13 novembre 2012

La compétitivité incomplète

Une semaine après l'annonce de la "trajectoire de compétitivité" du gouvernement Ayrault visant à créer 300.000 emplois en cinq ans (en admettant que l'application des recettes habituelles à base de cadeaux fiscaux pour les entreprises ne produise pas les mêmes effets sur l'emploi: c'est-à-dire aucun), une note du ministère du Travail nous apprend que 300.000 c'est précisément le nombre de salariés de l'Union européenne déjà en compétition locale avec les Français. 

Aussi juste soit le diagnostic du rapport Gallois (constat de la désindustrialisation française depuis 10 ans et de l’effondrement de la balance commerciale de +3.5 milliards à -71 milliards dans le même laps de temps[1]), la réponse gouvernementale est en partie hors sujet. Comment prétendre traiter la question de notre "compétitivité" sans aborder...

1 / ...la question du protectionnisme. Quitte à augmenter les taxes pour aider nos entreprises, on pouvait la concentrer sur certains produits d'importation, hors UE, anormalement bas dans les rayons de nos magasins. Adossé à un effort financier ciblant la recherche et le développement, les PME et les entreprises de taille intermédiaire, cela nous pousserait à nous creuser la tête pour fabriquer français dans des secteurs technologiques ou manufacturiers délaissés. 

2 / ...l'harmonisation de la fiscalité et de la grille des salaires au niveau de l'UE. Tant que subsistent des disparités allant du simple au quadruple au sein d'une même zone monétaire[2] nous empêchant une dévaluation compétitive, tout discours sur le coût du travail français revient à pisser dans un violon (en l’occurrence filer du pognon aux entreprises parmi lesquelles les plus grosses - que cela n’empêchera d'ailleurs pas de massivement licencier -, le tout en tapant dans le porte monnaie des Français et en réduisant les dépenses publiques). Pour le moment, l'Europe sert encore à justifier un dumping salarial sans fin pour ceux subissant déjà la crise, tandis que rentiers et détenteurs du capital s'en servent de support de chantage à la délocalisation

Tant que ces deux questions[3] ne sont pas abordées, on peut financer autant de crédits d'impôt que l'on veut et brandir chaque jour de nouveaux sondages sur les velléités du salarié à voir sa paye ratiboisée pour conserver son emploi, la "trajectoire de compétitivité" se résumera à une course entre deux murs sur lesquels nous nous cognerons sans fin, un coup dans l'international, un coup dans l'européen. Peut-être espèrent-ils qu'à force de chocs, on ne sente plus rien.


[1] 10 ans de droite mais aussi 10 ans de monnaie unique.
[2] Le discours sur la compétitivité tend à cet alignement européen. Dommage qu'il se fasse par le bas, au détriment des droits du travailleur, du pouvoir d'achat des ménages, et sans pour autant arranger la situation sociale ici et là-bas. 
[3] Une troisième piste serait d'augmenter le nombre des inspecteurs du travail et de  contrôleurs fiscaux. Avantage: pour un investissement minimum, et avant d'avoir à leur signer un chèque en blanc, nous ramènerions rapidement des dizaines de milliards détournés par les entreprises (via les fraudes, dont par exemple le recours à cette main d'oeuvre européenne payée aux standards de leur pays d'origine alors que c'est interdit). 

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16 comments:

t0pol a dit…

en fait pour les chantiers de moins de 3 mois, ils peuvent garder leur contrat d'origine. Voilà la magouille légale.

Thierry a dit…

En ce moment j'ai l'impression très nette que sur la question on en serait plutôt à ça : http://www.dailymotion.com/video/x3ahsx_management-a-l-ancienne_fun

Sauf que les tristes sires au pouvoir du gouvernement sont beaucoup mois drôles que Blier.

omer a dit…

"en l’occurrence filer du pognon aux entreprises..."

Comme disait à l'époque un ponte du CNPF "pourquoi s'embêter à aller chercher du fric à Hong Kong alors qu'il y en a Rue de Rivoli..."

Unknown a dit…

Après cette conférence de presse, il me tarde de voir comment l'antisarkozysme pavlovien va nous expliquer comment Hollande va appliquer en gros et en pire le programme du candidat Sarkozy.

Anonyme a dit…

le probleme du protectionnisme, c est que ca favorise un comportement de rente et non pas l innovation. Si une entreprise beneficie (pour une raison ou l autre) de la protection de l etat pour ecarter la concurrence, son interet n est pas de s ameliorer mais de tout faire pour que cette protection etatique soit maintenue coute que coute (lobbying, chantage electoral, valise de billets ...)
Exemple francais : chauffeurs de taxis, pharmaciens, notaire ... Le lobbying est evidement diffrent, les notaires vont pas bloquer les rues de paris ;-) mais le but du jeu est evidement de maintenir sa rente

Sinon comment va tu definir les produits a surtaxer a la douane et comment va tu eviter la retortion du pays producteur victime

Unknown a dit…

"Exemple francais : chauffeurs de taxis, pharmaciens, notaire ... Le lobbying "

Megalol. Ce lobbying n'est rien à côté des vraies rentes de situation: France Télécom, SNCF, CGT dockers et livre, EDF, GDF, la liste est interminable.

Seb Musset a dit…

@ Arthur Hache > T'emballes pas. Une conf de presse c'est abord fait pour séduire... la presse. On jugera sur les résultats (et je crois avoir fait comprendre que j'étais à priori sceptique)

@ Anonyme > Je parle ici de protectionnisme dans des secteurs ou il n'y a même plus de concurrence ou alors totalement déloyale (et pas rattrapable avec le cout du travail ou alors au prix d'une mise en slip).

Je suis le premier à gueuler sur les prix trop hauts de l'immobilier. Je gueulerais également sur les prix trop bas de l'electromenager et des gadgets manufacturés. Que l'on achète 30 euros un lecteur blu-ray qui vient de l'autre bout du globe est proprement scandaleux (pour des raisons sociales, ecologiques et fiscales). On pourrait doubler le prix que ca resterait pas cher. Idem pour les tongs en plastiques à 30 cts.

De +, j'attends avec confiance les mesures de rétorsion des pays asiatiques...
...qui ne nous achètent déjà rien
... et sont incapables de subsister sur leur seule consommation interne.

Je rappelle également que nous restons la 1ere destination touristique mondiale.

P.S : Le protectionnisme ne concerne pas les chauffeurs de taxis, mais bien l'industrie, la recherche et l'artisanat français. De plus, les mesures seraient au cas par cas, et provisoires. Le temps de développer une offre locale.

Ganlanshu a dit…

Sur le protectionisme.
Il y a énormément de produits qui sont taxés à l'entrée de l'UE. Les droits de douane sont un maquis très complexes. Ca dépend du produit, du pays d'origine, etc. Mais ces taxes sont trop faibles (5% en moyenne) pour compenser une distorsion de cout de production ou de taux de change. On peut moduler ces taxes. Sauf que l'UE est dominée par les libre- échangistes : L'abandon de la taxe de 15% sur les décodeurs a provoqué la fermeture de l'usine Technicolor d'Angers. 350 victimes.

L'idée répandue selon laquelle le protectionnisme ne favorise pas l’innovation est fausse : il suffit de voir l'exemple du Japon, pays très protectioniste et très innovant.

Unknown a dit…

@ Ganlanshu
Vous êtes sur un blog Google. Google est Japonais?

L'innovation depuis 20 vient presque exclusivement des USA. Intel. Apple. Microsoft...

Et pire que l'Asie, strictement rien ne vient d'Europe.

Tassin a dit…

@Seb Musset :

Si quand même ils nous achètent des centrales nucléaires et des Airbus.

Mais je ne serai pas opposé à la disparition des deux.

Seb Musset a dit…

Exact, mais pour combien de temps ? Clonage des technos.

Ganlanshu a dit…

@Tassin
Il faut arrêter de croire que l' innovation c'est google, apple et facebook.

Les japonais sont leaders dans la mécanique, la robotique, les nanotechnologies, la métallurgie des semiconducteurs, le biomédical, les biotech. Ca c'est la vraie innovation. Des techniques qui sortent après 20 ans de recherches, pas d'un geek qui écrit trois lignes de code.

Sans les japonais, pas d'usine de composants électroniques, donc pas de composants, donc pas d'ordinateurs, donc pas de google.

Tassin a dit…

@ Ganlanshu :

L'innovation pour moi c'est les maisons en paille, l'éolien et le vélo. Le reste est accessoire.

(Je caricature mais c'est pas loin de la réalité).

Anonyme a dit…

L'innovation est produite par des salariés dans 95% des cas, et vu le management autoritaire des boites en France, il n'y a aucun intérêt pour un inventif de rester en France, car il y sera mal rémunéré, travaillera dans une ambiance désagréable et sa direction le fera chier en permanence pour des conneries.

Mieux vaut aller ailleurs, US, Canada, Allemagne, Suisse, Suède que de d'être employé dans une boite en France pour faire de la RD.

Anonyme a dit…

@Politeeks

"en fait pour les chantiers de moins de 3 mois, ils peuvent garder leur contrat d'origine. Voilà la magouille légale."

Bonjour, aurais tu les sources de ce que tu avances, je trouve l'info TRÈS intéressante.

Anonyme a dit…

Pour la recherche, l'exemple d'ITER :

"Comme le souligne le magazine L’Expansion (31/08/11), ces règles stipulent en effet qu’« à l'exception de l'Union européenne, la participation des autres membres se fait surtout sous forme de livraisons de composants, et non en devises. » En clair : quand Pékin, Séoul, Tokyo, New Delhi, Moscou et Washington contribuent à ITER en faisant travailler leurs entreprises de haute-technologie qui en retirent non seulement des subsides mais du prestige, Paris et Bruxelles contribuent en plombant leurs finances publiques… "

http://www.come4news.com/iter-un-trou-noir-strategique,-economique-et-financier-142338

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