6 avril 2011

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Image et communication politique : le cas NDA

Petite baisse de rythme dans le bloguage, mais l'activité littéraire ne nourrit pas son homme et l'actualité politique me démoralisant un peu ces temps-ci, j'opte aux temps libres pour la lecture d'un  Philip K.Dick sous les cieux apaisés d'un printemps bourgeonnant. 

Néanmoins, à l'heure où le monde est dévasté par les guerres et les intempéries et que le pays sombre dans la désespérance, il me semble important d'aborder des sujets essentiels comme, par exemple, celui des deux derniers clips de Nicolas Dupont-Aignan pour la promo de son livre "L'arnaque du siècle". Épineux problème ravivé par le survol avant-hier soir d'un débat chez Taddéi sur la communication des politiques. Le boss de DLR (Debout La République), candidat à la présidence pour 2012, et le réalisateur Djamel Bensalah (réalisateur, puis producteur du presque John Hughesque, "Neuilly sa mère") y eurent un différend dont tu comprendras, venant de l'image et m’intéressant à la politique, qu'il me parle.

Pièce à conviction numéro 1 "au supermarché" :

Deux thèses s’affrontent autour des clips en question :

Bensalah affirme que la nullité technique et la pauvreté narrative des deux films nuisent au message promotionnel. NDA lui rétorque que les gens s'en moquent et que seules les idées comptent (et que le bidule lui permet d'être invité chez Taddéi alors fuck off). L'un et l'autre campant sur leur position, l'animosité monte progressivement sur le plateau. 

Les clips sont d'abord ratés car ils jouent dans la mauvaise catégorie. Avec une image HD légèrement post-produite et quelques notes introductives au piano, d’entrée de jeu, ils indiquent au spectateur qu’il va évoluer dans un registre publicitaire haut de gamme type Nespresso.  Même sur le net, avec de tels codes d'intro, le spectateur, dont l’œil s’est aiguisé avec une amélioration généralisée des critères de production et de diffusion depuis dix ans, s’attend donc plus ou moins consciemment à une exécution technique irréprochable (le spot publicitaire étant de loin le domaine audiovisuel le plus soigné où la minute de tournage est la plus chère) et une chute un peu moins pourrie

C'est encore plus parlant avec le deuxième nespresso like tournant encore plus vite au nanar  :


Mauvaise interprétation et réalisation désolante avec erreurs d’axe de débutant et cadres foireux. On me dira, et c’est en gros ce que NDA répond à Bensalah : « oui t’es professionnel, t’as l’œil pour tout ça... ».  Pas besoin d'avoir fait l'académie de l'image : chacun, avec 2 heures de TF1 par jour, peu importe sa couche sociale et sa culture, voit que c'est nase.

Si la qualité d’exécution n’égale pas le minimum conventionnel du standing visuel auquel on prétend, que l’idée est somme toute moyenne et clairement pas assez "second degré" pour créer un décalage payant, le résultat est contre-productif, au mieux générera du LoL (ce qui n'est même pas le cas ici). Le film distillera surtout une impression d’amateurisme préjudiciable à terme au produit ou à l'idée défendue.  

En clair, si t'as pas de quoi payer l'essence, roule pas en Ferrari et concentre plutôt tes efforts à ringardiser ceux qui roulent en Ferrari

Un peu bousculé par les propos de Bensalah, d'autant que Dupont-Aignan (par ailleurs très présent sur le net) a bien conscience de la médiocrité des clips, il se cramponne à son message : la fin de l'euro et le scandale bancaire et répète que les images ne sont pas importantes, que les gens sont fatigués de la forme. Ce qui en matière promotionnelle est périlleux, le spot constituant 100% du matériel à partir duquel se forme le jugement de l'individu  ne connaissant ni le personnage, ni le livre (et il y en a si, si)

Tandis que Bensalah s’énerve, parce que merde c’est son métier qui est piétiné, NDA, agacé, en reste à sa thèse : l'image c'est chiant, les gens en ont marre (euh, avec 4 heures quotidiennes de télé par français, j'ai des doutes). Finalement, Bensalah qui, pas manchot derrière la caméra mais un poil arrogant dans la communication des idées, se discrédite à son tour.[1]

A la fin de l’émission, malgré sa pub ratée, le politique plus pondéré dans la la diatribe remporte la confrontation. Sur le fond, il a tort mais laisse une bonne impression confirmant in extremis une règle du marketing politique : peu importe le message seul compte l'emballage.

* * *

[1] Tout sera relativisé par la diffusion d’autres clips politiques encore plus mauvais : le film collector des vœux d’Hervé Morin dans sa cuisine (un modèle de tête-à-queue formel mixant fausse décontraction, médiocrité technique et langue de bois) et un long spot de nouvel an, médiocre où le pronostic mental est engagé, tourné au camescope par le ministre de la culture belge.

9 comments:

Cui cui fit l'oiseau a dit…

Pourquoi le nier Bensalah, avec son arrogance et son expertise m'a tapé sur les nerfs.

Connaissant un peu le milieu de la pub où chacun se prend pour le cousin germain du roi d'Angleterre. Où la suffisance côtoie la bouffissure.
Où chaque spot est considérée comme une œuvre de maître. Je préfère m'abstenir de trop commenter.

D'autant que les annonceurs ont souvent des doutes sur l'efficacité de ces pseudos créatifs de génie.

Malgré son discours ringard, NDA, a remporté le match devant un Bensalah trop sûr de lui et de sa science.

Seb, j'ai toujours eu des doutes sur l'efficacité réelle des spots publicitaires adaptés à la politique malgré le recours à toutes les techniques possibles...

Seb Musset a dit…

@cuicui > assez d'accord. Si le cas NDA (même si son film est axé sur le bouquin) peut nous préserver des films du même calibre d'ici 2012, ce sera déjà ça.

Zcomme a dit…

Il est vrai que la production "Dogma" de la Ministre belge de la culture, Fadila Laanan, les met tous minable artistiquement parlant...

laetSgo a dit…

j'ai pas vu l'émission donc je ne me prononce pas.
Par contre, tu lis quel K. Dick ? ça, c'est nettement plus intéressant ;-)

Pullo a dit…

En effet la pub n'était pas la meilleure forme pour faire passer son message. A mon avis, NDA aurait dû carrément faire de son livre un documentaire et le diffuser sur le Net. Avec le buzz, il aurait fait connaître ses idées de manière beaucoup plus efficace. Il n'y a qu'à voir le succès de Zeitgeist ou de L'Argent-dette.

D'ailleurs, il n'aurait pas été le premier politique à faire un docu. Dans les années 70, dans l'émission "A armes égales", les intervenants (politiques, syndicalistes, intellectuels) pouvaient diffuser un petit film juste avant le débat. Et c'est d'ailleurs la censure en 1971 d'un film de Maurice Clavel qui est à l'origine du coup de gueule de ce dernier ("Messieurs les censeurs, bonsoir !"). On avait censuré un mot ("aversion") qui critiquait les sentiments de Pompidou à l'égard de la Résistance. L'un des présentateurs de l'émission était Alain Duhamel...

claribelle a dit…

C'est vrai que les films sont nuls (surtout le 2ème... parce que j'aime bien finalement le T-shirt de la caissière dans le 1er) mais le premier résultat est qu'on en parle à la télé alors que le format était prévu pour le net: le petit journal" met en boîte NDA mais "ce soir ou jamais" lui donne la parole. Donc c'est finalement positif puisque NDA peut parler de son livre et de son contenu !

Seb Musset a dit…

@claribelle > Effectivement, en politique un bad buzz reste un buzz quand même (il n y a qu'à voir la stratégie des lapsus des seconds couteaux UMP).
Ce qui est important c'est que l'on fasse parler du produit, ça permet de passer la deuxième couche comme chez Taddei. En revanche, reste le problème de l'internaute qui ne voit que le film... et là...

Thorkhas a dit…

@Pullo : j'ai regardé uniquement la partie 1 de zeitgeist.

C'est affligeant. La partie 1, c'est dire Jésus = Horus, avec une méconnaissance incroyable de la mythologie. D'où est-ce qu'Horus est né le 25 décembre? Horus est né d'isis et d'orisis, d'où est-ce qu'il est né d'une vierge ... ????
D'où est-ce qu'il est qualifié d' "agneau de dieu" dans la mythologie égyptienne, dans lequel le concept ne peut par essence pas exister ?????

Enfin bref, j'ai vu des références à Zeitgeist de partout, mais franchement, un vrai tissu de conneries !

Un magnifique exemple de la NON qualité qu'on peut rencontrer sur Internet.

Mat a dit…

La réalité, c'est ce qui continue d'exister lorsque l'on cesse d'y croire...
Philip K. Dick

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