23 novembre 2009

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Le réseau du plus fort


Mollesse nationale et familles emprisonnées dans leurs 4X4, avec mômes et Cofinogas au milieu d'embouteillages sur la route du Kipositive : Le week-end est le moment idéal pour saturer les ondes de faits-divers et d'anecdotes à haute valeur symbolique ajoutée, vaselinant le passage pour de futures taxes ou lois liberticides.

Ces deux derniers jours, j'ai eu à trois reprises l'écho d'une information capitale (sortie d'un autre continent avec même images pour tous) livrée clé en main par une agence de presse :

"Une salariée québécoise en congés maladie pour dépression s'est vue suspendre ses allocations car son assureur a observé une photo d'elle souriante sur facebook."

Stupéfiante nouvelle : Les indemnités journalières de la salariée dépendent d'un assureur privé. Zut aucun des trois médias (Europe 1, France2, M6) ne s'attarde sur ce point.

Penchons-nous sur cette information dont la redondance et la similarité du traitement radio-tv montre comment l'ancien monde considère Internet :

1 / Accroche qui interpelle : La salariée spoliée.

2 / Le descriptif qui passe en dix secondes de la mésaventure de la victime au point de vue de l'employeur pour s'étendre sur les dangers d'Internet (c'est une gigantesque mémoire etc...) et finit en culpabilisant l'utilisateur, ce grand enfant qui va bien devoir finir par accepter une loi parce que vraiment quel irresponsable.

3 / Conclusion : Internet = Péril personnel. Vous = Crétins incapables d'agir pour votre bien. Conseil final entre les lignes de l'information HD : Arrêtez de communiquer entre vous et reviendez regarder not'télé.

Le top est atteint dans le 19.45 d'M6 le 22 novembre (à 11.30)

A propos de l'affaire québécoise, l'animatrice d'information annonce un sujet sur "les dérives des sites communautaires". Comme dirait l'autre, les mots ont un sens. C'est vrai que la nuance chez M6, c'est pas trop d'actualité. Le sujet qui se limite à une interview d'avocat fait l'impasse sur les images de l'agence de presse pour directement balancer un sondage (supposé caution de vérité alors que la question est à participation libre et que la réponse n'a aucune valeur statistique fiable).

La question est :

"Les réseaux sociaux sont-ils un danger pour la vie privée ?"

Réponse : OUI à 71%
> sondage réalisé avec la collaboration de msn (qui a foiré le virage internet du réseau social) <

Et hop ! Voilà comment, en profitant d'une information à peine évoquée, je te balance en 20 secondes ma publicité anti-réseau social, je fais le boulot d'une agence de presse gouvernementale au terme d'un week-end de bourrage de crâne et je te culpabilise l'audience avec sa complicité.

Manquait plus que le micro-trottoir appelant à la prison pour la salariée !

Hypothèse : Appliquons cette déontologie journalistique à une autre situation.

Annonce de l'animatrice d'information : "Une jeune française s'est fait violer dans un club de vacances par un vendeur de chouchous."

Sujet (version médias du week-end) : "Alors qu'elle se baignait sur la plage en bikini, la jeune Isabelle s'est fait violer par un vendeur de chouchous. La prolifération des maillots de bains devient une menace pour l'intégrité physique des femmes. Enfin, tant qu'une loi sur une tenue décente exigée en vacances ne sera pas votée, il est à craindre que les viols se multiplient."

Sujet (version M6 du dimanche) : Pas de sujet, on passe directement au sondage à deux balles (en collaboration avec l'institut des vendeurs de chouchous et des fabricants de sacs en toile de jute)

"Si les femmes restaient chez elles, vêtues d'un sac à patates cadenassé, seraient-elles moins violées ?"

Sermonner à l'internaute que les réseaux sociaux sont dangereux, qu'il est irresponsable et qu'ils doivent tous se brider parce que l'un d'eux a été abusé, c'est comme d'affirmer à toutes les femmes, au prétexte que l'une d'entre elles s'est fait violer par un obsédé à 5000 kilomètres de là, que la plage est un lieu de haut péril, que les maillots deux pièces sont des armes de catégorie 5 et que bon, être femme c'est chercher les emmerdes.

Les risques ce ne sont pas les informations diffusées sur le réseau social mais bien ce qu'en font certaines personnes. Ce ne sont pas les utilisateurs qu'il faut intimider mais les usages abusifs de ces données qu'il faut condamner

Cette information (hors-actu in-propagande) de M6 est en parfaite adéquation avec l'humeur politique et législative du moment : Faire porter la responsabilité mentale des crimes sur l'ensemble des victimes potentielles au lieu de s'occuper sérieusement des coupables et, encore moins, des raisons de leurs agissements.

La loi (et les médias) doivent protéger la victime, non le coupable. Normalement.

A priori, la semaine prochaine sur M6 : Le boum des réseaux sociaux d'entreprise sécurisés avec login et mot de passe livrés par l'employeur.


Illustration : Benjamin Heine

20 comments:

Anonyme a dit…

Rien à ajouter ; sauf : avant de pouvoir visionner le jt d'm6, effectivement « top niveau » j'ai dû me taper 2 pubs.
La première pour le nouveau film de Moore.
La deuxième pour une bagnole dont le toit, dépourvu de tôle, laisse place à un pare-brise. Ce qui laisse à l'encredité une vue imprenable sur le ciel.

Unknown a dit…

ben quoi ? je vois pas où est le problème ...
http://www.20minutes.fr/article/365342/Paris-Le-Velib-pourrait-devenir-la-roue-de-la-fortune-pour-JCDecaux.php

JC le boulanger : "mais Mr. Ducon si le pain est mauvais c'est de votre faute"
Mr. Ducon : "je suis pas boulanger"
JC le boulanger :"c'est ce que je dis : vous devez me rembourser le prix de la baguette ! escroc!"

Nicolas Jégou a dit…

Parfaitement d'accord.

A un détail près : il faut vraiment être con pour mettre n'importe quoi sur Facebook. C'est un gros détail parce qu'il va à l'encontre de ton billet... On est d'accord qu'il faut protéger l'utilisateur et limiter l'utilisation des informations diffusées mais il n'est pas inutile de rappeler aux braves gens qu'à partir du moment où ils diffusent une information sur internet, elle est diffusée...

Unknown a dit…

Je rejoinds Nicolas précédemment, quand on met une photo sur Facebook, on est pas obligé de ma mettre public, mais seulement visible avec ses contacts. Donc à moins d'avoir son assureur dans ses contacts...
Il faudrait sensibiliser les gens un minimum.

Pourquoi personne ne se demande ce que fesait l'assureur sur le profil de sa cliente ?? Il fliqué ?

Tout à fait d'accord avec toi Seb, il faut attaquer les usages abusifs de ces données...

Nicolas Jégou a dit…

Keyser,

Si j'ai bien compris la radio ce matin, le profil de la petite dame était privé. Mais ça ne change pas grand chose, je suis "friend" avec un tas de gugusses que je ne connais pas.

Bzzz a dit…

Vous inquiétez pas, les copains!
J'ai bien compris qu'avant de diffuser une info, il fallait la rendre concise et précise : "Si les femmes restaient chez elles, vêtues d'un sac à patates cadenassé, elles seraient moins violées" pour 71% des vendeurs de toile de jute.

(http://friendfeed.com/zackatoustra/2d819b2e/si-les-femmes-restaient-chez-elles-vetues-d-un)

Unknown a dit…

Je ne suis pas une femme mais juste au cas où, surtout si une loi s'étend à l'ensemble de la population, je vais de suite vêtir une bure qu'à patate.

Seb Musset a dit…

@Nicolas > Il y a ici 2 problèmes en un : les fameuses "dérives". Du côté utilisateur on peut user de pédagogie (y compris sur le réseau en question). Du côté des "méchants", si l'on considère Facebook comme une extension de la vie privée : Cet abus est illégal.

Le 2e problème : Cette question de société est majoritairement véhiculée par des médias de masses à tradition pyramidale (et gros annonceurs venant peu du secteur de l'internet) pour qui ce type de réseau et ce type de communication ou de remontée d'infos est, pour le coup, un vrai danger.

D'où ce genre de publi-anti-reportages.

Détail amusant symptomatique de la crise de confiance : parallèlement à la boucle d'info sur la québécoise, Europe 1 diffusait régulièrement des spots d'auto-promo sur ses records d'audience (comme toutes les autres radios au même moment de l'année).

@Zack > Merci pour ton esprit de synthèse. Je n'ai pas donné le résultat du sondage imaginaire, mais chacun comprendra (j'espère) que la réponse d'un sondage est totalement influençable en fonction de la formulation de la question (exemple : A t-on des risques de mourir quand on est vivant ?)

Conclusion : Vivre est mortel, faites gaffe.

Nicolas Jégou a dit…

Seb,

On est d'accord, je signalais juste qu'on est dans une espèce d'impasse...

Océane a dit…

Il est clair que le commentaire sur des faits d'actualité est orienté, quelque soit l'orientation choisi d'ailleurs. Et ce qui s'est dit sur cette nana vient se rajouter à tout le délire de Finkielkraut, BHL, Seguéla et d'autre sur cet objet qui leur échappe: le net. Il faut toujours sataniser ce qu'on ne peut contrôler, B-A BA d'une sorte de novlangue.

nicocerise a dit…

J'ai bien aimé la semaine dernière : le collégien bon élève issu d’une famille sans histoires, adepte des jeux vidéos, veut tuer ses professeurs.

Marc a dit…

Les réseaux sociaux sont formidables, mais dangereux.

Je suis chercheur en informatique et la communauté travaille à des outils alternatifs, offrant la même fonction à l'utilisateur, mais évitant la centralisation des données et empêchant les recoupements trop faciles. Espérons que ces projets seront financés. Ils ne rapportent pas d'argent, a priori !

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Je crois pas que facebook soit le lieu par excellence sur internet où tu peux trouver les infos-que-tu-trouveras-pas-ailleurs, à part sur tes amis. Par contre, ce qui est de plus en plus vrai, c'est que tu n'as plus le droit de ne pas y être, comme pour le téléphone mobile. Sauf que contrairement au téléphone, facebook te fait perdre beaucoup plus de temps...

La grosse vérité toute nue :
http://www.youtube.com/watch?v=wb05oL5m9F8

asjacks a dit…

Facebook est le genre de site complètement inutile. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a autant de succès puisqu'à notre époque les choses inutile voir parasitaire on un succès énorme. c'est davantage une pathologie sociétale. l'indispensable est passé en seconde voir troisième position dans l'achat compulsif des gens, on bouffe mal ou peu mais on a le dernier portable. Tout ce qui ne sert a rien est devenu indispensable car la mass ne réfléchis que par la publicité et les medias. Notre cerveau réfléchit via la télévision, si vous enlever les medias et la pub, vous obtiendrez une mass complètement désorientée ne sachant plus quoi faire. J'ai été sur facebook quelque temps par curiosité et pour pouvoir en parler en connaissance de cause, et en tant qu'utilisateur lambda, je peux dire qu'il ne sert strictement a rien. Vous voulez retrouver des anciens amis ? il y a le site "copains d'avant", vous voulez donner votre avis ou parler de vos convictions ? il y a les blog et des site comme daylimotion, vous voulez draguer ? il y a meetic. Pour ce qui est de cette québécoise, le drame n'est pas d'avoir été sur facebook mais bel et bien qu'une personne s'en serve pour l'utiliser contre elle a des fins professionnelles et surtout que l'employeur est donné du credit a cela. Ca promet pour nos libertés. Mais apres tout si personne ne dit rien et trouve ca normal...quand je pense qu'une main sur un terrain de foot soulève l'indignation.....

Anonyme a dit…

D'accord avec Asjacks, de toute façon tout les "outils" du net sont a double tranchants ! il faudrait que l'internaute comprenne qu'il n'est pas "cacher" derriere son ecran, il n'y a pas plus transparent que le net. Ex. sur google même si l'annonce disparait sa reste en cache pendant qq mois (clicker par curiosité sur "cache")

ex :
Mathurin.com
www.mathurin.com/ - En cache - Pages similaires

Pour chercher les anciens potes d'école, "les copains d'avant" c'est trés bien, de mon experience perso, j'ai retrouver pleines de copin(es) de 30 ans. Aprés j'ai tout supprimé.


User mais ne pas abuser.

romain blachier a dit…

D'accord avec le côté totalitaire du flicage mais cette nana était pas obligée de mettre ses photos. Quand on met ses photos en ligne c'est un peu donner de ses nouvelles. Là on est un peu dans l'équivalent d'une carte postale qu'elle aurait envoyé en disant "hello les mecs, tout va bien".

asjacks a dit…

@Romain... le problème est que l'on se sert d'internet comme outil de répression "officiel" et non objectif. Une photo n'est déjà pas une preuve irréfutable dans des affaires plus sérieuses devant un tribunal mais là, son sourire qui est sur une photos prise on ne sait quand lui vaut une sanction, c'est incroyable qu'un simple rictus sur une photos lui face autant de problème. Là on ne cherche plus les "pirates" mais les gens malade pour y trouver une faille ...et après ? Je suis convaincu que nos officiels vont ce permettent des choses qu'ils ne feraient pas "pour l'instant" dans la vie réelle. Ça va être une dictature répressive par simple présomption virtuelle"

mtislav (borgne, daltonien et myope) a dit…

As-tu songé au billet noir sur fond noir Seb ?

Anonyme a dit…

LE net réintroduit la société de commérage et de proximité. Il y a eu un temps où l'on savait tout des gens que l'on connaissait, puis un temps avant le portable et le net, où l'on pouvait "cloisonner sa vie" comme le conseillaient les vieux parisiens qui brassent du monde, puis là, en jouant sur notre besoin narcissique, cette volonté désespérée d'échapper à un total anonymat, perdu dans la foule, on nous a permis de bénéficier de notre quart d'heure de célébrité en mondiovision sur le net, et cela s'est retourné contre nous. On est retourné à la première situation, celle du village...mais global.

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