Ce samedi soir, ils sont plus d'une centaine assis autour de la scène centrale. Les regards convergent vers le centre d'intérêt du long spectacle télévisé: des invités en promotion. Parmi eux, le lauréat d'un jeu télévisé qui a gagné le droit d'être connu et l'acteur de la semaine qui joue le réalisateur de l'année, un gourou du bonheur et un humoriste en tournée. Tous tournés sur eux-mêmes pour plus de sécurité, ils sont chahutés par deux journalistes de l'émission et un Monsieur Loyal sulfatant de la joke plus ou moins efficace mais toujours applaudit. Objectif rire.
Disposé selon l'allure sur de la tribune tape-cul sous une lumière bleue qui le confond dans un camaïeu sombre aux structures de décor, ce public gratuit et volontaire a été briffé à base de petits jeux et de répétitions par le chauffeur de salle. Taper des mains sera sa seule voix. Le chef d'orchestre des clappements compulsifs supervise ses élèves dans l'angle mort des objectifs. De l’allégresse de cette jeune foule ornementale, dépend en partie l'assiduité de la ménagère irradiée de l'autre côté de l'écran. Elle fait ainsi, par procuration, partie d'une conversation se jouant pourtant en cercle fermé.
Au bout d'une heure de bruit et battements de bras, entre dans l'arène heureuse, Jean-Luc Mélenchon. Au milieu de la promo des galettes en plastiques, des livres ou des films à déguster au supermarché du consensus, le chef du Parti de Gauche vient parler politique. Autrement. Trop peut-être. Quand les deux journalistes, prescripteurs de bons points ou préposés au clash, insistent pour que celui ayant fait scission avec le PS quatre ans plus tôt fasse son mea culpa au sujet de son appartenance au gouvernement Jospin (2000 à 2002), il n’esquive pas. Voilà même que l'hérétique revendique des avancées sociales réalisées sous ce gouvernement:
JEAN-LUC MELENCHON
" - Nous faisions des grandes choses. Car faire les 35 heures sans perte de salaire, c'est une très grande chose pour le travailleur !"
A l'aune de ce qui se passe aujourd'hui, ces mesures concrètes (réduction du temps de travail ou couverture médicale universelle) décidées par un gouvernement socialiste sont une transgression voire une révolution. Voilà qui devrait soulever l'enthousiasme assis des masses d'abord rieuses qui, il y a quelques minutes encore ovationnaient d'une rage mécanique la dernière histoire de Toto par Monsieur Loyal.
JEAN-LUC MELENCHON
" - Nous faisions des grandes choses. Car faire les 35 heures sans perte de salaire, c'est une très grande chose pour le travailleur !"
A l'aune de ce qui se passe aujourd'hui, ces mesures concrètes (réduction du temps de travail ou couverture médicale universelle) décidées par un gouvernement socialiste sont une transgression voire une révolution. Voilà qui devrait soulever l'enthousiasme assis des masses d'abord rieuses qui, il y a quelques minutes encore ovationnaient d'une rage mécanique la dernière histoire de Toto par Monsieur Loyal.
Pas même étonnée, l'agora reste atone. Face à la fière justification de Mélenchon, un ange passe. Un chauffeur de salle peut déclencher l'hystérie, stimuler l'euphorie. Il ne peut créer le silence.
La baisse du temps de travail ferait-elle partie du paysage. Serait-elle considérée comme un progrès sur lequel on ne peut revenir comme, euh, les chaines gratuites de la TNT ? Peut-être qu'au pays du chômage, de l'Interim et de l'explosion des temps partiels, elle n'évoque simplement rien pour ce jeune public ? Si Jean-Luc lui avait esquissé les suppressions de RTT qu'impliquerait un retour en arrière sur la loi, peut-être que les disciplinés auraient fait gronder un début de "oh bah non alors, ça va beaucoup moins bien marcher" ? On peut l'espérer, sans toutefois trop rêver d'un grand soir où l'on ne serait plus couché.
La baisse du temps de travail ferait-elle partie du paysage. Serait-elle considérée comme un progrès sur lequel on ne peut revenir comme, euh, les chaines gratuites de la TNT ? Peut-être qu'au pays du chômage, de l'Interim et de l'explosion des temps partiels, elle n'évoque simplement rien pour ce jeune public ? Si Jean-Luc lui avait esquissé les suppressions de RTT qu'impliquerait un retour en arrière sur la loi, peut-être que les disciplinés auraient fait gronder un début de "oh bah non alors, ça va beaucoup moins bien marcher" ? On peut l'espérer, sans toutefois trop rêver d'un grand soir où l'on ne serait plus couché.
Il a beau jeu Jean-Luc Mélenchon de dénoncer par la suite le prêt-à-penser dispensé du matin au soir avec quelques nuances cosmétiques d'un canal ou d'un canard à l'autre par ces prophètes de l'austérité dont l'effort d'hiver, après nous avoir fait pleurer sur les drames fiscaux des grandes fortunes, est de faire admettre au prolo sans qu'il ne gueule trop qu’il coûte trop cher et qu'il lui faudra baisser son salaire.
La parenthèse désenchantée est terminé. Monsieur Loyal reprend son rôle et, d'un bon mot, chacun dans le public, reprend soudain le sien: accompagner et nourrir de ses applaudissements commandés les ricanements du moment, et donner trois heures durant, les assourdissantes preuves de son bonheur d'être distrait.
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7 comments:
Beau billet.
Bien aimé Mélenchon (d'ailleurs je l'aime bien de plus en plus). C'est effrayant d'en arriver à constater que la simple mise en perspective de ce qu'est ce monde et de ce que subissent les gens (et de ce qu'ils subiront encore un peu car c'est simplement à l'ordre du jour de ce système), ne déclenche rien, vraiment rien. Si rires et applaudissements après une blague de Ruquier. Après leur crise, les tenanciers de la droite reviendront tranquille.
Bien entendu que c'est complètement crétin de faire les 35 heures et la CMU, tout en maintenant le cadre dans lequel évolue l'économie : liberté totale des mouvements de capitaux, ouverture des frontières, soumission à Bruxelles.
Mélenchon est le roi pour profiter du système. Il est député européen à Bruxelles où il se prépare une retraite royale à 67 ans sur le dos des gogos qui avalent son baratin. C'est vraiment le roi des démagos.
Rappelons que les élections européennes étant profondément antidémocratique, Mélenchon est assuré d'être réélu en 2014.
Il pourra même y faire d'autres mandats puisqu'il n'y a pas de différence entre une activité de député européen et une activité de retraité de la politique. Voir Jean-Marie le Pen , toujours député pour un revenu hallucinant et aucune activité. Avec Mélenchon, ils feront bien la paire.
@anonyme > En même temps si ça vous défrise, vous n'avez qu'à vous présenter, faire campagne et prendre leur place. C'est tellement antidémocratique que l'on peut encore voter, ou pas, pour eux.
"les disciplinés auraiENt fait gronder" ?
"vous n'avez qu'à vous présenter,"
@seb musset
Il est interdit a un individu de se présenter à l'élection pour un siège au parlement européen, pour préserver les intérêts des bureaucraties politiques nationales qui se réservent ainsi le monopole sur ce très lucratif fromage, en général pour y placer leurs seconds couteaux. Rachida Dati, Henri Weber au hasard.
Par exemple, pour citer un autre grand démagogue qui a toute sa place à ce parlement croupion qu'est le parlement européen, il est interdit à un individu de se présenter contre Marine le Pen pour occuper son siège, en expliquant qu'on représentera mieux les intérêts des citoyens de la circonscription.
C'est la raison pour laquelle comme pour Mélenchon, je peux annoncer d'avance avec certitude que Marine le Pen sera réélue au parlement européen en 2014! Ça c'est une élection comme les aiment ces gens là!
L'Union Européenne en général et le parlement européen en particulier est un monument élevé à la victoire de la guerre contre la démocratie en Europe. J'ai une analyse politique très simple sur la seule élection qui y autorisé une fois tous les 5 ans:
Quand on ne peut décemment plus empêcher les gens de voter, on impose le vote à la proportionnelle pour continuer à faire la guerre à la démocratie et préserver les intérêts des bureaucraties politiques en place.
En tant que libéral j'adore faire croire aux "gens" que je suis un défenseur de la "démocratie". C'est vrai que des fois, avec mes obsessions haineuses sur les fonctionnaires, je passe logiquement pour un taré. Du coup je me refais une virginité en tant que résistant de la dernière heure en défendant ce que j'appelle "la démocratie" ah ah ah ah.
Pigeons Pigeons Pigeons. :D
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