Avant d’attaquer les sujets sérieux de la rentrée comme le roman tragi-comique de la canicule en toc, la 37e défaite réussie de Poutine, la désintégration des services publics de ce pays et le paquet de céréales Bio à 12 euros au Spar de Villefort abordons, avec un peu de retard certes, la polémique qui a régalé vos fils d’actu ces derniers jours : les propos de la chanteuse Juliette Armanet sur Michel Sardou et sa chanson Les lacs du Connemara.
Disclaimer : Ni fan de l’un ni fan de l’autre, je reconnais à Michel Sardou d’être un grand interprète, d’avoir su durer et d’avoir fédéré un très large public sur plusieurs générations (le mec a encore fait sold out le journée des préventes pour sa prochaine tournée). Je reconnais à Juliette Armanet… qu’elle sait jouer du piano.
Chacun ses goûts musicaux et la musicienne et chanteuse a bien le droit de penser et dire ce qu’elle veut. C’est donc une non-affaire artistique totale, d’autant qu’il n’y a pas clash au sens technique du terme : elle répondait à une question à la con dans une émission de merde. On demande l’avis sur tout à la moindre pseudo célébrité, à la quête de la petite phrase à découper pour faire du buzz. Parfois ça marche.
Ce qui m’intéresse ici ce sont les mots et l’argumentaire utilisés par la dame pour chier sur cette légende vivante de la chanson française.
Au sujet de la chanson les lacs du connemara (qu’on aime ou pas probablement une des 10 chansons les plus emblématiques du siècle passé), Juliette Armanet déclare :
« C’est vraiment une chanson qui me dégoûte ». Elle évoque « un côté scout, sectaire ». « La musique est immonde, (...) c’est de droite, rien ne va ».
"C’EST DE DROITE, RIEN NE VA".
L'air de rien, Juliette Armanet synthétise en 6 mots l’intégralité des 25 dernières années de l’argumentaire de gauche
"C’EST DE DROITE, RIEN NE VA".
J’en conclue donc que la chanteuse, comme tant d’autres artistes engagés, se place à gauche : là où tout va. Sardou fait une musique de droite ? Je ne connaissais pas le concept de musique de droite. Après tout Juliette Armanet a fait des années de solfège, elle sait mieux que moi.
C'est plus simple en vrai : Sardou est effectivement de droite (il l'a assez dit) et rappelons le code source de la pensée universitaire de gauche qui irrigue tous le discours de ces artistes biberonnés à Télérama : Sardou = droite, droite = caca donc IF musique + Sardou THEN GO TO Beurk.
Point bonus, en prononçant cette phrase la chanteuse se situe automatiquement dans le camp du bien : à savoir la gauche qu’il n’y a donc même plus besoin de définir autrement que "c’est pas la droite". Pour être bien il faut être de gauche et, pour "être de gauche" il suffit de dire que la droite c’est mal.
Fort ironiquement, dans la même phrase la chanteuse évoque le "sectarisme" de la droite.
La pensée binaire. Je connais bien le truc, j’ai fait pareil pendant des années avant de reconnaître que c’était un peu léger comme analyse politique, une garantie d'échec pour construire et surtout malhonnête comme posture morale car, et j’y reviendrais dans un prochain billet : nous sommes tous de droite.
Il y a l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre la bourgeoisie de droite et celle qui se pense et se dit de gauche (et Juliette Armanet en est un beau spécimen). On peut sortir toutes les grilles d’analyse politique et sociologiques, avoir les belles nobles paroles et produire les écrits les plus ciselés, à la fin il ne reste que les actes. Combien ai-je vu, à l'épreuve des faits, des mecs et filles généreux et altruistes classés "à droite" et de sombres merdes humaines profiteurs et sectaires à gauche (et inversement) ? Beaucoup. Si j’ai appris une chose de ces, déjà nombreuses, années sur terre, c’est de ne jamais se fier aux labels simplistes, de ne jamais classer définitivement quelqu'un sur la base d’une appartenance supposée, ou même effective, à un courant politique.
La période du Pass sanitaire aura été la démonstration grandeur nature de la parfaite adaptation d'une large partie de "la pensée de gauche" aux pires dispositifs liberticides. On aura finalement trouvé plus de types stigmatisés "de droite" pour s’insurger des restrictions de liberté. A gauche, on a globalement fermé sa gueule ou fièrement collaboré.
"La scène a été pour moi un moment très libérateur" lance Juliette Armanet sur le plateau de BFM au sujet de sa tournée en décembre 2021 en pleine période du Pass. Visiblement, la ségrégation sur la base d’une injonction à la piqûre expérimentale pour accéder à sa musique humaniste c’était pas trop de droite là.
La vérité depuis quelques temps c’est que ce que je pouvais associer de négatif à la droite, je le trouve dans le discours de gauche : l’esprit étriqué, la rigidité des canaux de pensée, l'inadaptation au réel, l’absence totale de remise en cause, le rejet haineux de tout ce qui ne vient pas de son camp, le rejet de l’autre (bah oui il est de « droite », quand il n’est pas « fasciste » c’est à dire par d’accord avec moi), le rejet de la différence (autres que celles que je tolère bien sûr, et qu'il faut tolérer sinon t'es fasciste), le double discours (la différence du discours sur l’affaire Lola et sur celle de Nael est à vomir) et surtout, par dessus tout ça, l'affirmation décontractée de sa supériorité morale. Un peu comme si on me crachait en continu à la gueule en me certifiant que c'est du caviar. Sur que ça ne donne pas trop envie de voter pour ça.
Je ne m’inquiète pas trop non plus, malgré une surface médiatique disproportionnée par rapport à ce qu’ils représentent dans la société (faut dire on en a besoin pour "faire barrage au fascisme" et faire gagner Macron), faute d’une remise en cause (processus dont, noyés sous le poids de leur magnificence intellectuelle, ils semblent incapables) ces gens et leur pensée à forme de réflexe conditionné, s’éteignent peu à peu, balayés par le souffle du réel.
Terre brûlée au vent, des landes de pierres...
Update 21.08.2023 : l'analyse musicale
5 comments:
Billet mieux que bienvenu, que je compléterais dans le registre musical avec l'analyse d'Étienne Guéreau…
https://youtu.be/t_8VOPR5zxo
[19/08/2023 - 19:35]
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Acquavite
Entièrement d'accord, bien sûr (j'ai moi même été bêtement pourchassé pour mes valeurs morales qui ne sont pas parfaitement de gauche) et tu formules la chose d'une manière qui ne m'était pas venu à l'esprit, bête comme je suis : la supériorité de "nos" valeurs morales, le fait de ne plus avoir de gauche que l'opposition à la droite et tout ça.
Ce qui me gêne, c'est qu'on a tous les jours de nouveaux "buzz" sur le thème. J'en ai vu deux aujourd'hui (sans parler des coups bas à l'intérieur de la Nupes).
1. Une députée du centre ou de droite qui a fait une photo d'elle devant un barbecue avec au moins 100 euros de viande. On a vu toutes les attaques, le mépris de classe, la destruction de la planète, les pauvres qui savent bien qu'on ne peut pas manger de viande.
Sans même penser qu'un ménage qui gagner 2500 euros par mois aurait le droit de payer une bouffe à ses potes.
2. L'abruti tâché, à propos des tags antisémites à Levallois qui a twitté : ça c'est du vrai antisémitisme. Sous entendu de l'antisémitisme de droite, bien plus grave que celui de gauche, qui ressort avec "l'affaire Médine". Comme s'il pouvait y avoir un bon et un mauvais antisémitisme.
On pensera évidemment ce qu'on voudra de chacune de ces histoires. Tiens ! La pauvre Armanet a dit des conneries dans un entretien dans un obscur média. Pas de bol, son interlocuteur en a fait un tweet qui a été repéré et a fait le buzz, rendant les propos emblématique du mépris de la part d'une certaine gauche.
C'est le cumul de ces conneries qui devient affolant.
@Nicolas : nos billets se sont croisés. Oui on tourne autour de la même problématique. Un camp de la raison qui ne parle qu'à lui même (et encore) en crachant à la gueule de tous les autres. Ils sont désarmants de connerie.
@aquavite > Merci, je rajoute au billet
Petite coquille dans la légende de la photo : manque un zéro à 80.
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