4 février 2010

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Un peu de volonté, que diable !


Remontait hier dans les médias le débat sur la mise en application prochaine d'une loi de flexibilité mobilité pour les fonctionnaires.

Ce projet est limpide : On pourra désormais arrêter de payer puis licencier un fonctionnaire ayant refusé trois propositions de mutation. Synthétisons : Avec un peu d’insistance (t'es prof de philo ? Deviens responsable du planning à l'hosto) et de malice géographique (t'habite à Pointe-à-Pitre ? Va vivre à Vesoul), ça te permet de pousser n’importe qui à la porte en l'accusant de mauvaise volonté !

En décodé façon UMP : Dégraissons le truc l’air de rien, en faisant partir d’eux-mêmes et sous les quolibets, les mécréants qui pompent tout cet argent qu'on pourrait donner au marché.

Rien de bien neuf : Durant 24 heures fut encore diffusée l’idée qu’il est normal de taper sur cette tentaculaire fonction publique qui ne sert à rien. [1]

Le train-train du baratin est déjà chassé ce matin par une nouvelle proposition de loi, avec sondage en pièce-jointe :

Les français seraient majoritairement pour le renforcement du service civique. Ça tombe bien : Martin Hirsch, haut commissaire à la Jeunesse, annonce un nouveau dispositif dont l’objet est de « permettre à un jeune de s'engager en effectuant une mission d'intérêt général».

"Les jeunes auront la possibilité d'effectuer ce service en France ou à l'étranger et recevront une indemnité comprise entre 540 et 640 euros par mois. » Dixit Hirsch.

"Ce service devrait concerner 10 000 jeunes en 2010 [...] L'objectif est d'atteindre 75 000 jeunes en 2015. Il sera accessible sur la base du volontariat à des jeunes âgés de 16 à 25 ans accueillis de six à douze mois dans une association, une collectivité locale ou une ONG..." Peut-on lire dans une dépêche de l'AFP.

Ah... la volonté...

Au moment où le gouvernement propose de dynamiter discrètement les agents de l'état pas assez volontaires, il promeut le volontariat citoyen des jeunes en appelant ça "donner des repères".

D’un côté, des missions de services publics tranquillement désherbées, de l’autre du boulot d’utilité publique (il faudra plus qu'attentivement regarder la nature des tâches effectuées) accompli par l'armée de réserve classique du prolétariat sous-payé (le jeune) sur les ruines du service militaire et au nom de l'engagement citoyen.

Le rapport de l'inspection général des affaires sociales sur le sujet, précise les ambitions du bidule :

"Faire émerger une culture du volontariat encore confidentielle en France en comparaison avec d'autres cultures, anglo-saxonnes par exemple."

Sont prévus 7 champs d'action ouvert à tous les (créateurs de) possibles:
- Solidarité et prévention de l'isolement.
- Éducation à la santé.
- Éducation pour tous et accès aux pratiques culturelles et sportives.
- Pédagogie du développement durable.
- Mémoire et citoyenneté.
- Solidarité internationale.
- Intervention d'urgence en cas de crise.

Attention, nous n'avons rien contre le bénévolat, au contraire, mais les ambitions affichées, certaines catégories avancées et un timing précipité sèment le doute.

"Le service civique volontaire pourra s'appliquer dès que la loi aura été adoptée grâce à "des mesures transitoires" permettant de "recruter tout de suite et de commencer des missions" affirme Hirsch.

Sur qu'avec toute cette précarité et les bataillons de travailleurs-pauvres, c'est le moment de développer la culture du volontariat.

Ce service civique s'annonce comme le remake customisé du service militaire d'antan : Une période de matage pour le jeune un peu paumé, afin de le préparer à se sacrifier sans moufeter sur le champ de bataille de la guerre (devenue néo-libérale).

Travailler à prix cassé ? Autant t'y faire vite.

Le monarque le rappelait il y a 10 jours, cette "politique de la jeunesse", basée sur "l'autonomie" et dont il faudrait lui demander si elle comptabilisée pour la retraite, lui tient à cœur. Il souhaite qu'elle concerne à court terme 10% de la classe d'âge des 18-25.

Il le proclamait à Avignon le 29 septembre dernier lors de son discours "pour la jeunesse" devant un parterre de seniors (les premiers à bénéficier du dispositif, voir liste ci-dessus) :

"Il faut se battre pour mériter la chance que l'on vous donne"

Fonctionnaires, jeunes, chômeurs : Empêcheurs de tourner en rond ! Ce pays irait tellement mieux si vous faisiez preuve d'un peu de bonne volonté !

* * *

[1] A propos de chasse aux sorcières : spéciale dédicace aux fonctionnaires musulmans qui prennent double ration de stigmatisation ces derniers temps.


13 comments:

Le coucou a dit…

Très bon éclairage! J'aimerais bien retrouver l'origine d'une croyance que j'ai en tête, selon laquelle, le statut protecteur des fonctionnaires (et leur moindre salaire), vient de la nécessité de les mettre à l'abri des pressions du pouvoir et des gens en général… Mais je ne me souviens plus de la source…

Anonyme a dit…

Je suis fonctionnaire et fier de l’être, je vous raconte un peu ma vie :
-1 bac MAVELEC (maintenance electronique)
- 4 ans en SAV SONY grand public puis licencié économique (la conjoncture m'a expliqué le boss)
- 3 ans au chomage (VRP/ convoyeur de voiture / intermittent du spectacle/ interim etc …)

Enfin ce qui m’a sauvé : un concours dans l’éducation nationale comme Ouvrier Professionel en bureautique, suivi d’un autre de Maitre Ouvrier, donc plus de chomage depuis 13 ans, salaire actuel : 1490 € net pour 1558h/an de travail.
je m’estime trés « rentable », puisqu’il n’y a plus que ca qui compte, en effet je suis administrateur réseau, je fait aussi de la maintenance hardware, l’audiovisuel, la téléphonie, la reprographie etc …

la même chose dans le privée coute 3 a 4 fois plus ! donc cher Gouvernement , saqué, saqué ! mais rira bien qui rira le dernier.

l'objectif: dresser les français les uns contre les autres, en attisant le pire de ce qui se cache en eux.

De toute façon cette chasse récurente aux fonctionaires, c’est en vu des municipales, faut pas ce leurrer, comme la chasse a la Burka n’a pas marché faut bien trouver autre chose.

Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt !

Guyb a dit…

Le volontariat se base sur un principe simple: on fait croire au jeune qu'en se montrant volontaire et dynamique il recevra une promotion importante et pourra ainsi petit à petit gravir les échelons dans son entreprise.
Au boût de quelques années sans promotion ni amélioration de salaire, le jeune n'y croira plus et son dynamisme en pâtira. A ce moment là il sera considéré comme "usé", se verra licencié et remplacé par un plus jeune encore "frais".

Le_M_Poireau a dit…

Rien que sur le principe, c'est idiot : si on vire les fonctionnaires, qui va former les jeunes, hein ? Ils savent combien ça coûte la formation dans le privé, ou bien ?
:-))

[Tiens, en plus ce revival des "emploi-jeunes" à la sauce volontariat vient pile poil en concurrence avec les auto-entrepreneurs, c'est pas de bol pour eux ! :-)) ].

Franck a dit…

Ce qui est marrant, c'est que le "bon jeune" qui aura fait ce volontaria (volontaire ou par conseil parental), quand il se pointera dans une boiboite qui ne veut que le bonheur de ses employés... le DRH sera la et surtout, joyeux.
Reellement, en prenant la place d'un DRH, je vois en bas de CV "j'ai fait mon service civique, yeaaaaah", je me dis directement :

"puté, v'la ce pigeon, il a taffé comme un dingue, payé une misere, donc, j'vais pouvoir s'essorer jusqu'au bout tant que je lui laisserai l'espoir d'une reconnaissance.."

donc, de la future bonne chair a canon pour les entreprises humaines... qui sera choisie par rapport a un CV dit classique simplement par son coté "trop gentil".

Le pire, c'est que ca sera un argument positif dans ce foutu CV ("attendez, ce bon pig.. jeune s'est donné pour la communauté, c'est qu'il est bien") alors qu'il sera pratiquement surement pris dans le sens donné plus haut

Franck

Kaos a dit…

Ouais, juste une pitite remarque de pinaillage : le jeune est certainement une réserve de prolétariat sous-payé, mais la réserve classique, c'est le chômeur et l'immigré. Le jeune n'a été intégré au système en tant que jeune que depuis 30-40 ans. Avant, le jeune prolo n'était qu'un prolo comme les autres et le jeune petit-bourgeois n'était pas un futur déclassé.

Mais bref. C'est juste le 'classique' qui me fait. D'ailleurs tu passes ton temps à nous raconter que les baby-boomers sont des gros trous du culs puisqu'ils n'ont pas connu ça et font mine d'ignorer ce qui se passe pour leurs enfants et que c'est de leur faute , ce qui est parfaitement vrai, mais prouve bien que ça n'a rien de classique.

Pinaillage à part, je suis plus moins au pôle emploi en ce moment, et le discours dans les entretiens est prévisiblement affreux (affreusement prévisible?) :
" Moi : Nan mais moi je veux bosser le moins possible, genre un mi-temps dans n'importe quoi, il me faut juste un salaire pour payer le loyer
- Nan mais pour un jeune, faut être dynamique, pis pourquoi vous voulez bosser moins de temps, ça fait moins d'argent!
- Je préfère le temps à l'argent
- ....
- Nan mais il faut vous occuper, c'est important et cotiser pour votre retraite. Et puis il faut être précis dans son choix, c'est important, avoir un projet professionnel, c'est rassurant pour les employeurs. "
J'ai pas osé lui demander comment elle avait construit son projet pour finir là.
Je me demande desfois si c'est pas les petites mains du capital qui sont les pires...

Seb Musset a dit…

@Kaos > Ce n'est pas de la faute des baby-boomers. On aurait vraisemblablement fait la même chose à leur époque, d'ailleurs y avait-il une conscience du chômage ?

Le problème est + dans le décalage actuel des revenus entre les anciennes générations entre les nouvelles (l'une qui a pu surfer sur la vague, l'autre qui est submergée par elle)

"armée de réserve classique" usé ici pour signifier la gestion particulière des jeunes dans le monde du travail français. C'est bien beau d'en appeler au volontariat alors que depuis 15 ans, on se sert des stagiaires sous payés pour faire le boulot de 3 salariés (et que nombre de boite ont survécu grâce à cela).

Faire rentrer "le jeune" à moindre cout sur le marche du travail au nom de "la formation" est bien sur voulu (on comprend aisément pour quoi). C'est un des moyens pour tirer la grille générale des salaires vers le bas

Bon... Avec les années, la notion de jeune ne veut plus dire grand chose (à 38 ans sans emploi fixe depuis 20 ans, suis-je encore jeune ou déjà vieux ?) Pareil pour ceux décrétés trop "vieux" à 45 ans et qui n'ont jamais vraiment eu le temps de faire carrière...

Kaos a dit…

Nan mais je comprenais très bien, et je suis assez d'accord, c'est juste que c'est pas 'classique'.
C'était vraiment juste pour pinailler...

BA a dit…

Dépense intérieure d’éducation (DIE) :

En 1995, la France dépensait pour l’Education Nationale 7,6 % du PIB.

En 2000, la France dépensait pour l’Education Nationale 7,3 % du PIB.

En 2001, la France dépensait pour l’Education Nationale 7,2 % du PIB.

En 2003, la France dépensait pour l’Education Nationale 7,1 % du PIB.

En 2004, la France dépensait pour l’Education Nationale 7 % du PIB.

En 2005, la France dépensait pour l’Education Nationale 6,8 % du PIB.

En 2007, la France dépensait pour l’Education Nationale 6,7 % du PIB.

En 2008, la France dépensait pour l’Education Nationale 6,6 % du PIB.

http://media.education.gouv.fr/file/2010/97/4/NI1001_135974.pdf

Qu’on en finisse.

Je propose qu’on privatise l’Education Nationale, et puis qu’on n’en parle plus.

BA a dit…

media.education.gouv.fr/file/2010/97/4/NI1001_135974.pdf

Anonyme a dit…

Seb, tu devrais aller voir ce billet d'authueil pour un autre éclairage :

http://www.authueil.org/?2010/02/05/1555-licencier-les-fonctionnaires

Seb Musset a dit…

Sacré Authueil ;)

http://www.intox2007.info/index.php?post/2010/02/07/Les-bienheureux-selon-Autheuil&utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter

Juan a dit…

parfait !!

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