3 novembre 2014

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Osez Gone Girl


Et pan ! Osez le féminisme démonte le dernier film de David Fincher : Gone Girl (lui offrant un beau repêchage publicitaire au passage).

L'histoire : Le jour de son cinquième anniversaire de mariage, l'épouse d'un gaillard un peu mou mais sympa disparaît. Elle est belle, un peu connue, très vite l'histoire est médiatisée. Tout accuse le mari (dont on découvre qu'il n'est pas si mou ni sympa que ça)... Mais bon ce n'est pas si simple, c'est pas celui qui dit qui est, mon père n'est pas vitrier mais je vois quand même à trois cent bornes une odieuse machination de la madame (c'est que j'ai des années de Faites entrer l'accusé derrière moi).

Il ne reste plus qu'à espérer que Zemmour, vouant déjà aux gémonies le sulfureux soap pour pré-pubères Hélène et les Garçons, ne tombe pas dessus avant 2040 : il aurait là de quoi écrire un pamphlet dithyrambique sur le renouveau vengeur du pop-corn cinéma de la middle-class dévirilisée,  trop longtemps sous la coupe du complot feminoburné à la solde de l'homodomination hollywoodienne (ou à peu près).

Il faut dire que le dernier thriller de Fincher est un cas rare de film raté, mais réussi

Raté : reboot conjugal de Liaison fatale, le film est lourdingue, pas crédible deux secondes et, victime de ce complexe de ne pas être une série télé, il s’enfonce dans la surenchère des rebondissements en s’évertuant à compacter en près de trois heures ce qu’il aurait gagné à diluer en six sur HBO

Réussi : Fincher embrasse avec talent les sujets latéraux : la part de secret dans le couple (on notera d’ailleurs que l’on ne progresse pas d’un iota sur le sujet du début à la fin), la dissolution de la personnalité dans le rapport amoureux (la grande terreur du moment), l'auto-peopolisation de nos vies et la contamination totale du cynisme : des institutions jusqu’à la sphère intime en passant par la famille.

On en sort perturbé, pas tant par ce que l’on a vu mais par ce que l’on est amené à en projeter sur notre propre vie. Malgré ses grosses ficelles de film de genre, il faut croire que le récit est encore trop dans la nuance pour certains parlant d'"apologie de la violence masculine" et d'"illustration parfaite des thèses masculinistes". Bof. A la rigueur, c'est un film pro-célibat.

Malgré son registre de polar et le léger pet-au-casque du personnage féminin (je ne spoile rien du tout, ça se devine à la première image et l’autre traduction possible de Gone Girl est « fille timbrée, irrécupérable »), le film pointe en les caricaturant comme il faut (plus ce serait de la farce) les névroses de notre société : du culte de la performance généralisé et de l’esprit selfie qui nous carbonise la raison. 

Au fond, Gone Girl est un film miroir qui informe d'abord sur la qualité de celui qui regarde. Moi j'y ai vu une fille dingue et une société qui ne va pas beaucoup mieux. 

Mais je suis très basique. Normal, je suis un homme.

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3 comments:

Elodie Jauneau a dit…

Moi aussi j'y ai vu une fille dingue et une société qui ne va pas beaucoup mieux.
Moi aussi j'avais immédiatement compris que tout était mis en scène par elle.
Par contre, je vais aller lire ce que dit Osez le féminisme, parce que là j'avoue que je ne comprends pas le problème...
Comme si seuls les hommes avaient le droit d'être des sociopathe pervers narcissiques...

Anonyme a dit…

Comprend pas. Ici et là, dans les médias qui parlent déjà de féminisme, de sexisme, de machisme, de genre, de destruction de l'individu, etc., avec raison parfois, l'aspect "couple" est le seul qui est retenu de Gone Girl. Comprends pas, parce qu'à mes yeux, cet aspect est le même que le côté thriller, c'est-à-dire que c'est ce qui est tiré du bouquin, mais Fincher y a peu à voir. Vous direz, il a choisi de ne pas l'enlever, mettons ; ce n'est pas mon propos.

Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on parle de cet aspect, qui donc est mineur à mes yeux je l'ai dit, alors qu'il en est un autre qui est énorme (à mes yeux toujours) et encore un dernier qui est mineur.
L'énorme c'est l'image. Comment l'une arrive à construire une image d'elle-même puis des autres, comment les médias, le public et même la police s'y laissent prendre, comment la vraie victime s'y plie pour essayer de la détourner (son interview TV), comment finalement il échoue, parce que l'image est toute puissante. Comme le coupable utilise l'image comme arme offensive puis défensive, puis offensive à nouveau dans un équilibre de la terreur. C'est le premier point ; et que cela concerne un couple ou non n'a aucune importance. C'est l'image publique qui est le critère de la réalité et de la vérité.
Par ailleurs, c'est ce qu'on trouve dans d'autres films de Fincher : Social Network (évidemment), Zodiac (le critère de la vérité retenu est la graphologie, qui pose problème, et l'on a un tueur qui joue avec les médias...), Panic Room dans une moindre mesure, Fight Club (entre la réalité de Norton et la vérité de Pitt)... Je n'ai pas vu les Millenium.

L'autre point, mineur, c'est la question, vraiment politique celle-là, loin des plateaux de télé qui crée un Zemmour critiqué ensuite sur les blogs, du pouvoir. Gone Girle, c'est l'Amérique de New-York qui baise, au sens propre comme au sens figuré, l'Amérique du Missouri. Et c'est la génération des baby-boomers qui a détruit la génération des protagonistes : l'épouse est une sociopathe qui, à travers Amazing Amy, a très vite compris que ce sont les apparences qui comptent, pas la réalité, et que tout le monde est une image creuse. Confère aussi les "good job parks" aux USA et les profs qui en sont réduits à devoir expliquer aux élèves que, non, ils ne sont pas exceptionnels, même si leurs parents leur ont toujours répété ça, et qu'il va falloir se sortir les doigts pour arriver à quelque chose : via Amazing Amy, les parents ne se sont pas occupé de leur fille, n'en ont pas fait une personne, mais seulement le produit de leurs fantasmes à qui on a seriné qu'elle pouvait tout faire. Même faire accuser de viol, manipuler ses voisins ou tuer. Et le personnage aurait pu être un homme, ça aurait été la même chose.

Le triple rapport image/vérité/réalité, d'une part, et le propos sur la société américaine actuelle (économique et culturelle) d'autre part, c'est bien plus présent dans Gone Girl qu'une réflexion sur le couple ; cet élément, comme tout le reste du thriller, est là pour avoir une histoire, divertir, séduire le public.

D'ailleurs, après tout, Gone Girl passe le test de Bechdel : n'est-ce pas l'alpha et l'oméga de la version à la mode du discours féminisme mainstream ?

Fred Camino a dit…

Bon, finalement ça donne envie de le voir par curiosité.

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