J'allais écrire un billet sur ce débat qui revient souvent : Faut-il stigmatiser les électeurs du FN ou chercher à les comprendre en y mettant les formes ?
Et puis, je suis tombé sur le dernier numéro d'Envoyé Spécial sur les "nouveaux visages du FN".
On y suit trois trentenaires candidats FN pour les municipales : son vice-président, Florian Philippot, un transfuge de l'UMP et une commerçante, novice en politique et propulsée candidate par le parti dans son village des Ardennes.
Au gré de sa campagne de terrain sous les caméras de France 2, cette jeune femme carbonise en quelques minutes les laborieuses tentatives de Marine Le Pen pour rendre cool, crédible et modéré le parti d'extrême droite. Après moult approximations et l'expression de diverses peurs, la commerçante finit par se lâcher totalement et comparer trankilou pépèrlito Christiane Taubira à un singe[1], en ajoutant qu'elle n'est pas raciste et a des amis noirs.
Réaction du FN : suspension de la candidate. Parfaite introduction pour le billet que je voulais faire depuis un petit moment : 1 / Le FN ne crée pas la bêtise, il la récupère et l'instrumentalise. Et dès fois, comme hier soir, ça lui pète à la tronche en prime-time. 2 / C'est loin d'être un parti aussi charpenté qu'il le prétend et qui reste bien embarrassée par la fougue de ses troupes (c'est un paradoxe pour un mouvement qui se veut démocratique).
La réaction du FN envers sa candidate est symbolique de ce rapport. La candidate du terrain est envoyée au front, va trop loin devant les caméras, contrevenant avec la ligne marketing décidée à Paris, et se voit éjectée pour avoir (pour reprendre l'expression consacrée et entendue dans le reportage) dit tout haut ce que chacun penserait tout bas.
Au-delà de "la lutte des races" qui, il suffit de gratter un peu, reste une base commune, le vote FN se divise à mon sens en deux catégories principales :
D'un côté, la compote des colères (légitimes ou pas) provenant de gens qui n'ont juste aucune architecture politique ou instruction historique minimale. A leur décharge, à force de patauger dans la crasse de l'époque sans aucune autre grille d'analyse que celle des écrans, on finit par penser de la merde, et ce faisant, on renforce la crasse de l'époque. Et là, le boulot (colossal) est autant politique que culturel.
De l'autre côté, des gens qui savent très bien ce qu'ils font et pour qui ils votent. On aura tort de penser qu'il s'agit d'un vote de la misère (la thèse qui arrangerait tout le monde). On voit dans quel état de panique, la simple esquisse d'un demi-risque qu'il puisse y avoir une politique vaguement de gauche a mis en transe le (large) monde de la rente dès le lendemain de l'élection de François Hollande. Ce monde-là préférera toujours n'importe quelle droite, à n'importe quelle gauche. Appelons ça l'identité fiscale. Et vu la farce qu'est devenue l'UMP, et dans quel état de porosité idéologique Nicolas Sarkozy a laissé ce parti, le pas se franchira vite (on l'a vu à Brignoles).
La seconde catégorie dupe et dupera la première.
Pourquoi deux électorats à priori contradictoires (le type qui galère et celui qui veut protéger son capital des types qui galèrent) se retrouveraient-ils dans le vote FN ? Toujours pareil : la peur, l'individualisme et le toujours plus.
La peur.
Les uns ont peur qu'on leur vole une identité culturelle qu'entre deux tranches de Pizza au Coca devant Les Experts Las Vegas sur leur écran made in China, ils sont incapables de définir. Les autres ont peur de payer pour les autres. Les uns expriment leur peur de la mondialisation en pointant du doigt les "immigrés" ou les "musulmans" (notions vagues tant elles recoupent bien vite tout ce qui n'a pas la peau blanche). Les autres travestissent la peur Facile, pratique, pas cher, simple comme un forfait téléphonique et permettant d'éviter l'autocritique : l'autre est un type bien pratique.
Et puis, je suis tombé sur le dernier numéro d'Envoyé Spécial sur les "nouveaux visages du FN".
On y suit trois trentenaires candidats FN pour les municipales : son vice-président, Florian Philippot, un transfuge de l'UMP et une commerçante, novice en politique et propulsée candidate par le parti dans son village des Ardennes.
Au gré de sa campagne de terrain sous les caméras de France 2, cette jeune femme carbonise en quelques minutes les laborieuses tentatives de Marine Le Pen pour rendre cool, crédible et modéré le parti d'extrême droite. Après moult approximations et l'expression de diverses peurs, la commerçante finit par se lâcher totalement et comparer trankilou pépèrlito Christiane Taubira à un singe[1], en ajoutant qu'elle n'est pas raciste et a des amis noirs.
(je vous conseille de visionner le doc en entier sur Pluzz)
La réaction du FN envers sa candidate est symbolique de ce rapport. La candidate du terrain est envoyée au front, va trop loin devant les caméras, contrevenant avec la ligne marketing décidée à Paris, et se voit éjectée pour avoir (pour reprendre l'expression consacrée et entendue dans le reportage) dit tout haut ce que chacun penserait tout bas.
Au-delà de "la lutte des races" qui, il suffit de gratter un peu, reste une base commune, le vote FN se divise à mon sens en deux catégories principales :
D'un côté, la compote des colères (légitimes ou pas) provenant de gens qui n'ont juste aucune architecture politique ou instruction historique minimale. A leur décharge, à force de patauger dans la crasse de l'époque sans aucune autre grille d'analyse que celle des écrans, on finit par penser de la merde, et ce faisant, on renforce la crasse de l'époque. Et là, le boulot (colossal) est autant politique que culturel.
De l'autre côté, des gens qui savent très bien ce qu'ils font et pour qui ils votent. On aura tort de penser qu'il s'agit d'un vote de la misère (la thèse qui arrangerait tout le monde). On voit dans quel état de panique, la simple esquisse d'un demi-risque qu'il puisse y avoir une politique vaguement de gauche a mis en transe le (large) monde de la rente dès le lendemain de l'élection de François Hollande. Ce monde-là préférera toujours n'importe quelle droite, à n'importe quelle gauche. Appelons ça l'identité fiscale. Et vu la farce qu'est devenue l'UMP, et dans quel état de porosité idéologique Nicolas Sarkozy a laissé ce parti, le pas se franchira vite (on l'a vu à Brignoles).
La seconde catégorie dupe et dupera la première.
Pourquoi deux électorats à priori contradictoires (le type qui galère et celui qui veut protéger son capital des types qui galèrent) se retrouveraient-ils dans le vote FN ? Toujours pareil : la peur, l'individualisme et le toujours plus.
La peur.
Les uns ont peur qu'on leur vole une identité culturelle qu'entre deux tranches de Pizza au Coca devant Les Experts Las Vegas sur leur écran made in China, ils sont incapables de définir. Les autres ont peur de payer pour les autres. Les uns expriment leur peur de la mondialisation en pointant du doigt les "immigrés" ou les "musulmans" (notions vagues tant elles recoupent bien vite tout ce qui n'a pas la peau blanche). Les autres travestissent la peur Facile, pratique, pas cher, simple comme un forfait téléphonique et permettant d'éviter l'autocritique : l'autre est un type bien pratique.
Si le vote FN se veut un vote de rejet du "système" politique, il est en revanche un vote d'adhésion... à tout le reste. Sous l'angle du "tout pour ma gueule", c'est la continuation du système, mais débarrassé du vivre-ensemble. Sans les autres, le monde, euh pardon le pays, euh pardon ma salle à manger serait soudainement plus agréable à vivre. Peur et renfermement sur soi s'auto-alimentent.
Comme en son temps pour le vote Sarkozy, le vote FN n'est qu'une conséquence de la société du laid, avec sa consommation à outrance et son cortège de frustrations sur lesquelles des médias en quête de spectacle déversent des baquets d’angoisses et de tentations (passez une soirée sur les principales chaines de la TNT, et vous comprendrez de quoi je parle).
Le FN n'est qu'un récipient entre de mauvaises mains. Il se remplit des névroses, de l'individualisme bourgeois et de l'inculture de l'époque. C'est pour cela que le FN "newlook" est souvent un bon objet de télévision : ils ont la même logique pour capter l'audience.
[1] cette comparaison tourne sur Facebook depuis un moment, bien au-delà du FN.
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10 comments:
Résumons-nous : lorsque le PS vire une brebis galeuse (allez au hasard : Jérôme Cahuzac), cela prouve la bonne santé démocratique et la vertu de ce parti, mais quand le FN fait la même chose, c'est le signe que ce parti est faisandé jusqu'à l'os.
Brillant, et tu l'as écrit : le boulot (colossal) est autant politique que culturel oui, il faut les sortir de la , donc ça évite les tribunes creuses, les insultes médiatiques et autres options télérama courant d'air.
Du politique concret.
Et là c'est mal parti avec cette gauche qui n'a même pas vu que des électeurs des premiers déciles allaient se prendre 2 , 4 ou 5% d'impôts en plus quand la fin de mois se joue à 50
On est globalement d'accord mais je crois que tu te trompes sur les motivations fiscales du deuxième groupe. Elles n'ont rien de fiscales.
Tiens ! On sera d'accord sur le fait que notre civilisation où les gens passent leurs dimanches dans des galeries marchandes n'est pas tolérable (alors qu'ils pourraient rester au bistro comme tout le monde). Eux aussi. Ils ont un constat d'évolution de la société contre laquelle il faut lutter mais on n'a pas les mêmes solutions. La fiscalité n'a rien à voir avec ça.
Est-ce que tu tolèrerais que les femmes chez nous soient voilées ? Non. Eux non plus. Pour les mêmes raisons. Mais pas avec les mêmes solutions. Quoique...
Si la gauche reprenait ses sujets à son compte, on n'en serait pas là. C'est quand même délirant de voir reprendre le thème de la laïcité par le FN alors que la "vraie gauche" refuse de le faire par peur de passer pour raciste en tapant sur les musulmans mais en continuant à taper sur les cathos à tort ou à travers.
Mais ils font leur dose de connerie aussi, à défendre le libéralisme qui permet ces évolutions de la société alors qu'il serait si simple d'interdire les centres commerciaux.
Vaste sujet. Mais la fiscalité est loin d'être au cœur du "vote réfléchi" pour le FN.
Je pense qu'il existe une troisième catégorie d'électeurs, présente en particulier chez les jeunes, qui sont les grands perdants du hold-up inter générationel prôné par les partis de gouvernement : le vote de disruption, qui consiste à élire un parti dans le seul but de faire eclater le système, sans en approuver pour autant les idées.
Il est distinct du vote 'sanction', en cela qu'une destruction ne peut en aucun cas être considéré comme une sanction. C'est autre chose. Un peu comme une volonté de précipiter quelque chose de perçu comme inévitable à terme.
Je ne sais plus où j'ai entendu ça mais qq disait le FN est une PME, ça me semble assez juste, une petite boutique familiale qui comme tu le dis bouffe à tous les râteliers de l'égoïsme pour faire tourner boutique.
J'ajoute "trankilou pépèrlito" au dictionnaire de mon butineur :)
@DidierGoux > La plus grosse erreur du PS n'est pas d'avoir viré Cahuzac, mais de l'avoir engager en premier lieu.
@Politeeks > L'histoire retiendra des émeutes fiscales à venir (car elle viendront) que c'est Moscovici qui a lancé le mot d'ordre "ras-le-bol fiscal)
@Jegoun > Ce n'est pas au coeur, mais c'est une partie non négligeable. Et ce ne sont pas les classes populaires et les pauvres qui feront le succès (électoral j'entends) du FN. Moi, j'ai entendu 2 phrases communes transversales dans plusieurs conversations chez des gens différents, mais qu'on qualifiera de classe moyenne (et même plutôt de gauche) :
1 / "on n'est pas écoutés"
2 / "y a trop de taxes".
Le discours sur "l'étranger", 'l'immigré" est là aussi, mais en toile de fond et à des degrés variables, je dirai que ça ne suffit pas à motiver un vote FN massif. Et MLP le sait, d'où ses efforts marketing. Elle ne peut pas progresser seulement avec les réacs.
Sur la phrase 2. je peux tenter d'expliquer et argumenter.
Sur la phrase 1. Je ne peux que leur donner raison.
@epelboin > Oui. De tts les façons, elle récupère tout (c'est sa force actuelle), le vote d'adhésion comme celui de rejet.
Ton billet est vraiment très bien. Remarquable. Et la remarque complémentaire de Fabrice sur le vote de destruction, mais pas du tout d'adhésion, de la part d'une certaine tranche de population que je ne limiterais pas à la jeunesse, me semble aussi pertinent.
Bonjour,
Du coup si vous découvriez une personne de votre parti qui compare un ministre à un singe, vous auriez réagi comment, en tant que leader du parti?
Merci
Je mets ici un commentaire que l'on m'a envoyé par le formulaire de contact :
De ALEX
"Bonjour monsieur Musset,
Je voulais réagir à votre article sur le FN, mais je n'ai pas pu me connecter comme le formulaire le demandait. Aussi je vous envoie mon commentaire par ce moyen.
"Je suis du même avis que Fabrice Epelboin et Un partageux. Cet électorat qui envisage de voter FN pour détruire un système pourri jusqu'à l'os n'est pas à négliger parce qu'il dépasse largement la jeunesse, comme je l'entends chaque jour autour de moi. Le vote FN n'est plus un vote tabou, et ça prouve clairement que le problème est très grave. Nos hommes politiques, de quelque bord qu'ils soient, ne savent plus mener la France et ne travaillent plus pour un peuple qu'ils doivent, de par leurs fonctions, servir (et non passer leur temps à se servir ou à baisser leur froc dans le plus total irrespect des valeurs de notre pays !). Tout ceci est insupportable, et en effet, il faut que ça cesse. Et que fait-on quand la coupe est pleine ? On se révolte.
Je ne sais pas jusqu'à quel âge on fait partie d'un électorat "jeune", mais je dois encore en être, du coup."
Je termine mon message par une question :
Quelle autre alternative avons-nous pour nous faire entendre quand les seules décisions qui sont prises le sont par intérêt, mues par un seul facteur : l'argent et les intérêts financiers ? Le facteur humain est méprisé, écrasé, piétiné. De qui se moque-t-on ?
Je ne parle même pas des médias et de la télé en particulier, qui sont exécrables de médiocrité.
Bon week-end.
Cordialement,
Alex, un trentenaire qui en a gros."
Le connerie n'est pas le monople du FN.
C'est le rôle d'un parti politique que de récupérer la bétise des gens.
Les gens "de gauche" en tiennent aussi une sacrée couche : aucune culture économique, idéalisme qui vire à la psychose qui vire a l'hystérie a la moindre contradiction.
Quand l'individualisme, le seul parti a ne pas l'être, c'est le FN, puisque c'est le seul parti socialiste au sens premier du terme. Les autres sont soit libéraux, soit libertaire, mais individualistes. D'ou les épisodes Leonarda.
Je défends le FN pour ré-équilibrer les propos, car selon moi les vrais critiques à faire sont sur d'autres plans :
* pas de vrai programme économique
* amateurisme, jamais été au pouvoir
* programme rétrograde
* s'ils passent c'est la guerre civile
* etc...
Ceci dit, sur l'immigration, les chiffres leur donnent raison : un immigré coûte plus a l'état qu'il ne rapporte (chiffre OCDE) contrairement a ce que l'étude truquée de Lille dit (celle qui est systématiquement citée par les gauchistes).
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