprise et d'optimisme, tu seras d’emblée surpris par l'austérité graphique de cette édition tranchant avec l’ostentation jubilatoire des années précédentes ainsi que la quasi absence de mannequins : Si le positif est de retour, les bonasses en slip se sont barrées. Là aussi, compression de personnel.

Première tendance : Le retour en force de l'alimentaire.
Ton marchand a capté : Cette année tu n’as pas envie de dépenser. P’têt bien même que t’es fauché. En avant donc les boites de conserves, les pack de poulets cellophanés et les chips aux phosphates parcimonieusement relevés de quelques notes standing : Moules de Hollande et Beaumanoir en cubi.

Ce n’est qu’à la page 36 qu’une brosse à dent pointe timidement le bout de ses poils et encore, accompagnée de son concours "230 smartbox -bien être- à gagner" à base de SMS surtaxés.

Deuxième tendance : l’invasion des produits "mini".
Après la taille et la paye des salariés, faut-il y voir l'influence d’un monarque omnipotent dessinant progressivement un monde à ses dimensions ? Pas encore. Il s'agit d'un basique de l'arnaque : Baisser de 20% le prix d’un produit dont la taille diminue de 40 et donc, te le faire payer 20% plus cher en te laissant penser que tu fais une affaire.

Sur ce principe, se succèdent mini cornichons, mini-briquets, mini dosettes pour nano cafetières, compact cakes, mini Babybel au Cheddar édition limitée (si, si Albert a le même) et le top du top, la schizophrénie occidentale faite dessert : le mini magnum (qui est à la bonne grosse glace qui tâche ce que la trottinette est au 4X4).

Troisième tendance : La suprématie du cocon.
Juge plutôt : 8 pages de linge de maison à base de plaid fantaisie et de coussin prune, un choix abondant de charentaises à faire triquer tout spectateur de Derrick, une parure Disney Princesse pour Manon, une couette Playboy pour son papa et une page complète de faits-tout et de casseroles pour que maman leur mitonne de bons petits plats après ses huit heures de boulot et ses trois heures de bouchon ou ces dimanches où elle ne bosse pas (à l’hyper, parce que rien ne se perd).

Le message est passé : Chérie cette année pour les vacances, on s’installe confort à la maison et on se craque le bide avec mini-asperges et chips en plastiques dans nos assiettes violine grisée, charentaises sur la table basse, regards scotchés sur le combat des régions d'Un diner presque parfait : Épanouis quoi.

Quatrième tendance : Une bonne murge facilite le retour du positif.

Mettons de côté la page 65 et sa publicité géante pour la carte Pousse et ses 16 lignes de CGV où l'on croise au petit bonheur de sa bonne vue les termes "liberté", "cotisation annuelle", "révisable" et "19,99%", le point fort du catalogue reste sa double page centrale dédiée à la défonce.

Tu pensais la publicité pour l’alcool interdite en France, comme moi tu resteras dubitatif devant cette plaquette promotionnelle pour alcools forts gratuitement distribuée aux domiciles de millions de français. Tout y passe : Bouteilles de skaïe, tonneaux de binouze, Smirnoff, Champagne De Rothchild (Prince Albert j’te dis) et clairette de die. Comme quoi, même en matière de prospectus, ça aide d'être du bon côté du lobby.

A ce stade-ci de la lecture, il est probable que, tel ton rédacteur depuis ses cabinets, tu hurleras les deux mains vers le ciel ton désespoir au créateur : « - Bon dieu, où est passée la magie des catalogues de 2005 ? (tu sais quand notre pays était promis à un si bel avenir à partir de mai 2007)" Age d'or de l'achat compulsif, les catalogues d'Intersection foisonnaient de tentations manufacturées, de voyages à Ibiza, de colliers en or et autres consoles de jeu. La nourriture, cette affaire de gueux, était réduite à la portion congrue en fin d’édition. Triste époque qui aujourd'hui nous parait heureuse, quand reviendras-tu ?

L'ambiance Brejnevienne n'est même pas relevée par la traditionnelle page joncaille avec bracelets et collier de perlouzes à 899 euros torchée sans conviction par une maquettiste neurasthénique. Et que dire d'une page loisirs se résumant à une Wii fit+ et deux boites de crayons de couleur ?

Sinistre, cette cuvée est décousue comme une grille des programmes de TF1, abusant de ses fins de série, en panne d'inspiration, sans orientation claire. Preuve de cette perte des repères à la page 61 : Passées 4 pages à la gloire du bonheur chez soi, on y découvre une sélection de valises et de sacs de voyage. C'est quoi ce bazar à la rédaction ?

Dans ce naufrage rédactionnel, le lecteur attentif aura noté une constante, une notice revenant systématiquement en bas de page répondant au petit "(1)" à côté des prix : « Le prix indiqué correspond au prix auquel vous revient le produit, en tenant compte du montant de l’avantage fidélité crédité sur votre compte fidélité et utilisable des la réception de votre chèque fidélité. » [1]

Ah oui... Au cas où mon descriptif t’aurait donné une furieuse envie de te procurer les 230 produits demi tarif à l'Intersection d'à côté, pas la peine de faire une scène à la caissière en tiers temps te tendant une douloureuse au double du prix prévu : Les 230 prix répertoriés sur le catalogue sont tous mensongers. On te les remboursera plus tard, après inscription au fameux programme fidélité via la remise d’un chèque à dépenser chez ton Intersection dans un laps de temps délimité. Et si j’ai bien décrypté les alinéas compactés en fin d'édition, on te remboursera un maximum de 18 articles, soit moins de 10% de l'offre du catalogue.

A défaut de te faire croire au retour des jours heureux, avec sa carte à 19.99% et ses pipeaux promotions pour te faire dépenser maison, Intersection te piège toujours au tournant.

[1] Quand les prix ne sont pas accompagnés d’un petit "(1)", ils sont ornés d’un petit "(2)" qui, malgré ma bonne loupe, reste impossible à localiser au fil des 80 pages.

21 comments:

Anonyme a dit…

Hé bé, tes soirées lecture sont au moins aussi passionnantes que les soirées de Guy Carlier la veille d'une chronique télé "spécial Géguerre et Robinet" (comprenne qui pourra) :)

Tu as du souffrir, je compatis.

Attends la parution imminente l'édition "spécial ruine de fin d'année" ou plus exactement "vidage de tes poches passé après celui de l'Etat et des Collectivités Territoriales". Comment ça les poches sont vides après l'impôt sur le jamais parti et la taxe d'habitations ? Mais non voyons, pensez à votre "réserve d'argent" usuraire (c'est comme ça qu'on dit ?).
Oui, j'y pense, tous les matins sur la cuvette...

Anonyme a dit…

Ce que j'aime quand Seb Musset parle du lobby, c'est qu'il est obligé de le mettre en gras pour nous rappeler que "si si, il en parle, t'as vu la une fois"

...

romain blachier a dit…

mort de rire, merci pour ce billet

Kaos a dit…

Je me demande quand même comment t'as eu l'idée de décrypter un catalogue...
Très instructif en tout cas.

Juste une chose : la publicité pour l'alcool est légale hors télévision/cinéma et sponsoring. Internet est une zone de non-droit pour l'instant, mais les tracts, affichages publics, presse sauf pour enfants, et messages radio (moyennant une réglementation des horaires)sont des voies légales de promotion de la biture (mais seulement si on ne fait pas campagne sur le thème de 'se défoncer la gueule de temps en temps, c'est sympa').
(source)

Sinon ta nouvelle maquette est un peu bizarre, t'as l'air fatigué sur ta photo, c'est le blanc du fond ou les années sarko?
Et les commentaires sont difficiles à retrouver. Mais bon, je peux aussi prendre l'habitude, moi je dis ça, c'est pour dire.

Bon billet encore fois (comme souvent d'ailleurs)

Abdellatif Housni a dit…

Faut croire que mon cerveau commence à oxyder j'avais pas compris ...Intersection, c'est génial hahaha

Merci pour cette "revue"

@++

Seb Musset a dit…

@kaos > tu ne crois pas si bien dire. Je sors de 10 kms en vélo sous cagnard quand la photo a été prise mais bon je n'avais rien d'autre sous la main.
Et la bannière est évolutive...

Anonyme a dit…

pas mal l'article et la vidéo de grand François; le nouveau style du site est bien mais autant l'ancien fond était peut-être trop foncé, autant celui là nique les yeux !

L'Idiot du Village a dit…

Question idiote, cela va de soi, le fait de citer Carrouf t'exposerait à des poursuites ? Cela dit il faut être magnanime, leur valeur en bourse à baisser ces derniers temps. Bonne continuation ...

Seb Musset a dit…

@anonyme 09.44 > Comme je ne pourrais jamais satisfaire tout le monde : Chacun son tour

@l'idiot > Je ne vois pas de quoi tu parles ;P

ficelle a dit…

ça donne presqu'envie d'aller le récupérer dans la poubelle pour le lire attentivement, comme un bouquin dont la critique serait plus intéressante que le livre lui-même ;-)

Pathétique a dit…

Illustration en vidéo du combat que "Grand" François mène contre le système: il triche à la pesée du raisin et autres petites stratégies dans ce style.
Même les caissiers doivent se foutre de lui tellement c'est médiocre.
Le système n'a rien à craindre.

Anonyme a dit…

C'est peut-être pathétique quand c'est isolé. Si tout le monde s'y met, ça peut faire un paquet de milliards... et faire rembaucher (certes, au rabais) du monde pour faire les pesées.
Car un smicard est moins con qu'une machine.... il ne manque plus que "le système" (qui est composé d'hommes ne l'oublions pas, ce n'est pas une sorte d'entité divine intouchable façon "on y peut rien, c'est le système") s'en rende compte et on aura déjà fait un pas dans la bonne direction.
Ah mais suis-je bête, s'ils embauchent du monde, les prix ne pourront plus rester si bas. Suis-je bête.

Anonyme a dit…

"On te les rembourseras plus tard"

Pitite faute ;-) Inutile de publier ce commentaire et bravo pour cet article. Tellement vrai !!

Seb Musset a dit…

@anonyme 01.54 faute corrigée. Merci. Je laisse tous les commentaires (sauf pub et illégaux) d'autant qu'il est constructif.

Anonyme a dit…

excellent décryptage, et mille fois plus intéressant à lire que les originaux.
J'aime énormément vos articles

toujours Pathétique a dit…

(suite)
Grand François explique d'ailleurs la portée révolutionnaire de son action: au bout d'un an, ça lui fait un plein gratuit chez Total.
Ahah il raisonne comme une carte de fidélité sans s'en rendre compte.

chantal VIALA a dit…

Je me mare doucement, parce que je ne viens pas de la Lune, mais pas très loin... Dpuis que j'ai viré ma Tv et que je continue à ne pas regarder les pubs, je ne sais toujours pas combien j'aurais économisé en dépensant plus que si je continuais à faire mas couses chez des bio et au marché local.

La décroissance, c'est ça. Je dépense moins, c'est meilleur, et je me fais plein de copains.
Que demande le peuple? La ruine des GMS, je sais....

Anonyme a dit…

Tant qu'il y aura des pigeons...

Sébastien

miha a dit…

Quelle libération de s'exercer à la décroissance !
D'ailleurs, je ne me dis pas décroissant, mais évolutionnaire.
Oui, j'évolue vers plus de bon sens, vers plus de mieux vivre.
J'ai encore des progrès à faire car se déconditionner n'est pas évident... mais ça s'améliore de jour en jour.
On se sent tellement libéré que ça aide beaucoup à progresser.

Le_M_Poireau a dit…

Bravo !
C'est en effet un bel indicateur du moral supposé des français, le catalogue Intersection (ou bien Alacampagne !).
La taille de la bouteille de roteuse est révélatrice !
:-))

Anonyme a dit…

Excellentissime ! voici écrit haut et fier ce que beaucoup de monde pense tout bas ! on nous prend vraiment pour des débiles, c'est affligeant..
bonne continuation

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