Il parait que c'est la grande vie. Je découvre ici l’existence sans connexion ADSL ni réception télé. Là ou autrefois on pouvait recevoir un signal en plantant une fourchette dans la fiche antenne, grâce à la TNT, sans le boitier payant: les enrichissants programmes éducatifs de TF1 ou les non-débats Le Pen / Melenchon te sont désormais interdits.
Détendons-nous dans cette nuit d'insomnie avec un petit film d'auteur. Rapide recherche sur les machins téléchargés sur le disque dur avant la grande coupure. Megan is Missing (2011) de Michael Goi. Je ne connais rien de ce truc, j’ai vaguement entendu dire que ça parlait de Facebook. D’aspect extérieur, ça sent la télénovela pour esthète. Allons-y.
1h25 plus tard, je suis blême. Je n’ai qu’une envie: interdire internet à vie à mes filles, moi-même je ne suis plus trop sûr de vouloir récupérer une connexion ADSL et je peine à trouver le sommeil avec des images cauchemardesques dans le crane. Je viens de me faire violenter cinématographiquement[1].
Le pitch. Dans une banlieue bourge de Californie, nous suivons l’amitié de deux adolescentes. Deux bonnes caricatures: Megan la "salope" qui assume et joue de son personnage (dont on apprend qu'elle a été violée à 10 ans et qu'elle en connait un rayon sur la craderie du mâle), et son opposée, Amy la "pure", complexée par son physique, qui a du mal à lâcher l'enfance mais ne pense qu’au "grand amour". Durant 40 minutes, nous suivons leurs conversations, sorties ou confidences intimes uniquement via les divers supports multimédias qu’elles utilisent (mobile, chat, cam digitale). La quasi-intégralité de leurs préoccupations se résume au sexe. Jusque-là, rien de bien original, et (avertissement) la réalisation en autofocus avec un son brut de la caméra peut décontenancer tout fan de Michael Bay (bien que paradoxalement, ça bouge moins). On suit les errances numériques des deux ados à la complicité fusionnelle jusqu’à la rencontre par Megan sur un chat de skaterdude, jeune surfeur branleur à la web cam cassée qui cause "awesome, man" avec du chamallow dans la gueule.
A partir d'ici, le récit prend enfin la direction de son titre en forme de statut facebook: Megan a disparu.
Je vous laisse découvrir la seconde moitié. Tout ce que je peux préciser: elle envoie du pâté.
Pourtant le film (et c’est la force d'une réalisation qui donne la fausse impression de ne pas en être une) n'a pas recours aux surenchères d’effets avec lesquels le cinéma mainstream (de la grosse production bourrine sans imagination à la série B louchant sur le torture-porn) nous blase film après film.
Alors oui, le scénario est cousu de fil blanc et le choc progressif doit énormément au talent des deux jeunes comédiennes principales (Rachel Quinn et Amber Perkins, impressionnantes prestations) qui crédibilisent le récit dès les premières minutes, mais c’est, AMHA comme on dit sur lérézo, un film qui fera date.
1/ A l'échelle des productions habituelles, il n'a rien coûté (35000$) pour une efficacité redoutable sur la forme (pas nouveau) tout en ayant du fond (là, c'est plus rare).
2/ A moins d'une omission, et même si ce n'est pas l'ambition première du réalisateur, il me semble que c'est le premier film crédible utilisant en grande partie (dans sa forme et son intrigue) la communication 2.0 et les réseaux sociaux[2]. Bref, jusque dans sa confusion des genres (entre Jacques Doillon et Saw 6): un film de son temps, semble-t-il.
Ce dernier point révèle aussi son danger. En prenant (avec talent et un scénario sans bout de gras), le récit par le bout le pire de ce que l’on peut trouver sur internet et dans le genre humain, le réalisateur créera inévitablement une psychose du web chez les parents d'ados (quant aux enfants, il est, euh, pour d'autres raisons, très très moyennement recommandable).
Même si, derrière le côté clinique d'un récit se bornant à livrer des pièces à conviction, Megan is missing n’a pas de morale finale (à la différence des films sur l’autodéfense type un justicier dans la ville des années 70) et laisse au spectateur le choix du verdict, c'est typiquement le film qui servira la cause des ayatollahs de l'antinet.
J’ai lu que le but du réalisateur était de dénoncer le racolage des émissions de télé sensationnalistes sur les disparitions d’enfants (court moment moyennement réussi). Se faisant, il est à la limite de procéder de la sorte avec le net. La forme "web cam" (qui éjecte forcément le contexte, les questions scolaires, parentales...) incite inconsciemment le spectateur à classer le récit dans la catégorie "le net c'est le mal".
Megan is missing est un très bon film qui me laisse perplexe. On ne sait jamais clairement ce qui nous manipule le plus: le contenu ou le contenant?
Conseil avant visionnage (car à ce stade de lecture, je te connais vil déviant du net, le téléchargement doit être déjà être lancé): en lire le moins possible (trop tard), ne voir aucun extrait, ne pas compter dormir ce soir-là.
P.S: Si, à l'issue du visionnage, tu es pris d'un désir de vengeance, tu pourras te consoler avec Hard candy de David Slade (2006)
[2] Point à relativiser. Sur la forme, le film est pour moitié filmé avec le camescope d'Amy. Et si Internet est un élément de l'intrigue, avec quelques changements, le film aurait pu être réalisé vingt ans plus tôt.
12 comments:
Merci du conseil.
Bon, j'envisage "Megan is Missing" et déglingué après, je ressoude avec Hard Candy.
OK
Certains films sont vraiment dans l'esprit du libéralisme : malsain et dérangé. Un peu comme "the human centipede", où t'as envie de demander aux scénaristes s'ils ne pensent pas que dans des domaines comme l'économie, une main invisible régulerait les injustices du marché si on libéralisait davantage le bousin.
T'as aussi envie de leur demander si ils trouvent pas que l'accumulation des égoïsmes aboutirait à un intérêt collectif accru ou encore que si leurs gosses pourraient se prostituer au mac-do pour leur argent de poche. Des trucs de ce genre.
Internet est dangereux parce qu'il est rempli de pervers(de droitards donc). Il y en a même qui font des films comme " seul contre tous " et " l'ultime souper " histoire de noyer le poisson comme ils savent si bien le faire.
Alors est-ce que la deuxième partie de "megan is missing" est plus absurde que les délires scato du Dr Heiter ? On verra bien. J'espère que ca me donnera autant d'inspiration pour m'occuper des grandes gueules droitardes qui finiront leur existence dans ma cave.
cool ! j'me fais une soirée théma avec "the social network" (l'ascension de mark zuckerberg fondateur de facebook, vols intellectuels et coups fourrés à la clé, filmé par david fincher ça doit envoyer du paté) suivi donc de "megan is missing", en espérant ne pas faire de cauchemars avec ce dernier
il paraît, Seb.
crâne
colonne vertébrale
Désolé, je suis un vieil ennuque jaloux de ces luxuriances techniques, apraxique par nature -deux mains gauche-. je me juge impubère malgré des enfants qui poussent. Subalterne, je repêche ce qui surnage.
Merci vos -posts- sont eux dans le vrai
haaaaa!!!
Ben merci pour le conseil, effectivement j'ai pas dormis cette nuit.
J'avais pensé à arrêter le film avant la fin, puis dans un grand élan de masochisme je l'ai regardé jusqu'au bout.
choquant.
Très belle performance des deux filles, de très bonnes actrices.
Je suis pour supprimer internet à tout(e)s les ados accros à leur smart-phone et à leur webcam désormais.
Demain je me fais "Cannibal Holocaust" ce soir pour me détendre :-)
merci encore d'avoir eu cet élan de sadisme d'infliger à tes lecteurs un films bien marquant, en les prévenant mais en ne leur laissant pas vraiment le choix de pas le regarder, après tout ce que t'en à dit....
Salut Seb, je viens de regarder Megan is missing et je pense que je vais attendre l'aube avant de pouvoir me coucher paisiblement.. J'ai encore la première "photo" choc du film dans la tête ... Je ne poste jamais de commentaire donc j'en profite pour te dire que je suis ton site depuis un certain temps et que j'apprécie beaucoup ton style ton humour et le travail que tu fais. Bonne continuation et à bientôt
J'avais pas regardé ce film quand il est sorti à cause de sa mauvaise note IMDB (en général je regarde pas si c'est en dessous de 6,5/10).
Serbian Film par contre j'ai kiffé. La tension est superbement gérée.
Je regarderai à l'occasion.
Hard Candy est un petit chef d’œuvre par contre.
Et dans le genre chef d'oeuvre réalisé avec 3 bouts de ficelle, il faut bien evidement avoir vu Donoma! Film de l'année 2011 pour moi.
Et bien, je vais encore avoir quelques cauchemars sur la conscience moi.
Éh, j'ai bien envie de voir ça, mais je flippe d'avance. Le problème avec ce genre de film c'est qu'ils ne font pas du bien à l'âme... Déjà Martyrs de Pascal Laugier m'avait mis très cher.
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