15 juin 2009

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Hadopi n'a pas fini de les tuer


Ce soir à l'international, c’est fête gratuite pour célébrer la fin (mais pas vraiment mais c’est quand même fini) d’Hadopi, la loi sparadratique sur un navire qui prend l'eau : Celui de la gestion pyramidale des flux de communication et d'information.

Nostalgie. 9 ans déjà, et une galaxie spatio-temporelle technologique depuis : Je découvrais Napster à Maisons-Alfort chez un copain qui était à la pointe de la technologie avec sa connexion 128k. Je me souviens encore du premier titre que j'ai téléchargé : Thank U d’Alanis Morrissette et de ce sentiment grisant récompensant 35 minutes d'attente, à l’écoute de la chanson au format mp3, d’entrer, ce jour pluvieux de février, dans une nouvelle dimension de la consommation musicale.

En avant la musique. Les mois qui suivirent furent, pèle-mêle, le réceptacle sur CD (à l'époque l'espace disque coûtait bonbon) de l’intégrale de Funkadelic, de Maceo, du « Spirit of the Boogie » de Kool and the gang (à ce jour toujours pas édité en CD) de multiples ajouts à ma collection de bandes originales de films grâce à des types encore plus fans que moi à l'autre bout du monde.

Surfant sur un vide juridique, face à l’absence de réaction des maisons de disques paralysées dans leur coma diabétique par sur-dose de blé, les Napsteriens n’avaient pas le sentiment de faire le mal. Ils avaient à leur disposition un logiciel simple et très bien fait, couplé à un moteur de recherche dont même mon père savait se servir.

Nous n’étions pas des pirates mais des passionnés de musique. Le pirate est l’ennemi de l’artiste, pas les fans de musique. Le pirate de l'informatique est également quelqu’un qui a des compétences dans ce domaine, ce qui était alors très loin d’être le cas des fans de musique.

Après la mise en échec de Napster en juin 2001, il y eut un moment de doute vu que la majeure partie d’entre nous n'y connaissait rien (votre rédacteur a touché, forcé et effrayé, son premier ordinateur en 1999). Très vite, deux jours je crois, un autre logiciel fit surface, encore mieux : Kazaa incluait un player et permettait de graver.

Comme Napster s'était imposé en quelques mois comme le Windows du téléchargement et que sa disparition nous plongea dans la détresse du toxico et des abysses d’inquiétude, la communauté des développeurs eut ce reflex sain de diversifier l’offre, cassant les monopoles et compliquant les tentatives de répression.

Côté musique c’était toujours le gavage, côté informatique c'était encore la préhistoire. Dès qu'un nouveau logiciel bugait ou était condamné par quelque obscur cour locale, tout se soignait d'un coup de google et l'on trouvait dans la minute un nouveau soft p2p "révolutionnaire" développé par les meilleurs programmeurs du monde (qui auraient très bien pu officier pour Monsieur Nègre si celui-ci avait bougé le petit doigt, son cerveau et le chéquier qui va avec).

Ce fut un long et nonchalant bonheur de six ans où les logiciels se perfectionnèrent sur fond de forte hausse du taux d’équipement et de généralisation de l’ADSL. Six ans : Une vie pour un ado, deux sur le réseau. Pour les autres, même s'ils s'en défendent, le pli était pri.

C’était dans les premières semaines de Napster qu’il fallait introduire la notion de paiement à l'acte. La plupart d’entre nous étions alors plus fascinés par la facilité, la multitude de l'offre et la rapidité (35 minutes, pfff…) du logiciel que par son côté gratuit qui apparaissait comme la cerise sur le gâteau.

Mais non, l'industrie du disque pourtant déjà bien fusionnée s'évertuait à se chamailler, chacun voulant tirer l'exclusivité d'une "norme" qui ferait loi. Pour une fois, c'est le principe de réalité virtuelle qui fit loi. Mp3 égalait gratuit et en moins de six ans, musique égalait Mp3. Tandis que la jeunesse du monde s'engouffrait dans la brèche, les gouvernements de l'époque, et notamment le notre, tâtaient à peine du mulot.

Vint 2007 et la nouvelle génération de processeur monarchique, Pensum 2. La droite française toujours à la pointe du « progrès » et de la défense des puissants, prit en grippe les méchants mélomanes du réseau et se mit en tête à l’instar des sans papiers, des chômeurs, des grévistes, des écoliers, d'eux aussi les rendre criminels en usant de sa méthode de gestion favorite : la peur.

Patatras. Grâce à ce marketing de la « peur », auquel vinrent s'adjoindre pachydermie et méconnaissance, ce gouvernement aura réussi à intéresser foultitude d’internautes à des questions de base que, aveuglés par le boum technologie et cette fuite exponentielle en avant des capacités d’information et de divertissement qu'offre internet, ils ne se posaient même plus :

- « Est-ce criminel d’aimer la musique ? »

- « Pourquoi devrais-je réduire mes libertés individuelles au seul nom du portefeuille de Pascal Nègre ? »

- « Si le pouvoir se met à contrôler et à me réprimander pour ce que j’écoute, pourquoi ne étendrait-il pas un jour prochain son champ d'action à ce que j’apprends sur internet, ce que je lis sur internet, ce que je que dis sur internet ou… ce que je suis sur internet ? »

2008, le gouvernement s'entêta dans sa prohibition et le fit savoir à grands coups d'éclats plein de morgue où l'internaute pu constater :
1 / des lacunes technico-générationelles fondamentales de ce gouvernement
2 / De sa lacune du fondement démocratique.
3 / Qu'à défaut, le petit 2 se substituerait dans la force et l'iniquité au petit 1.

Poursuivant son petit bonhomme de chemin à contre sens de l'histoire, appelant à une répression discrétionnaire tout en s'adjoignant le soutien des artistes ayant le plus d'écoute (et de droits Sacem)[1] pour défendre l'intérêt de ceux qui n'ont jamais la parole (et pas de droits Sacem), ce gouvernement aura réussi l'exploit d'orienter les internautes (simple consommateurs non-geeks) vers ces obscurs concepts qui n’avaient alors aucun sens pour eux : IP anonyme, proxy, firewall, libertés individuelles… et d'ainsi développer chez eux des qualifications techniques et des réflexes républicains qu'ils n’auraient jamais du avoir.

Chacun surfe désormais bien plus sécurisé, télécharge bien plus tranquillement, déterminer à contourner VOLONTAIREMENT d'hypothétiques barrières, tout en s'intéressant de plus en plus près au travail législatif de ses élus. Ce que, jusqu’alors, la plupart ne faisait pas.

L’idée même d’une loi anti pirate ne peut que générer une seule chose : des pirates dans le sens initial du terme : Des gens qui esquivent et s'emparent à la fois des contenus et du contenant.

Au-delà de la musique (aujourd'hui concept largement dématérialisé), Internet (média délaissé 10 ans par la génération au pouvoir) représente pour la plupart de ses utilisateurs un média complet, infiniment plus riche en informations et analyses que ceux conventionnels (classés à tort ou à raison affidés du pouvoir), un média dont l'oxygène semble est la gratuité. S'il y a modèle économique, il est à la carte suivant les niches, les audiences et les services proposés. Il ne répond à aucune loi si ce n'est au désidérata de l'émetteur.

Cette histoire de liberté des mœurs qui commence avec Napster et n'en finit pas avec Hadopi est un nouvel exemple de l'absurdité de lois purement répressives : A court terme le but parait atteint mais en retour cela génère bien plus d’effets contre-productifs pour l’instigateur du décret.

la loi Hadopi est une loi d'arrière-garde, en revanche le combat contre Hadopi est à l'avant-garde des libertés de demain. Difficilement analysable aujourd'hui puisque l'histoire s'écrit par morceaux et sur forums, une ligne de résistance est née sur internet [2] qui sera célébrée ce soir, en musique. Comme la prohibition, la liberté sexuelle, le combat en cours est celui de la liberté d'émettre, d'échanger, de s'informer, de se rencontrer et le choix de faire tout cela pour rien, ou presque.

Merci à Monsieur le Processeur de la République, merci à sa carte mère Albanel, merci à l'anti-virus Lefebvre [3] d'avoir défoncé les portes d'un nouveau combat pour l'émancipation et la revendication de nos libertés. Notre génération en avait grand besoin.

[1] Tout est une question de point de vue. Reprenons l'exemple du boulanger de Monsieur Arditti : Si je pars de la boulangerie sans payer ma baguette, je suis un voleur. Certes, dans le cas où l'artiste serait le boulanger. Si l'artiste est le fabricant de farine et le provider un boulanger, une haute autorité de la levure doit-elle me contraindre à payer chaque bouchée de ma baguette ?

[2] Pour que dans 20 ans elle puisse dire avec émotion, "tain j’faisais partie de cette génération qui a nettoyé les vieux cons !"

[3] Powered by Windows 98.

6 comments:

Anonyme a dit…

voir la loi de prohibition de l'alcool aux usa en 1919, un vrai catastrophe !
l'histoitre begaie.

Michel a dit…

L'honnêteté ce n'est que pour les gueux. Une prison psychologique destinée à le laisser hors du partage. Depuis toujours les puissants marche sur les autres en les gavant de bonne morale. Et le troupeau continu à tenter de se justifier dans son système de pensée d'esclave.
Mais le pillage est naturel chez les puissants, les multinationales pillent les ressources et tuent, l'oligarchie pillent le produit du travail.
Alors à toi de voir...

Anonyme a dit…

Cher funkateer,

"Spirit of the Boogie" de Kool & The Gang a fait l'objet d'une édition CD purement américaine il y a une douzaine d'années (j'étais à Washington quand c'est sorti)

Amicalement,

M!les

Alain Th. a dit…

"tain j’faisais partie de cette génération qui a nettoyé les vieux cons !"

C'est très juste...
La gueule dubitative de nos enfants quand on parlera de ceux qui étaient pour Hadopi ! Comme quoi mai 68 n'est pas "liquidé" : ce combat contre hadopi l'a réactualisé, en tout cas son esprit.

Unknown a dit…

Cette loi vise les "peer to peer" et non pas les téléchargements via les sites d'hébergements tels que Rapidshare ou Megaupload sur lesquels il est beaucoup plus facile, rapide et sûr (pas de virus) de se procurer la musique et les films de son choix.

duxis a dit…

la défense de la "propriété intellectuelle" (si ça veux dire quelque chose...) n'est qu'un prétexte au flicage du net et à la réduction des libertés(encore)
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http://www.alterinfo.net/DECRYPTAGE-SARKOZY-ET-SON-OEUVRE-DE-CONTROLE-DU-NET_a33018.html
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http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/05/18/apres-la-dadvsi-et-hadopi-bientot-la-loppsi-2_1187141_651865.html
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Pericles saura tout de toi...
"The little Big brother is watching you"
;o)

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