8 septembre 2023

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Inflation : tout va bien, ça va mal finir

J’aimerais débuter l’année scolaire sur une note plus optimiste mais après un été à travers La France, et à l’inverse d'un Bruno Lemaire sous MDMA (je ne vois pas d’autre explication à ses propos délirants sur la baisse de la hausse des prix), je suis au bout de mes réserves de pouet-pouet tralala. 

 Vous l’aurez constaté ces derniers mois entre deux averses : c'est la canicule des prix. 

- L’essence. Elle dépasse allègrement les 2 euros le litre et va tranquillement, de l’avis des industriels, vers les 3 euros d’ici juin 2024 (soit le double du prix qui a généré la colère des Gilets Jaunes en 2018). Qui dit hausse des prix dit profit record pour les pétroliers et hausse des recettes fiscales pour l’Etat. La promesse de non hausse d’impôt de Macron est largement déjà engloutie par cette fiscalité-là. Pour 22 millions de foyers fiscaux français (+ de 1 sur 2), il coute déjà plus cher de faire un seul plein d’essence que de s’acquitter de son impôt sur le revenu. 

 - La nourriture et les articles de première nécessité. Là on est sur du 13% d’augmentation à l’année, 23% sur deux ans. Dans la grande distribution, on a profité de « la crise » pour démultiplier les ingénieuses et subtiles initiatives pour bien te la mettre à sec en long en large et en travers, avec des petits oignons et un filet de citron vert : réduction des tailles d'emballage, disparition du prix au kilo, disparition des conditionnements, changements des ingrédients coupés à la pisse de synthèse… Les mecs vont bientôt te vendre les cacahuètes à l’unité et des patates en trompe l'oeil. Un indice ne trompe pas dans les supérettes parisiennes : on vire des caissiers pour les remplacer par des vigiles. C'est jamais bon signe. La grande distribution renvoie la responsabilité de ce foutage de gueule aux industriels qui en retour prétendent que non puisque c’est de la faute de la grande distribution. Dans les faits, les deux salopards génèrent toujours plus de pognon sur ton dos. 

Action Carrefour : +15% sur 5 ans
Action Nestlé : +30% sur 5 ans

Conséquence, la consommation de biens alimentaires s'écroule de 10% entre décembre 2021 et juin 2023. On est revenu au niveau de consommation de 2006 avec 6 millions d'habitants en plus. Les classes moyennes mangent moins ou mangent mal pour compenser. 35% des Français déclarent ne pas faire trois repas par jour, selon le baromètre annuel du Secours Populaire. Et bah voilà, on y est dans la décroissance. 

 - L’énergie. Terminé le bouclier de Wonder Lemaire. EDF annonce le voltage à venir : les factures vont prendre 75% en deux ans. Ce sera du fractionné, mais ce sera dans ta gueule quand même. Tout ça dans un pays jadis autonome énergiquement, merci l'Europe et son usine à gaz : vraiment c'est du travail d'orfèvre ! Comme beaucoup, j’ai reçu un prévisionnel de mensualisation au plus du double de celui de l'an passé. Alors que,jusqu’ici et malgré les hausses successives, j’arrivais à faire baisser régulièrement depuis dix ans ma consommation et mes factures. (Pas de chauffage, lumière au minimum, là je me tâte même pour vivre sans frigo. Récompense : facture X2. Ouais, c’est pour sauver la planète connard. 

Tentant de détourner l'attention au sujet de la dégringolade historique que vit la France, notre apprenti Omar Bongo (oui l’homme, n’étant au final qu’un bon à rien, veut désormais se faire réélire à vie) multiplie les annonces auquel plus personne ne croit (on va planter des arbres partout, reconstruire 40000 lycées et distribuer des uniformes à l'école) et se garde bien d’évoquer l'éléphant au milieu de la pièce : les salaires qui stagnent. 

Certains auront constaté que les allocations familiales augmentent alors que leur salaire non. Que le patronat ne vienne pas la ramener sur le manque de courage des Français... M'est avis que ce sera inaudible. Travailler ne payait déjà pas beaucoup. A très brève échéance, travailler va coûter. Je parlais de « Quiet Quitting » l’an passé, ça se généralise. Ajoutons à cela que notre Poutine d'opérette, nous a imposé (contre l’avis de tous) deux années de travail supplémentaires pour accéder à une retraite pas bien épaisse : qu’il ne vienne donc pas s’étonner s’il y a une pandémie de flemme et d'arrêts-maladies chez les salariés. Tant qu’il y en a. 

La prochaine étape de la dégringolade nationale sera la fermeture massive des commerces et TPE-PME. On y rentre avec un doublement des défauts sur un an. Mon petit périple estival dans les centres-villes fantômes de France fut instructif sur le sujet :  sur les volets de fer baissé "dépôt de bilan" est la phrase qui revient le plus souvent, pas loin derrière on trouve : "fermé pour cause de manque de personnel". 

Ajoutons un effondrement durable de l’immobilier. Jusqu’ici le PIB français se maintenait en partie grâce aux transactions à l'intérieur d'une bulle immobilière déconnectée des revenus du travail. Une partie de la population s'enrichissait sans rien produire, et le volume des ventes « compensait », dans les statistiques seulement, les effets délétères de trente ans de désindustrialisation. Avec les effets conjoints d’une baisse des capacités d’endettement et d’une offre abondante de biens remis sur le marché (les boomers ne sont pas éternels), cette époque d'enrichissement virtuel sans fin est terminée. C'est la fin des belles années pour les agences immobilières qui vont rejoindre la cohorte des rideaux de fer baissés. La chute des transactions, c'est aussi la fin d'une belle aubaine fiscale pour certaines villes et donc une hausse des impôts locaux. Le +62% de taxe foncière à Paris n'est qu'un apéritif. 

Pour en revenir au début, c’est à dire la fin : ça s’annonce mal. Le pays glisse sans frein vers la paupérisation. Les Restos du Coeur en sont réduits à accepter les pièces jaunes de Bernard Arnault. La France s'oriente à coups de 'com sur la rénovation clinquante de Notre-Dame et la magie des Jeux Olympiques de 2024 vers une économie (de miettes) du tourisme pour les plus chanceux et de la démerde pour tous les autres. Là on rentre dans le dur, sur un scénario pas loin de celui de la Grèce quinze ans avant. Le trou de caisse général, personnel et étatique. Mon petit doigt me dit qu'au point d'indécence et de déconnexion où en est la Macronie, une petite hausse de la TVA n'est pas à exclure. 

Macron peut gesticuler tant qu’il veut, bâillonner les oppositions et agiter des abayas, face aux dérèglements du monde libéral et son réchauffement des marges : les travailleurs et les retraités doivent être augmentés. Il en va de l'intérêt de tous. Les deux mondes, celui de la com d'en haut et celui de la réalité d'en bas, ne pourront pas coexister pacifiquement très longtemps à cette vitesse d'érosion du pouvoir d'achat.

Illustration : Vincent van Gogh, Les mangeurs de pommes de terre, 1885

3 comments:

Anonyme a dit…

Voilà une synthèse pertinente !

Permettez-moi un conseil de lecture, mais vous connaissez peut-être déjà. Si ça n'est pas le cas jetez un oeil sur ces bouquins d'Alain Accardo, ce sociologue quasi-inconnu dont la prose est tout à fait intéressante.

"De notre servitude involontaire" et "Le Petit-Bourgeois gentilhomme : sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes"...

Bonne journée

Jean

Denis a dit…

La décroissance est là depuis 2009. Et elle est subie.

Qui est d'accord pour la choisir ?

cdg a dit…

L exemple sur les actions est assez partial, sur 5 ans (j ai pris les chiffres sur boursorama et ils ont pas 3 ans) on a
Nestle : +30 % de 81 a 105€
Carrefour +9 % de 15 a 19€
Casino -94 % de 35 a 2.2 €

Je veux pas faire pleurer sur les actionnaires de casino qui ont tout perdu mais la bourse c est pas un long fleuve tranquille

En ce qui concerne la nourriture, elle representait 50 % du budget d un menage ouvrier en 1960 et meme pas 10 % de nos jour. Il est inevitable que sa part remonte si on doit se restreindre sur le petrole et ne plus importer de pays pauvre (amerique du sud ou afrique). Si on aura plus de paysans, il faudra bien les payer

Et quant on voit les bouchons pour les vacances, j ai du mal a me dire qu un grand nombre de francais sont reduit a se rationner

PS:
- apparement l inflation a fait que les gens mangent moins de junk food :-)
- augmenter les salaires dans une economie ouverte c est enfoncer un peu plus ce qui nous reste d industrie. On peut soit la jouer comme la coree du nord (autarcie) ou alors se demander si c est vraiment sain de ponctionner autant pour des retraités qui ont un niveau de vie superieur aux actifs (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2417714) . C est a mon avis pas un hasard si les 2 pays qui ponctionnent plus que nous sont ceux qui vont encore plus mal que nous

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