Il est peu de certitudes en ces temps troubles, au moins peut on se raccrocher au phare de la pensée économique occidentale, notre ministre référent dans le domaine : Bruno Lemaire. Il est à l’expertise économique, ce que Pierre Palmade est à la sécurité routière.
Il y a un an, Nono nous pronostiquait le pliage en deux de l’économie russe dans les plus brefs délais. L’été suivant, constatant que la France était la cocotte en papier du dit pliage, notre karateka de l'éco concluait alors que nous étions au pic de l’inflation et qu'à partir de là tout n'irait que mieux. Pour noël, la grand cartésien concédait du bout des lèvres à un peuple aux abois que la France subissait quand même une rikiki inflation de 6% (quand chacun constatait qu’elle était au minimum du double). "La moins forte d'Europe" se vantait-il, sa tasse de thé à la main, les deux pieds dans la merde.
Cet hiver, alors que l’info-feuilleton annonce en boucle une hausse massive des prix de l’alimentaire au mois de mars se surajoutant aux précédentes hausses, le terrifiant "Mars Rouge", Nono tambourine de ses petits points fermés : Non non c’est faux, l’inflation ce sera fini pour l’été ! À la superette de mon quartier, on y croit dur comme fer. La preuve ? On a viré une caissière et embauché un second vigile à la place. Ça sent les grosses prévisions de croissance à la Lemaire.
Mars Rouge hein ? L’inflation ayant débuté bien avant le pataquès ukrainien, nul doute que cette bande-annonce de la hausse sera suivie …d’une hausse. Faut dire que tout va mieux que jamais au paradis des actionnaires. Tandis que les grands groupes de l’énergie et des transports de marchandises alignent des bénéfices records (Total à 20,5 Milliards (en hausse de 28% sur l'année), CMA CGM monte à 25 Milliards, tout simplement le record historique, cocorico) et que l'on pourrait imaginer des ponctions fiscales plus conséquentes dans un soucis de redistribution, les prix de l’alimentation continuent eux aussi gaiement de monter dans les mêmes proportions sans, là non plus, aucune intervention de l'Etat. Allez Bim, 40% sur les nouilles ! Paf, la Pizza sous vide au double du prix !
- Quoi ? Comment ça les coûts de l’énergie repartent à la baisse ? Tss, tss c’est l’inflation on te dit et tant que t’achètes : nous on gagne encore plus !
Pendant ce temps, entre deux selfies au Gabon, et alors qu’on attend depuis un an son fameux "panier anti inflation" (étonnement il va plus vite pour généraliser les vaccinations diverses et variées), Macron met en cause les distributeurs. Les distributeurs, eux, accusent les producteurs, ces derniers déclarent à leur tour qu’ils ne peuvent pas ronger plus sur leurs marges.
Pour ceux qui avaient des doutes, on est dans la ligne droite : le rinçage et l’essorage des classes moyennes (apeurée et fatiguée, on l'assomme dans le même temps avec la promesse de deux ans de turbin supplémentaire. On apprend d’ailleurs que Macron compte sur la faiblesse des salaires pour endiguer la grève reconductible contre la réforme des retraites).
À défaut de pâté, chaque passage en supermarché est maintenant l’occasion d’une bonne tranche de rire : les prix augmentent plus vite que le réassort des étiquettes. Il n’est plus rare de se faire facturer quelques centimes supplémentaires en caisse sur des produits déjà augmentés les jours d’avant. Pas assez de personnel pour mettre à jour les hausses dans les rayons. Ça en devient comique. Jadis synonyme de bonnes affaires, la grande distribution devient la foire à l’arnaque. C’est la même merde qu’avant mais en plus cher. Non d’ailleurs ce n’est même pas totalement la même merde, elle est encore pire. On nous annonce gentiment via de discrètes étiquettes quasi illisibles que, à cause du méchant Poutine qui a envahi l'Ukraine, il n’est pas impossible que les composants ne soient plus les mêmes dans les produits préparés. Huile de vidange pour l’assaisonnement, insectes en poudre pour la ration de protéines et gélatine de porc dans la hallal, allez hop on va pas s’emmerder, c’est l'inflation hein.
L’annonce du "Mars rouge" par certains distributeurs prétendant combattre « la vie chère » est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. J’étais déjà en rage contre ces grands groupes et leurs franchisés, désormais je m’emploi à ne plus y foutre les pieds. Ce qui se passe actuellement n’est pas qu’économique : c’est une ségrégation alimentaire qui aura des conséquences catastrophiques sur la santé publique.
Mais, cette hausse vertigineuse des prix alimentaires est paradoxalement une bonne nouvelle si on sait la saisir. La hausse concerne en priorité les produits transformés, les marques, les produits sous emballages. Soit les pires du marché en terme de santé. Les mousquetaires du prix pas cher sont également les premiers à vous empoisonner. En bannissant les plats préparés, les marques, les surgelés, en se centrant au contraire sur les matières premières non transformées, le vrac et les produits bruts, de saison, dans les petits commerces et les épiceries locavores (qui sont compétitifs car nécessitant moins d'intermédiaires), on peut encore maintenir les effets de la hausse et manger plus sainement. S’ils veulent économiser et vivre un peu plus vieux, les Français vont devoir se remettre à cuisiner et délaisser en gros tous les produits sous emballage plastique. Et ça devrait se généraliser, budget oblige. Les grandes révolutions passent toujours par l'alimentation.
L’autre bonne nouvelle, c’est qu‘à persévérer dans ces hausses, pour la plupart justifiées au seul prétexte d'un « ah bah c’est l’inflation ma brave dame on l’a dit à la télé », les industriels et les grandes enseignes vont à moyen terme s’en mordre les doigts. Un client qui a jeté sa carte de fidélité pour revenir aux produits basiques et à appris à manger mieux pour moins cher : c’est un client perdu à jamais.
Heureusement, il leur restera Bruno Lemaire.
1 comments:
Sans compter que 19% de la nourriture achetée et stockée par les ménages dans les frigo est gaspillée / non utilisée (chiffre patron Système U). Ou encore l’augmentation de la consommation de livraison de plats préparés à domicile (qui vient défier la baisse en volume des achats de produits alimentaires). Entièrement d’accord avec vous : l’alimentation est une clé de lecture passionnante !
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