A chaque solstice, Jean Perrin revient.
L'hiver dernier, le président du syndicat des proprios (l'UNPI) implorait le gouvernement Sarko de lui venir en aide après l'annonce de l'atomisation de la niche fiscale Scellier et la refonte du PTZ+.
Favoriser l’accès à la propriété à tout prix et soutenir en aveugle le bâtiment : l'Etat dopait les prix de l'immobilier durant des années pour le plus grand confort des propriétaires bailleurs et des banquiers.
Mais ça c'était avant.
Hier, notre super sauveurs des spoliés de la société que sont les propriétaires, décidait d'en finir avec l'intolérable soutien aux nantis ! Tremblez tyrans de l'immo ! Sus à l'ennemi !
Excédé par le mal-logement de ses compatriotes, n'écoutant que sa volonté de mettre fin au chaos foncier où régnait décomplexé le rentier le plus fort, le chef de la ligue des rentes extraordinaires portait plainte auprès de la Commission européenne contre les aides publiques au logement HLM.
Motif : "Concurrence déloyale sur le marché de l'immobilier locatif".
Imparable logique: les logements pas assez chers, c'était de la faute des logements sociaux.
- "Mais monsieur Perrin y'a 1,200.000 demandes en attente sur le territoire." Lui demanda l'orphelin sans toit.
- "Non petit, on te manipules. Le secteur du logement à prix normal ne saurait faire plus longtemps de l'ombre aux possédants. "
Terminés les jours heureux de la vermine pauvre bénéficiant d'un logement décent garanti par un Etat, stupidement attaché à ses traditions forts peu compétitives de solidarité. Le lobby des mal-logés ne saurait plus longtemps priver le riche du manque à gagner qui lui était dû !
Et Perrin, le punisher du capital, de brandir un bouclier moral d'invulnérabilité : l'injustice de ces logements HLM occupés par des ménages aisés (+ de 4000 euros / mois): environ 10%.
- "Mais M'sieur Perrin, il ne s'agit de gens ne disposant pas de ces revenus à leur arrivée, qui sont aujourd'hui à peine au-dessus du seuil, qui peineraient à se reloger ailleurs sans s'endetter à mort et payent en conséquence un surloyer.[1] En plus, ils sont plutôt âgés alors pour le crédit ça craint."
- "Remballe ta kryptonite à la guimauve, pauvre tâche. Je te parle justice sociale !"
Piqué au vif, le super mytho de l'UNPI brandit son arme secrète : le fulguro-chiffre-bidon. Et paf "700.000 logements HLM vacants" dans ta face d'assisté !
- "Et pourquoi pas 7 millions, tant que vous y êtes Monsieur Perrin ? Vous savez bien que la sous-occupation des logements dans le privé est la raison fondamentale de la montée des prix à Paris ?"
- "Ta gueule raclure communiste ! Face à l'affront de l'encadrement des loyers, le syndicat de la plus-value pépère se doit de sauver l'honneur des propriétaires bafoués."
De plus, l'annonce concourait à travailler l'opinion sur la nocivité du concept de logement social, et donc sur la pertinence d'éradiquer les projets de nouvelles constructions: une noble cause qui permettrait l'avènement libéral d'un monde meilleur avec une offre immobilière totalement privatisée.
- "Mais Monsieur Perrin. Vous dites tout le temps que la pénurie de logements entraîne les prix à la hausse".
- "Tais-toi vulgaire non-possédant ! Laisse faire la France des propriétaires !"
Au crépuscule de la bulle immo, Perrin s'en allait vers Bruxelles, dossier à la main. L'offensive com' ne servirait pas à rien. Elle apporterait de l'eau au moulin de ceux voulant récupérer la gestion du secteur, avec sa population captive et ses immeubles amortis depuis longtemps. La populace ne s'étonnait d'ailleurs qu'à moitié que cette annonce survint le jour de la présentation au gouvernement du rapport de la Cour des comptes préparant l'opinion à une rigueur qui taisait son nom.
La société retrouvait confiance en elle-même.
Grace à Perrin, proche était le jour où les proprios, soucieux que la justice soit respectée dans les HLM, en accepteraient près de chez eux !
[1] si des choses sont à revoir, notamment la transparence des conditions d'attribution des HLM ainsi que sur les possibilités d'évolution (cas vu à plusieurs reprises: des retraité(e)s veufs ou veuves occupent des 80m2 et désirent plus petit, mais l'organisme s'en désintéresse), ce n'est certainement à la clique des bailleurs privés, spécialiste de l'exonération, du crédit d’impôt et de la défiscalisation, de mettre son nez là-dedans.
Illustration : Super de J.Gunn (2012)
15 comments:
le truc c'est qu'en fait la france a un taux de logemement à bas prix plus faible que l'allemagne ou la hollande par exemple...ils vont se faire remballer avec leur plainte en carton
Et si le parlement faisait passer une loi déniant aux proprios privés du droit de louer ! (signification : tu loues ? Prise de bénéfice illégale, on te retire cette propriété)
Sûrement les choses serait plus claires. J'imagine la tête des marchands de sommeil...
Dans l'idéal (à mon sens, qui fera grincer les dents à d'autres) aucun particulier ne devrait être propriétaire foncier. Justement parce que selon les âges de la vie les besoins se modifient. Il suffit de gérer collectivement le parc, la collectivité contribuant à la mise à disposition à chacun du logement nécessaire.
Non je ne suis pas un "libéral".
pointer chaque obscénité de ces cochons de rentiers !
concernant les "vieux" qui occupent des logements devenus trop grands une fois les gosses partis/le conjoint mort, ils sont aussi parfois confrontés au problème du prix du loyer : ils paieraient + cher un studio loué au tarif bullesque que leur 5 pièces familial et tous n'ont pas de super retraites
(et puis ils devraient souvent changer de coin, ce que beaucoup redoutent)
moi c'est ces sur-loyers qui me hérissent... et ses dynasties tous en HLM... transparentes les attributions ???? à qui faire croire ça :o)
#Ccompliqué
Il apparait que la sous-occupation des logements privés serait dû au fait que les proprios ont peur de ne plus pouvoir récuperer leur logement en l'état, ou que le locataire fasse faillite mais ne soit pas expulsable…
Argument plus ou moins bidon (combien de gens saccagent volontairement leur logement ? Et les cautions sont souvent détournées) mais qui est justifié par d'innombrables histoires (peut-être 5% des locataires sont fautifs, mais comme d'hab c'est suffisant !).
Si au lieu de subventionner à tour de bras, la CAF se portait caution de tout locataire d'un logement conventionné, les proprios n'auraient peut-être plus peur, mettraient sur le marché leur logement inoccupé, et les prix baisseraient !
L'idéal du chef de la ligue des rentiers extarordinaires , c'est sans doute le Bedford Falls parallèle de 'It's a wondeful life" de Capra , quand Georges Bailey se dit qu'il aura mieux valu qu'il ne vienne pas au monde : Pottersville est un bidonville où chaque taudis est loué à prix d'or .
4000 €/an pour une famille aisée? En suivant le lien, on s'aperçoit que c'est 4000 €/mois...
Ah oui. Erreur de frappe. Je corrige ça en rentrant.
@ 22 septembre
Les incidents sur les loyers, c'est 1,4% des baux locatifs. Et les sociétés d'assurance couvrent ce risque pour quelques euros par mois.
@ Seb
Le hasard veut que je veux tout juste de publier un texte sur le logement dans ma bonne ville. Un signe avant-coureur de ce qui va se passer partout à plus ou moins long terme...
ce con veut limiter le logement social aux 20% les moins "riches" , donc , il veut le reste comme gros pactole et se définit donc comme celui qui sait OU les gens doivent habiter.. pour mieux gagner du fric sur leur dos, et sur le dos de la collectivité.
Quelle ordure.
"l'injustice de ces logements HLM occupés par des ménages aisés (+ de 4000 euros / mois de revenus): environ 10%..."
Les société HLM ont la possibilité d'augmenter raisonnablement le loyer des locataires dont les revenus dépassent le plafond. J'imagine que lesdites sociétés ne sont pas mécontentes d'avoir une clientèle solvable, payant ses loyers et ses charges, ce qui contribue au bon entretien des immeubles et peut éviter leur ghettoïsation. C'est aussi une forme de "mixité sociale".
Bien entendu, les cas vraiment abusifs, genre personne seule dans un F5, seraient à revoir...
@ un partageux :
Sur les loyers non payés, je suis tout à fait d'accord ! C'est pour ça que je dis que c'est rien, mais il y a que ça qu'on voit !
Quand aux assurances, surtout n'en parlez pas ! Elles rendent le logement non accessible aux non-cdi (autrement dit, la moitié de la population !). Je l'ai sais, je l'ai subi...
@omer > Exact. Etant pour la mixité sociale, cela ne choque pas que l'on trouve des revenus moyens dans les HLM.
Ce Monsieur s'intéresse-t-il aussi à ceux qui occupent des HLM à Neuilly sur seine ou Puteaux ? Car oui, il y en a : pas beaucoup, mais il y en a, et quand on voit entrer/sortir des Jaguar des garages desdits immeubles, on se dit qu'il y a un problème.
Enfin, j'occupe un T3 de l'OPAC à Lyon : avec les charges, le loyer s'élève à 680 euros/mois. Vu qu'on est supposé gagner 3x cette somme pour pouvoir déjà accéder au logement, vous vous doutez bien que bien que n'étant pas le luxe absolu (à deux pas du périphérique), le fait que ce soit intra-muros rend le loyer inaccessible à un SMICard non-aidé. Mais je vous parie que ceux qui font la promotion du "tout privé" pour les loyers sont ceux qui d'un côté râlent parce que le fisc les étrangle, et en même temps justifient les loyers auprès du "pauvre" en lui disant "oui mais vous pouvez avoir l'APL".
Concernant les gens qui occupent un logement trop grand pour eux, le problème est généralement tristement simple :
La hausse des loyers étant encadrée, quitter un F5 pour un F3... coute à la louche 200€ de plus chaque mois à celui occupe le HLM depuis 20 ans.
Forcément, ça ne motive pas à laisser la place à d'autres qui en ont plus besoin...
Faut absolument regarder ça, c'est mille fois ce qui se passe ici : http://youtu.be/pbDeS_mXMnM
64 millions de logements vides, et moi et moi et moi...
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