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Le Parisien annonce hier que "la SNCF expérimente un nouveau concept commercial encore officieux : les « trains avec horaire à confirmer »". Il s'agit de rames circulant sur des voies en réparation dont la variabilité des horaires assumée permet d'ouvrir des réservations plus tôt. Si tu prévois à l'avance de voyager sur un train en retard, c'est le produit qu'il te faut !
Challenges étaye le lol : "Grâce à ce système qui permet un délai de réservation plus long, le voyageur sera informé 7 jours avant le départ, de l'horaire exact du train". Substance du concept : c'est parce que la RFF [réseau ferré de France] "modernise" (meta décodage : les prix vont augmenter) qu'il y a des problèmes chroniques de retard sur des lignes obsolescentes. Comme la réparation va également provoquer des retards, encore imprévisibles, la SNCF va vendre des "paris", "sécurisés", sur ses voyages. C'est logique et limpide comme de la vente à découvert.
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Précision de taille : La RFF est une entité publique juridiquement séparée de la SNCF depuis 1997. Elle a été créée pour assurer l'ouverture à la concurrence des compagnies de chemin de fer selon les directives européennes. En résumé : l'entretien des voies a été séparé de la gestion commerciale des trains. Un succès supplémentaire de la libéralisation progressive du secteur dont tu payes les erreurs : on n'en est au point où les compagnies, qui au départ n'étaient qu'une, n'arrivent même plus à s'accorder sur les horaires et s'arnaquent entre elles. Là, où c'est croustillant (et digne du cycle Monty Python), c'est que j'apprends à la publication des résultats trimestriels de la SNCF que sa branche SNCF Infra, réalisant des travaux pour la RFF, voit son chiffre d'affaires progresser de 93 millions d'euros ! (Si quelqu'un dans l'une des deux entreprises peut m'expliquer ce zorglub spatio-relatif dans les commentaires, il aura ma reconnaissance éternelle.)
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Précision de taille : La RFF est une entité publique juridiquement séparée de la SNCF depuis 1997. Elle a été créée pour assurer l'ouverture à la concurrence des compagnies de chemin de fer selon les directives européennes. En résumé : l'entretien des voies a été séparé de la gestion commerciale des trains. Un succès supplémentaire de la libéralisation progressive du secteur dont tu payes les erreurs : on n'en est au point où les compagnies, qui au départ n'étaient qu'une, n'arrivent même plus à s'accorder sur les horaires et s'arnaquent entre elles. Là, où c'est croustillant (et digne du cycle Monty Python), c'est que j'apprends à la publication des résultats trimestriels de la SNCF que sa branche SNCF Infra, réalisant des travaux pour la RFF, voit son chiffre d'affaires progresser de 93 millions d'euros ! (Si quelqu'un dans l'une des deux entreprises peut m'expliquer ce zorglub spatio-relatif dans les commentaires, il aura ma reconnaissance éternelle.)
Côté SNCF, on s'adapte à la situation et l'on fait ce que l'on sait désormais faire le mieux : de la vente de produits. Cette histoire de retard est une période de "test". A l'approche de la glissade finale dans le secteur privé, il faut faire entrer dans les cerveaux une bonne fois pour toutes que l'anormal est normal, l'exception la règle, l'absurde la plus indiscutable des logiques, le recul un progrès. Ça évite aussi les procès de voyageurs pointilleux et surtout autorise, en creux, le futur surcoût pour les trains qui arriveraient à l'heure (un produit qui cartonnera chez les gens qui auront les moyens de se l'offrir).
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Il faut modeler le "client" à l’hypothétique du service provoqué par une "optimisation" du fonctionnement. C'est le principe de la caisse de supermarché : puisque l'attente du client ne coûte rien à l'enseigne, les files de clients aux caddies pleins permettent de dégager de la marge (en embauchant moins de personnel). L'important est de faire accepter au client la contrainte, le temps d'attente ou la baisse de qualité du service comme faisant partie de l'offre commerciale. Le succès du discount repose sur ce principe.
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Il faut modeler le "client" à l’hypothétique du service provoqué par une "optimisation" du fonctionnement. C'est le principe de la caisse de supermarché : puisque l'attente du client ne coûte rien à l'enseigne, les files de clients aux caddies pleins permettent de dégager de la marge (en embauchant moins de personnel). L'important est de faire accepter au client la contrainte, le temps d'attente ou la baisse de qualité du service comme faisant partie de l'offre commerciale. Le succès du discount repose sur ce principe.
"- C'était une grande demande de nos clients" affirme Mme Dalibard, directrice des grandes lignes de la SNCF sur NouvelObs.com. Pour une torture sans douleur, il faut d'abord convaincre les esprits que : 1 / la peine est souhaitée 2 / le bourreau va mettre ses plus belles dentelles.
Ironie, ces retards auxquels il faut nous habituer s'appuient sur la notion de "rapidité" appliquée à un TGV dont la compagnie célèbre les 30 ans. Sûr qu'avec une telle gestion à court-terme, segmentée et axée sur la rentabilité, alors qu'on s'oriente vers la micheline à pédales propulsée par le voyageur lui-même, ce n'est pas aujourd'hui qu'on réinvestira dans une telle technologie.
Après l'opacité des modes de tarifications, aboutissant à ce que dans la même rame de TGV pas un seul billet ne soit vendu au même prix, et l'insidieux démon du discount distillé dans nos habitudes prises de réserver trois mois à l'avance pour payer 20% moins cher un billet qui a pris 100% en deux ans sur certaines lignes, je me prépare à ce jour où la SNCF proposera des dépliants en cabine de TGV pour nous expliquer que nous sommes trop habitués à la rapidité et que c'est mauvais pour la santé de trop croire dans les grilles horaires.
Damned, se construire un alibi va se compliquer.
Illustration : Eddie Campbell
22 comments:
Nous sommes encore le premier Avril ou bien ?
Excellente analyse!
Pou ceux s'intéressant un peu à la décrépitude du réseau ferroviaire Français et à l'abbération que représente le TGV je vous conseille le blog (et surtout le bouquin) de Vincent Doumayrou :
http://lafractureferroviaire.skynetblogs.be/
En même temps, il y a un nombre de travaux exceptionnels ces années-ci, et de nombreuses voies ferrées étaient en très mauvais état.
Et une voie occupée par des travaux ne peut pas accepter de trains, ou moins...
Ce qui me tue dans cette histoire, c'est que malgré l'état du réseau (hors grandes lignes, et encore) et du matériel roulant (idem), on a évité des accidents d'une gravité égale à ceux qui ont eu lieu en Grande-Bretagne. Il est vrai que la SNCF et RFF n'ont pas encore été privatisés, contrairement au rail britannique dans les années 1990, et le réseau dispatché sur 6 compagnies, comme ça s'est passé Outre-Manche.
Voici ce que Wikipedia nous dit sur l'imbroglio SNCF-RFF :
"RFF est aussi chargé de l'entretien du réseau et de la gestion des circulations, mais du choix de maintenir l'unité de la SNCF a découlé un montage juridique par lequel RFF est obligé de faire appel à la SNCF pour ces fonctions (art. 11 du décret constitutif). RFF n'a pas le droit de remplir ces missions elle-même et encore moins de faire appel à une autre entreprise que la SNCF. Or ces fonctions sont coûteuses (2,7 Mds d'€ en 2006), bien au-delà des redevances d'usage perçues par RFF (2,3 Mds d'€ en 2006). "
CQFD
Il faut aussi voir que faire circuler un Quimper-Nice de nuit au milieu des travaux, ce n'est pas forcément évident de savoir à la minute près son planning trois mois avant. Résultat les réservations sont ouvertes quelques jours avant le départ, et donc pas de billets "prem's" et autres. Du coup je me rabats sur le TGV, qui roule de jour et sur des voies prioritaires.
Je ne dis pas que c'est la meilleure solution, mais si on pouvait réserver les corails et les lunea, ce sera au détriment des TGVs!
@ Pullo :
"malgré l'état du réseau (hors grandes lignes, et encore) et du matériel roulant (idem)"
Faut dire que ça fait 30 ans qu'on construit des LGV en parallèle des voies existantes pour pas beaucoup plus de voyageurs au final, alors forcément, ça coute trop cher et on est tenté de le laisser pourrir.
Ce qui ne semble gèner personne, c'est que le coût d'un voyage en train devient de moins en moins compétitif par rapport au même voyage en voiture.
Dans ma jeunesse il revenait toujours moins cher de voyager en train qu'en voiture, si on partait seul. A partir de deux personnes la voiture était moins chère.
Aujourd'hui la voiture est moins chère, parfois même de très loin, même si on voyage seul.
@ Anonyme :
Ah sisi ça me gène! En même temps c'est logique. Le coût des infrastructures routières est pris sur les impôts alors que le billet de train comprend couvre tous les frais annexes.
Si tu rajoute à ça les +30% que prend une destination grande ligne lorsqu'on la passe en LGV c'est sûr qu'au bout d'un moment ça devient hors de prix.
La poste s'y met aussi avec un double tarif pour les timbres : http://www.lefigaro.fr/societes/2011/05/03/04015-20110503ARTFIG00385-la-poste-lance-le-courrier-a-deux-vitesses.php
Bientôt il faudra s'estimer heureux si ces deux entreprises nous fournissent des malles-postes et des diligences...
Bon je précise je travaille pour une filliale de la SNCF. Les trains à horaires à confirmer partent d'une bonne intention:
compte tenu des travaux sur les voies, il est difficile d'établir les plans à trois mois des trains qui vont circuler. Du coup, quand les travaux se finissent plus vite que prévu, on peut faire rouler des trains. Mais comme ces trains n'étaient pas prévu trois mois à l'avance il n'étaient pas réservables.
D'ou le dilemme faire rouler des traisn quasi vides parce que on a pu les vendre que 7 jours avant leur départ, ou vendre les billets à l'avance en prévenant les gens et en leur confirmant l'horaire définitif à l'avance ?
L'idée étant de faire rouler les trains avec des gens dedans, la deuxième option a été choisie.
C'est un peu la collision d'une logique industrielle et d'une logique commerciale.
Mais je suis comme vous, si je trouve que ça part d'une bonne intention (faire rouler les trains), compte tenu que les médias se relaient les uns et les autres pour faire tourner la boîte à baffes pour la SNCF (challenges, figaro et nouvel obs en tête), d'un point de vue médiatique cette offre est ... "audiacieuse".
Voilà comment je perçois le bignou ( et je dis pas que j'ai forcément raison)
RFF est gestionnaire du réseau mais la SNCF par délégation en assure la maintenance.
La SNCF paie des péages à RFF pour utiliser le réseau.
Cette organisation découle des directives européennes de mise en concurrence des compagnies ferroviaires et du meilleur compromis à l'époque.
En 1997, deux ans après des grèves historiques à la SNCF, le gouvernement de l'époque n'avait pas envie de remettre le couvert en proposant aux quelques dizaines de milliers de cheminots qui s'occupent du réseau de passer de la SNCF à RFF (avec évidemment perte de statut etc). Les syndicats n'auraient jamais accepté. Et les clients/usagers (rayer la mention inutile) auraient fini par guillotiner le premier ministre qui aurait oser se lancer.
Qui plus est, ceux qui ont la connaissance du réseau et de comment on fait pour le maintenir sont bel et bien les dits cheminots de la branche infra, donc on peut difficilement se passer d'eux et passer par bouygues ou vinci par exemple.
enfin, compte tenu de l'état des finances publiques, il fallait bien un moyen pour financer RFF (qui au passage à hérité des dettes de la SNCF lors de la construction du réseau TGV soit une petite dizaine de milliards d'euros) d'où les péages que paient la SNCF (et bientôt ses concurrents privés). Et il fallait bien un moyen à la SNCF de ne pas se faire plumer financièrement par RFF, d'où cette délégation de maintenance quasi obligatoire.
Donc cet étrange attelage est ou était c'est selon, le meilleur compromis à l'époque compte tenu de toutes les contraintes (syndicats, directives européennes et finances publiques)
M'enfin c'est que ma lecture des choses hein
@anonyme > Merci pour ces précisions. Effectivement, la SNCF partage avec l'éducation nationale le record de "bashing" dans les médias.
«sa branche SNCF Infra, réalisant des travaux pour la RFF, voit son chiffre d'affaires progresser de 93 millions d'euros !»
Mais c'est très limpide ! Lors de la création de RFF, les négociateurs ont oublié de transférer les visseurs à droite de la SNCF (qui souhaitait à l'époque les garder pour remonter les anciennes horloges des gares). Depuis, RFF se retrouve avec trop de visseurs à gauche pour changer les traverses des voies, mais manque cruellement de «à droite». La SNCF ayant modernisé ses pendules est trop heureuse de louer les siens au prix fort.
Salut,
Merci Anonyme.
Je dirai juste :
- les trains à horaire à confirmer concernent les lignes sujettes à travaux, donc principalement des régionales
- Il ne s'agit pas d'une manœuvre pérenne (normalement)
- Pépy (président sncf) a déclaré il y a une semaine qu'il trouvait la séparation RFF-SNCF totalement ubuesque
- Si le CA SNCF Infra a augmenté, c'est peut-être parce qu'ils retapent pas mal de lignes justement, ce qui occasionne ce projet de train à horaire à confirmer
- On connaît tout de même l'horaire précis 7 jours à l'avance
Bref Seb, évite quand même de crier au loup directement, l'objectif n'est pas de faire raquer complètement le client, ni de l'habituer à des horaires incertains. C'est quand même une sacrée dégradation du service, mais ça permet de faire rouler des trains en plus.
Pour l'opacité des modes de tarification :
Là c'est plus difficile à défendre. Il s'agit de contingents de places disponibles avec une offre bien précise. Un prem's est moins cher, mais n'est ni échangeable ni remboursable, contrairement à une place plein tarif. L'offre n'est pas la même, et quand il n'y a plus de prem's, alors il n'y a plus que des places plein tarif.
A l'ouverture des réservations (90 jours avant le départ du train - là où les places les moins cheres sont dispo), on voit toutes les offres. Le prix ne varie pas : c'est simplement que les places les moins chères partent en premier.
http://ophise.typepad.fr/
juste le blog d'une cheffe de gare, pour ceux qui voudraient voir ce que ça donne de l'intérieur.
;)
Libéralisation, dérégulation, non-sens.
J'emmerde la SNCF, 140 euros pour faire l'aller-retour Rennes-Douarnenez avec ma copine me conforte dans l'idée que cette entreprise est un vénérable tas de merde !!!
(et encore je suis gentil)
Dire qu'on emmerde la SNCF n'avances pas a grand chose, et permets justement d'éviter de politiser la question des transports en communs :
-Le prix du billet pourrait être subventionné d'une façon plus juste.
-Le réseau pourrait être re-développé avec plus d'itinéraires possibles en cas de travaux, il suffit de regarder la carte ferroviaire de 1914 et celle qu'on a d'aujourd'hui pour voir a quel point le réseau s'est réduit a peau de chagrin, mais la encore c'est une question d'investissement public.
Seulement cette question se pose en complémentarité avec celle du logement, celle du travail, celle des loisirs et des vacances
@mike hammer> Et il faudrait que ça coûte combien alors ? La moitié ? Plus ? Moins ?
Ce qui se dit au dessus explique en partie cette évolution des tarifs: l'état, au travers des impôts, finance la construction et l'entretien des routes. On n'a donc pas l'impression de payer pour rouler, mais une bonne part de la TVA sert à ça. D'un autre coté, le réseau ferroviaire reçoit une part qui se rétrécit comme peau de chagrin. En 2008, le gouvernement s'était engagé à verser 10 milliards d'euros par an, on sait déjà qu'il ne les versera pas. Pour rappel, en 2008 toujours, on dépensait en france 605 milliards (des impôts surtout...) pour entretenir les diverses routes.
Pour en revenir à la séparation des activités, c'est une hérésie, on le sait depuis le début, l'europe à bon dos (les allemands, les suisses ont aussi séparé leurs activités et pourtant, ils ne font pas de train à voiles), comme elle ne se défend pas trop c'est le coupable idéal. Mais c'est surtout une construction franco française, pensée pour casser cette entreprise qu'est la sncf, jugée trop influente socialement.
Le "public" comme on dit aura aussi bien aidé les politiques, à casser du sucre sur le dos des cheminots qui essayaient de faire quelque chose avec un outil rendu tous les jours un peu plus ubuesque. Juste, maintenant, cher public, vous êtes inclus dans l'outil, parceque ça marchait encore trop bien, et ces horaires à la voile n'en sont qu'un exemple de plus.
je passe du coq a l'ane, mais ca fait parti de la catégorie "ce gouv veut mettre ce pays a sac avant de devoir passer la main" : un assouplissement du code de l'urbanisme est prevu dont les blaireaux comme Apparu se rejouissent bien sur, des delais d'obtention de permis de construire raccourci de moitié, une taxation des plus valus pr ceux qui ont des terrains constructibles laissé en friche, est....
Bref, continuer a betonner, ya encore du blé a faire. Moi qui pensait naivement que le filon avait terminé d'etre exploité apres la mise en place des taxes et bilans energetiques, ben non.
Pauvre de nous. Ca va continuer a aller encore plus mal avant d'aller mieux (peut être)
Juste pour info, la DB n'a pas réellement séparé ses activités.
Opérationnellement, oui, il y a bien une société "DB Netz" qui est l'équivalent de RFF... Mais cette société fait partie de la holding DB. Ce qui est singulièrement différent de la situation RFF / SNCF, qui sont juridiquement bien distinctes.
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