Le social-démocrate est un gars sympa, un peu austère, un peu rigoureux, mais pas complètement foutu. On peut encore discuter. Il est juste obsédé par des impossibilités : le remboursement de la dette et la croissance. Un jour, peut-être, il comprendra (il lui faudra le temps) qu'on ne remboursera jamais la dette et que du boulot, il y en aura de moins en moins (et que ce n'est pas une mauvaise nouvelle à moins de repenser la société de fond en comble). D'ici là, tant qu'il peut faire carrière, il appliquera encore et toujours, les recettes d'hier à la situation d'aujourd'hui avec le même échec pour demain.
Quid du "social-libéral" ?
Bon là c'est plus grave. On est dans l'imposture intellectuelle à fort potentiel marketing. Rapport qu'il y a un mot de trop à la base, social (protéger le plus faible) étant l'oxymore économique du libéralisme (que le plus fort gagne).
En fait, le vrai terme pour qualifier le gouvernement en place serait plutôt "sociétal-libéral". Là c'est plus cohérent : une politique économique orientée à droite enrobée de réformes sociétales fortement marquées à gauche (mais compatibles avec le libéralisme, chacune créant potentiellement de nouveaux marchés). Le mariage pour tous, le droit à l’euthanasie, l’égalité homme-femme, la dépénalisation du cannabis (si si vous verrez)… Autant de combats nobles, que je partage, parfois urgents, mais qui ne sont pas considérés comme prioritaires pour les Français et ne répondant pas à la mesure du pessimisme et de la détresse sociale rongeant ce pays : chômage, précarisation du salariat (en fait, ce libéralisme mal assumé accélérera ce mouvement au nom du principe de "compétitivité") et mal-logement (la fondation Abbé Pierre publie son rapport annuel, une fois de plus accablant).
Le combat sociétal, nécessaire, a aussi pour effet bénéfique de détourner l'attention et cristalliser la contestation autour de quelques allumés qui, au final, par leurs excès, discréditent et fragmentent l’opposition. Méthode efficace, mais dangereuse : en coagulant les colères des réactionnaires, on leur donne un sentiment de toute puissance avec les risques inhérents (montée du racisme décomplexé, violence, drainage général du débat politique sous le niveau de la mer...). On l'a vu avec les manifs pour tous, on l’a revu avec les trépanés du jour de colère, on le revoit encore avec ce délire collectif autour d'un SMS prétendant qu'un complot socialo-maçonnico-gay masturbe gratis à l'école… Pendant ce temps-là, la destruction du code du travail ou le démantèlement de la protection sociale se poursuivent au même rythme de croisière qu'avant dans une relative discrétion et une totale atonie de la contestation. Pour résumer : ça gueule moins que quand nous étions gouvernés par la droite alors qu'objectivement, sur le plan social, c'est pire.
C'est bien vu. Le combat sociétal, on peut difficilement être contre sous peine de passer pour ce que l'on est : un rétrograde (aussi bien pour l'union homosexuelle, que le droit de mourir dans la dignité ou même le cannabis, il s'agit le plus souvent d'aligner la législation sur la réalité de la société). Le temps d'antenne ainsi occupé ne l'est plus pour de réels reculs sociaux et économiques : l'ANI, le CICE...
Pourtant, on peut se demander ce qui passe par la tête du gouvernement sociétal-libéral lorsque, suite à un énième défilé aux pétards mouillés de frappés du caisson, il revient en arrière sur un projet de loi (ne contenant même pas ce que les brailleurs en croisade exigeaient de retirer : PMA et GPA).
Là, on touche les limites de l'exercice. Ce sera quoi après ? L'abolition de l'avortement ou le retour de la peine de mort ? (Dans la logique qui les caractérise, ce sont les mêmes qui réclament les deux). Chômeurs et licenciés savent désormais qu'il leur faudra enfiler une soutane et scander des slogans obscurantistes pour être entendus du pouvoir.
A la décharge du gouvernement, il est vrai que la bêtise des arguments de la Sainte-Alliance des absurdes est désarmante. C'est précisément pour cela qu'ils ont un avantage. Et l'actualité nous le prouve jour après jour.
Jusqu'où ?
Ne jamais, jamais, sous-estimer la connerie de l'adversaire. C'est une règle d'or.
Là, on touche les limites de l'exercice. Ce sera quoi après ? L'abolition de l'avortement ou le retour de la peine de mort ? (Dans la logique qui les caractérise, ce sont les mêmes qui réclament les deux). Chômeurs et licenciés savent désormais qu'il leur faudra enfiler une soutane et scander des slogans obscurantistes pour être entendus du pouvoir.
A la décharge du gouvernement, il est vrai que la bêtise des arguments de la Sainte-Alliance des absurdes est désarmante. C'est précisément pour cela qu'ils ont un avantage. Et l'actualité nous le prouve jour après jour.
Jusqu'où ?
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Illustration : Abbés en quenelle. (source)
Nouveau livre de Seb Musset, L'abondance.
+ d'infos
Disponible ici en papier ou ebook.
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11 comments:
Je pense Seb que tu fais 2 erreurs ici:
1) les fameuses lois type mariage homosexuel sont loin de faire l unanimite, meme parmi les electeurs PS. Autant une union civile n aurait pas fait de vague, autant le gouvernement a donne le baton pour se faire battre en y accollant le terme mariage et en laissant entendre qu on allait legaliser PMA et mere porteuse (ce qui d apres le canard enchaine etait prevu pour la PMA a l origine)
2) il y a bientot des elections: agiter un chiffon rouge devant l electeur juste avant des elections qui s annoncent mal, c est suicidaire. Rappelle toi que le PS est un parti d elus et que ceux ci n ont pas envie de se retrouver a pole emploi ;-)
Sinon le calcul de faire des lois societales est exactement ce que preconisait le think tank du PS il y a quelques annees: ils faisaient le constat que le peuple etait perdu pour le PS et qu il fallait chercher des electeurs dans les minorites (immigres, homo, feministes)
PS: a propos de reforme societales, je prends le pari qu on va ressortir le droit de vote des immigres juste avant la presidentielle, histoire d avoir le FN au deuxieme tour (Hollande esperant evidement faire comme Chirac)
En fait, c'est à un travail de Restauration, au sens contre-révolutionnaire du terme, que nous assistons depuis le mileu des années 80 où ce qui était, dès le Front Pop', unanimement salué comme des avancées et qui témoignait de l'évolution positive d'une société, est remis en cause au nom d'une logique vénale empreinte de moraline régressive/répressive.
Ainsi, l'on voit s'éroder dans un silence de grand messe les acquis du Conseil National de la Résistance ; la loi sur l'avortement, déjà modulée, pourrait être remise en cause sur le modèle des dispositions franquistes prises par Rajoy ; on peut imaginer un retour de la peine de mort à la faveur d'un fait-divers particulièrement atroce - il faut se souvenir que l'abolition de la peine de mort, à l'époque où elle a été votée, était ressentie comme une frustration dans les milieux populaires qui se sentent plus exposés à l'insécurité, pour qui la loi Badinter n'était qu'un joujou d'intellectuels parisiens ; les minima sociaux sont clairement en ligne de mire, mais en l'absence de monnaie d'échange (les substituer à quoi ? forcer leurs bénéficiaires à "travailler" mais au prix de quelle nouvelle usine à gaz et auprès de quels employeurs ?) on ne voit pas ce gouvernement ni aucun autre prendre le risque de "mettre à la rue" - et dans la rue - une masse considérable de gens qui n'auraient alors plus rien à perdre et aucun syndicat jaune pour les canaliser.
On baigne dans un chaos idéologique où se bousculent les faux-semblants, bouillon de culture où s'entremêlent débats-bidons et moraline à deux balles, provocs de bas étage et micro-manifs, tempêtes de bénitier et replis vers une nostalgie revisitée... tandis que, comme vous le soulignez dans votre article, Seb Musset, pèse un silence radio sur ce qui nous pose problème depuis que nous est infligée l'épidémie de peste néolibérale. Pas touche aux privilèges des propriétaires au moment où sévit une crise du logement presque comparable à celle de l'après-guerre, qui imposerait une mise au ban de la spéculation et un encadrement strict des loyers ; la précarité, on l'accroît par des mesurettes telles que l'embauche d'"intervenants" dans les écoles, quelques heures par semaine, pour des disciplines d'éveil sans véritable projet éducatif.
(2 et fin)
A côté de ça on assiste à la pénible agonie d'une "gauche de la gauche" que l'on n'attend plus sur le terrain de l'activisme, que l'on voit s'enliser dans des débats stériles, s'accrocher à ses petits mandats locaux au prix d'alliances improbables avec des factions écolos-bobos. Une "gauche de la gauche" absente aux côtés des travailleurs pauvres, des chômeurs, des bénéficiaires de minima sociaux et des mal-logés - frange de la société à l'état d'abandon, en guéguerre permanente avec la nébuleuse des "fonctionnaires nantis" (cette administration aveugle et sourde qui est là pour les fliquer et leur pourrir la vie), qui n'a personne pour représenter ses intérêts et qui va se replier vers l'extrême-droite par instinct de vengeance, s'enliser dans la désocialisation, fuir une société où elle ne se sent plus avoir de place (désaffiliation), s'arranger d'expédients pour les plus indépendants, les plus "malins".
Pour ceux-là, il n'est plus de refuge. L'Etat c'est l'ennemi qui pond des lois pourries que ses fonctionnaires sont en charge d'appliquer, et le Capital c'est le système que l'Etat engraisse à la santé de tout un chacun à force d'abonnements forcés et d'augmentations constantes des charges vitales, eau, électricité, gaz.
Les fondements mêmes de la société sont atteints dès lors que l'accès au logement et au confort sont mis en péril. Nous y sommes.
S'il existait encore des intellectuels tels que Bourdieu ou Lévinas, ils envisageraient sans doute cette crise sociétale selon une perspective d'avant-guerre.
Car faute d'un élan subversif qui nous sauverait de ce qui est en train de se tramer (ne serait-ce que par une abstention massive aux élections à venir, hélas impensable, les "votards" étant les plus nombreux), faute d'un mouvement insurrectionnel spontané qui se jouerait des clivages politiciens, c'est bel et bien à une perspective de guerre que nous livre la politique menée dans ce pays.
Parfaitement résumé. A quand la compréhension de masse des électeurs de gauche du Ps (il doit bien en rester, mais justement, il serait temps qu'ils aillent enfin voir ailleurs) ?
L'anonyme du premier commentaire se berce d'illusions, et devrait se rappeler que le PACS, en son temps, avait déjà provoqué force remous. Alors, remplacer le mariage par une union civile (ce qu'est d'ailleurs le mariage) n'y aurait pas changé grand chose.
@ZapPow le PACS n avait pas generes des manifs importantes, juste quelques excités genre Boutin brandissant la bible a l assemble. Je suis sur qu au depart Hollande a voulut un long debat sur le mariage gay, histoire de plomber/diviser l UMP. Pas de chance, avec la derive sur la PMA et les meres porteuses, ca lui est revenu a la tete, un peu comme chirac avec le referendum sur l europe (concu pour foutre la merde au PS mais devant etre gagne au final. pas de chance, le resultat fut NON)
En ce qui concerne la polemique recente sur la loi sur la famille ou la theorie du genre a l ecole, c e qui est interessant c est que ce que dit le gouvernement n est pas cru.
Raison : les hommes politique n ont aucune credibilité. Nier que Hollande a fait un virage libéral (sujet qui impacte bien plus la population que les sujets qui font debats) est se moquer du monde !
Certes Hollande suit ici le modele de Mitterrand qui changeât de politique en 83 tout en niant tout changement de cap. Va t on voir Tapie redevenir un symbole du "winner" et un ministre ??
Pourquoi n'avoir pas fait comme aux Pays-Bas ? Là-bas ils avaient au départ une sorte de PACS, qu'ils ont fait évoluer progressivement de telle sorte qu'il devienne identique au mariage en terme de droits et de devoirs. La fusion des deux n'a alors pas posé de problème.
Mais apparemment à gauche on ne se satisfait pas de mesures concrètes et de progrès réels. Il faut que ça s'accompagne de provocations pour bien affirmer sa victoire sur l'ennemi idéologique. Après, on vient chougner parce que ça ne passe pas comme une lettre à la poste.
Avec la logique qui les caractérise, les défenseurs acharnés de l'avortement sont contre la peine de mort.
Tu as raison, ZapPow. Il y a une dizaine d'années, j'avais eu l'occasion de discuter avec le vrai papa du PaCS (même Wikipedia en convient) : il m'avait détaillé toutes les tracasseries auxquelles il avait été en butte quand il planchait avec un ou deux autres sur le dossier juridique préalable à la proposition de loi.
C'est d'ailleurs un PaCS au rabais qui avait fini par passer, amputé de dispositions pour lui essentielles. Depuis, le statut du PaCS a été amélioré un peu. Des lacunes perdurent cependant, à propos notamment des enfants, du statut du conjoint en cas de décès, etc....
Avec la logique qui les caractérise, les partisans de la peine de mort sont contre l'avortement, au risque de mettre la femme enceinte en danger, au nom de fumeuses théories religieuses qui donneraient "une âme" à des embryons dont le cerveau n'est en rien fonctionnel.
Dimanche 9 février 2014 :
Baroin : « Hollande fait la politique de Sarkozy »
L'ex-ministre UMP François Baroin, interrogé ce dimanche sur le pacte de responsabilité présidentiel, a jugé que François Hollande appliquait la politique de son prédécesseur, mais avec "beaucoup moins de talent" et sans majorité.
Lors du "Grand Rendez-vous" (Europe 1, i>télé, Le Monde), le député-maire de Troyes a assuré : "que le consensus sur la baisse du coût du travail existe, je m'en félicite, c'est ce que nous avions porté en janvier 2012 avec la TVA sociale".
"François Hollande applique la politique de Nicolas Sarkozy avec beaucoup moins de talent, beaucoup moins d'énergie et pas de majorité, 18 mois après avoir démonté, déstabilisé, démoli l'économie", selon l'ex-occupant de Bercy.
Pour lui, le pacte de responsabilité (baisse de charges contre emplois) proposé par le chef de l'Etat aux entreprises, "c'est ce qu'il faut faire".
"Mais François Hollande est comme un joueur d'échecs devant son échiquier. Ce qu'il fait avec la baisse du coût du travail, c'est ce qu'on appelle un coup forcé. Il a tellement perdu ses pions et ses pièces qu'il n'a d'autre choix que de faire ce mouvement", a encore dit le responsable d'opposition.
On dirait des frères jumeaux :
http://litinerantcitoyen.files.wordpress.com/2012/01/hollande-sarkozy1.jpg
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