4 juillet 2012

Tant que Strip-Tease ne te déshabille pas, ça va

Blasphème. J'ai raté l'épisode du grand come back estival de la série documentaire Strip Tease, objet d'un joli buzz.

Zutalor. A peine notai-je sur mon Télé Poche, la similarité du pitch de l'épisode du soir avec celui de la téléréalité de W9, La belle et ses princes (presque) charmants, que je m'en retournai à lecture de mon Zola.

OK j'avoue, ça fait un paquet de temps que mon opinion est arrêtée sur cette daube. Strip-Tease pas Zola.

Première émission du genre[1], d'abord encensée par les lecteurs de Télérama, la chose a progressivement infusé le PAF jusqu'à inspirer les docu-cochoncetés bon marché métastasant sur la TNT qui mêlent sur le même schéma: voyeurisme, quête du trash et mépris de classe. Je ne peux donc qu'aller dans le sens de Bruno Roger Petit lorsqu'il écrit au sujet du "grand retour" de l'émission "culte" sur le service public :

"De la téléréalité de classe pour CSP+ en quête de voyeurisme, de la trash TV pour bourgeoisie en mal de domination sociale". J'aurais remplacé "bourgeoisie" par "classe moyenne terrorisée par son déclassement", mais sinon c'est parfait. 

Le plus choquant n'est pas l'émission (m'en faut plus honnêtement), mais ses spectateurs. Spécialement ceux qui trouvent Strip-Tease "génial" et crachent à gros glaviots sur les téléréalités de TF1. Ces deux produits répondent non seulement de la même catégorie, mais usent des mêmes méthodes de fabrication : "Bons clients" castés, canevas précis soumis à validation de "la prod" où il s’agira de faire sortir des spécimens filmés exactement ce que l’on veut qu’ils donnent, tournages inexorables permettant un montage à charge avec le petit plus qu’un "bon client à fort potentiel" peut donner. Je ne leur jette par la pierre: le PAF est ainsi fait que l'on peut difficilement faire autrement.

Seule différence de Strip-Tease avec ses succédanés: l'absence de voix-off. Cette marque de fabrique contribue à flatter le spectateur, trop content d’être intelligent (Ouah ! Ce héros des temps modernes tient 10 minutes sans qu'on lui dise rien !). Ce mutisme serait le gage d’une plus grande authenticité que Confessions Intimes ou l'Amour est dans le pré. C'est oublié un peu vite le plus efficace des commentaires: le montage.

Mêmes procédés, mêmes méthodes, même fond que la trash tv pour la même conclusion: placer le spectateur au-dessus de la mêlée. Strip-Tease c'est "trop bien", tant qu'on est pas le sujet filmé. Avec la même technique, en y mettant le temps, on sortira sans souci un sujet tout aussi "culte" sur n'importe lequel des fans de l'émission. La confusion commence là. Strip-Tease ne vous "déshabille" pas, elle déshabille l'autre: c'est toujours plus sympa.

Même si dans la profusion des réalisateurs qui sont passés par-là, tous les reportages ne se valent pas et qu'il y'en a qui sortent du lot, je m'étonne encore (optimiste que je suis) de l'intérêt porté à une émission qui serait le top du témoignage sociologique, limite anthropologique. Le délire a même contaminé le créateur du machin se prenant dans les colonnes du Monde pour le Jean Rouch de "l'an 3000"

"Ce n’est pas de la téléréalité, c’est de la télé qui filme la réalité" répond Erwann Gaucher à Bruno Roger Petit. La télé qui filme la réalité ? Cool. Ça marche aussi pour le JT Erwann ? Bah oui, parce que ça marche pour tout en fait. La télé filme par définition. La "téléréalité" n'existe pas plus que n'existe la réalité à la télé. Restent les strates de préparation et les maigres interstices de spontanéité échappant à ce que l'on veut nous montrer. 

Les seuls indicateurs de réalité que nous offrent Strip-Tease et ses variations TNTesques, c'est le degré d'accoutumance au moche de ses spectateurs, et l'aptitude progressive de l'audience à jouir du spectacle de l'autre (et à le revendiquer dans ce cas précis).

La réalité française ? C'est paradoxalement à la fiction de nous la donner, on y trouvera probablement plus de force dans le reflet de ce que nous devenons. Mais bizarrement, les fictions sur les classes populaires (comme les classes moyennes) sont denrée rare dans la création hexagonale. Vrai que ça coûte un peu plus cher à faire, que ça demande du talent et que le blockbuster  débile pour centre co' ça marche mieux. Alors, on opte pour "le vrai" d'un Strip-tease (c'est-à-dire le vil, le niais ou le crasseux sinon c'est pas cocasse coco) et ainsi le service public contribue à propager l'idée en mode lol et "culte" que peuple et pauvres cons sont des mots qui vont bien ensemble.

Article connexe : 

Illustration : F for fake, O.Welles (1974)

Strip Tease. Le Confessions Intimes des gens biens dans 2012 les barnums de l'info

[1] Des émissions comme "Perdu de vue" ou "psy show" qui ont aussi débuté au milieu des années 80, au même moment sur les chaines privées ont en revanche subi les bombardements critiques des bien-pensants. Alors qu'à bien y regarder, elles apportaient un "plus" même minime aux personnages filmés : elles tentaient de résoudre leur problème.

[2] Emission mettant en scène une mannequin courtisée par des types castés pour leur physique, disons particulier, et leur approche, en territoire inconnu du genre féminin. L’argument avancé est de jouer les entremetteurs et de rassembler les coeurs. Le but est évidemment de rire du plus moche et du plus con que soi (et les candidats sont systématiquement mis en scène ainsi).

15 comments:

Anonyme a dit…

Bombay Beach, en ce moment sur Arte.
Rafraichissant.

Anonyme a dit…

"et ainsi le service public contribue à propager l'idée en mode lol et "culte" que peuple et pauvres cons sont des mots qui vont bien ensemble"

oui... bon... mais en réalité c'est tellement vrai aussi! Y a qu'à voir les résultats des Présidentiels l'étron en chef a failli repasser!! Salauds d'pauvres!!

renepaulhenry a dit…

C'est quel jour de la semaine que tu es content?

Unknown a dit…

Stip Tease est peut être une émission qui s'est dégradée avec le temps. En témoigne c'est excellent sujet de Pierre Carles tourné pour eux il a une quinzaine d'année :
domino's pizza

Seb Musset a dit…

@renepaul > Je m'inscrit ici en fax et trouve le principe des jours de la semaine proprement scandaleux.

Anonyme a dit…

Zol, Zola... excellent choix de totues façons, mais quelle oeuvre exactement ?
"La Terre", peut-être ?
Pas vu Strip-Tease, mais on pourrait quasiment dire la même chose de "La Terre", non ?

Ma question est sérieuse : dans le fond, qu'est-ce qui fait que Strip-Tease, c'est du voyeurisme manipulateur, mais La Terre de Zola, c'est de l'art ?

Seb Musset a dit…

@anonyme > Non sur "l'argent" actuellement. Mais merci du conseil vais lire "la terre".

Art pas art de ST, ce n'est pas le sujet. Dans un cas on a l'image de gens bien réels, dans l'autre une oeuvre de fiction qui traite du réel. Dans le cas de ST, on fait du réel une fiction en faisait passer ça pour du vrai.

Quand je fais des docs, je précise toujours au spectateur que c'est scénarisé. Car ça l'est toujours. Avant, pendant et après. Ça évite la confusion. De plus je demande tjs le droit à l'image APRES le tournage et le visionnage du film par les personnages principaux. C'est une contrainte, un risque économique, mais je ne me vois pas faire autrement.

michel a dit…

J'apprécie l'article d'autant plus que je suis un admirateur de l'émission et fait partie de ces "fans" surement.

Je reconnais la valeur du texte et si j'assume et reconnait sans aucun problème le fait de ce voyeurisme télévisé pour esthète en manque de merde à se farcir, il y a cependant une réalité que tu omet volontairement ou involontairement : cette émission ne déshabille pas seulement les abrutis qui acceptent volontairement de participer à des émissions de téléréalités, mais bien à tout niveaux, hommes politiques, dirigeants d'entreprise et j'en passe.
La téléréalité n'a JAMAIS mis en péril des personnes ayant un rôle majeur de la société,
Faire le pataquès entre télé-réalité et S.T. est pourtant juste mais n'est pas vrai dans vos conclusions sans appels.

Je reconnais pourtant bien volontairement que du fait du montage, découpage, travail qui est d'ailleurs le votre, nous ne pouvons donc classer cette émission comme une réalité mais vers une fiction.
Mais ce fait est reproché à n'importe quelle image, quelle soient vidéos, support photo, etc.

Tout dépend donc du point de vue subjectif et pour avoir un avis objectif, seul l'accès à l'image brute, sans coupage ET la multiplication de tous les points de vue est nécessaire.

Enfin peut-etre je me trompe mais c'est ce que je ressens en vous/te lisant, c'est que oui, cette émission serait à ramener à une échelle d'égalité des autres télé-réalités, mais non, la nature des sujets est unique en son genre.

L'exception qui confirme la règle en quelque sorte.

Anonyme a dit…

Y'a pas à suer, mettre au même niveau strip tease et la télé réalité c'est du grand port'nawak, autant je me gondolais devant confessions intimes émission tir aux pigeons par excellence, truffée de cas sociaux et trépanés du cerveau, je zappais tous les secrets story & co, autant je me délectais de tous les strip tease que j'avais l'occase de mater, et que je me souvienne ça filmait dans toutes les catégories socio professionnelles

Toutatis a dit…

Statistiquement, dans une population de 64 millions d'habitants (7 milliards si on va plus loin), tout est possible. Tous les types d'individus et de destins sont possibles. Donc a priori montrer quelque chose n'apporte rien, puisqu'on sait que ça existe forcément quelque part. La seule chose intéressante c'est de savoir si ce qui est montré est significatif, c'est-à-dire si ça représente 10% de la population concernée (les agriculteurs en l'occurence) ou 0,000001%. Malheureusement, la plupart des reportages montrant des "tranches de vie" ou des comportements, voire même des reportages plus sérieux, oublient ce détail.

sivergues a dit…

-Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a- Matthieu

Urbi et Orbi a dit…

Au programme de ce soir :
"mâche et crève, l'argent n'a pas d'odeur et adopte un père.com".

Zola ne semble pas être le seul à parler d'argent.

Voilà qui devrait vous ravir et vous donner l'occasion d'un bon mot.

Seb Musset a dit…

@Toutatis > Exact. Pour cela que l'argument sociologique avancé par les auteurs est une mascarade. Quant à l'alternance des "classes sociales" de l'émission. Bof. J'ai effectivement le souvenir d'un reportage dans une usine de tissage, avec des ouvrières se faisant hurler dessus. Il me semble que cela n'a rien changé à la donne.

@Urbi & Orbi > Pas regardé. Au même moment, il y'avait "Cruising" de W.Friedkin sur Arte avec un Al Pacino en jockstrap dansant sur du Blondie. Ça valait le détour.

ALX a dit…

@Seb

Pas très fan de strip-tease, bien que quelques passages m'ont bien fait marré! Mais honnêtement je préfère largement cette émission au petit journal (Des journalistes qui filment les doigts dans le nez et les gens qui se grattent le cul ça m'effraient un peu).

BA a dit…

Mercredi 11 juillet 2012 :

Maths, français, anglais : il manquera, dans les collèges et lycées, des centaines d'enseignants à la prochaine rentrée, dans ces matières pourtant fondamentales. Pourquoi ? Par manque de candidats aux concours, selon un document que s'est procuré l'AFP.

Aux derniers concours du Capes externe, 706 postes n'ont pas été pourvus, faute de lauréats, soit près de 15 % des postes proposés :

En anglais, 131 postes n'ont pas été pourvus, soit 17 %.

En math, 652 admis pour 950 postes offerts, soit un poste sur trois non pourvu.

Et l'on atteint des sommets en lettres classiques, 75 admis pour 170 postes proposés, soit 56 % des postes non pourvus.

Le problème ne date pas d'hier. En 2011, 978 places offertes aux Capes externes étaient restées vacantes, essentiellement, là aussi, en math, lettres classiques, lettres modernes et anglais.

Le métier d'enseignant est perçu comme "anxiogène, difficile et mal payé" (syndicat).

Pour les mathématiques, cela s'explique par la dynamique du marché du travail qui recrute, plus qu'hier, des profils scientifiques, dans le domaine informatiques notamment.

Quant aux autres matières, c'est la réforme de 2010 sur la formation des enseignants qui est en cause : désormais, les profs sont recrutés à bac+5. Or, il y a 300.000 étudiants de moins en master qu'en licence. Dans l'enseignement comme ailleurs, le mieux serait parfois l'ennemi du bien...

Côté syndical, on met en avant le manque d'attractivité du métier : perçu comme "anxiogène, difficile et mal payé", écrit le SE-Unsa (enseignants du second degré) dans un communiqué. Le retour de la pédagogie dans la formation des profs pourrait être un élément de réponse. Mais pour les syndicats, le nouveau gouvernement n'y coupera pas : il devra "s'attaquer à la rémunération des enseignants."

http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/des-centaines-de-postes-de-profs-vacants-faute-de-candidats-671895-2012-07-11

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