Dans notre série Vie de droite retrouvons Tristan le trentenaire, célibataire en colocation à la capitale, en visite provinciale chez ses parents : Jean-François et Églantine Raybanon.
Sous le charmant parasol de chez Maubois et Labouéanderche (l'équivalent de deux RSA socle versés cash) protégé de sa bâche plastique verte Lafoirfouille pour que le soleil ne le burine pas, le couple de retraités et leur nouvel enfant, Mastock un pitbull de 60 kilos, ont mis les petits plats dans les grands pour recevoir Tristan en ce dimanche midi de grillades estivales dans l'ample jardin paysager qui s'étend devant le mas doré.
Boulots incertains après six années de stages sous-payés, loyer corsé pour une cabine de douche dans l'évier, zéro visibilité sociale depuis 15 ans, la vie de Tristan n'est pas à proprement parler un aéroport pour l'optimisme, mais il s'y est habitué et le contact avec la vraie misère lui apprend à relativiser. Il y a en ce bas de monde légions de tourmentés bien plus injustement traités. La preuve.
En effet, à peine attablée pas loin du barbecue à l'américaine type What Else ? avec télécommande et bac à glaçons intégrés, entre la farandole de mini légumes et les brochettes d'agneau à la cannelle, Églantine accablée confie à son fils le précaire qu'elle n'a pas vu depuis un an que sa vie est devenue un enfer:
EGLANTINE RAYBANON
" - Le torchon brûle avec nos portugais."
La phrase en choquerait plus d'un, dans l'environnement primesautier aux précieuses compositions florales, elle glisse sur un Tristan comme l'odeur du prout dans la pissotière. Le trentenaire n'a eu comme seule règle d'élevage que sa famille reste supérieure, en toute circonstance, à la masse suintante et populacière qui cloporte son manque d'ambition par-delà les fortifications du mas doré. La supériorité familiale ne tient pas à des diplômes, une quelconque éducation ou une connaissance du monde. Ici aussi on apprend la vie avec Tf1, les voyages se limitent à six par an en resort sécurisé tunisien (jusqu'aux récents et fâcheux développements) et les rangées de livres des bibliothèques ne servent qu'à colorer d'un lustre savant de grandes pièces bourrées de bibelots laqués, de poupées miniatures, de tables basses et de meubles d'époques (diverses) ordonnées sur la seule base de leur potentiel ostentatoire. La supériorité, c'est un art de vivre. Le lecteur aura donc besoin de précisions historiques pour apprécier le repas familial à sa juste valeur.
Pour veiller sur toutes ces choses, dans cette région sous cloche au moindre abri de bus "vidéo protégé", en plus de Mastock, les Raybanon ont un besoin vital de [leurs] portugais. Ceux-là se succèdent depuis 30 ans, résidant gracieusement dans un pavillon au bout du jardin en échange d'une présence et de tâches domestiques à effectuer au mas doré. Ici, lecteur, on ne s'abonne pas à une télé surveillance comme le vulgaire m'as-tu-vu en pavillon à piscine Jean Desjoyaux. Non, il faut des gens. Il en va du rang et de l'intégrité des Raybanon et du standing dont ils doivent faire preuve dans l'ancienne région paysanne désormais sous OPA foncière des fortunes de France et de Navarre qui viennent s'y shooter à l’authenticité rurale dix jours par an.
Pourquoi ne choisir que des familles dont le patronyme sonne portugais et non maghrébin ou français ? Tristan ne l'a jamais vraiment capté. Probablement un reliquat du début des années 70, période à laquelle la vie des Raybanon (de la décoration intérieure du mas tiré d'un film de boules de Claudine Becarrie à l'interminable attente de la sortie du prochain album de Mike Brant) semble s'être bloquée. Tristan se rappelle qu'à une époque lointaine, face aux clones attifés selon les dernières tendances de la jet-set saumuroise et rassemblés chaque mardi après-midi autour d'un cake à l'orange pour ces réunions tupperware qui constituèrent le firmament de sa vie sociale, Églantine ne tarissait pas d'éloges génétiques sur "le courage du portugais". Et si quelqu'un, ce qui n'arrivait pratiquement dans son biotope de Marie-Chantal, s'aventurait à lui rétorquer qu'il s'agissait là ni plus ni moins de racisme, Églantine s'insurgeait que c'était celui qui disait qui y était et qu'elle incarnait la tolérance même. La preuve : elle n'honorait du récurage de ses chiottes pour une obole symbolique "QUE" des portugais.
Toujours est-il qu'avec les années, au fil de ses visites, Tristan constate que le turnover des familles d'Algarve s'accélère. Même avec un loyer gratuit, les ingrats, las des travaux à pas d’heures et des taches ménagères à effectuer et re-effectuer dans la foulée pour contenter une Églantine compensant la vacuité crépusculaire de son existence de femme de maison désespérée dans l'inexorable remake domestique de Master and Commander, quittent leurs maîtres pour devenir entrepreneurs ou, injure, gardiens d'autres propriétés pour ces vraies grosses fortunes étrangères qui depuis dix ans déboulent dans la région et ne radinent pas sur les pourliches, elles. Tristan les comprend. Larbiner à domicile pour deux sourdingues et acariâtres en pathétique prolongation de trip colonial n’incite pas à la fidélité.
ÉGLANTINE RAYBANON
"- Pff, il va falloir que l'on s'en sépare, car ils ne parlent pas français et ne font aucun effort pour s’intégrer".
JEAN-FRANÇOIS RAYBANON
" - Tu comprends Tristan, ils ne jouent pas le jeu. Ils vont tout le temps voir leur famille à la cité des Bois-jolis et ne sont jamais là pour garder la propriété."
A 8 kilomètres à vol d'oiseau et 42 par des départementales soigneusement alambiquées pour séparer l'enclave des riches de la vallée des gueux dont elle le marqueur architectural le plus repoussant, la cité des Bois-jolis est depuis trente ans l'objet des fantasmes cauchemardesques du couple de golden-retraités. Lecteur, imagine leur tourment alors que le simple écho d'une 307 d'occasion passant à proximité du mas doré provoque déjà chez eux des diarrhées d'angoisse.
JEAN-FRANÇOIS RAYBANON
« - Ils travaillent quand ils veulent. Et le problème majeur, c’est pour la communication. Ils ne parlent pas français. Ça par contre pour toucher le chômage, ils retrouvent le sens des mots. » Lance Jean-François ne connaissant du Pôle Emploi que ce qu'en décrit Valeurs Actuelles, à savoir qu'il s'agit d'un spin-off particulièrement généreux de la Française des jeux.
Tristan tente la remarque que pour "toucher le chômage", il faut avoir un minimum cotisé, donc avoir travaillé. Sans succès. Avec le travail au noir qui, des divers ouvriers et jardiniers bichonnant le mas aux gardiens à l'année, furent ici le standard avant l'arrivée salvatrice des chèques emplois services et autres niches fiscales, il est fort peu probable que "leurs portugais" passés ne touchassent quoi que ce soit du chômage à moins d’avoir effectué un second travail, ce qui n’est pas, même des esthètes comme les Raybanon pourraient en convenir s'ils mettaient exceptionnellement leurs neurones en contact, la définition la plus immédiate de la fainéantise. Mais ce genre de subtilités, ou même de notion même approximative de ce que sont "chômage" ou "travail", sont étrangères à une Églantine qui, par le truchement d'un emploi fictif dans la PME de son mari, s’empiffre depuis dix ans, et pour une bonne vingtaine encore, une retraite qui ferait baver plus d’un smicard.
Tristan laisse filer et se ressert en patates braisées. Rien à objecter sous peine de passer pour un dangereux gauchiste à shooter d’urgence au Xanax comme on le fait en ces lieux pour chiens et enfants à la moindre contrariété. La machine à préjugés moulés à la consommation quotidienne de C dans l’air featuring Michel Godet et rehaussés aux pépites de Figaro Magazine est partie : plus rien ne peut l’arrêter. Tristan se tait et écoute la sagesse des aînés et leur philosophie de poubelle de table en argent massif. L'odieux fils se réjouit de voir les voir bloquer dans une situation qu'ils ont construite de toutes pièces sur les fondations de leur bêtise. Car les pauvres riches vont bel et bien devoir «se priver» de vacances sur la côte, dans leur maison secondaire, car ils ne font plus confiance à leurs gardiens pour garder.
Le mal est fait. La situation sans retour. Le portugais (trop francisé ou pas assez, Tristan ne sait plus très bien) est désormais dépouillé de ses attributs de portugais. Lors de l'ère d'ordre et du respect du plus fort où il faisait preuve de son désir d’intégration en s’empilant 60 heures de tâches domestiques hebdomadaires pour un tiers de SMIC les yeux embués de reconnaissance pour la sollicitude de ses maîtres. Ceux-là avaient encore envers le brave travailleur, la sensation du devoir accompli : ils contribuaient à l'occidentalisation du bon bougre. A force de services, en deux décennies, l’indigène et sa famille sauraient se tenir en société et parler un français irréprochable... même si certains étaient établis en France depuis deux générations, étudièrent à l’école de la République et parlaient sans l'once de l'accent d'un pays dans lequel il n'avait jamais mis les pieds. Jean-François et Églantine ne s’embarrassent pas de ce genre de détails. Au fromage, Tristan se rappelle encore avec émotion, la blessure d'une Églantine vexée que son ancienne bonne portugaise, repartie dans son pays natal jouir d'une retraite amplement méritée (en plus du ménage le jour, elle travaillait de nuit à l’hôpital), ne lui envoie pas une seule carte de vœux après tout ce qu’Eglantine avait "fait pour elle". A savoir lui offrir le privilège d’astiquer ses poupées durant 20 ans pour 3 euros de l’heure.
Mais voilà les temps sont durs, et aujourd’hui Églantine rage, le portugais ne sait plus être convenablement portugais. Il n’y a plus de petit personnel, les relations géodomestiques se distendent.
« - Ils fraudent et viennent ici pour profiter ! »
La température et les verres de vin s’additionnant, s’en suit une diatribe anti-"profiteurs" directement puisée dans les fiches pratiques Copé-Novelli du site de l’UMP qui, malgré le cadre pastel à la David Hamilton, rappelle la saveur programmatique des piliers de troquets interlopes. En substance, la plaidoirie s’articule en trois axes succinctement étayés : les chômeurs sont des feignants, pas assez contrôlés et tout ça c’est la faute aux 35 heures.
Evidemment, Tristan ne peut plus rester muet d'autant qu'il a fini d'éponger la sauce gribiche. Ayant un peu de connaissances dans le domaine, il décide de recalibrer nos deux retraités qui claquent entre deux à trois salaires médians par mois en meubles et travaux de rénovation divers pour leur mini palais.
TRISTAN
" - Bon déjà mon con, les fraudes sociales concernent en grande partie les patrons et non pas les employés ! Deuxièmement, répétons-le car je crois que ce point n'est vraiment pas clair dans ta tête, le chômage ne signifie pas automatiquement rémunération ! Dans la plupart des cas, il signifie juste que tu es au chômage (et encore, il ne suffit souvent pas pour te comptabiliser dans les statistiques officielles). Troisièmement, payons plus le travail et je te garantis qu’il y aura peut-être plus de gens qui auront envie d'être salariés ! Mais ça, la hausse des salaires ton gouvernement de justice sociale (dans un univers parallèle) ne veut pas en entendre parler. Quatrièmement, les 35 heures ont bien peu à voir dans cette histoire : les embauches sont souvent des temps partiels, dés 8 heures par semaine voire moins. Dans ton merveilleux monde de la valeur travail, on est de plus en plus souvent riche sans travailler et fauché en travaillant ! Cinquièmement, pour les contrôles, là aussi, plains-toi à ton poulain qui a bien agi pour démolir, heu pardon moderniser, les Assedics et l'ANPE. Bref, tu peux arrêter d’accabler le portugais de tous les maux puisque, à l’origine de ceux-là, tu as plus de chances de trouver les politiques pour qui tu as systématiquement voté depuis trente ans."
Et, parce que Tristan n'est pas le dernier pour la déconne et la fiscalité, il entraîne les Raybanon dans l'inconfortable zone du slip tâché :
TRISTAN
« - Regarde cet ISF auxquels plein de ménages sont théoriquement assujettis via leur possession immobilière et pourtant s'y soustraient systématiquement en s’appuyant sur la rareté des contrôles et la quasi impossibilité des contrôleurs à établir la valeur d’un bien puisque la loi les oblige à se référer à un autre bien rigoureusement identique : ce qui n’arrive jamais. Votre mas doré là, il éclate de loin le barème de L’ISF. Et pourtant vous ne le payez pas depuis 30 ans. Ça s’appelle comment ça ? Hein, hein ? De la fraude fiscale. Et ce type de fraude constitue 70% du total du manque à gagner des recettes françaises. »
Et paf.
Mais, il en faut plus pour déstabiliser le rupin:
« - Oui c’est vrai il y a des abus. Chez Pinault ou Arnault ou chez les très riches. Mais nous on a travaillé pour l’avoir. »
*
Il est toujours stupéfiant de constater comment, lorsqu'on lui colle le nez dans son caca, le bourgeois, cette machine à moraliser les autres qu'il qualifie de beaufs, se rallie de lui-même à la sécurisante classe moyenne qu'il raillait deux minutes plus tôt. Doté d'un air bag mental instinctif de type Wauquiez, il se met parfois à la défendre car elle le disculpe de toute responsabilité au prétexte que, m'enfin, y a bien pire.
*
Tristan qui a passé l'âge qu'on lui redécore l'histoire sociale des trente-glorieuses façon "nous on a souffert" sait pertinemment que ni Jeff ni Églantine n'ont fourni un travail leur permettant sur cette seule base de maintenir leur train de vie actuel. Celui-ci, hors retraites, est liée pour la partie immobilière à une acquisition à des prix extrêmement bas à la fin des années 70 sur la base d'un salaire en forte inflation (sois précisément l'inverse de la conjoncture actuelle) et pour le reste à 20 ans d'héritages divers dont les deux plus récents, post 6 mai 2007, ont bénéficié de droits de succession allégés. Principe de la relativité bourgeoise et au passage, moteur du vote UMP : c’est toujours ceux qui font le moins d'effort qui insistent pour que les autres s'en cognent plus.
Églantine manque d'avaler son soufflé aux quetsches du jardin de travers lorsque Tristan lui rappelle, mais le savait-elle seulement, que si le prix du mètre carré augmente virtuellement pour le propriétaire, il augmente très concrètement pour le locataire et que ce dernier des derniers ne bénéficie, lui, d’aucun laxisme fiscal.
Mouché et pris en flagrant délit, le père à la surdité sélective, sentant que le déjeuner familial risque encore de tourner au carpaccio d'UMP s'en retourne au code source : à savoir les étrangers sont des feignasses de profiteurs (quant bien même ils sont français depuis 30 ans et/ou qu’ils travaillent depuis 50).
JEAN-FRANCOIS RAYBANON
« - Mais regarde Tristan, une chose qui est dingue : on ne voit que de SDF français. Jamais des Arabes, des Noirs ou des Portugais ! »
Ce voyage dans le cerveau de droite n'en finit pas de stupéfier Tristan. Jusqu'où la connerie ira-t-elle ? Se dit-il. Jusqu'aux prochaines élections et par-delà probablement. Qu'est-ce que son géniteur a-t-il voulu vraiment vomir ? Qu’au final, il n’y a rien à faire : la couleur de peau et le nom de famille prévalent sur la carte d'identité ? Auquel cas pourquoi reproche-t-il à des gens, qu'il ne considérera comme jamais français, de ne pas assez s'intégrer ? Ou veut-il simplement, dans une pure logique rationnelle de droite, qu’il y ait PLUS de couleurs de SDF dans les rues afin que ce qui lui reste d’existence lui soit plus supportable ?
Tristan tente une explication sur les bienfaits d’une solidarité entre diasporas contrebalançant un traitement plus dur envers les minorités et les étrangers, mais il réalise que nuancer les termes de la connerie initiale contribue à abreuver en eaux usées le moulin rance de l’adversaire et, qu'à l’image de la stratégie de communication du gouvernement UMP, il se laisse entraîner sur le terrain du faux débat merdique. Se remémorant soudainement les épisodes de sanglantes joutes familiales en 1992 et 2005 au sujet de référendums dont ses aines furent d’ardents défenseurs (leurs prescripteurs de pensée correcte - toujours en place depuis - leur ayant garanti que c’était le sens du progrès) alors que Tristan passait pour un cagoulard avec son refus, argumenté en plus, de voter "oui", le trentenaire pointe du doigt l'inconsistance générique de l'électeur gériatrique empêtré dans son sale aligot des idées ratées.
TRISTAN
« - Ouais mais tes gardiens, ils sont portugais. Donc européens. Donc Français. »
JEAN-FRANCOIS RAYBANON
" - Bah euh Ahh…"
TRISTAN
" - Quelque chose d'autre ? Bon, ok va me faire un nespresso."
Au dessert, les convives en sont revenus à la salade d'entrée. Les Raybanons, asservis, assièges en leur palais par la bassesse des petites gens, Ghesquière et Taponnierisés par leurs domestiques dont ils ont peur qu'ils les dépouillent une fois qu'ils auront le dos tourné, ne peuvent partir en vacances.
La réalité ambiante pèse peu rapportée aux certitudes de l'homme de droite. Même les déconvenues n’ont aucune influence puisqu’elles sont systématiquement réinterprétées selon une hiérarchie de déterminismes initiaux au milieu desquels il a systématiquement le bon rôle. L'enfer c'est les autres.
Tandis que Mastock lèche la graisse solidifiée sur la grille du barbecue de George Clooney, la famille dissout les rancœurs générationnelles à l'alcool de prune. Églantine évoque son autre problème de l'été : Quel livre va-t-elle "dévorer" cette année ? Marc Lévy, Dukan, La carte et le territoire ou Stéphane Hessel ?
La prune n'estompe pas la peine des Raybanon. Si les valeurs s’effilochent par le bas, elles s’effritent aussi par le haut. Si le sympathisant zemmourien se cramponne à un temps figé, il ne peut lutter contre les flux migratoires et le renouvellement des effectifs. Michel Sardou, dont le couple se persuadait que la seule évocation de la présence dans le quartier conférait un surplus de 10% à la côte du mas doré, a vendu sa résidence en haut de la rue à un "russe très riche" qui s’est tout simplement racheté trois belles demeures en sus, soit l'intégralité du pâté de propriétés.
Financièrement et physiquement dominés en leur fief, les Raybanon, malgré leur aisance pompidolienne, deviennent soudainement les pouilleux du secteur. Le mas géant, son jardin anglais et sa fontaine aztèque Leroy-Merlin ont l'amertume soudaine du mobile home au camping de Bouzanville-sur-bois. S'auto-cataloguer cul-terreux, on ne connaît pas pire châtiment pour le bourgeois.
Les Raybanon se raccrochent aux circonstances et aux branches de l'arbre d’opulence. La pauvreté, ce crime, est le pire des repoussoirs. Alors que Mastock déchiquette un poupon Corolle que lui a acheté sa maîtresse chez King Jouets, Jean-François se satisfait comme il peut et l'exilé fiscal à domicile se trouve une soudaine fibre patriote à l'iode marine.
JEAN-FRANÇOIS RAYBANON
" - C'est bien. Ce russe fait travailler des corps de métier de la région, c’est bon pour La France. »
Églantine, dont a vu que le sentiment d'appartenance aux classes moyennes varie selon la pugnacité de l'analyse fiscale de son interlocuteur, est même soulagée. Elle se repose en arrière dans la chaise à bascule Made in Taiwan à l'ombre du bouleau, et regarde demain avec toute la confiance d'une retraitée née avant 1955.
ÉGLANTINE RAYBANON
- « Ouf, comme ça, il n’y aura pas de lotissements à côté de chez nous.».
Une brise tiède soulève ses cheveux blancs, elle ferme les yeux.
Le soir, Tristan reprend son train, soulagé de retrouver la ville, sa crasse, son taudis bruyant et surpayé mais infiniment plus respirable que cette exquise campagne à la moisissure vitrifiée.
VDD.
13 comments:
Aigreur, aigreur everywhere
Oups , alerte orthographe :
"Églantine accablée confit "
= confiE ( sinon on peut rédiger en disant qu'Eglantine est accablée et déconfite , le coeur en marmelade , dans la panade ... on peut varier en métaphore culinaire ...)
Sinon , très bon article , très divertissant et à l'accent si véridique .
@anonyme > Merci pour la note.
OMG, ça me rappelle mes propres repas de famille (mas dorés en moins mais même esprit nauséabond et étriqué)...Toute ressemblance avec un enfant du siècle est bien évidemment fortuite, s'pas ?
Pourquoi il n'y a pas le bouton "like" en bas du billet ?
J'adore !
Terrible ! Maintes fois j'ai vécu des situations proches, trop proches, tellement proche qu'à chaque fois ça me déglinguait à l'avance le possible argumentaire (j'envie Tristan là-dessus).
J'étais chômeur et donc, "forcément" coupable (un fainéant qui voulait pas chercher de boulot ou qui cherchait des prétextes pour ne pas travailler).
Les dés étaient pipés dès le début, et dès le début ils avaient les arguments pour me flinguer ramenant tout à "ce que je coûtais" (sans me le dire spécifiquement).
En conséquence de quoi, je finissais par la boucler et crevais d'envie de me casser.
Comme ça que les liens familiaux se distendent et finissent par rompre définitivement.
M'a fallu 20 ans pour revenir "à peu près" à la surface, et c'est loin d'être gagné.
Très beau et juste billet, sous les affriolantes jupettes de la littérature...
Excellent post. C'est un magnifique portrait Cézanien de la campagne !
Remarque : "un poupon Corolle qui lui a acheté sa maîtresse"... "que" ?
@Stéphane Laborde > bien vu. Thanx.
Merci pour ce grand moment de réalisme
Faudrait en faire un film ...
T'as embarqué la prune au moins ?
Quand je lis çà, je kiffe encore plus mes parents ...
Enzooo
Ca sent le vécu :-)
Je te dirais bien de venir décompresser à la maison, mais moi aussi je suis proprio (enfin, c'est plutot ma banque qui est proprio pendant encore 20 ans...).
salut boris vian , j'irai cracher sur ta residence secondaire.Tu es pret pour investir la maison gallimard , amicalement votre.
Super post. J'ai rigolé jaune tout du long. C'est carrément intelligent.
Merci Seb !
Enregistrer un commentaire