31 janvier 2011

D'une révolution l'autre


Le Monarque avait raison. 2011 sera une année utile. Janvier n'est pas fini et voilà déjà la seconde révolution près de chez nous. Après la Tunisie, la rue égyptienne est le théâtre de la passion populaire pour le catapultage artisanal de pouvoir autiste.

Avec toute cette agitation, tu trépignes et t'interroges : les mouvements auxquels nous assistons sur écran sont-ils exportables chez nous ?

Rappelons d'entrée que les révolutions en question ne sont ni de coton, ni de twits, ni de jasmin. Elles font des morts.

Ensuite.

Malgré nos constats accablés sur La France qui va mal, nombreux sont ceux aujourd'hui à vivre mieux  qu'il y a quatre ans. Bonne santé, bonne retraite, placements immobiliers, avec un petit héritage sans frais de succession là-dessus : ils ont des cheveux blancs, peur de l'autre et on les croise souvent en 4X4. Les situations de rentes sont plus florissantes pour la partie haute de la société (nous ne parlons pas ici des très riches) depuis l'élection du Monarque et sa cascade de cadeaux fiscaux (alibis pour passer la pilule des grosses défiscalisations pour les très riches). 

Nos bienheureux alimentent malgré eux le sentiment de "déclassement" chez leurs grands enfants (en gros de 30 à 50 ans) qui ragent en silence de ne pas pouvoir surconsommer avec la même insouciance, et  tempèrent cette colère par le crédit.

Le jeune insurgé, lui se fait rare. Pas le temps, il cherche un stage.

Quant à la priorité du type vraiment dans la galère : survivre. 

Hors des registres publicitaire ou commémoratif,  le mot "révolution" et le concept lié ont également mauvaise presse, méprisés par les politiques, conspués dans les tribunes "sans tabou" des insoumis du "politiquement incorrect" dont on se demande en quoi ils sont insoumis et incorrects dans la mesure où ils vont toujours dans le sens du pouvoir en l'encourageant à aller encore plus loin : la pensée réactionnaire remue du ressentiment populaire, appelle au respect du 14 juillet, mais surtout, surtout, détourne le citoyen de la contestation pour mieux le modeler aux doctrines libérales. Mais je m'emporte. Revenons à la question :

Pour contrer la funeste destinée que sa classe dirigeante lui bétonne, de telles mobilisations sont-elles possibles dans notre pays où les vieux dominent, où les jeunes ont des rêves de vieux, où politiques et médias entretiennent ce climat ? 

Oui.

Mais il faudrait...

1 / Une prise de conscience de tous les autres.
Préalable à tout mouvement, la "révolution" doit d'abord être intime. Dans la société du consentement, où la corruption se décline dans nos actes quotidiens, chacun peut, doit, agir à son niveau pour freiner, déjouer, ralentir ou carrément contrer la machine à opprimer.

2 / Une jonction des mécontentements.
Pas de mouvement non plus sans un rapprochement entre la jeunesse, cherchant à s'insérer, et "les insérés", plus âgés et mal traités. Leur incapacité à se fédérer en classe réactive et l'entêtement d'une majorité à rester scotchés aux standards d'avant, sont les deux drames de l'époque parachevant tous les autres. A ce sujet, l'analyse du "déclassement" doit sortir de la seule thématique du "manque de pouvoir d'achat".[1]

3 / L'indispensable étincelle.
Les sermons des présidents européens, avocats zélés du néolibéralisme, sur l'inexorabilité des politiques de rigueur nous en rapprochent chaque jour un peu plus. Mais cela ne suffira pas. Le suivi médiatique (là, internet a un rôle à jouer) des conflits sociaux, des mouvements de contestations (comme, par exemple, cette grève de la faim des CRS contre les réductions d'effectifs !) est décisif. Là-dessus, une bonne grosse gaffe présidentielle peut foutre le feu (même que cette option est la plus probable de toutes).

Cumul des révolutions intimes, prise de conscience de nos intérêts communs, jonction  : ce jour-là, oui, les salariés du privé défileront aux côtés des fonctionnaires, les jeunes aux côtés des quinquas licenciés, les chômeurs avec les retraités aux petites pensions, pour renverser l'ordre "sans alternative" qui les malmène tous. Même que ça fera un carton sur internet ! Nous sommes le pouvoir, la force et le nombre. Par paresse et confort, nous l'avons juste oublié. Merci aux tunisiens et aux égyptiens de nous rafraîchir les idées. 

* * *

[1] Le déclassement c'est également : la casse continue des acquis sociaux, le piétinement des valeurs républicaines, la dégradation des conditions de travail, mais aussi la dégradation programmée des services publics pour les faire basculer dans le privé, l'alimentation au rabais, la prégnante rengaine de la résignation et la  contamination de nos consciences à la rentabilisation du moindre aspect de nos vies, aux mécaniques d’isolement et de défiance des uns envers les autres que nous propageons en pilote automatique. 

16 comments:

Anonyme a dit…

Merci pour ce poste et surtout de penser aux martyrs de telles révolutions.

@++

Anonyme a dit…

Donc pour résumer, encore 5 à 30 ans d'attente. Finalement les Egyptiens et Tunisiens ont vachement d'avance sur nous.

Vallenain a dit…

a-t-on besoin d'une révolution ? A-t-on besoin d'avoir des morts en France ?

Relativisons un peu et voyons dans quelles conditions étaient ces pays qui aujourd'hui se révoltent. C'est pour nous ressembler qu'ils le font. On a besoin d'une prise de conscience, ok, mais d'une révolution, je ne crois pas. On peut, et on doit, encore passer par les urnes, le débat, et l'éveil politique pour faire de la France le pays dans lequel on aime vivre.

Seb Musset a dit…

La suite des évènements est quelque part entre les deux derniers commentaires.

NicoP a dit…

Celui qui meurt d'envie de faire la révolution, c'est David Cameron:

http://uk.finance.yahoo.com/news/Davos-WEF-2011-Day-Three-tele-3011294709.html?x=0

"Cameron wants a strongly deregulatory agenda to unleash the power of enterprise and markets"

"Cameron tells Davos Europe needs deregulation drive"

"David Cameron called on Friday for a major European Union drive to deregulate business and said last year's European bank stress tests did not go far enough."

"David Cameron said there must be a 'genuine single market' in Europe, while markets should be deregulated so businesses can grow."

Yeeha cowboy.

Stephane a dit…

Je crois qu'il ne faut pas sous estimer notre capacité d'indignation, même ici en France...

Anonyme a dit…

Ce n'est plus quand mais comment ...Mais voilà encore que ce peuple d'Égyptien nous montre la voie a suivre http://www.theatlantic.com/international/archive/2011/01/egyptian-activists-action-plan-translated/70388/

A méditer !!

bonne route

gauchedecombat a dit…

seb M. : jamais deux sans trois... le Yémen, Seb, le Yémen ! personne n'en parle... c'eest décourageant.

http://www.lexpress.fr/24henimage/le-yemen-s-embrase_956850.html

Anonyme a dit…

Ah ah ah, faire la Révolution au sein de la République en révolution permanente (tout est révolutionnaire, tu l'as sans doute remarqué en fin observateur de la médiacratie!), de l'I-Prout au Blue-Raie -publique?-, du nouveau décor du Jité à la dernière Citroenopipo, du dernier ticheurt d'Obama le Révolutionnaire au dernier cédé de Zazouille, la Révolution est partout.

Alors, pourquoi pas une contre-Révolution? Ce serait un peu plus politiquement incorrect. Laisser tomber ces valeurs et ces Droidelhomme à consommer, abandonner tout simplement ce système, lui tourner le dos, sans cris, sans bains de sang si chers à la République qui ne tolère surtout pas qu'on la contre-dise.

Quand cette Ripoublique ne reposera plus que sur les 10% de retraités et de winners en 4x4, ces deux catégories finiront de s'entre-dévorer dans l'indifférence générale.

Mais tu sais bien que le Système Ripoublicain, Zemmour en chevalier Bayard en tête, cherche précisément le contraire: monter les gens (sous-entendu tabou= "les minorités visibles") les une contre les autres pour en tirer les marrons du feu. A tel point que Marine Le Pen apparaît désormais plus modérée que Mélanchon. Plus c'est gros plus ça passe.
Gouverner par le chaos, c'est pas la devise des Loges? Faudrait lui demander à Mélanchon la prochaine fois, tiens.

Un autre Séb.

Anonyme a dit…

Il me vient un exemple complètement idiot mais le parallèle est parlant. Et j'ai mérité mon point Goodwin.

Imagine-toi qu'un type, baignant dans le IIIième Reich se mette un jour en tête de le réformer pour corriger ses "excès" et le rendre "gentil, beau" etc. Tu vois le tableau? une croix gammée rose bonbon? Je n'ai même pas pas besoin d'entrer dans les "détails" pour que tout le monde comprenne.

Quand la pomme est pourrie, s'il ne reste que le trognon pour s'en nourrir, moi je le jette pendant que j'en ai les moyens plutôt que d'attendre de crever tellement de faim que j'en soit réduit à devoir bouffer le trognon en question.

Le réformisme à deux balles, non merci. On voit bien ce que cela donne quand les cons votent pour des gens qui n'ont aucun intérêt à ce que les choses changent mais préfèrent encore qu'elles pourrissent sur pied.

"Qu'ils s'en aillent tous!"? Mais qui? Le peuple ou celui qui le dit?

Un autre Séb.

Rafo a dit…

Il semble que le Koweit, certes pas pour la bonne raison mais quand même, découvre la signification de "partage de la richesse".

Anonyme a dit…

catégorie révolution intime : après avoir travaillé 8a dans une banque d'investissement comme informaticien, j'ai changé de taf, histoire de ne plus me lever le matin en me disant que je contribuais (modestement) à la crise financière qu'on nous sert depuis déjà presque trois ans.

Et tant qu'à faire, j'ai changé de banque tout court. Parce que ça me chiffonnais un peu le moral de me dire que mes économies servaient à ma chère banque à faire joujou sur les marchés (investissement en compte propre qu'ils disent... 1- je vois pas ce que ça a de propre 2 - les banques ne le font pas avec leur argent, mais avec celui qu'on dépose sur NOS comptes d'épargne).

Suis donc passé dans une banque coopérative (pas d'actionnaires et pas d'investissements dans les produits toxiques de la finance de marché).
Il m'aura fallu trois semaines, pour que mon dossier soit validé. Pas parce qu'ils sont lents, pas parce qu'ils n'y a pas de rentiers derrière pour pousser à la roue de la rentabilité stakhanoviste, tout simplement parce qu'ils reçoivent trop de demandes en même temps depuis l'année dernière ("ze cantona touch" ?)
C'est rien comme geste, on fait pas la révolution avec sa carte bleue, j'en conviens, mais au moins, chacun à son échelle peut décider de ne plus cautionner implicitement ce qu'ils dénoncent par ailleurs.

Ju a dit…

"les révolutions en question ne sont ni de coton, ni de twits, ni de jasmin. Elles font des morts."
Elle font aussi de l espoir, de l espoir de faire bouger les choses ensemble, de l espoir pour demain, de l espoir, justement que ces personnes disparues ou que l on n arrive pas a joindre seront la quand on ira a leur rencontre.

Anonyme a dit…

Chez Free, la Révolution a un prix : 38 € ! :)

ARTHUR a dit…

"...suis passé à une banque coopérative", affirme l'un des commentaires. Laquelle ? Crédit Coopératif ? Caisse d'Epargne ? Banque Pop ? La démarche est certes louable et probablement
honnête, mais ne serait-elle pas un tantinet candide ? Si l'on y regarde de plus près le Crédit Coopératif, par exemple, qui est, à priori, la banque qui véhicule avec le plus de crédibilité les valeurs coopératives, est acoquiné-par le biais de prises de capital- à la Caisse d'Epargne qui est elle-même -par le biais d'une fusion- associé à la Banque Populaire... Le président du Directoire de ces banques se nomme PEROL, énarque grand ami du petit nerveux de l'Elysée... Et le dit PEROL vient d'ailleurs d'empocher un bonus mirobolant de plusieurs millions d'€... C'est l'histoir du serpent qui se mord la queue. Moralité : hors la mise cul par-dessus tête du système, point de salut.

BA a dit…

Dégage, Louis XVI !

Dégage !

Deux avions pour le voyage Paris-Bruxelles de Sarkozy.

La presse belge épingle, samedi 5 février, le déplacement de Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat s'est rendu vendredi à Bruxelles pour un sommet européen. Et, selon les quotidiens belges, il a choisi de faire les 300 kilomètres qui séparent les deux capitales avec... deux avions.

Outre l'avion présidentiel, le fameux A330, en service depuis 2010 et rebaptisé "Air Sarko One" par ses détracteurs, la présidence française avait également affrêté un Falcon Tx, plus petit. La télévision belge a filmé les deux appareils :

L'achat et la mise en service de l'A330 présidentiel avaient déjà donné lieu à une polémique sur le coût de l'appareil et de sa transformation pour répondre aux besoins du chef de l'Etat : 176 millions d'euros au total.

Celui-ci communique depuis sur l'économie réalisée en vendant les deux appareils précédents. Il a également précisé à quelques reprises que cet avion serait moins polluant que les deux petits A 319 utilisés précédemment. L'argument ne fonctionnera pas pour le voyage Paris-Bruxelles.

Pour en savoir plus : "Air Sarko One", un avion devenu symbole du "bling bling" présidentiel.

20 000 EUROS L'HEURE DE VOL.

Le mensuel Terra Eco avait déjà épinglé la présidence, estimant, en novembre 2010, que Nicolas Sarkozy était le 6ème plus grand émetteur de CO2 parmi les chefs d'Etat et de gouvernement.

"S'il avait voyagé avec Air Sarko One dès cette année (2010), il aurait multiplié par 2,5 ses émissions de CO2. Ce qui l'aurait ramené en deuxième position de ce classement", jugeait le magazine.

Nicolas Sarkozy avait par ailleurs fait valider par Matignon, à l'été 2010, une note demandant aux ministres d'éviter autant que possible les déplacements en avion s'ils pouvaient les remplacer par le train. Note qui ne concernait visiblement pas l'Elysée.

Le voyage entre Paris et Bruxelles en TGV Thalys dure en moyenne une heure et vingt minutes.

Une heure de vol de l'A330 présidentiel revient environ à 20 000 euros ; celle d'un Falcon TX revient à 7700 euros.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/02/05/deux-avions-pour-le-voyage-paris-bruxelles-de-sarkozy_1475716_823448.html

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