17 mai 2007

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OUVERTURE DU FESTIVAL DE CONS

Tapis rouge et paparazzis, défilé de berlines grises sous le cirque des hélicoptères en vol stationnaire, crépitement des éclairs bleus, agitation mondaine sous les lustres du palais. Dehors, les badauds s’impatientent, acclamant hystériques chaque cortège non-identifié. Retour à l’intérieur du bunker : Smokings et tenues de soirées pour vieilles peaux sont passées en revue par les envoyés spéciaux extasiés. Ils n’ont rien d'autre à faire qu’à attendre que les stars du monde nouveau consentent à entrer en scène alors ils commentent, tout et rien et surtout rien, jusqu’aux accalmies promises d’un ciel orageux.

Ultime cortège. C’est le bon. La masse humidifiée par le grésil continu d’un matin sombre se réveille électrifiée. Les motards endimanchés filent droit, les grilles se referment. La Velsatis aux vitres teintées ralentit sur le gravier de la cour carrée. Voilà, la mafia est au complet. Détendu, le nouveau président de la république, tanné au malte, grimpe quatre à quatre les marches de velours du palais de l’Elysée. Le peuple applaudit, le peuple est endormi, il poursuit content sa grise matinée, le peuple n'a pas envie de se réveiller, lui parler de révolte est inutile puisqu'elle ne sera jamais télévisée*. Seule l’action compte. Seul le bon moment importe, cet instant paralysant où la chiquenaude bouscule les certitudes. Les symboles aussi comptent. Leurs édifications à part égale avec leurs destructions.

Et aujourd'hui, il y en a du symbole.

Avec comme seuls témoins les caméras des hélicoptères - donc le peuple de la télé en opposition à celui réel et physique maintenu en dehors de la bâtisse de leur père de monarque -, les enfants de sa famille recomposée, gosses beaux des quartiers de nantis parmi les plus privilégiés, souillent la pelouse de L’Elysée de leur allégresse débonnaire déjà teintée d’un cynisme bien affirmé. Ils ont été à bonne école. Simplicité, bronzage, bonne humeur, bras tendus vers l’opposition**, décapotable et bise sur la bouche à sa poupée sans son, notre nouveau président déploie de plus belle l’iconographie américaine d’un autre président mythique, clinquant rejeton de dynastie, John F. Kennedy qui, de son panache télévisé, consola l’enfance du néo-héros de notre nation, martyrisé moralement par un père omniscient, charismatique et... grand.

Le charme télévisuel de la droite décomplexée - pour l’instant encore dans l’incantation - opère toujours sur les crédules euphorisés par la massivité de leur vote. Ceux-là sont loin d’évaluer les contrecoups concrets de la rupture. Les médias s’inclinent de bonne grâce et se prêtent sans se faire prier à la communication de l'entreprise Sarkozy SA. Maintenant que les journalistes sont des conseillers politiques à L’Elysée et que les attachés de presse remplacent les journalistes, la presse singe son maître à penser, l’ami des grands, notre nouveau président. Comme lui, la presse s’agite pour communiquer, entre hypnose et sidération. A bas l’analyse, c’en est fini de la mise en perspective, la machine pressée veut du choc entre deux pages de chèques. La culture du résultat dans tout notre état.

Aujourd’hui l’actualité est double, c’est l’ouverture du festival de Cannes et l’intronisation présidentielle du nouveau manager. On ne sait à quelle chaîne se vouer, les images et les commentaires sont les mêmes, la presse est attablée bien sage. Elle est prête à lécher les restes du festin, priant pour être de nouveau invité au prochain banquet de ses beaux amis, les puissants.

Seul avantage à ce front commun des vendus, l’alternative retrouvera inévitablement ses lettres de noblesses et sa définition pleine : celle de porter un regard sans concession sur les agissements des dirigeants et des maîtres à penser. L’alternative sera à l’affût des abus, à l’abri des pressions et se devra de cramponner sa prise, ignorant les chambardements environnants et les menaces du monde des soumis. Débarrassée de ces journalistes de palais, l’alternative sera, pour et par, le peuple. Espérons-le.

* The revolution will not be televised professait Gil Scott-Heron en 1972



** Dans une stratégie d’éradication des virus nocifs par inoculation de petites doses de ceux-ci, le gouvernement Sarkozy, se vantant de rassembler, inclura des membres des partis socialistes et centristes.

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