Mercredi 8 avril, 14h00 : Boulevard St-Michel, remontent jusqu'à mes oreilles intéressées les échos d'un attroupement improvisé.
Des policiers repoussent une centaine d’étudiants ayant monté des barricades à l’arrache depuis La Rue des Écoles vers le Boulevard. Au loin, sur les quais, j'aperçois les gyrophares encadrant la fin d'une autre manifestation contre "le délit de solidarité".
C’est ainsi à Paris depuis que nous sommes en Sarkozie : Une manifestation s’achève, une autre s'éveille.
Une étudiante hurle : "Tous à Port-Royal !" Ses compagnons remontent le boulevard au milieu de la voie bloquant la circulation. La collective des égoïsmes des conducteurs, à base de demi-tours précipités sur vocabulaire haineux, provoque l'immobilisation des boites à excédés. Heureusement surpris par la spontanéité et la détermination de l'embardée estudiantine : Barricade, blocage du trafic et gestion maladroite par des policiers à deux doigts du débordement, je les piste aux sons des tambours et retrouve étudiants, lycéens et enseignants à Denfert-Rochereau.
Le rassemblement d’environ trois mille personnes contre la loi LRU descend vers le Boulevard Montparnasse, direction le Ministère de l’éducation. Cliché du bitume, une vieille acariâtre hurle sur les feignants qui font encore grève.
Selon les médias, le mouvement des universités s’essouffle. Personne ici, ne me semble essoufflé. A l’angle d’un boulevard Raspail anormalement sous quadrillé par les policiers (Est-ce une nouvelle méthode du ministère de l’intérieur depuis les émeutes de Strasbourg : Contrôler de loin et laisser survenir la casse pour faire de l’image au 20h et ainsi réaffirmer la nécessité d’un dispositif encore plus sécurisé ?), des sécessionnistes appellent les troupes à s’engouffrer dans les petites rues direction Assas : Itinéraire bis non conseillé et straight-to-boboland. Hésitation de la foule, organisme mou et hautement mimétique. L’encadrement syndical se démène pour garder uni le cortège et menace de problèmes les insurgés. Avec succès. Débarrassé de ses casseurs, le cortège poursuit sa route dans le tam-tam des bidons sur un parcours sciemment étudié par les autorités pour longer des boulevards inhabités à l’écart de toute activité commerciale.
Les slogans : Un million, deux millions, trois millions de pauvres cons. Sarko, Fillon, Darcos : Démission ! On veut étudier pour ne pas finir policier !
J’observe le manège habituel de la police infiltrée. Toujours la même de défilé en défilé, blousons de cuir et camescope au poing, fichant chaque profil.
En contraste avec leur relatif abandon des petites rues, un cordon de CRS bloque La Rue de Rennes et ses commerces (commerces dont un sur deux a déjà fermé pour cause de crise). Je devance les manifestants et remonte le boulevard des Invalides vidé de sa circulation. Une mère, le pas pressé, explique à ses deux enfants pourquoi tant de fureur.
LA MERE
C’est un bon moyen pour eux de faire pression sur le gouvernement !
J’aimerai que le journal télévisé fasse ce devoir d’information.
Pas loin du Ministère, dans la souricière finale, je retrouve le quadrillage classique et oppressant des CRS casqués tandis que les serveurs du bistrot à l'angle, en prévision de l’ouragan, s’affairent au rangement des tables et chaises avant de baisser le rideau. Un septuagénaire à la voix gentille m’entretient de la manifestation de ce matin à St-Michel.
LE VIEIL HOMME
Moi je suis Canadien. Je suis arrivé en France en 58, on m’a donné mes papiers presque sans que je les demande en 62. Ca ne faisait pas tant d’histoire en ce temps-là !
Grondements au loin.
LE VIEIL HOMME
J’ai vu 68, c’était violent. Il y avait de la casse mais beaucoup de bonne humeur. Ils hurlaient pour obtenir mieux. Aujourd’hui ils sont désespérés, ils hurlent dans le vide pour éviter le pire.
La lame de fond est à quelques mètres.
LE VIEIL HOMME
Bon je vous laisse. J’ai beau avoir des papiers, je suis pas naturalisé. En tant que Canadien j’ai pas le droit de manifester en France. On risque de me renvoyer chez moi. Même si je n’y a pas foutu les pieds depuis 50 ans.
Fin de la manifestation. Rangement de banderoles. Il n’y aura pas d’incidents. Ils auraient été inutiles : Peu de journalistes pour les filmer. Je remonte vers Odéon. Les nombreux cars de CRS et de policiers stationnés saturent les ruelles. A partir de la Rue du Cherche-Midi jusqu’à la Place St-Sulpice en passant par La Rue de Rennes et Montparnasse, le quartier n’est qu’un vaste embouteillage qui mettra une bonne heure à se déliter.
Police partout circulation nulle part.
16h00 : Remontant amusé vers mon quartier général, je ressasse mes observations de l'après-midi : Multiplication des foyers de mécontentement, embryons de manifestations sauvages et paradoxale paralysie policière pour cause de sur effectifs embourbés. Avec un bon carnet de contacts twitter, pourraient être mises en places des manifestations bien plus vivaces et contraignantes pour l’activité de la cité que ces bons vieux défilés pépères sur itinéraires désaffectés où, du syndicaliste au policier en passant par votre rédacteur, on croise toujours les mêmes abonnés.
Des policiers repoussent une centaine d’étudiants ayant monté des barricades à l’arrache depuis La Rue des Écoles vers le Boulevard. Au loin, sur les quais, j'aperçois les gyrophares encadrant la fin d'une autre manifestation contre "le délit de solidarité".
C’est ainsi à Paris depuis que nous sommes en Sarkozie : Une manifestation s’achève, une autre s'éveille.
Une étudiante hurle : "Tous à Port-Royal !" Ses compagnons remontent le boulevard au milieu de la voie bloquant la circulation. La collective des égoïsmes des conducteurs, à base de demi-tours précipités sur vocabulaire haineux, provoque l'immobilisation des boites à excédés. Heureusement surpris par la spontanéité et la détermination de l'embardée estudiantine : Barricade, blocage du trafic et gestion maladroite par des policiers à deux doigts du débordement, je les piste aux sons des tambours et retrouve étudiants, lycéens et enseignants à Denfert-Rochereau.
Le rassemblement d’environ trois mille personnes contre la loi LRU descend vers le Boulevard Montparnasse, direction le Ministère de l’éducation. Cliché du bitume, une vieille acariâtre hurle sur les feignants qui font encore grève.
Selon les médias, le mouvement des universités s’essouffle. Personne ici, ne me semble essoufflé. A l’angle d’un boulevard Raspail anormalement sous quadrillé par les policiers (Est-ce une nouvelle méthode du ministère de l’intérieur depuis les émeutes de Strasbourg : Contrôler de loin et laisser survenir la casse pour faire de l’image au 20h et ainsi réaffirmer la nécessité d’un dispositif encore plus sécurisé ?), des sécessionnistes appellent les troupes à s’engouffrer dans les petites rues direction Assas : Itinéraire bis non conseillé et straight-to-boboland. Hésitation de la foule, organisme mou et hautement mimétique. L’encadrement syndical se démène pour garder uni le cortège et menace de problèmes les insurgés. Avec succès. Débarrassé de ses casseurs, le cortège poursuit sa route dans le tam-tam des bidons sur un parcours sciemment étudié par les autorités pour longer des boulevards inhabités à l’écart de toute activité commerciale.
Les slogans : Un million, deux millions, trois millions de pauvres cons. Sarko, Fillon, Darcos : Démission ! On veut étudier pour ne pas finir policier !
J’observe le manège habituel de la police infiltrée. Toujours la même de défilé en défilé, blousons de cuir et camescope au poing, fichant chaque profil.
En contraste avec leur relatif abandon des petites rues, un cordon de CRS bloque La Rue de Rennes et ses commerces (commerces dont un sur deux a déjà fermé pour cause de crise). Je devance les manifestants et remonte le boulevard des Invalides vidé de sa circulation. Une mère, le pas pressé, explique à ses deux enfants pourquoi tant de fureur.
LA MERE
C’est un bon moyen pour eux de faire pression sur le gouvernement !
J’aimerai que le journal télévisé fasse ce devoir d’information.
Pas loin du Ministère, dans la souricière finale, je retrouve le quadrillage classique et oppressant des CRS casqués tandis que les serveurs du bistrot à l'angle, en prévision de l’ouragan, s’affairent au rangement des tables et chaises avant de baisser le rideau. Un septuagénaire à la voix gentille m’entretient de la manifestation de ce matin à St-Michel.
LE VIEIL HOMME
Moi je suis Canadien. Je suis arrivé en France en 58, on m’a donné mes papiers presque sans que je les demande en 62. Ca ne faisait pas tant d’histoire en ce temps-là !
Grondements au loin.
LE VIEIL HOMME
J’ai vu 68, c’était violent. Il y avait de la casse mais beaucoup de bonne humeur. Ils hurlaient pour obtenir mieux. Aujourd’hui ils sont désespérés, ils hurlent dans le vide pour éviter le pire.
La lame de fond est à quelques mètres.
LE VIEIL HOMME
Bon je vous laisse. J’ai beau avoir des papiers, je suis pas naturalisé. En tant que Canadien j’ai pas le droit de manifester en France. On risque de me renvoyer chez moi. Même si je n’y a pas foutu les pieds depuis 50 ans.
Fin de la manifestation. Rangement de banderoles. Il n’y aura pas d’incidents. Ils auraient été inutiles : Peu de journalistes pour les filmer. Je remonte vers Odéon. Les nombreux cars de CRS et de policiers stationnés saturent les ruelles. A partir de la Rue du Cherche-Midi jusqu’à la Place St-Sulpice en passant par La Rue de Rennes et Montparnasse, le quartier n’est qu’un vaste embouteillage qui mettra une bonne heure à se déliter.
Police partout circulation nulle part.
16h00 : Remontant amusé vers mon quartier général, je ressasse mes observations de l'après-midi : Multiplication des foyers de mécontentement, embryons de manifestations sauvages et paradoxale paralysie policière pour cause de sur effectifs embourbés. Avec un bon carnet de contacts twitter, pourraient être mises en places des manifestations bien plus vivaces et contraignantes pour l’activité de la cité que ces bons vieux défilés pépères sur itinéraires désaffectés où, du syndicaliste au policier en passant par votre rédacteur, on croise toujours les mêmes abonnés.
1 comments:
Et est-ce qu'il a, justement, un compte Twitter, le Seb Musset?
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